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Patrick Topaloff

(1ère publication de cette bio : 2006)

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Etrange destinée que celle de Patrick Topaloff. Arrivé un peu par hasard sur le devant de la scène comique dans les années 70, ce grand gaillard dégingandé à l’air ahuri va passer du jour au lendemain de la griserie des succès faciles aux affres de la ruine financière et professionnelle. Pourtant, devenu malgré lui le symbole de l’amuseur ringard pour foire à la saucisse, Patrick Topaloff n’avait jamais cherché à être autre chose qu’un bon copain déconneur adepte du calembour et du déguisement. Comédien occasionnel, il fait partie de cette joyeuse bande de rigolos qui, dans les années 70, nous livrèrent sous la bannière de Philippe Clair, Richard Balducci ou Guy Lux quelques-uns des nanars franchouillards les plus authentiquement frappés de cette époque.



En duo avec Sheila dans une émission à la Maritie et Gilbert Carpentier. C'était autre chose que la Star'ac, ça madame !



Patrick Topaloff est né en 1944 à Paris d’une mère corse et d’un père géorgien, ce qui fera de lui, selon ses dires, « un délicat entremets franco-russe ». Il fait d’assez bonnes études puisqu’il est licencié d’histoire mais ne se sent pas de continuer dans cette voie. Profitant d’auditions sur RMC, il entame une carrière sur cette antenne en 1966 (en même temps que Jean-Pierre Foucault), puis à Europe 1 où il se fait rapidement remarquer à la fois comme un boute en train dévastateur mais aussi comme un disc jockey pointu. Ses différentes émissions rencontrent un véritable succès, notamment auprès des enfants qui reprennent à l’école ses « calembourdingues » : « Service de nuit », « Tais-toi, tais-toi tu m'affoles », « Topaloff en liberté » ou « A la soupe, à la soupe ! »





Il devient, tout comme Maurice Biraud, un comique de radio très apprécié. Il fait d’ailleurs par deux fois des caméos dans de petits films de potes où il joue comme il se doit son propre rôle d’animateur. Ainsi dans les « Poneyttes » (où débute par ailleurs Corinne Clery) qui réunit toute la crème des yé yé de l’époque, ou « Erotissimo » où il apparaît en speaker radio aux côtés de Fabrice.



A cette époque, la radio est un excellent tremplin pour intégrer d’autres milieux artistiques. Il est ainsi remarqué par Claude François qui apprécie son oreille musicale en tant que programmateur radio, et travaille quelques temps à ses côtés avant d’envisager la chanson. Son physique de grand dadais lunaire et sa jovialité le pousse vers la gaudriole rigolarde pour fin de banquet. Il sort son premier disque sous l’égide de Cloclo sur son label « Flèche » : « Qu’y m’enerv’ » (Face B : « Hou là là ! », ça, on savait y faire dans la chanson à texte, à l’époque). Le succès est au rendez-vous mais c’est surtout son deuxième 45 tours, « J'ai bien mangé, j'ai bien bu » cosigné par Claude François lui-même, qui devient disque d’or et qui lance de manière fulgurante la carrière de Patrick. Désormais Topaloff tourne en première partie de Claude et devient une vraie star.



Le cinéma est une activité très secondaire pour Topaloff, qui est d’abord un comique de radio et un chanteur qui multiplie les succès populaires et légers. Il apparaît aussi à la télé dans des téléfilms, généralement dans des rôles secondaires, plus pour le plaisir qu’autre chose. Son truc étant plutôt les jeux télés dont il devient un sociétaire récurrent très apprécié, notamment aux « Jeux de Vingt Heures » ou à « l’Académie des Neuf ».







Sous l'emprise de Philippe Clair, dit l'ecstasy humain !



Topaloff tourne donc peu, ne faisant souvent qu’une apparition clin d’œil comme dans « Trop c’est trop » de Didier Kaminka où Les Charlots passent aussi faire un petit coucou. Mais quand il a un vrai rôle, quel film !



C’est Philippe Clair qui, toujours malin, sait reconnaître le bon client pour ses pantalonnades hallucinées. En 73, dans « La Brigade en Folie », il joue les mafiosi débiles et tente de suivre l’abattage proprement dément de son parrain incarné par un Philippe Clair au top de son cabotinage. Puis l’année suivante, il rempile pour « Le Führer en Folie », toujours signé Philippe Clair où, aux côtés de Luis Rego et de Maurice Risch, il représente fièrement la France face à un Henri Tisot dantesque en Hitler d’opérette.





Toujours en folie, c’est cette fois-ci l’hallucinant « Le Plumard en Folie » (alias « Les Farfelous »), film à sketchs franco-québécois où il apparaît en monsieur loyal, faisant la liaison entre des scénettes érotico-comiques où se commettent Jean Lefebvre, Alice Sapritch, Paul Préboist, Michel Galabru ou Henri Tisot. Il ne faudrait pas oublier « Drôles de Zèbres », tourné par un Guy Lux sous acide, où il est le chauffeur-âme damnée de Sim déguisé en baronne (avec l’apparition de son ami Claude François). On pourrait encore citer le méconnu mais prometteur « Par ici la monnaie » alias « Les Démerdards » de Richard Balducci, où il interprète Wolfgang Amadeus Bozart, escroc minable spécialisé dans l’enlèvement des chienchiens à leur mémére, aux côtés de complices incarnés par Henri Guybet et Michel Galabru.



Le Plumard ? Un faux lit... et la jaquette de « Par ici la monnaie ».



Topaloff n’a jamais vraiment le premier rôle dans ces films « de bande » qui réunissent la fine fleur du comique made in France. De toute façon, ces films rapportent et Patrick mène grand train, roule en grosse voiture et, dans les galas, aligne les succès faciles : « Ali Be Good » où, grimé en Ali Presley, il massacre Chuck Berry ! (de nos jours ils se mangerait un procès du MRAP !). Ou encore ces chansons aux titres évocateurs : « Quand ça va pas, faut faire aller », « Tout doucement le matin et pas trop vite le soir », « Docteur aïe aïe », « Topaloff à la coque »…



En 78, il remporte son plus gros succès. Alors que « Grease » triomphe au cinéma. il transforme l’air principal en « Où est ma chemise grise » aux côtés de Sim en Olivia Newton-John. Une pochade qui se vend quand même à 1,6 millions d’exemplaires !



La chute va être d’autant plus brutale qu’elle cueille Patrick à froid. Celui-ci ne fait pas particulièrement attention à l’argent alors que ses disques connaissent un peu moins de succès. Mais c’est sa vie privée qui va lui apporter les pires difficultés. En effet, il a épousé sa productrice et se repose totalement sur elle pour la gestion financière de sa carrière. Il semblerait que les relations entre les époux s’enveniment. En 84, celle-ci obtient le divorce à ses torts exclusifs et surtout une énorme pension alimentaire calculée à partir des revenus de Patrick alors qu’il est en plein succès. Celui-ci, qui n’a pas prévu un tel coup, n’a jamais pensé à faire d’économies et il se retrouve à la fois sans le sou (d’autant qu’il doit payer un redressement fiscal) et seul pour gérer sa carrière, chose qu’il n’a jamais faite. Rapidement débordé, il sort la chanson autobiographique « J'ai plus d'sous » qui illustre bien ses problèmes financiers.

Il tente d’évoluer avec quelques chansons plus sérieuses mais qui ne rencontrent pas le succès escompté, comme « Il est venu pour les vacances » où il évoque la séparation d’avec son fils. Il sort aussi un duo avec Charlotte Jullian, « Va te faire cuire un œuf », et des versions chantées des fables de la Fontaine sans renouer avec le succès d’antan. Parallèlement, les émissions et jeux dont il est un des piliers et qui lui assurent désormais l’essentiel de ses revenus s’arrêtent.



A partir des années 90, il court le cacheton dans des inaugurations de magasins ou dans des foires aux produits régionaux. Financièrement aux abois, il en est réduit à demander des participations aux galas de chanteurs amis sans que son nom ne soit indiqué au programme, de peur de voir ses cachets immédiatement confisqués pour le remboursement de ses dettes. Ces années sont terribles pour l’amuseur qui vivote comme un quasi SDF. Il lui arrive fréquemment de coucher dans les gares parisiennes. Cela ne suffit pas pour lui éviter les ennuis avec le fisc et la justice pour non payement de pension alimentaire. Il est condamné à un an de prison ferme en 95 (il ne s’est même pas présenté au procès) et part pour Fleury-Mérogis.



Paradoxalement, c’est en touchant le fond qu’il peut commencer à se reconstruire. Notamment auprès de son avocate, qui devient sa nouvelle compagne et qui lui redonne la force de se battre. A sa sortie, après avoir effectué quatre mois de prison, Patrick redémarre au théâtre dans « Chérie Noire » avec Isabelle de Botton, qui est un succès. On le retrouvera encore dernièrement aux côtés de Katia Tchenko dans « Association de Bienfaiteurs » de Luq Hamet.



Désormais relancé, il écrit ses mémoires, « Les Pleurs du Rire », où il règle ses comptes avec son passé et sait profiter au second degré de son image un peu kitsch d’amuseur en devenant le président d’honneur de nos excellents confrères de Bide et Musique. En effet, il est un des rares à avoir su tirer partie de la vague revival kitsch et second degré d’Internet (dont Nanarland fait partie, avouons-le) pour refaire parler de lui. Contacté par TF1 pour participer à une émission de télé-réalité mettant en scène d'anciennes vedettes du show-biz un peu oubliées aujourd'hui, Topaloff se voit contraint de décliner l'invitation, et fera donc son grand retour grâce à la scène plutôt que grâce aux émissions de trash-TV. Ce qui ne l’empêche pas non plus de se faire élire représentant dans le collège « artiste de variété » à l’ADAMI (Société Civile pour l'Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes). Bernard Ménez étant élu, lui, sur la liste des « auteurs dramatiques ».



Patrick reprend le chemin des podiums et profite de sa notoriété retrouvée. Une compilation de ses succès, une version remix de « J'ai bien mangé, j'ai bien bu » avec un certain DJ Mooguy, la commercialisation d’un cru de champagne « Baron Topaloff » , un nouveau spectacle où il reprend ses grands succès en compagnie de l’humoriste Bejo, « Les plus pitres de la nation » et enfin une participation à la tournée « âge tendre et tête de bois ».

Le site du spectacle avec Bejo (ne pas manquer les extraits du spectacle en audio !)

Le site de son producteur



Hélas le 07 mars 2010, nous apprenons sa mort. Alors que la veille il était encore sur scène, ila été terrassé par une crise cardiaque, ironiquement après un dernier bon repas... A coup sûr le petit Jésus l'enverra rejoindre son vieux complice Sim, décédé six mois plus tôt pour continuer à faire les pitres au paradis des bons copains.

Sources :

jeuxde20h.free.fr : un site extrêmement documenté dédié à l’émission les jeux de 20 heures

bide-et-musique.com, tout simplement incontournable

(Merci à Zord pour certaines infos)
- Rico -

Films chroniqués

Filmographie

Les Poneyttes (1967)

Erotissimo (1968)

La Brigade en folie (1973)

La Tontaine (TV) (1973)

La Vie rêvée de Vincent Scotto (TV)(1973)

Le Plumard en folie (1974)

Le Führer en folie (1974)

Par ici la monnaie (1974)

Trop c'est trop (1975)

Drôles de zèbres (1977)

Rue des Vertus (TV) (2005)