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Drôles de Zèbres

(1ère publication de cette chronique : 2005)
Drôles de Zèbres

Titre original : Drôles de Zèbres

Titre(s) alternatif(s) :Drôle de Zèbre, Comment gagner un milliard sans se fatiguer

Réalisateur(s) :Guy Lux

Année : 1977

Nationalité : France

Durée : 1h32

Genre : Equitation sous psychotropes

Acteurs principaux :Alice Sapritch, Katia Tchenko, Patrick Topaloff, Coluche, Patrick Préjean, Jean-Paul Tribout, Sim, Annie Cordy, Michel Leeb, Corinne Le Poulain, Jacques Legras, Léon Zitrone

Nikita
NOTE
3.5/ 5

A ceux qui veulent se rassurer en vérifiant que n'importe qui est capable de tourner un film, on conseillera de vérifier une liste des long-métrages tournés par les cinéastes les plus improbables : Jacques Martin (« Na ! »), Jean-Marie Bigard (« L'Ame sœur »), Marguerite Duras (l'intégralité de sa filmographie) et… Guy Lux avec « Drôles de zèbres ». Autant de réalisateurs à qui leur notoriété et / ou de bonnes connexions dans le show-biz permirent de tenter leur chance.


Dans quelques années, les plus jeunes ne se souviendront peut-être plus de la gloire universelle qui fut celle de Guy Lux, à l'échelle de la télévision française. Méga-star de l'animation télé, turfiste légendaire, Guy Lux mettait ici à profit sa renommée et son sens de l'humour pour nous offrir une comédie délirante au casting exceptionnel, destinée à révolutionner la rigolade à la française ! Enfin… révolutionner, peut-être, mais pas dans le sens escompté. Car le résultat final est une espèce de bérézina du comique, une enfilade de gags tellement ratés que ça en donne le vertige. Ou plutôt, si, c'est drôle : suivant l'étrange phénomène constaté avec certains films d'exception comme « Le Führer en Folie », l'inanité même de « Drôles de zèbres » finit par en constituer l'essence même de sa qualité. Aucun gag de ce film ne fonctionne au premier degré, mais l'accumulation de n'importe quoi finit par créer une sorte de vertige qui emporte le spectateur bien disposé dans une sorte de ravissement béat. C'est du beau, c'est du bon, c'est du Guy Lux.




Encore un tuyau crevé: jouez "Nanar du Gazeau" dans la troisième.


Le film semble d'ailleurs avoir été une œuvre très personnelle, puisque les courses de chevaux – le dada de Guy Lux – y tiennent un rôle important. Les deux héros, interprétés par Patrick Préjean et Jean-Paul Tribout, sont deux chômeurs calamiteux qui viennent de perdre leur chemise en misant aux courses. Ils décident de se refaire en cherchant du travail, et son embauchés par Napoléon Simfrid (Sim), empereur de la diététique, qui souhaite racheter un grand hôtel à bas prix.


Sim, le génie du mal, et son assistante Alice Sapritch.



Le super-ordinateur grâce auquel Sim met au point ses plans diaboliques.


Pour ce faire, les deux zouaves devront tout mettre en œuvre pour faire fuir les clients de l'hôtel. Mais nos héros ne tardent pas à découvrir que le directeur de l'hôtel (Jacques Legras), lui-même passionné de courses de chevaux, a mis au point une formule inédite pour booster les performances des équidés et ramasser le pactole aux courses…






La formule miracle est notamment à base de cellules de zèbre !





Seule faute de goût, il manque l'indispensable oscilloscope au laboratoire du savant fou.


La logique qui sous-tend « Drôles de zèbres », c'est l'accumulation : un empilement de gags sans queues ni tête et d'apparitions de vedettes venues rendre visite à Guy Lux sur le tournage et qui en ont profité pour faire coucou à la caméra. L'équipe semble avoir estimé que, quitte à faire rire, il valait mieux faire n'importe quoi et jouer la surenchère dans l'incongruité : tout le film est rempli d'apparitions complètements dénuées de sens, de personnages qui vont et viennent dans le décor sans avoir aucune utilité.




Les amoureux de Peynet.



Tiens, il y a un Gaulois sur le banc ?


Les amoureux de Peynet, Charlie Chaplin, Adolf Hitler, un cardinal, un Gaulois, Polichinelle… les voix de Titi et Gros Minet, un singe qui parle sans qu'aucune explication ne nous soit donnée, des chiens qui parlent anglais (idem), des gendarmes qui dansent, des serveurs de restaurant acrobates… On pourrait faire apparaître un éléphant, des martiens, Mickey Mouse, Tintin, Barbe-bleue et le manège enchanté, ça n'étonnerait pas plus que ça. Pour savoir en quoi ces apparitions sont drôles au premier degré, il faudrait invoquer l'esprit de Guy Lux pour lui en soutirer le secret, ce dont je ne me sens pas capable.






J'espère au moins qu'ils se sont bien marré en le tournant...


Pour résumer un scénario plus que nébuleux et désordonné, les deux héros vont décider d'aider le directeur de l'hôtel à gagner sa course plutôt que d'exécuter les plans de Sim, lequel va venir lui-même essayer de mettre la panique dans l'hôtel, tandis que l'Emir du Chokoweït, accompagné de son harem (Aïcha la reine du couscous, Naïma la reine des boulettes, etc.) est pourchassé par un terroriste arabe qui tente de le tuer à coups de cimeterre en carton, que Coluche salope les cuisines, que Michel Leeb repousse les avances d'une cliente et d'un client et que Claude François donne un concert dans la salle de spectacle de l'hôtel. Tout ça plus ou moins en même temps.


Un Arabe tente de tuer l'Emir du Chokoweït…



…que voici…



…avec Zoubida, la reine du Loukoum (et Mario David en sbire).


Je ne sais pas ce que Guy Lux fumait, mais ça devait être de la bonne. Son film nous offre à un rythme d'enfer une sorte de comique de l'absurde digne d'un Jacques Tati sous acide, mêlé à une parodie grotesque rappelant vaguement l'humour des Marx Brothers et même, avant la lettre, les films des ZAZ. Les Marx sont a priori la référence la plus pertinente pour tenter de définir cet objet unique, qui semble issu de l'esprit d'un cinéaste amateur qui aurait tenté de reproduire l'esprit des Brothers sans en avoir le quart du début du talent ni la moindre idée directrice. On y ajoutera un humour voisin de celui de Philippe Clair (période « La Brigade en Folie »), mais avec moins de vulgarités.






Fais tourner le oinj Guy !!


Le tout donne un film tellement stupide qu'il laisse littéralement sans voix et agresse l'intelligence à chaque instant, sans pourtant ennuyer ni insupporter, pour peu qu'on soit bien disposé : à force d'entasser absolument n'importe quoi devant sa caméra, Guy Lux empile pêle-mêle des gags consternants et d'autres plus inventifs sur le papier, dans une sorte de tourbillon inepte. Un certain nombre de scènes semblent conçues comme des mini-sketchs, greffés sur le film et sans aucun rapport avec le récit. Dans la même logique du « on fait n'importe quoi, de toutes façons ce sera drôle », les acteurs cabotinent tous comme des psychopathes, semblant se livrer à un concours pour voir qui en rajoutera le plus.


Une des grandes forces du film est son casting, que Guy Lux semble avoir constitué en rameutant toutes ses connaissances du ban et de l'arrière-ban du show-biz. On compte ainsi :
Alice Sapritch dans le rôle de l'âme damnée de Sim...


…et Patrick Topaloff dans celui de son sbire.


Coluche dans le rôle d'un chef cuisinier qui mange tous les plats et ne laisse rien pour les clients.


Michel Leeb dans le rôle d'un laveur de carreaux.






…qui doit subir les avances de Katia Tchenko…


« Ben quoi, vous n'avez jamais vu un laveur de carreaux ? »


….et celles d'un client homosexuel joué par Max Montavon (spécialiste de ce genre de rôles).


On notera également les participations d'Annie Cordy…


…de Claude François dans son propre rôle…




L'Emir du Chokoweït, appréciant les charmes des Clodettes.


…de Raymond Bussières et Annette Poivre, couple de comiques vedettes des années 1950 (qui ne font ici strictement rien)…


…et d'André Pousse (célèbre second couteau du polar français) dans le rôle d'un turfiste aux tuyaux crevés.


La vedette étant ici volée par Sim, qui se taille la part du lion en multipliant les travestissements, reprenant notamment le personnage de la Baronne de la Tronchembiais, qu'il interpréta de nombreuses fois au cabaret. Complètement déchaîné dans son rôle de méchant machiavélique grotesque tout droit sorti de « Satanas et Diabolo », Sim bouffe littéralement l'écran, se permettant au passage de jouer les Tarzan dans une scène où son personnage pète les plombs après s'être fait injecter le sérum dopant par le chimpanzé parlant.




Tiens, le Gaulois est de retour ?!







L'acteur le plus sobre du film.







Le terrible trio de méchants. On tremble !


Après un enchaînement de retournements de situation pataphysiques et de poursuites échevelées dont Benny Hill aurait eu honte, l'action ô combien désordonnée du film trouve sa conclusion logique (?) dans une course de chevaux qui restera dans les annales du n'importe quoi et à laquelle Léon Zitrone s'efforce de donner une cohérence par un commentaire tout simplement magistral.






La confusion générale du film, qui enchaîne à un rythme frénétique des épisodes plus débiles les uns que les autres, est encore renforcée par une mise en scène tellement brouillonne qu'on a parfois du mal à comprendre ce qui se passe. Mais y a-t-il vraiment quelque chose à comprendre ??? Pas vraiment, si ce n'est que Guy Lux, sans être vraiment fait pour le métier de cinéaste, aura eu bien raison de tenter sa chance derrière la caméra : « Drôles de zèbres » est l'un des objets non identifiés les plus magnifiquement débiles de toute l'histoire du cinéma français. Idiotie assumée que celle de ce film qui révolutionne sans en avoir l'air le comique ringard français en y ajoutant une grosse louche d'absurde anglo-saxon délicieusement mal maîtrisé.


Tel Hitchcock, Guy Lux s'offre sa petite apparition surprise.


Mauvais de bout en bout, le film de Guy Lux n'en distille pas moins une folie contagieuse, et finit par emporter l'adhésion par sa pure démence : plus drôle que certains pastiches surestimés, « Drôles de zèbres » est un pur nanar comique pouvant faire au spectateur réceptif l'effet d'une décharge électrique. Un film oublié à redécouvrir d'urgence !
On peut regretter en tout cas que le plus beau projet des 70's n'ait, hélas, jamais abouti faute d'accord entre producteurs : « Les Charlots dans l'espace » scénarisé et réalisé par Guy Lux ! La rencontre de tels génies de l'humour aurait sans doute produit le film comique ultime.

- Nikita -
Moyenne : 3.38 / 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
MrKlaus
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3.5/ 5
Kobal
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3/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Aussi étonnant que cela puisse sembler, "Les films du collectionneur" ont réédité ce film en DVD pour les maisons de la presse. A presque 10 euros, ça peut paraître un peu cher mais en même temps on a vu passer des enchères à 50 euros sur ebay pour ce DVD... Dites-vous que si vous en achetez 100 d'un coup, vous faîtes un placement. Un peu comme une collection de pin's, ça ne peut pas perdre de sa valeur.


Surveillez les promos sur Amazon...


On l'a même vu ressortir peu de temps après la mort de Sim dans un coffret comprenant "Sacrés Gendarmes" et "Touch' pas à mon biniou". Euh, c'est un hommage ou un enterrement de première classe ?


Pourtant au départ, on pensait qu'il n'existait qu'une seule édition VHS connue pour ce film, celle de "MPM Production", qui rebaptisait le film « Drôle de zèbre », au singulier, et mettait l'accent sur la participation de Coluche. Ooooh, les malhonnêtes !


C'était avant qu'on ne découvre l'existence de cette version de chez "Cocktail Vidéo" qui semble bien présenter notre film sous le titre "Comment gagner un milliard sans se fatiguer". Là encore, c'est Coluche qui est mis en avant, aux côtés de Sim.


Et puis on a également porté à notre connaissance l'existence d'une version chez "VIP", en fait la toute première édition vidéo du film (copyright 1979), autant dire que celle là est raris(sim)e.


Le film est par contre régulièrement diffusé sur les chaînes câblées, notamment « Equidia ».
Merci à ROTOR, pour m'avoir refilé ce film dont j'ignorais tout, et avoir retrouvé la version "VIP" antédiluvienne.

Bonus

Jean-Pierre Desagnat, réalisateur de "Pas de roses pour OSS 117", "Flics de choc" ou encore "Les Charlots contre Dracula", occupa le poste de conseiller technique sur "Drôles de zèbres". Il nous raconte, le sourire en coin, ses souvenirs du tournage.

Vous étiez conseiller technique sur ce film. Concrètement, en quoi cela consistait-il ?

J'avais déjà été conseiller technique sur des films comme "La Situation est grave mais pas désespérée" (1976), "Arrête Ton Char Bidasse" (1977), c'est un poste où, en gros, on fait un peu tout, on fait de la production, on joue le rôle d'assistant, etc. Sur "Drôles de zèbres", je fus d'autant plus mis à contribution que Guy ne connaissait rien au cinéma. Du coup c'est moi qui m'occupait du découpage technique, du placement de la caméra, et lui après il se débrouillait comme il voulait avec les comédiens. Assez mal à mon avis, d'ailleurs, mais ça je me gardais bien de le lui dire.

Ce film est le seul que Guy Lux ait réalisé. Sachant que ses ambitions artistiques en tant que cinéaste semblaient à peu près nulles, qu'est-ce qui l'a poussé à mettre en scène ce "Drôles de zèbres" ?

Il avait envie de tourner un film, ça ne va pas chercher plus loin.


"Drôles de zèbres" a un côté complètement azimuté, si bien qu'il donne l'impression que tout le monde s'amusait un peu à faire ce qu'il voulait sur le plateau. Laissiez-vous la part belle à l'improvisation ?

Non non, tout était écrit. Il y avait juste quelques trucs plus ou moins improvisés, de-ci de-là, avec Coluche notamment, Sim aussi... d'ailleurs j'ai doublé Sim à un moment, avec la robe et les hauts talons, parce que Sim ne savait pas courir.


Mine de rien, "Drôles de zèbres" réunit un paquet de vedettes ou semi-vedettes de l'époque. On devine que Guy Lux n'a eu qu'à piocher dans son carnet d'adresses et faire marcher ses connections dans le show biz...

Oh oui, pour lui c'était pas compliqué. On a même eu Claude François avec ses claudettes, parce qu'il venait chanter à Evian, où on tournait. Au départ, Guy, qui claquait une grosse partie de son fric au jeu, avait demandé au directeur du casino d'Evian de lui prêter le Grand Hôtel de la ville pour y installer son équipe. Le type a accepté mais en lui laissant les locaux vides, sans personnel ni aucun service. On était donc là-bas en plein hiver, sans chauffage ni eau chaude, et on a transformé l'hôtel en studio.

Guy Lux avait la réputation d'être assez tyrannique sur ses émissions de télé : comment était-il sur le tournage ?

Sur "Drôles de zèbres", c'était très relax. Pour avoir bossé avec lui sur des émissions à Londres et à Madrid, je savais effectivement à quel point il pouvait se montrer dur et capricieux. Une des grandes qualités de Guy, c'était d'arriver à obtenir ce qu'il voulait. Il y arrivait presque toujours, mais quand il n'y arrivait pas c'était l'enfer. Sur le plateau de "Drôles de zèbres" ça c'est très bien passé parce qu'il n'y avait aucune pression. Le producteur avait peu d'argent, il n'a même pas pu faire de promo, du coup je crois que Guy se fichait un peu du résultat.

Pour finir, auriez-vous quelques anecdotes de tournage à nous narrer ?

Là comme ça, j'ai d'abord une pensée pour le zèbre du film - en fait un cheval badigeonné de peinture. Je me souviens que quand Guy nous a demandé de transformer ce cheval en zèbre, l'accessoiriste et moi on s'est demandés comment on allait faire pour les moustaches. Au final, on est juste allés acheter un balai dont on a collé les poils sur le mufle de l'animal ! Pauvre bête... On est allés jusqu'à la faire monter sur le toit de l'hôtel pour les besoins d'une scène, et on a finalement causé sa perte un peu plus tard, du côté de Saint-Germain. Le terrain où on tournait ce jour-là était mouillé, le cheval a glissé et s'est fait percuter par la voiture qui le précédait. On a été obligés de l'abattre.


A part ça, je me souviens que Michel Leeb aimait bien les dames, et n'était pas peu fier de son succès auprès d'elles. Il changeait de claudette tous les jours, vu que Claude François, en tournée dans la région, était resté à l'hôtel pour 5, 6 jours avec sa troupe.

Sim et Alice Sapritch étaient amis, ils s'entendaient très bien, si bien que les scènes qu'ils tournaient ensemble fonctionnaient à merveille. Je me souviens notamment que la scène où il la masse est allée assez loin...


Katia Tchenko, elle, était toujours charmante, quelqu'un d'adorable qui n'arrêtait pas de se mettre à poil en disant "vous voyez, je suis une vraie blonde !".


Par contre, avec Coluche, ç'a été difficile. C'était le Coluche des tournées, pas encore le Coluche du cinéma, mais c'était déjà une grosse vedette, et pas du genre très sympa. Il est arrivé en Rolls avec toute sa clique, fallait pas toucher sa voiture, il faisait toutes sortes de manières. Il jouait le rôle d'un cuisinier, sauf qu'il avait des chaussures en chevreau blanc qu'il voulait pas salir, si bien que j'étais tout le temps en train de lui prêter les miennes pour les prises ! Comme son personnage mangeait ses plats, on avait dû lui faire venir des mets de traiteur qu'il mangeait vraiment, si bien qu'au bout de 3 ou 4 prises il n'avait plus faim. Guy lui disait alors "ben vas-y, fais semblant", et lui il répondait "ah non non non, moi j'fais pas semblant", et au final on devait attendre le lendemain pour terminer la scène.