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Entretien avec
Matthias Hues

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Matthias Hues

Depuis le cinéma muet, de nombreux comédiens européens ont tenté leur chance dans l'Eldorado hollywoodien. A sa manière, Matthias Hues est de ceux-là. Physique herculéen et trogne de tueur, ce jovial teuton est une figure quasi-incontournable du film d'action de série B depuis la fin des années 1980. Une forme de rêve américain, en somme, pour une filmographie riche en films comme nous les aimons.

Propos recueillis et traduits en avril 2008 par John Nada.


Qu'est-ce qui vous a poussé à quitter votre Allemagne natale pour tenter votre chance dans l'industrie du cinéma hollywoodien ?

Et bien disons que j'ai toujours aimé le cinéma, comme la plupart des jeunes gens de mon âge et de mon entourage. Arnold était au top en ce temps-là, Stallone aussi. C'était une époque très excitante, ces gars-là étaient de vrais super héros pour nous, on les admirait et on voulait être comme eux. Moi peut-être un peu plus que les autres. Je me suis mis à m'entraîner dur, en me disant que mon corps finirait bien par devenir comme le leur. Mais je ne me doutais pas que ça m'amènerait un jour à faire du cinéma. Je faisais de l'athlétisme à un assez haut niveau en Allemagne, qui m'a conduit à faire de la musculation. Et des arts martiaux. Mais je me suis surtout consacré à la musculation, sachant que c'était ce qui me permettrait de gagner ma vie tout en entretenant mon corps. J'ai donc ouvert une salle de muscu, c'était chouette, j'ai beaucoup appris en matière de fitness et de culturisme. Et puis un jour j'ai vu Rocky 4 et là j'ai été scotché par Dolph Lundgren. Il avait aussi épaté une fille pour laquelle j'avais le béguin. En fait elle m'a fait me sentir tellement insignifiant en élevant ce mec sur un piédestal que j'ai su qu'à moins d'aller à Hollywood je ne ferais jamais le poids. Une semaine plus tard, je vendais ma salle de muscu et j'atterrissais à Hollywood.

L'attrait du rêve américain, les sirènes d'Hollywood... Apparemment vous êtes arrivé à Los Angeles avec seulement 1400$ en poche, et vous êtes bien vite retrouvé dans la panade. Quel était votre état d'esprit durant cette période difficile ? Etiez-vous déterminé à devenir acteur envers et contre tout ?

Je n'ai jamais eu, à quelque moment que ce soit, le moindre doute à ce sujet. Je savais que ce serait dur, je ne réalisais pas à quel point mais je ne me posais pas trop de questions non plus, je me contentais de foncer. J'ai commencé tout en bas de l'échelle, à battre le pavé tous les jours en quête d'un moyen de percer. J'ai appris sur le tas, je me suis adapté, peu à peu, sans perdre de vue mon objectif. Je ne me sentais pas toujours au top, il y a des moments où j'ai eu le sentiment de ne pas être au niveau, parce que les gens autour de moi étaient tous tellement bien foutus, qu'ils parlaient mieux anglais que moi, tout ça, mais j'ai continué à enchaîner les boulots, à poser comme mannequin tout en me disant "mais comment est-ce qu'ils ont pu me prendre moi alors qu'il y a plein d'autres types bien mieux foutus"... j'imagine que mon absence d'attaches, mon enthousiasme et le sentiment d'être au bon endroit au bon moment ont joué en ma faveur... et puis j'étais Allemand, j'avais l'air différent, je veux dire c'est ce qui m'a catalogué comme méchant dès le départ. Bien sûr j'ai aussi eu quelques moments difficiles, à ne pas savoir où dormir, à avoir faim, mais quand on est jeune on ne pense pas trop à ce genre de choses. Si je devais à nouveau dormir dans ma voiture, je craquerais bien plus vite aujourd'hui. A l'époque je dormais partout où je pouvais, dans des laveries automatiques, des garages, chez de jolies filles... ou chez des amis. Si on m'expulsait de mon appartement, j'y retournais la nuit, pénétrais par effraction et dormais à même le sol, jusqu'à ce qu'il soit à nouveau loué. Tout ça me paraît fou quand j'y repense aujourd'hui. J'ai fait des boulots dingues, collecté de l'argent et protégé des personnages louches et leur business douteux. Je suis parti en Floride, où j'ai bossé comme gogo dancer. Et ce n'est qu'un mince aperçu de ce que j'ai pu faire d'autre ! En fait j'ai fait tellement de trucs incroyables que, la plupart du temps, j'entrais facilement dans la peau des personnages que je jouais, parce que c'était quelque chose que j'avais déjà fait ou vu, à l'exception du crime bien sûr, même si j'ai déjà croisé des gars du milieu. Au bout d'un moment, je suis devenu tellement connu pour mes rôles de "bad guy" de service que j'étais en sécurité dans n'importe quel pays du monde, ou dans les coins les plus dangereux de Los Angeles, parce que j'y avais des fans. C'était super d'arriver enfin à gagner ma vie en faisant des films, et vivre une vie faite de voyages, à pouvoir m'imprégner de tout ce que je voyais à travers le monde.

Après une brève apparition dans Big Top Pee-Wee, vous décrochez votre premier vrai rôle dans Karate Tiger 2, remplaçant Jean-Claude Van Damme au pied levé pour un cachet de 6000$. A cause de la défection de JCVD, il a fallu modifier les chorégraphies de combat, et d'après Roy Horan, c'est le super tataneur coréen Hwang-Jang Lee qui aurait été chargé de vous dégrossir dans le domaine des arts martiaux. Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience avec Hwang-Jang Lee et, plus globalement, de ce tournage en Thaïlande avec Cynthia Rothrock, Max Thayer, Loren Avedon et le réalisateur Corey Yuen ?

Oui, c'était un peu comme un film dans le film. Moi j'étais le "karaté kid", le type totalement inconnu débarquant de nulle part comme un chien dans un jeu de quille...! J'ai fait abstraction de tout ça pour entamer un entraînement physique et mental avec Hwang-Jang Lee. Je me suis entraîné, jour après jour, à écouter, apprendre et accumuler une certaine forme de sagesse, levant chaque fois les yeux vers lui comme si c'était le Messie. Il fallait que j'arrive à tirer mon épingle du jeu, c'était une opportunité unique et j'étais prêt à tout endurer pour ne pas la laisser passer. Le tournage s'est super bien déroulé, au début j'étais plein de ressentiment mais tout ça s'est bientôt transformé en respect mutuel et je me suis alors investi à fond. Tout le monde a été génial, le réalisateur, tous les cascadeurs, qui au début ont un peu souffert de ma difficulté à contrôler ma force mais étaient ravis au final. J'ai adoré combattre avec Cynthia et bien sûr Loren, qui est très pro.

L'Asie a produit beaucoup de bons films d'action dans les années 80 et 90. Après votre expérience avec Corey Yuen sur Karate Tiger 2, n'étiez-vous pas tenté de faire des films à Hong Kong ?

Pour être honnête, pas vraiment. Je laisse ça aux Gary Daniels et consorts qui vivent par et pour les arts martiaux. Disons que je sais me battre, mais pas aussi bien qu'eux. Je n'ai pas le même gabarit, pour moi c'est plus difficile. Mais je dirais que c'est le genre de films que j'ai le plus de plaisir à regarder, j'ai de l'admiration pour le boulot qu'ils demandent. Dans la vraie vie j'aime combattre : je suis grand, puissant et sais comment en tirer parti. Je sais aussi ménager mes forces et gérer la fatigue sur un ring. Si je pouvais revenir en arrière, je viserais le statut professionnel. Je m'entraînerais pour le Ultimate Fighting Championship.

Projeté dans quelques 1400 salles de cinéma à travers les Etats-Unis, Karate Tiger 2 a véritablement lancé votre carrière. Après ça, vous êtes apparu dans un paquet de films, le plus souvent dans des rôles de brute épaisse. Est-ce que vous aimiez ce genre de rôle ? En fait, tous ceux qui ont eu l'occasion de travailler avec vous insistent sur votre caractère affable et votre extrême gentillesse. Du coup, n'aviez-vous pas de difficultés à tenir des rôles de sadiques ou interpréter d'affreux méchants sans foi ni loi ?

Disons qu'à l'époque c'était marrant, même si ça devenait un peu pesant parfois. J'ai reçu tellement de lettres de fans à travers le monde qui voulaient me voir dans des rôles de héros, dans la mesure où l'image du gentil héros propre sur lui a un peu évolué vers un genre de mecs plus durs à la Vin Diesel. J'avais décroché un super contrat avec une compagnie de production pour trois longs-métrages, des films qui dépotaient genre Le Transporteur, mais au dernier moment le projet a capoté faute d'argent. Enfin, tout ça est oublié parce que j'ai d'autres projets en préparation et que je devrais bientôt revenir avec des rôles différents, plus dramatiques et intéressants que celui de brute de service.

D'après ce que nous avons pu lire ici et là, vous n'avez jamais ménagé vos efforts, consentant à perdre du poids pour les besoins de tel ou tel rôle, prenant des cours de diction pour perdre votre accent germanique, des cours de comédie pour progresser en tant qu'acteur, et pourtant la plupart du temps les réalisateurs vous demandaient juste de hurler et de grogner en faisant saillir vos muscles. Comment viviez-vous ce paradoxe ? Si vous pouviez revenir au début des années 90, tenteriez-vous d'apparaître dans d'autres types de films ?

S'il y a bien une chose que j'ai apprise, c'est de ne pas regarder en arrière, parce qu'on ne peut pas revenir en arrière. Tout ce qu'on peut faire c'est tirer les leçons de ses expériences et aller de l'avant, progresser pour rendre son existence meilleure et plus intéressante. Plus on avance en âge, plus on devient mature : c'est pareil pour les rôles au cinéma. Regardez ce que faisaient certains acteurs il y a dix ans et ce qu'ils font aujourd'hui, il y a un monde entre les deux et pourtant l'évolution de l'un à l'autre s'est faite naturellement. A l'époque je faisais ce qu'on me disait de faire, et ce qui marchait en ce temps-là peut sembler stupide aujourd'hui, certes ! Tous ces films tournés dans les années 80/90 sont maintenant presque comiques à regarder par moments, ils nous apparaissent tellement datés.

 

On vous a souvent vu vous bagarrer à l'écran et, à notre humble avis, vous faites partie des rares acteurs du cinéma d'action à être à la fois extrêmement musclé et néanmoins assez souple et véloce pour faire bonne figure dans les scènes de combat. Quelles sont vos connaissances dans le domaine des arts martiaux ?

J'ai eu la chance de pouvoir m'entraîner avec des personnes compétentes pratiquant toutes sortes d'arts martiaux différents. J'apprenais sur le tas, autant que je pouvais, en prenant le meilleur de chaque art martial. J'aimais particulièrement la boxe et le kickboxing, et le Kempo encore plus. Mais le style de combat qui me convient le mieux reste le kickboxing.

Votre nom apparaît au générique de Cage, un film avec Reb Brown et Lou Ferrigno, mais il semble que votre combat contre ce dernier ait été coupé au montage. Vous savez si on peut trouver cette scène quelque part, peut-être sur une édition DVD en particulier ? Des souvenirs de Reb Brown et de Lou Ferrigno ?

Houla, ça ne me dit rien du tout... désolé, je ne peux pas trop vous aider sur ce coup-là...

Vous avez eu l'occasion de travailler avec le duo de producteurs Joseph Merhi & Richard Pepin (PM Entertainment), sur un film qui s'appelle Executive Target. De notre point de vue, ils apparaissent comme des businessmen industrieux qui tournent à la chaîne des scénars interchangeables en ne se préoccupant pas trop du côté artistique. Quelle impression vous ont-ils laissé ? Si l'on en croit l'IMDB, Joseph Merhi est censé avoir réalisé 32 films en 20 ans en plus d'en avoir produit 110, ce qui paraît un peu beaucoup. Savez-vous si ce sont vraiment eux qui tournent les films pour lesquels ils sont crédités comme réalisateurs, ou bien s'ils sont juste producteurs et emploient des yes-men pour signer certains films à leur place ? Qu'en était-il par exemple pour Executive Target ?

Et bien autant que je m'en souvienne, Joseph Merhi l'a tourné du début à la fin et était présent tous les jours sur le plateau, ce film c'était son bébé. Il y avait tellement de noms connus parmi le casting que ça me rendait nerveux, et lui il était toujours occupé à faire en sorte que tout le monde soit content, parce que certains faisaient les difficiles. Tous ces acteurs étaient des pros aux idées bien arrêtées. Je me souviens lui avoir demandé de faire mourir mon personnage, parce que ça ne me plaisait pas trop de jouer le méchant sans rien avoir à faire dans le film. Il a accepté ma demande et a tué mon personnage.

Vous avez aussi travaillé avec David A. Prior (sur le film Hostile Environment alias Watership Warrior, avec Brigitte Nielsen), un réalisateur qui a tourné un paquet de films depuis le début des années 80, avec toujours de très petits budgets et, à ce qu'on dit, le soutien d'une équipe de techniciens fidèles et dévoués. Quels souvenirs avez-vous de David A. Prior et de ce tournage avec lui ?

Hmmm... je ne m'en souviens pas trop. J'ai vu qu'il n'y avait vraiment pas assez de moyens mais lui je l'ai beaucoup apprécié pour son honnêteté et la façon dont il arrivait à faire travailler dur tout le monde. J'ai apprécié de pouvoir travailler avec Daren Shelavi, on avait tout un tas d'idées pour nos scènes mais rien de tout ça ne s'est retrouvé à l'écran. Ce film avait du potentiel mais quelque chose a foiré en cours de route. Hmmmmm !! En tant qu'acteur on n'a tout simplement aucun contrôle, c'est en regardant le film plus tard, une fois terminé, qu'on peut juger du résultat et parfois on se dit... OUCH !!! De même, il m'est arrivé de refuser certains films excellents parce qu'on ne me proposait pas assez d'argent et de me dire plus tard... Ouch ! Comment j'ai pu être aussi bête ! C'était le cas pour Cyborg, pour Highway to Hell également, et quelques autres encore.

On vous a vu aussi dans Age of Treason, un téléfilm à gros budget mis en scène par le vétéran Kevin Connor, et dans lequel vous incarnez un gladiateur de la Rome antique. On devine que vous avez dû apprécier cette opportunité de jouer autre chose qu'un cyborg ou un homme de main mutique...

Oh oui, j'ai ADORE ce film, c'est vraiment le genre de truc que j'adore jouer, mais là encore ils ont massacré le film en coupant toutes les scènes les plus fun. A la base il y avait bien plus de scènes de combats et d'action dans le Colisée. Ca aurait pu être le mélange parfait entre dialogues et action, mais au final ça ressemble plus à une pièce de théâtre filmée qu'à autre chose. On espérait vraiment que CBS donnerait son feu vert pour en faire une série, mais c'était sans doute trop tôt. Aujourd'hui, avec le succès d'une série comme Rome, on aurait plus de chances que ça plaise au public. Enfin bon, c'était quand même une super expérience, et Kevin un réalisateur génial. Vivre ce genre de choses, c'est tout l'intérêt du métier d'acteur.

Quels souvenirs gardez-vous de Jorge Rivero (Fist Fighter 1 & 2, Death Match) et Jalal Merhi (Talons of the Eagle, TC2000)?

Je garde un super bon souvenir de Fist Fighter, Jorge était alors tellement connu au Mexique... rien que de se balader avec lui, c'était quelque chose. Je veux dire que marcher à ses côtés, c'était comme d'être avec Stallone. J'ai rencontré tellement de gens vraiment chouettes, les meilleurs, tout le gratin de Mexico, certains plus riches que bien des Américains, mais aussi des pauvres et des gens normaux. Le tournage était excellent, on a bossé dur, il m'a cogné pour de bon et je dois dire que ça ne m'a pas déplu, héhé ! Le résultat à l'écran n'en était que plus réaliste. C'est Jimmy Nickersen qui nous entraînait, un cascadeur vétéran et un grand combattant, c'est lui qui a réglé les combats de Rocky 1 ou 2, je ne sais plus lequel. Il nous a fait travailler sans relâche, m'a botté le cul plus d'une fois, m'a ouvert les lèvres, et juste avant quelle ne cicatrise je rouvrais la blessure pour me rappeler de tenir ma garde. Je me suis un peu vengé en fin de tournage en le maîtrisant à terre devant tout le monde. Jorge était invariablement cool, en excellente condition physique et un sacré déconneur.

Pour ce qui est de Jalal à Toronto, ouais tellement de bons moments là encore, un bon combattant, et il avait du flair pour dénicher de bons acteurs et de bons artistes martiaux pour ses films. C'était un mec cool, honnête et travailleur, je l'aimais beaucoup.

Vous avez tourné dans un grand nombre de petites productions de série B qui ont, on le sait, des budgets très serrés. De plus, la plupart de ces films étant des films d'action, il se peut que vous ayez peut-être parfois mis votre vie en danger, ou tout du moins votre santé. Vous souvenez-vous de tournages particulièrement éprouvants ou périlleux ? Vous êtes vous déjà blessé sur un plateau ? Y a t-il des cascades que vous avez déjà consenti à faire mais que vous refuseriez de reproduire aujourd'hui ?

De tous les films que j'ai fait, "Dark Angel" alias "I Come in Peace" fut le plus dangereux. Plus d'une fois j'ai entendu le pyrotechnicien dire "non, Matthias va être pris dans l'explosion" et le réalisateur lui répondait "et bien il n'a qu'à courir plus vite et sauter plus haut s'il veut rester en un seul morceau". Et bien je peux vous dire que j'ai couru plus vite et sauté plus haut dans ce film que jamais auparavant, juste pour sauver mes miches ! Le pire, c'est que je savais pertinemment que si je n'étais pas assez rapide, j'allais morfler. Du coup mon rythme cardiaque était toujours très élevé sur le plateau de ce film !

Tout le reste c'était de la rigolade. J'ai été un athlète toute ma vie, je sais ce que sais que d'en baver physiquement.

 

Ah si, il y a eu cette journée de tournage dans le désert sur "Digital Man", la scène de la grosse explosion où je fais voler une baraque en éclats d'un coup de pétoire. Pendant des jours, ils ont bourré cette bicoque avec assez d'explosifs pour faire sauter le désert tout entier. Arrive le moment de tourner la scène, je suis prêt, avec mes plaques de protection sur le corps, sur le point de presser la détente et déclencher l'explosion. Je suis à une centaine de mètres à peine de la maison, je jette un oeil autour de moi, personne, pas un chat. En fait les seules personnes que je pouvais apercevoir étaient planquées derrière des buttes à peut-être 500 mètres de là, tandis que les pompiers se cachaient eux derrière d'autres murs construits sur le plateau. C'est à ce moment-là que j'ai senti mon estomac se nouer. Je me suis dit "attends une minute, même le camion de pompiers est allé se garer super loin, qu'est-ce qui se passe ici bon sang". J'ai fait arrêter la prise à temps, demandé au réalisateur de venir et lui ai dit "tu ne remarques rien de bizarre ou d'anormal à propos de cette scène ?". Phil Ross - c'est son nom - a regardé autour de lui, il a tout de suite vu où je voulais en venir. "OK", il a dit, "Je vais rester ici avec toi quand ça va péter. Qu'est-ce que tu dis de ça ?" Il voulait tellement tourner cette scène qu'il était prêt à rester à mes côtés. Il s'est donc positionné hors du champ de la caméra, mais à égale distance du point de l'explosion que moi. BADABOOOOUUUM. La baraque explose, et là tous les débris arrivent sur nous, les planches, les portes... C'était l'enfer sur Terre. Par chance, on s'en est tous les deux sortis indemnes, mais il faut vraiment être givré pour faire un truc pareil. Si c'était à refaire, je dirais NON MERCI !

De nos jours, on a bien plus souvent recours aux images de synthèse et aux effets spéciaux numériques qu'à l'époque de vos débuts dans le cinéma. Cela vous pose t-il un problème de tourner devant un fond bleu ou vert ? Ne préférez-vous pas tourner de vraies séquences de combat avec des acteurs en chair et en os ?

Hmmm, oui c'est un peu idiot, mais parfois c'est la seule solution si vous voulez intégrer des monstres ou des animaux dangereux, d'autant qu'on obtient des résultats extrêmement réalistes de nos jours. Et puis un acteur doit saisir toutes les opportunités qui s'offrent à lui, ça fait partie du boulot. Je veux dire qu'il faut savoir s'adapter vite et bien, même quand il y a un truc que tu ne sais pas faire tu dis "oui oui, je peux le faire" et tu apprends sur le tas. Par exemple, j'ai souvent dû monter à cheval, et pourtant je déteste ça. A chaque fois on me demande "tu te débrouilles à cheval ?" et je réponds "oui, bien sûr". Sauf qu'en fait, tout ce que je fais, c'est me mettre en selle et trotter vers le soleil couchant en priant très fort pour que tout se passe bien. Mais en attendant, c'est toi le mec dans le film qui tient le rôle du cavalier. Y a pas à réfléchir, il faut juste agir.

A brûle-pourpoint, comme ça, quels seraient votre meilleur et votre pire souvenir en tant qu'acteur ?

Le meilleur, "Dark Angel" alias "I Come in Peace", pour être parvenu à en réchapper en un seul morceau. Le pire, tenir un petit rôle de brute de service et passer le plus clair de mon temps sur le plateau assis à ne rien faire. Je suis comme une bête de somme, je n'aime pas rester inactif. J'ai besoin d'action, c'est ce qui me porte.

Vous avez dit un jour : "Il y a eu Bloodsport pour Van Damme et Rocky pour Stallone ou Terminator pour Arnold : il faut un gros succès au box office pour devenir une vedette, qui que vous soyez, quelle que soit l'étendue de vos talents, alors il faut continuer, persévérer jusqu'à ce que vous aussi vous tourniez LE film qui fera de vous une star". Même si vous n'avez jamais atteint la popularité d'un Arnold Schwarzenegger, vous êtes parvenu à vous faire un nom et une situation. Avec le recul, quel regard portez-vous sur votre carrière dans l'industrie du cinéma, à la fois sur le plan professionnel et sur le plan humain ?

Et bien ce que je peux vous dire c'est que je poursuis mon petit bonhomme de chemin, et qu'avec tout ce que je sais, tout ce que j'ai appris, je suis aujourd'hui quelqu'un de meilleur, un meilleur acteur, et que je reste concentré sur les moyens de franchir un palier supplémentaire. Avec mon expérience actuelle, si elles étaient à refaire, il y a bien des choses que je ferais différemment aujourd'hui. Je suis trop timide pour jouer à fond les règles du jeu hollywoodien, et pourtant il n'y a pas de secret : il faut arriver à se vendre, se faire connaître, se faire passer pour mieux qu'on ne l'est véritablement et se faire aimer du public en permanence. C'est ce que j'ai fait pendant un moment avant de m'épuiser à ce jeu là. Mais étrangement je me sens aujourd'hui plus motivé que jamais, j'ai plus de force et d'énergie en moi que quand j'avais 26 ans. Je prends des cours de comédie, je travaille ma technique. J'aime tellement l'industrie du cinéma que je ferais n'importe quoi pour continuer à y travailler - dans les limites du bon goût bien entendu.

Dernièrement, vous avez travaillé sur un film nommé "Goy", une co-production germano-américaine avec Christopher Mitchum. Il semble que vous ayez co-produit le film, et créé votre propre compagnie, "Matthias Hues Entertainment". Pourriez-vous nous en toucher quelques mots ? Quels sont vos projets pour l'avenir ?

Sur "Goy", je n'étais en fait que co-producteur. Concrètement, j'ai donné un coup de main en dénichant notamment un directeur de casting et quelques autres éléments permettant d'accélérer la production. Mais ce n'est pas mon film, je n'ai d'ailleurs aucune propriété dessus. "Matthias Hues Entertainment" ne fonctionne pas pour le moment, je suis encore trop occupé par mon métier d'acteur. Ca viendra donc un peu plus tard dans ma carrière. J'adore tourner des films, je m'efforce sans arrêt de décrocher de meilleurs rôles, d'accéder à de meilleures productions, avec de plus gros budgets. Par le passé j'ai souvent été à deux doigts d'y parvenir, et aujourd'hui je continue à tout faire pour y arriver. En ce moment j'ai un plan pour bosser sur une grosse production, on verra bien ce que ça donne. Je suis heureux et reconnaissant d'être dans ce business et de faire partie de cette merveilleuse industrie.

 

- Interview menée par John Nada -