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David A. Prior

(1ère publication de cette bio : 2015)

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David A. Prior nous a quittés soudainement le 17 août 2015, à 59 ans, dans l'anonymat des grands médias. Sinistre ironie du sort, Jack Tillman venait deux mois auparavant de poster sur le forum cette biographie, qui revenait sur son oeuvre foisonnante au sein de laquelle flamboie le joyau "Ultime Combat".


David dirigeant son ami Jack Marino.


Cas complexe que celui de David A. Prior...

D'un côté, il est l'auteur génial d'un des plus beaux nanars qui soient, le sommet décomplexé du bourrinage, chef-d’œuvre ultime et "over the top" de l'action testostéronée, le sous-Rambo le plus abouti de toute l'ère Reagan, unanimement salué dans le monde entier, j'ai nommé (roulements de tambour)... "ULTIME COMBAT" ! Un film qui rassemble en une heure vingt-cinq tout ce qui fait l'essence même du septième art, parvenant à répondre à toutes les questions existentielles que se pose l'espèce humaine depuis la nuit des temps : la place de l'homme dans l'univers (sortir les poubelles en short = corvée d'homme, de vrai), de l'homme au contact de la nature (le short = dernier vestige de civilisation), la lutte des classes ("Crève, Ordure !"), la virilité qui privilégie la machette plutôt que le M-16, le rapport à l'autorité (le colonel Hogan tentant d'impressionner son ancien subordonné Mike Danton pour masquer le fait qu'il a peur de son disciple), l'esprit de compétition exacerbé des sociétés occidentales (être ou ne pas être le meilleur), etc. Plein de pistes de lecture possibles. Bref, regarder Ultime Combat, c'est un peu comme écouter Dieu nous expliquer le sens de la vie.

Beuaaaaaaarrrr !!!!

Sans le budget d'un Die Hard ou d'un Commando, Ultime combat a donc marqué une révolution dans le domaine de l'actioner bourrin. Aussi, en apprenant que l'Auteur brillant de cette pépite cinématographique avait également à son actif une trentaine d'autres réalisations, toute la populace nanarlandaise s'est frottée les mains avec envie. Hélas, la déception fut trop souvent à la hauteur de l'attente, et David Prior fut-il irrémédiablement catalogué comme faux ami du nanar.

Alors, David A. Prior, l'homme d'un seul film ? Un artisan du navet qui n'aurait été touché qu'une seule fois par la grâce du nanar ?

N'allons pas jusque-là, car si de notre point de vue aucune de ses autres œuvres n'égale la perfection de son Ultime combat, et que la triste majorité d'entre elles sont carrément des bouses lénifiantes, tout n'est pas à jeter pour autant dans sa filmo. Oui, et il existe même des inconditionnels pour qui tous ses films sont des classiques impérissables (inconditionnels dont votre serviteur fait partie). Mais qui est le père de Mike Danton et quel fut le parcours de ce nabab du cinéma d'action de série Z ?


David A. Prior est né à Newark dans le New Jersey et a grandi à Baltimore. Le jeune David est un mordu de cinéma, capable de passer des heures à regarder encore et encore le même film, et il racontera plus tard dans ses interviews que c'est en voyant Rocky avec Sylvester Stallone que le jeune homme mal dans sa peau qu'il était a décidé de tenter sa chance à Hollywood. Peut-être réussirait-il à s'y faire un nom comme L’Étalon italien, qui sait ?

A vingt ans, il déménage ainsi à Los Angeles où il décroche un rôle de figurant dans un film dont nous ignorons le titre (peut-être David l'ignore-t-il lui-même ?). Quelques années plus tard, il réalise son premier film, Sledgehammer (1983), un slasher hallucinant dans lequel une bande de jeunes venus passer le weekend dans une vieille maison abandonnée sont la cible d'un maniaque masqué et armé d'un marteau (original, non ?). Il s'agit là d'un film réalisé dans des conditions très spartiates, avec un amateurisme qui appelle à l'indulgence, mais ce n'est pas une raison pour bouder notre plaisir car l’œuvre a tout pour plaire aux nanarophiles accros aux séries ultra-Z au style norbertmoutien.

Quoi qu'il en soit, ce film marque l'entrée du jeune réalisateur dans le milieu du cinéma d'exploitation. Ce sont aussi là les premiers pas devant la caméra de celui qui allait devenir l'acteur fétiche de David Prior : son frère Ted. Car comme tout apprenti cinéaste, David a été obligé de recruter ses comédiens parmi ses proches, et ayant un frère ancien bodybuildeur au physique de sex-symbol, David avait à sa disposition l'interprète idéal pour camper le jeune premier/héros viril de service. Ce coup d'essai (coup de maître !) sera donc le début d'une longue collaboration artistique entre les deux frérots, qui mûriront ensemble leurs projets de tournage au cours des années suivantes.


David A. Prior, à l'extrême gauche.




Ted Prior.



Le 7ème art est une grande famille, et le cinéma de David A. Prior illustre bien ce proverbe. Car outre le frangin Ted, David s'est rapidement constitué un solide réseau d'acteurs, que l'on retrouve systématiquement au générique de ses films, occupant des postes divers au sein de l'équipe technique en plus de leurs prestations face à la caméra.

En dehors du casting, il y a aussi la contribution récurrente des musiciens Tim James, Steve McClintock et Garm Beall, du groupe McJames Music, qui composèrent des BO inoubliables, aussi jolies qu'à côté de la plaque, dans un style savoureusement 80's et dynamique. En fait, ils donnèrent à Prior un lot de plusieurs morceaux dans lequel celui-ci piochait régulièrement pour composer la BO de tel ou tel film ; des choix musicaux parfois assez hasardeux et grotesquement inappropriés...

Enfin, il faut souligner la fructueuse collaboration de David A. Prior avec les producteurs/réalisateurs David Winters et Peter Yuval, avec qui il fonda en 1986 la société de production et de distribution Action International Pictures (AIP), petite firme indépendante spécialisée dans le film d'action bourrino-patriotard, la tabasse revancharde et le thriller fauché. C'est ainsi que, profitant de l’essor du marché de la vidéo, le trio Prior-Winters-Yuval enchaîna les DTV à un rythme intensif, l'un ou l'autre assurant à tour de rôle la mise en scène ou l'écriture du scénario, quelques autres réalisateurs, tel Brett McCormick, venant donner un coup de pouce de temps en temps pour éviter le surmenage.

Les acteurs fétiches de David A. Prior :


Fritz Matthews.


William Zipp.


David Campbell.


David Marriott.


Douglas Harter.


John Cianetti (avec le cache-œil).


David A. Prior (en bleu) se fightant avec son frère Ted dans "Patrouille dans la jungle".


Mais le plus prolifique de la bande demeura assurément Prior. Prolifique mais inégal, car dans sa filmographie, il faut savoir séparer le bon grain de l'ivraie, ses œuvres allant du nanar désopilant au navet insipide, en passant par de nombreux "ni chauds ni froids" et autres nanars polémiques, beaucoup de ses films suscitant soit le rire soit les bâillements selon l'humeur et les goûts de chacun.

Au milieu de la médiocrité générale de ces bandes très fauchées et farcies de clichés et de plans nichons, il arrive aussi parfois que David A. Prior nous surprenne avec des métrages étonnamment réussis. Des œuvres à l'aspect expérimental comme Kill Zone (une traque dans les bois à la First Blood), Night Wars (un mix entre Retour vers l'enfer et Les griffes de la nuit) ou Lock 'n' Load (une histoire de vétérans du Viêt-nam transformés en machines à tuer téléguidées) possèdent ainsi une ambiance étrange, un ton pessimiste et une certaine efficacité émotionnelle, sublimées par d'excellentes bandes musicales et des acteurs bien dirigés donc convaincants. Autant de titres qui démontrent que David A. Prior peut faire preuve d'un réel talent de cinéaste quand il veut.


"Kill Zone", la seule production des studios "Spartan films Ltd.", que David A. Prior tourna dans les futurs décors d'"Ultime Combat" en 1985.






Photos de tournage de "Kill Zone". Sur la dernière, à l'extrême gauche, David A. Prior.


La star du film, Fritz Matthews, et à droite le producteur Jack Marino, qui tient aussi un petit rôle dans le film.


Mais, comme il le déclare lui-même, la vraie passion de notre ami est avant tout l'écriture scénaristique. Toutefois, comme il ne trouve la plupart du temps personne pour mettre en scène ses scripts, il s'est fait metteur en scène, un peu en désespoir de cause. Ce qui explique peut-être que beaucoup de nanardeurs ressentent un certain je-m'en-foutisme et un manque cruel d'implication dans sa mise en scène, alors que ses scripts étaient parfois très prometteurs sur le papier. Il déclare d'ailleurs à la fois aimer et détester son métier et ses œuvres.



Cependant, sa passion pour le Septième Art ne fait aucun doute : son admiration pour Steven Spielberg [Nanarland : et peut-être aussi un peu d'opportunisme...] transparaît par exemple beaucoup dans son film de science-fiction Future Zone, dans lequel Ted Prior remonte le temps pour sauver son père joué par David Carradine, dans une atmosphère très inspirée par E.T. et Rencontres du troisième type. De même, les idées saugrenues que Prior aime glisser dans ses films suscitent souvent l'émerveillement et l'hilarité du spectateur : souvenons-nous de l'arme du crime dans Aerobic Killer, ou de la piscine en forme de phallus dans Rapid Fire, ou bien encore des Viêt-congs zombies dans Night Wars, sans oublier toutes les techniques de mise à mort de Mike Danton. Sans parler de la non-crédibilité ahurissante de ses films consacrés à la guerre du Viêt-nam. Pour les décors, on veut bien être indulgents, car il est évident que notre homme n'a pas eu le budget pour tourner dans la vraie jungle et a dû se contenter de sous-bois de feuillus. Soit. Mais affirmer que la guerre du Nam s'est faite SANS LES VIETNAMIENS et n'a fait qu'opposer des soldats américains et russes (??!) dans L'escouade de l'enfer, ou que ce sont les Américains qui ont gagné cette guerre dans Opération War Zone, ça relève du génie pur. Les idées connes ne font pas forcément un nanar mais il faut reconnaître qu'elles contribuent fortement à égayer le spectacle.






Outre ses trouvailles scénaristiques débiles et sa vietnamomania, David A. Prior s'est également adonné au péché mignon de tous les réalisateurs de séries B : le plagiat de salopiaud. Car si Prior a parfois eu des idées de pitch originales, comme ce commando de vampires dans The Lost Platoon ou encore le combat de gladiateurs pour éviter la Troisième Guerre mondiale dans The Final Sanction, il n'a pas rechigné à copier sur son voisin à de nombreuses occasions. Tout y passe : grosses productions comme Predator (Mutant Species) ou Robocop (Future Force), mais aussi des bons films bis comme le suédois WarDogs, repompé dans Lock 'n' Load, ou encore Cauchemar vivant avec Don Johnson, dont l'intrigue est photocopiée dans Night Wars. Sans compter son décalque féminin des Douze Salopards (Mankillers, tueuses d'hommes) et les multiples sous-Rambo que David mit en scène ou scénarisa durant les années fastes du genre.






David A. Prior conquers the world!


Mais les bonnes choses ont une fin, et à l'instar de leurs modèles spirituels Golan et Globus, David Winters et David A. Prior se séparent au début des années 90 lorsque AIP finit par péricliter. Après un thriller politique au suspense, n'en doutons pas, hitchcockien (Le Complot de l'Araignée) et un polar siliconé (Strip Girl avec Pamela Anderson), David A. Prior fait un break cinématographique de six ans (mais en continuant à torcher quelques scripts pour les autres), puis il revient à la réalisation en 2000 avec Hostile Environment alias Watership Warrior, un post-nuke opposant Brigitte Nielsen à Matthias Hues (le choc des titans !). Après ce film, David A. Prior s'accorde sept nouvelles années sabbatiques pendant lesquelles il surfe sur la toile et crée son propre site Internet, avant d'entamer une nouvelle période créative avec des projets plein la tête.


Prior, qui est bien conscient que le cinéma indépendant a du plomb dans l'aile et que l'époque où l'on produisait un film pour 100 000$ en pouvant espérer rentrer dans ses frais est révolue, tourne désormais ses films tranquillement dans son coin d'Alabama, un état tolérant envers les tournages de films à petit budget qu'il a toujours préféré à la Californie et ses tracasseries administratives. Il continue donc de livrer à un public qui ne demande que ça des péloches horrifiques au rabais (comme l'alléchant Night Claws qui confronte paraît-il un Reb Brown béat à un Ted Prior cabotin en diable) et marche même sur les plates-bandes d'Uwe Boll en scénarisant une adaptation cheap de jeu vidéo d'heroic-fantasy (The One Warrior).

Le bigfoot tueur de "Night Claws", en train de piquer une tête.

On salive également devant le fruit annoncé des retrouvailles de David A. Prior et David Winters, Dancin' It's On, une comédie musicale "pour djeuns" à l'affiche dégoulinante de mièvrerie nous promettant un spectacle "dans l'esprit de Dirty Dancing, Karate Kid et High School Musical" (ça fait rêver, hein ?).


Enfin, Prior, tout surpris du culte récent entourant son vieil Ultime Combat mais néanmoins conscient du second degré avec lequel ses fans regardent son œuvre, lui a donné une suite, volontairement parodique, The Deadliest Prey sorti en 2013. Un délire sur pellicule fait pour les fans et qui est l'occasion pour les vieux potes de se retrouver et de rejouer à la guéguerre dans un jardin public. Pourquoi pas ? Mais il y a de fortes chances pour que les vétérans de Nanarland regrettent le ton si délicieusement premier degré de l'original...


S'il compte plus de daubasses mollassonnes que de nanars de compét' dans sa filmo, David A. Prior a tout de même su accoucher de quelques perles de mauvais gout : Ultime Combat évidemment, mais aussi Sledgehammer, le magnifique Aerobic Killer, Patrouille dans la jungle, L'escouade de l'enfer et surtout Opération Warzone qui, malgré quelques longueurs, sont assez réjouissants de bêtise.



Un tantinet baratineur, avec un sens certain de l'auto-promo, un poil tâcheron mais fourmillant d'idées, David A. Prior reste une figure sympathique et intéressante du nanar d'action et du slasher débile à l'américaine de ces trente dernières années. Il y a peut-être même un peu du rêve américain symbolisé par Rocky dans le destin de ce mec parti de rien, et qui aura quand même dirigé dans sa carrière Sandahl Bergman, Tracy Lords, Richard Lynch, William Smith, Glenn Ford, Cameron Mitchell, Robert Z'Dar, David Carradine, Robert Davi, Tony Curtis, Powers Boothe, Charles Napier, Michael Ironside, Joe Don Baker, Jeffrey Combs, Joe Spinell, Paul L. Smith, David Warner, Lance Henriksen, David Keith, Stacy Keach, Reb Brown, Frank Stallone, Jan-Michael Vincent, Matthias Hues, Eric Roberts, Vernon Wells, Sherrie Rose, Brigitte Nielsen et Pamela Anderson, avec des budgets allant de 50 dollars à plus d'un millions de dollars. Et s'il a permis aux nanardeurs de se marrer de temps en temps entre deux navetons, c'est déjà pas si mal.




Sources (en anglais) et icono :

Une interview sur VivaVhs.

Une autre avec les anglais du Bristol Bad Film Club.

Le site de son ami et coproducteur Jack Marino.

- Jack Tillman -

Films chroniqués

Filmographie



2015 - Way of Redemption (court-métrage)

2015 - Assassin's Fury

2014 - Dancin' It's On (scénariste, mise en scène de David Winters)

2014 - Relentless Justice

2013 - Night Claws

2013 - Deadliest Prey

2011 - The One Warrior (co-scénariste, mise en scène de Tom Stout)

2007 - Lost at War

2007 - Zombie Wars


2000 - Hostile Environment/  Watership Warrior

1997 - The P.A.C.K (co-scénariste avec Michael W. Evans Jr., mise en scène de Bryan Todd)

1995 - Codename : Silencer (scénariste, mise en scène de Talun Hsu)

1994 - Strip Girl (Raw Justice)

1994 - Mutant Species

1994 - Felony

1993 - Double Threat

1993 - Night Trap


1992 - Le Complot de l'Araignée (Center of the Web)

1991 - The Lost Platoon

1991 - Meurtres sous tensions (Raw Nerve)

1991 - That's Action (documentaire vidéo sur les productions AIP)

1990 - Born Killer (co-scénariste avec Ted Prior, mise en scène de Kimberley Casey)

1990 - Deadly Dancer (scénariste, mise en scène de Kimberley Casey)

1990 - Future Zone


1990 - Invasion Force

1990 - The Final Sanction/  Sanction

1990 - White Fury

1990 - Lock 'n' Load

1989 - Patrouille dans la jungle (Jungle Assault)

1989 - L'escouade de l'enfer (Hell on the Battleground)



1989 - Rapid Fire

1989 - Future Force

1988 - Night Wars

1988 - Chase (Death Chase)

1988 - Opération Warzone

1987 - Mankillers

1987 - Aerobic Killer (Killer Workout / Aerobicide)

1987 - Ultime Combat (Deadly Prey)

1985 - Kill Zone

1983 - Sledgehammer