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Transmutation

(1ère publication de cette chronique : 2023)
Transmutation

Titre original :Demonwarp

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Emmett Alston

Année : 1988

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h31

Genre : Yéti téléphone maison

Acteurs principaux :George Kennedy, Michelle Bauer, David Michael O'Neill, Pamela Gilbert, Billy Jayne, Colleen McDermott, Hank Stratton

Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Ceux qui l'ont découvert dans Luke la Main Froide auront toujours pour George Kennedy un immense respect mêlé d'une grande affection. A l'instar d'un Ernest Borgnine ou d'un Lionel Stander, ce géant du cinéma (au sens propre comme au figuré) fut l'un des seconds rôles les plus reconnaissables du Hollywood des années 60-70, de ceux dont le grand public ignore le nom mais dira "Eh ! mais je le connais celui-là, dans quoi je l'ai vu jouer déjà ?" en voyant sa trogne à l'écran. Mais comme personne dans l'industrie du cinéma ne peut se vanter d'un parcours sans faute, la relative notoriété du bon George servit aussi d'attrape-couillons dans les années 80-90 pour vendre un paquet de daubes où il cachetonnait entre deux soap-operas.

Ca restait encore du cachetonnage haut de gamme quand c'était pour apparaître dans Airport 80 : Concorde et Delta Force, qui embringuaient une kyrielle d'autres têtes d'affiche plus ou moins dans la panade. Ca devenait beaucoup plus Nanarland-friendly quand c'était pour se battre contre un chat en peluche mutant dans Le Clandestin, camper un savant fou se transformant en zombie tueur dans l'innommable zèderie hollandaise Intensive Care, mourir de façon complètement ridicule dans Esmeralda Bay (une production Eurociné !), se prendre des tartes à la crème en pleine figure dans le slasher "parodique" Wacko, faire le ménage à coups de bazooka dans le sous-Mad Max L'Aube Sauvage, attendre son chèque en technocrate de Washington dans le sous-Rambo Destructor, affronter un sous-Alien ringard dans MNI : Mutants Non Identifiés (une prod Roger Corman tournée dans un couloir et une carrière de sable), et payer sa facture de gaz en Nazi de service dans le sous-Indiana Jones italien Top Line alias Alien Terminator. Des films indigents dont les jaquettes mettaient son nom en gros caractères, et où la tête de notre ami était dessinée bien au centre de l'affiche, quand bien même il n'apparaissait que trois minutes au compteur.

Et pour tous ces grands acteurs qui s'enlisent dans le nanar sur leur fin de carrière, il existe trois façons d'appréhender leur rôle, au vu de leur faible temps de présence sur le plateau de tournage. La première consiste à "assurer le steak" tels Henry Silva ou Howard Vernon en jouant leur rôle comme s'ils étaient dans une production de prestige, au risque d'avoir l'impression d'être un membre de l'orchestre du Titanic. La deuxième consiste à ne pas du tout faire mystère de leur consternation/affliction/impatience en affichant une mine de dix pieds de long (Christopher Lee dans Hurlement II, Donald Pleasence dans L'Homme-Puma, David Warner dans Dar l'invincible 3...). La troisième consiste à s'offrir un maigre plaisir en cabotinant à 10 000 volts (Vic Morrow dans Les guerriers du Bronx, Cameron Mitchell dans Supersonic Man...). George, lui, optait pour la première solution, sans forcer son talent, certes, mais écrasant sans peine le reste de la distribution par son charisme, et se montrant d'un professionnalisme à toute épreuve, quelle que soit la médiocrité ambiante (ce qui est tout à son honneur). Et en matière de médiocrité, ce film du réalisateur d'American Ninja se révèle être un nanar plutôt réjouissant.

Dans la tradition de The Thing et de Predator, Transmutation s'ouvre sur une vue de la Terre depuis l'espace, un ovni venant s'écraser sur notre pauvre planète bleue. L'ovni se crashe en plein Far West, sous les yeux d'un pasteur solitaire à cheval qui croit assister à la descente de Dieu sur Terre. Générique. Cent ans et des poussières plus tard, George Kennedy passe le week-end avec sa fille dans une cabane au fond des bois, quand soudain ils sont attaqués par un intermittent du spectacle dans un costume de Yéti de la Foir'Fouille, qui défonce la porte d'entrée, assomme George et se jette en grognant sur la jeune fille (le réal jette un voile pudique sur son sort).

Combien de films d'invasion extraterrestre ont-ils commencé par ce plan ?

La tronche de ce pasteur est une pub vivante pour l'athéisme.

Le producteur faisant à George Kennedy une proposition qu'il ne pouvait pas refuser. En réalité, notre ami n'accepta de jouer dans ce film qu'à condition que sa fille adoptive Shannon y tienne un petit rôle.

Bizarrement, la fille de son personnage est jouée par une illustre inconnue nommée Jill Marin...

... qui savoure sa minute de gloire cinématographique entre les grosses paluches du Sasquatch, vu qu'elle n'a que ce rôle à son actif...

... tandis que Shannon Kennedy Sullivan apparaît bien plus tard en compagnie de Michelle Bauer, laquelle se charge de l'indispensable pause plan nichon (au moins une toutes les dix minutes comme stipulé dans le cahier des charges), et nous offre ce dialogue : "Et figure-toi que tout à coup je vois mon petit ami mettre son doigt dans son nez. Alors j'lui dit "Qu'est-ce qui t'arrive, Jerry, t'as ton cerveau qui te démange ?" T'aurais vu sa tête, hahaha !"...

... sous le regard concupiscent du Bigfoot.

Puis, nous voici plongés en pleine caricature de slasher-movie avec l'arrivée de nos héros : une belle bande de teenagers crétins au volant de leur Range Rover, nous régalant de dialogues aussi stupides qu'enjoués à la perspective des vacances de folie qu'ils vont passer dans "La Forêt du Diable".

- "Dites, j'ai entendu dire que des touristes avaient été sauvagement assassinés dans cette région. Wouh ! J'en ai la chair de poule, hihihi !"
-  "Eh ! Vous entendez ? Des touristes ! Exactement comme nous ! Hahaha !"

Groupe composé des stéréotypes d'usage : le héros, beau ténébreux organisateur du séjour, sa petite amie, la copine un peu chaudasse de service, le meilleur ami moyennement finaud du héros, et l'indispensable comique lourdingue, qui n'arrête pas de parler et de faire des blagues potaches en enfilant un masque de monstre en latex (deux secondes avant l'attaque du vrai monstre, cela va de soi). Comme vous l'avez deviné, la bande de djeuns s'installe dans la cabane et George Kennedy réapparaît pour assurer la scène contractuelle du vieux chelou venu mettre en garde les jeunes citadins inconscients contre les dangers qui les guettent, avant de disparaître de nouveau pour une demi-heure. Là, vous vous dites qu'on est bien partis pour un catalogue de clichés avec des attaques de Yéti démembrant un à un les jeunes fêtards par ordre d'importance scénaristique, non ? Eh bien, c'est un peu ça, mais pas vraiment en fait...

"C'est laaa fooorêêêt duuu Diaaaaable ! La fooorêêêt duuu Diaaaaable ! On est dans laaa fooorêêêt duuu DIAAAAABLE ! Hahahaha !"

Le héros, Jack, chéri de ces dames, même si c'est un gros nullos doublé d'un connard dans le film.

Deux sidekicks pour le prix d'un.

Le héros : "Ces bois sont dangereux. Vois-tu, je préfère être préparé."Sa copine : "Mmh, et, dis-moi, est-ce que tu es... préparé pour moi, mmh ?"

Le gars : "Euh, il n'y a pas d'eau chaude.La fille, s'apprêtant à prendre une douche : "Mmh, je peux produire ma propre chaleur..."

Car si, comme on s'y attend, les filles enchaînent les plans nichons ultra-gratuits et que le Yéti démembre comme attendu les faire-valoir de service en premier, le scénario s'avère au final aussi tortueux que fourre-tout. Premièrement, le héros apprend à ses amis qu'en fait ils ne sont pas là pour faire une méga-teuf de ouf mais pour enquêter sur la disparition de son oncle, propriétaire de la cabane, parce que le shérif et les autorités locales sont de grosses feignasses qui ont paresseusement classé l'affaire (bon d'accord, ça c'est pas hyper-original). Au passage, super le coup de mentir à ses amis pour les embringuer à leur insu dans une aventure très dangereuse de prime abord. Deuxièmement, le héros et le Yéti semblent se connaître et évitent de se faire du mal. Ensuite, si vous avez bien suivi, le Yéti tueur n'est pas le seul élément fantastique. Cette histoire de Bigfoot cache en réalité une invasion extraterrestre... à moins que l'extraterrestre ne cherche en fait à retourner sur sa planète, comme E.T. mais en plus méchant. C'est pas clair du tout. Il est également question de "transmutations" velues, d'un gourou immortel (et très cabotin) qui arrache le coeur de jeunes filles à poil pour nourrir une marionnette d'alien du Muppet Show, de zombies nanars déambulant dans les bois et bricolant un vaisseau spatial dans une grotte, avec des révélations finales qui parviennent à rendre encore plus abscons tout le foutoir qui a précédé.

Voilà LA blague à ne pas faire si on veut survivre dans un film d'horreur naze.

Promenons-nous dans les bois, pendant que le Migou n'y est pas...

En dehors de George Kennedy, l'interprétation est assez inégale. On a certes plaisir à retrouver cette sympathique Michelle Bauer (Lust for FrankensteinJamaix plus encore...) en bimbo venue faire du bronzage seins nus à l'ombre des arbre de "la forêt du Diable", notre scream queen s'investissant comme toujours de son mieux dans son rôle pourtant très limité de jolie victime apeurée. Mais en revanche on ne s'attache pas un instant à l'insipide David Michael O'Neill, héros inexpressif et antipathique s'il en est. Quant à son love interest, Pamela Gilbert, elle fait ce qu'elle peut pour donner un semblant de consistance à son personnage - mais de n'avoir à son actif qu'un porno hard, trois seconds rôles ingrats dans des séries B sans le sou et un premier rôle dans une oeuvre de l'acabit de Transmutation ne semble pas l'avoir incitée à persévérer dans le septième art. Elle est depuis devenue prof d'anglais à ce qu'il paraît. Sa collègue Colleen McDermott, qui tâta également du porno soft entre deux feuilletons télé, fait elle aussi de son mieux dans un rôle féminin un peu plus actif, même s'il n'est pas très bien défini non plus. Quant au p'tit rigolo de service, le crispant Billy Jayne, c'est un ex-enfant star qui n'a rien fait de particulièrement marquant à part jouer Mickey Randall dans la série Parker Lewis ne perd jamais, et tenir le rôle principal dans Ma prof est une extraterrestre de David DeCoteau. Et pour ce qui est du sidekick monolithique Hank Stratton, il a une filmographie encore plus dénuée d'intérêt. Bref, en dehors de deux noms vaguement connus, on n'a droit qu'à un casting de cinquièmes et sixièmes couteaux, qui font somme toute correctement leur taf, bien conscients d'ajouter une belle daube à leur CV avec ce film de SF fauché à la psychologie sommaire.

Pendant que ce gros naze de héros est assommé dans un coin (il ne se rendra utile que dans les dix dernières minutes), Colleen McDermott bondit comme une tigresse sur le Yéti, seulement armée de son petit coutelas, le lardant avec sauvagerie pour essayer de sauver tout le monde à elle seule. Quelle femme ! Voilà un faire-valoir digne de Zabou Breitman dans "Gwendoline" !

Outre son mélange des genres foutraque et son ambiance débilo-premier degré, le film séduit par ses effets spéciaux indigents et ringards. On peut à la rigueur faire preuve d'indulgence pour le Yéti, dont le costume est certes grotesque et caoutchouteux, et dont l'interprète a une forte tendance à en faire des caisses, mais qui a au moins le mérite de remuer la bouche et les lèvres en animatronique. Les scènes de mutation demeurent les effets les plus réussis, laissant supposer qu'avec plus de temps et d'argent, les responsables auraient pu créer quelque chose de bien. Par contre, on sera implacable vis-à-vis des maquillages et des masques ridicules des morts-vivants, qui sont dignes de la plus minable des séries Z. De même, la marionnette d'extraterrestre, dont on ne voit que le haut et dont on devine la main du technicien remuant le guignol en latex, n'inspire que l'hilarité. Les quelques effets gores sont plus soignés. On a droit à une décapitation par-ci, un arrachage de coeur par-là, et une éventration un peu sadique de la part du Bigfoot, mais même ces passages gores demeurent assez nanars. De toute façon, au bout d'un moment le public a mis son esprit critique sur OFF. Les trois scénaristes souffraient visiblement tous d'un trop plein d'idées et ont voulu toutes les condenser en une heure trente, à coups de demi-révélations inabouties et nébuleuses. Forcément, niveau cohérence, c'est un peu le boxon.

Des zombies craignos.

Des décors futuristes en carton.

Du sang et du nichon.

Une marionnette d'extraterrestre avec une pince, sorte de cousin lilliputien d'Alien, la créature des abysses.

Des tronches de cake.

Quant à ce brave George Kennedy, la même année que ce sympathique nanar cheapo-discount, il était à l'affiche de Y a-t-il un flic pour sauver la reine ? mais aussi de cinq autres direct-to-video et d'un téléfilm, parvenant à maintenir le même rythme de tournage quasiment jusqu'à sa mort en 2016, à l'âge vénérable de 91 ans. Cette modeste chronique est dédiée à celui qui savait garder classe et dignité même en apparaissant dans des films aussi nazes que cette abracadabrante - mais généreuse - histoire de Bigfoot, d'extraterrestres et de zombies dans les bois.

- Jack Tillman -
Moyenne : 2.75 / 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Cette savoureuse bisserie est sortie en double-programme avec The Church (Sanctuaire en VF) de Michele Soavi, dans un DVD zone 1 édité par "Frolic Pictures" (en édition limitée). Contenu basique, en anglais sans le moindre sous-titrage. Un DVD allemand de chez "Mr Banker Films/Cargo" propose le film en versions anglaise et allemande, sans bonus hélas.

Pour voir le film en version française, il vous faudra débusquer la très rare VHS d'époque de chez "Partner et Partner".

 

Attention camarades nanardeuses et nanardeurs, gardez l'oeil ouvert et le bon pour ne pas vous méprendre sur cette marchandise (quoi que vous n'y perdriez pas au change) :

Une jaquette volante pillant le visuel de "Transmutation" et y ajoutant à l'arrache un gros oeil pour nous refourguer n'importe comment "Terreur Cannibale".

 

Attention aussi à ne pas confondre notre film avec deux autres bis de SF des années 80 : Transmutations de George Pavlou...

... et Hell comes to Frogtown, lui aussi sorti sous ce titre hyper-cliché et passe-partout en France.

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