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Lust for Frankenstein


Lust for Frankenstein

Titre original : Lust for Frankenstein

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Jesus Franco

Année : 1998

Nationalité : Etats-Unis / Espagne

Durée : 1h22

Genre : Lesbianisme gérontophile

Acteurs principaux :Lina Romay, Michelle Bauer, Amber Newman, Analia Ivars

Nikita
NOTE
3/ 5

Le cas de Jesus "Jess" Franco est quand même l’un des plus intéressants à traiter qui soient, même si le déchet de sa filmographie n’est pas forcément constitué de perles nanardes. Dernier représentant, jusqu’au début du 21ème siècle, du cinéma bis à l’ancienne, Franco a fait figure, auprès des jeunes générations, de metteur en scène "culte", lui qui était si vilipendé par le passé : au point que le soutien de nouveaux producteurs et le développement des techniques de tournage en vidéo ont permis à notre Espagnol fou d’échapper à la retraite qui semblait le guetter.



Parmi les résultats de la énième partie de carrière de Franco, on marquera d’une pierre blanche ce remarquable « Lust for Frankenstein » (« Luxure pour Frankenstein », pour les non-anglophones), tourné à Malaga en co-production avec une petite boîte américaine et qui nous prouve qu’à 68 ans, le bon Jesus ne s’était pas arrangé du ciboulot.



Intéressant à plus d’un titre, « Lust for Frankenstein » permettra aux spectateurs courageux de constater les multiples couches du talent particulier de Jess : tout d’abord, une réelle aptitude à créer des ambiances glauques et des images malsaines, malgré des moyens financiers et techniques extrêmement limités. Ensuite, une inaptitude tout aussi réelle à suivre un récit traditionnel sans partir en vrille dans des séquences hallucinatoires qui, ici, atteignent des sommets expérimentaux. Enfin, un goût pour les séquences érotiques d’un mauvais goût fleurant bon la luxure campagnarde à base de copulation dans le foin et qui atteignent ici des sommets voisins de la gérontophilie, voire de la nécrophilie.



Choyé par son producteur américain comme se doit de l’être un auteur culte européen, Franco fait ici strictement ce qu’il veut : scénariste, co-producteur, compositeur, tonton Jesus laisse libre cours à ses obsessions dans un récit si minimaliste et déroutant qu’il en devient hypnotisant, comme une sorte de partouze chez les zombies filmée par un Jean-Luc Godard sous cocaïne et amateur de hard-rock.


Lina Romay.



« Lust for Frankenstein » nous propose de suivre les aventures de Moira Frankenstein, fille du célèbre docteur, interprétée par Lina Romay, compagne et égérie de Franco. Femme timide et frustrée, Moira retourne dans la maison de son enfance, désormais occupée par sa belle-mère Abigail, qui a le même âge qu’elle (mais en mieux conservée). Abigail se trouve être une gourgandine qui passe son temps à copuler dans des fauteuils en osier avec ses deux jeunes domestiques. On nous apprend qu’elle a également, dans le passé, lutiné sa belle-fille, qui, depuis, ne l’aime guère.


« Heu, pardon de vous déranger… »



Mais voilà que le fantôme de Frankenstein, recouvert d’un maquillage sanguinolent, apparaît à sa fille, et lui indique où retrouver, dans les combles de la maison, une fantastique créature créée par lui des années auparavant (elle est quasiment cachée dans le placard à balais, mais Abigail ne semble jamais l’avoir trouvée) ! Le traditionnel monstre de Frankenstein est ici une monstresse, interprétée par l’Américaine Michelle Bauer, ancienne actrice de X ("Jamaix plus encore") et vedette de nombreuses séries Z californiennes réalisées par Fred Olen Ray et consorts à partir des années 1980.



Affublée des traditionnelles cicatrices et boulons sur les tempes, "Déesse" (c’est le nom de la créature) a également pour particularité de se balader en permanence à poil. C’est en effet une créature très sexuée, dont la principale préoccupation est de sauter sur tout ce qui bouge : la brave Moira est le premier objet de ses attentions, ce qui va nous valoir, une fois que le monstre aura été ragaillardi par la force vitale de l’un des domestiques, des scènes de sexe relativement corsées.





Et c’est là que le bât blesse.






Car il faut bien souligner, quitte à manquer de galanterie, que Lina Romay (44 ans paraissant nettement plus) n’a plus vraiment le physique pour tourner des scènes érotiques. Sans avoir jamais été très distinguée (euphémisme), Lina avait un côté "grosse cochonne" qui la rendait très crédible dans les porno soft, voire hard, tournés par Franco dans les années 1970. Ce n'est plus vraiment le cas. Moira étant censée être un personnage frustré et refoulé, le physique de son interprète est plutôt adapté au scénario : mais Franco semble complètement perdre la logique de son récit en s’égarant dans de longues – très longues, interminables – scènes de cul tournées comme dans un mauvais film érotique des années 70, et agrémentées de musiques jazzy qui eussent plutôt été à leur place dans « La Fille du garde-barrière est une salope ». Michelle Bauer a pour sa part pris beaucoup de poids (et de muscle !) depuis les années 80, et sa différence de taille avec Lina Romay lui donne un aspect véritablement "camionneuse", qui va plutôt bien au personnage, par ailleurs.



Il ne nous viendra pas à l’esprit de reprocher à Lina Romay de vieillir, mais bien de constater que si Jess Franco pense encore l’utiliser au premier degré dans des scènes érotiques – car telle semble bien être son intention – la date de péremption est légèrement dépassée. Durant ces scènes, l’impression dominante, un peu gênante, est celle de voir Franco nous servir benoîtement ses vidéos privées en les mixant avec son film pour rallonger le métrage.



Là, ce n’est pas Lina Romay, c’est Analia Ivars, qui interprète Abigail.



Ce qui est dommage, car l’histoire d’amour très sexuée entre ces deux femmes aux physiques assez inhabituels donnait au récit un côté assez troublant et malsain. Nous aurions pu tenir un bon film d’horreur morbide si Franco ne s’était pas mis à oublier son scénario en route pour nous fourguer des scènes érotiques toutes plus nazebroques les unes que les autres. Pour relancer l’ambiance, on nous sert en sus des apparitions ponctuelles du fantôme, qui grommelle des instructions à sa fille d’une voix incompréhensible.


« Moiraaaaa… grmblllbbbmmm… »


Moira racole une strip-teaseuse pour alimenter la créature.



Les doigts dans le nez ! (Faudra qu’elle m’explique son truc pour draguer)



Moira Frankenstein fouette sa créature.



Galvanisé par l’utilisation de la vidéo, Franco cède en outre à sa manie de faire joujou avec l’image, torturant les rétines du spectateur jusqu’à lui crever les yeux à force de déformations, filtres, flous artistiques, kaléidoscopes et angles de prise de vue bizarroïdes. « Lust for Frankenstein », c’est du film d’horreur expérimental, madame ! Voir qu’un cinéaste de 68 ans n’a pas perdu son enthousiasme juvénile, c’est bien. Se faire massacrer les yeux et le cerveau, ça l’est moins. Ajoutons en outre que le film est à voir impérativement en version anglaise (d’ailleurs, il ne semble pas exister de VF) : l’accent espagnol à couper au couteau de Lina Romay et de plusieurs autres interprètes vous torturera également les oreilles, dans un véritable son et lumière nanar !







Sans susciter véritablement de crises de rires mémorables, ce Frankenstein franquiste est une authentique curiosité, qui synthétise assez bien la carrière de son auteur : un vrai don pour les ambiances bizarres, gâché par une narration pas du tout maîtrisée et un goût pour la digression érotisante débandulatoire.





« Put your fingers in me, mistress… » (texto)



Les plus courageux resteront plus d’une fois pétrifiés de stupéfaction devant des intermèdes sexués tombant comme un paquet de poils pubiens sur la soupe et des expérimentations visuelles à l’esthétisme baveux. « Lust for Frankenstein » est une authentique aberration, dont le spectateur réceptif aura du mal à démêler s’il s’agit d’un nanar pestilentiel ou de l’œuvre fascinante et jusqu’au-boutiste d’un génie aussi incompris que psychopathe. Une expérience limite à déconseiller aux fines bouches !


A chaque séquence choc, on a droit à un plan sur ce vinyle, qui nous administre le même morceau de hard. A la vingtième fois, la lassitude guette un peu...


- "MOIRAAAAAAAAAA... GRALLGBBBBBMMM..."
- "Monsieur Frankenstein, vous êtes prié de parler plus clairement ou de cesser vos messages d'outre-tombe ! Et changez de coiffure, les tresses rasta, ça ne vous va pas du tout !"


- Nikita -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation
Jamais sorti en France, le film a fait l’objet d’une édition en DVD zone 1 par les Américains de Ventura Distribution, avec interviews et making-of. Il est également disponible en double programme avec un autre film américain de Franco, « Tender Flesh ».