Recherche...

Wendigo

(1ère publication de cette chronique : 2006)
Wendigo

Titre original : Wendigo

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Roger Darbonne

Producteur(s) :Paul W. Kener

Année : 1978

Nationalité : Etats-Unis / Canada

Durée : 1h28

Genre : Les Vents Sauvages

Acteurs principaux :Ron Berger, Cameron Garnick, Victor Lawrence, Robert Steffen, Van Washburn Jr., Carol Cocherell

Techniciens :Paul W. Kener

Kobal
NOTE
3.75/ 5


Ce qui est gênant avec les jaquettes horribles, c'est qu'elles exercent un pouvoir d'attraction tellement puissant qu'il est bien souvent impossible de résister à l'achat compulsif. Et la plupart du temps, ce chant des sirènes ne sert qu'à masquer non pas des monstres anthropophages qui sentent la marée basse, mais bien pire : un navet indigeste, impossible à refourguer à qui que ce soit. Heureusement, il arrive de temps à autres que l'horreur graphique révèle une pépite en son sein, joyau rare ou terra incognita inexplorée, qui fait tout le piment des chasses de nanardeurs et qui empêche tout suivi de la bonne résolution bien connue des toxicos de tout poil : demain, j'arrête.


Les responsables assument fièrement leur rejeton.


Ainsi, derrière le dessin atroce de ce crâne édenté à l'orbite scintillante et à l'os frontal fracturé par un suicidaire qui a décidé d'en finir avec les lois de la perspective, se cache un nanar d'un genre très particulier : l'Amateurisme Mollasson Hypnotique, cette véritable porte vers la 4ème dimension, bien connue de tous ceux qui se sont risqués à la franchir en visionnant des monuments tels que « Devil Story » ou « Eaux Sauvages » (une comparaison loin d'être anodine ; et oui, je fais des effets d'annonce dès le début de cette chronique). Je tiens donc à remercier avec ferveur l'éditeur US Video qui a eu le courage de laisser son gamin de 6 ans dessiner les jaquettes des films qu'il distribue. Sans ce genre de personne, c'est tout un pan de Nanarland qui n'existerait pas.

Que raconte donc « Wendigo » ? Et bien comme ses confrères du genre, pas grand chose, et c'est tout ce qui fait sa force. L'histoire se résume à peu près à la suivante : une équipée de touristes part dans le grand Nord américano-canadien pour chasser l'élan. Mais bien vite des phénomènes étranges se produisent. Une seule explication : Wendigo. C'est quoi donc Wendigo ? Et bien culturellement parlant, Wendi est une créature issue du folklore indien Anishinaabe dont la description est variable : entre géant de glace, cannibale et coyote-garou, les coeurs balancent. Mais le (les ?) auteurs du présent film ont préféré trancher dans le vif : ici, Wendigo, c'est du vent. Voilà, ça fera ça de moins dans le budget effets spéciaux.


Un type de scène récurrent : deux persos sur un canoë taillent le bout de gras.


Nous assistons donc aux allers et venues de notre petite troupe, constituée de Franck, riche chasseur occasionnel bavard à ses heures perdues, de Eric, photographe réputé et imbu qui cherche le big scoop, de Connie, nymphomane plus qu'en chaleur, de Mike, pilote d'hélicoptère et véritable aigle du Viêt-nam à l'arithmétique impénétrable, le tout accompagné par le duo De Faggot, trappeur Canadien bourru et poilu et Billy, aide de camp indien maltraité. Et très vite, force est de constater qu'il ne se passe RIEN. Dès la première scène, le remplissage s'annonce en force avec une capacité d'étirement sans fin de la situation la plus banale grâce à des dialogues interminables complètement ineptes et dont on perd le sens dès les premières secondes. Bien sûr, je vous rappelle qu'on est censé frissonner de terreur devant ce qui se veut un film d'horreur pur jus.


Vous voyez tout là-bas ? C'est la fin du film... le but est de s'en tenir éloignés aussi longtemps que possible.


M'sieur Franck, vous couvrez nos arrières ; la laissez pas approcher.


ELLE ARRIVE !! FUYEZ, FOUS !!!


Que ce soit autour du feu de camp ou lors d'une molle chevauchée, que ce soit dans l'hélicoptère ou en canoë sur la rivière, vous pouvez être sûr que vous entendrez causer de tout et n'importe quoi, sans cohérence aucune et sans jamais trop savoir de quoi les protagonistes parlent réellement, subissant les assauts implacables de la forme sur le fond jusqu'à que le cerveau vous dégouline par les oreilles et que vous restiez scotchés à votre poste jusqu'à la fin des temps. Mais ce n'est pas là la seule technique du film pour atteindre la durée réglementaire d’un long-métrage : soyez assurés que si deux personnages doivent avancer dans la plaine glacée, vous allez les voir en temps réel attacher leur chevaux, préparer leurs affaires, puis marcher pendant plusieurs minutes sans mot dire, entourés d'envahissants bruitages simplistes.


L'amour de l'artisanat des FX.


Bien sûr, on comprend la trame globale du film : il y a une île où il ne faut pas aller. Et la plupart des personnages d'arriver, par les raisonnements les plus alambiqués qu’on puisse concevoir, à la conclusion qu'il faut à tout prix aller sur l'île. Et Wendigo, il n’apprécie pas qu'on vienne l'emmerder en chantant koombaya au coin du feu. Surgissent donc les phénomènes bizarres... Du vent... Des marshmallows trop chauds (véridique !)... Billy qui disparaît... Et de temps à autres, un effet des plus cheaps de surimpression sur la pellicule de... de quoi exactement ? Difficile à dire, tant la misère budgétaire affecte même la qualité de la pelloche. C'est d'ailleurs le principal souci de « Wendigo » : les scènes de nuit sont tout bonnement illisibles. On ne voit rien, si ce n'est quelques objets hyper-exposés (et donc d'un blanc lumineux nucléaire) pour les rares choses éclairées. Le contraste de ce film est une expérience à part entière.


Une direction artistique au-dessus de tout reproche.


L'île maudite, avec sa sympathique plage.


Le vide intersidéral de l'action permet donc de se concentrer sur les personnages. Et surtout sur le duo De Faggots-Billy, tout simplement génial. Si le pauvre Billy ne dit pas grand chose (à part les traditionnelles mises en garde et autres aphorismes indiens), il se fait sans cesse rabrouer par le gros bûcheron barbu et égotique qui lui sert de boss, se faisant traiter lors d'accès paroxystiques de "fou", toutes les 15 secondes, avec toutefois quelques variantes du genre "taré d'indien", "merdeux", "vieille fille" ou "t'es fou d'la tête Billy". On en viendrait presque à compter le nombre de fois où ce terme est utilisé. De Faggots a en plus le chic pour employer de bonnes vieilles expressions vulgos (il s'obstine à appeler Connie "Cunni", mouahaha), à parler de lui à la 3ème personne, à conter au coin du feu des récits à la cohésion fragile et à cultiver un comportement des plus irrespectueux envers son environnement (il balance ses cannettes de bière partout sous prétexte que quand la Nature donne quelque chose, il faut lui rendre quelque chose d'autre).




Billy, le porteur indigène de canettes de bière.


Connie n'est présente que pour montrer ses seins lors de transitions d'une finesse inouïe (comprendre qu'à tout moment, on peut avoir un plan totalement injustifié sur sa poitrine) et pour rappeler à tous ces hommes qu'elle est open. Elle illustre de plus très bien la capacité des personnages à faire l'exact inverse de ce qu'ils annoncent : si jamais elle dit vouloir aller se laver les cheveux, soyez sûr qu'elle va prendre un bain en faisant particulièrement attention à ne pas se mouiller un cheveu.


"Oh, je crois que j'ai trop mangé".


Pour nos honorables lecteurs pervers, le seul plan "raie des fesses" du film.


Si Franck est réellement là pour chasser l'élan (et discuter de blabla social avec Billy lors d'une énième scène de dilution scénaristique), Eric est quant à lui motivé par des raisons plus troubles : la découverte d'un vieux cimetière indien (ah, enfin, un élément fantastique un tant soit peut tangible !).

De nombreux autres éléments finissent de propulser ce nanar dans la stratosphère des films dont l'existence (et la commercialisation) nous surprend chaque jour, comme l'emploi sans fin du même thème musical guilleret (en parfaite inadéquation avec les scènes « angoissantes »), monté comme pas possible avec arrêt brutal, reprise de 5 secondes, saute de son, etc. On a même l'impression à certains moments d'entendre des bruits de voitures qui passent juste à côté (normal dans le Grand Nord sauvage). Quant aux amateurs de mannequins en mousse, ils seront heureux d'apprendre que la prod a pensé à eux :




Je ne reviendrai pas sur les doubleurs qui s'en donnent à coeur joie dans les dialogues à base d'allégories fumeuses et dont les voix rappelleront aux habitués un célèbre extrait du site, dit du Karma. En effet, on retrouve là la même équipe qui avait sévi pour « Eaux Sauvages ». Simple coïncidence ? Sans doute pas : « Wendigo » n'est pas crédité sur imdb, de même que son réalisateur ou qu'aucun de ses acteurs... sauf Ron Berger, dont l'unique film selon ce site n’est autre qu’ « Eaux Sauvages ». Encore plus surprenant est le fait que Connie lise un bouquin intitulé... Savage Water. Ca donne le vertige, non ? Bien plus qu'une simple ressemblance, « Wendigo » partage avec « Eaux Sauvages » un véritable lien de parenté. Confirmation définitive en est la présence au poste de producteur, monteur et directeur photo de Paul W. Kener, le réalisateur du fameux nanar. Les deux films ont en fait été produits par la firme créée par Kener, Talking Pictures Inc.


Un placement produit comme on en voit rarement ("See the thrilling movie too!").


Pour conclure sur « Wendigo », je préfère tout de même prévenir les éventuels spectateurs : ce nanar n'est pas à mettre entre toutes les mains. De par sa mollesse absolue, sa mauvaise qualité d'image, son rythme poussif, nombreux sont ceux qui pourraient le qualifier de navet soporifique. De plus, tout hypnotique qu'il soit, jamais il n'atteint les références que sont Devil Story ou bien l'extrait du Karma d’ « Eaux Sauvages ». Mais ces quelques défauts ne me feront pas démordre de ma très grande sympathie pour ce métrage halluciné qui continue de me faire ricaner, rien que d'y penser. Bref, si vous vous sentez capables d'assumer un film dont la fin post-générique s'étale sur 5 bonnes minutes de remplissage désespérément vide de tout sens, alors « Wendigo » est fait pour vous.

Bonus pour ceux qui sont allés jusqu'au bout : ce qui s'approche le plus d'une image du fameux Wendigo. Que ceux qui ont une idée de ce que c'est censé être nous écrivent.


Et pour les membres du Fan-Club de De Faggots (dont je suis le fondateur) :


De Faggot sous sa tente-chiotte est dérangé par le téléphone.


Merci à ROTOR pour le rip de ma VHS, sans quoi aucune capture d'écran, vidéo ou extrait mp3 n'auraient pu égayer ce texte.

Addendum :


Ayant pu me procurer une version anglaise du film, j'ai eu la surprise de constater lors de son visionnage qu'il existait des différences scénaristiques importantes par rapport à notre version française. En effet, la fameuse séquence où De Faggot mange un marshmallow trop chaud est remplacée par un flashback où nous est narré l'origine du Wendigo (rien que ça !).

C'est ainsi que l'on apprend que Wendigo n'est qu'un banal indien Blackfoot, confronté à un hiver plutôt rude. C'est la famine, mais il accueille d'autres Indiens chez lui, et leur promet qu'ils trouveront un endroit plus chaud. Il part à la recherche d'un tel lieu, mais sans succès. A son retour, les autres Indiens lui reprochent de leur avoir menti (!), et décident donc de l'immoler par le feu. Irrité par ce comportement légèrement excessif, Wendigo maudit tout le monde, ainsi que la zone de sa propre mort. Et voilà comment on se retrouve avec une île peu fréquentable.


Wendigo se promène dans la neige.


Wendigo est réchauffé par ses amis.


Une nouvelle clé pour la compréhension du mystère Wendigo.


Le casting du film.

- Kobal -
Moyenne : 2.16 / 5
Kobal
NOTE
3.75/ 5
Mayonne
NOTE
0/ 5
MrKlaus
NOTE
2.5/ 5
Nikita
NOTE
2/ 5
John Nada
NOTE
2/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
1/ 5

Cote de rareté - 6/ Introuvable

Barème de notation

Tout comme Eaux Sauvages, Wendigo a bénéficié d'une distribution confidentielle par l'éditeur "US Vidéo". Si le vent noir est avec vous, vous la croiserez peut-être au détour d'un vieux cimetière indien... Essayez toutefois les traditionnelles brocantes de chez nous en priorité, c'est quand même moins dangereux.


Une VHS anglaise tout aussi rare...


...et une édition polonaise.

Jaquettes en plus