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Devil Story : Il était une fois le diable

(1ère publication de cette chronique : 2002)
Devil Story : Il était une fois le diable

Titre original : Devil Story : Il était une fois le diable

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Bernard Launois

Année : 1985

Nationalité : France

Durée : 1h15

Genre : J'irai revoir ma Gore-mandie

Acteurs principaux :Véronique Renaud, Marcel Portier, Catherine Day, Nicole Desailly, Christian Paumelle, Pascal Simon

Rico
NOTE
5/ 5


Préambule : au départ, cette chronique reposait essentiellement sur des souvenirs. C'était dans les années 90, j'habitais Sallanches (Haute Savoie) et au détour de mon vidéo-club, alors que j'errais, toutes les nouveautés ayant été raflées par de précédents clients, je me fourvoyais par mégarde dans le rayon "fantastique" du magasin. Puis j'en ressortais aussitôt vu qu'il était tout petit. En y retournant, tout en bas sous un tas de poussière, je découvrais le St Graal : le plus mauvais film du monde et de sa proche banlieue : « Devil Story : Il était une fois le diable ». Le présentant à la caisse, le proprio leva un sourcil signifiant « Tiens, j'ai ça », puis le deuxième synonyme de « Tiens quelqu'un le prend ». Après une vision en solitaire, je le relouais fébrilement pour le montrer à mes amis chambériens effondrés.
Depuis, grâce à Peter Wonkley, j'ai enfin pu revoir ce souvenir traumatisant.


L'oeuvre date de 1985, représente fièrement la France (enfin surtout la Normandie, j'vais pas me mouiller je suis Rhônalpin) et est signée Bernard Launois. Pour ce qui est du casting... on ne va pas leur jeter la pierre, ils étaient jeunes, ils avaient faim... maintenant ils ont droit à l'oubli, à refaire leur vie...
Or donc, tout commence par une vision fort champêtre de la Normandie. Surgit alors un rude gaillard défiguré (pour tout dire on dirait un zombie) en costume de S.S. équipé d'un énorme couteau et poussant des grognements.


Le monstre SS.


Notre homme course des campeurs en forêt, qui campent (normal) et qui vont chercher du bois en sautillant et chantonnant (si c'est pas de la provoc). Il les massacre allègrement et en profite même pour se prendre les pieds dans les fils de la tente. Quand il en a fini avec les vacanciers, il va taquiner l’automobiliste en panne sur les départementales…


Pascal Simon est LE MONSTRE ! Qui n'hésite jamais à en faire trop, quitte à se prendre les pieds dans les fils de tente !


Ca se la joue joyeusement (et maladroitement) gore, avec éventration et tout et tout, car le réalisateur a tout misé sur ses effets spéciaux. Enfin... sur un effet spécial : la blessure d’où gicle du sang. Grâce à une seringue ou une poire, un assistant fait gicler du faux sang des fausses blessures des figurants (enfin j'espère que c'est du faux tout ça parce qu'un type capable de tourner un film pareil, allez savoir ce qu'y peut lui passer dans la tête). Et comme il est tout fier de son effet spécial, il le montre une bonne minute montre en main, dégorgeant facile quinze à vingt litres de raisiné.


Des maquillages assumés.


La scène suivante, un jeune couple arrive en voiture dans la région, voit un chat noir et tombe en panne (ne cherchez pas de cohérence, il n'y en a pas, si ce n'est que le chat noir revient à la fin du film). Composé d'une blonde gironde et d'un beau jeune homme sûr de lui et accessoirement tête à claque, le couple se dirige vers le village quand la fille se sent mystérieusement attirée par une force étrange au niveau d’une falaise voisine.


Un bien beau couple comme les aime le cinéma américain… d'ailleurs leur voiture est immatriculée en Floride.
Dis donc Bernard, t'essaierais pas de faire passer ton film pour un produit américain à l'export ?


Arrivé au village, alors qu’ils se garent devant l'auberge, retentit soudain la musique d’ « Il était une fois l'homme » (mais si, le générique du dessin animé que Bach a pompé pour faire sa toccata). Là ça annonce que c’est sérieux, on n’est pas là pour rigoler. Ce qui n'empêche pas le couple d'y entrer. Ils sont plutôt bien accueillis par un couple de petits vieux qui leur annonce que le coin est hanté et qu’il y a quelques siècles les habitants du coin étaient des naufrageurs.


L'aubergiste reste perplexe.


Grâce à des feux sur la côte, ils attiraient les navires pour s'échouer. D'ailleurs ils ont fait le coup avec un navire anglais revenu d'Egypte qui s'est encastré dans la falaise. Au cours de cette nuit tragique, tous les naufrageurs sont morts et la géographie de la côte a complètement changé ! D'ailleurs ça fait pile 100 ou 200 ans que c'est arrivé.


Les naufrageurs sur le point de subir la malédiction du Condor (c'est le nom du bateau et de la boîte de production qui finance le film).


Soudain le vieux se lève car on entend un galop dans la nuit : c'est le cheval du diable ! Il s'empare de son fusil et course l'animal vers la falaise. S'engage alors un combat de titans… premier plan : le vieux qui tire au 12 à pompe dans un sens puis se retourne et redéfouraille puis se retourne et tire encore puis se retourne etc. Deuxième plan : un cheval noir qui hennit et qui sent le stock-shot à plein nez. Puis re-petit vieux au fusil etc. Le tout revient régulièrement pendant tout le reste du film, sans aucun rapport avec l'histoire. Le vieux ne recharge jamais, les premières scènes le montrent vers minuit, les dernières à l'aube. Le cheval et le tireur ne se retrouvent quasiment jamais ensemble à l'image (sauf une fois, furtivement). Magie du montage...


Le tireur sans fin.


En pleine nuit, la blonde attirée par on ne sait quelle force mystérieuse (à vue de nez je dirais le scénario) sort de son côté, enfile des bottes et un ciré jaune sur sa chemise de nuit et va se perdre dans la cambrousse. Fuyant le canasson du diable qui lui fait très peur, la fille se réfugie... dans la ferme du sadique au couteau (vous l'aviez oublié celui là, lui non, d'ailleurs je lui ai communiqué votre adresse) où elle rencontre la mère du dément, encore plus chtarbée que son fiston et qui encourage celui-ci à étriper la donzelle. Le défiguré hésitant, encouragé par sa vieille sorcière de mère, a alors l'air presque attendrissant (je me disais aussi qu'un type qui s'habille sans aucune raison scénaristique en S.S. ne pouvait être foncièrement mauvais). Surtout qu’elle ressemble trait pour trait à sa soeur récemment décédée…


La blonde en ciré jaune fait quelques mauvaises rencontres.


Pendant ce temps, évidement, une maquette de bateau s'extrait de la falaise et en sort, je vous le donne en mille, une momie ! Qui s'en va rechercher sa fiancée qui se trouve être la sœur du dément.


Une bien jolie maquette.

 



La momie jaillit de son sarcophage. Sauf que si vous regardez bien, vous pourrez vous apercevoir qu'il y a juste un couvercle et PAS DE SARCOPHAGE !


J’arrête là vu que ce n’est que le début d’un n’importe quoi généralisé qu’on suit moitié groggy moitié hypnotisé. Scénario incohérent, acteurs semi amateurs débitant leur texte sans conviction, rochers en polystyrène qui rebondissent quand un personnage tombe dessus, réalisateur qui fait durer ses plans interminablement pour nous faire admirer ses effets spéciaux ringards. Le tout filmé avec ce sérieux papal qui a la marque des grands réalisateurs.


La momie et sa bien-aimée (vous pourrez remarquer que c'est la même actrice qui joue les 2 rôles. Ah ben oui, vous vous attendiez à quoi...)


D’ailleurs glissons deux mots sur celui-ci : Bernard Launois, qui comme beaucoup de bisseux français de ces années là a commencé sa carrière dans la fesse avant la libéralisation du porno (avec des titres aussi fins que « Lâchez les chiennes » ou « Les Dépravés du Plaisir »), s’est un temps tourné vers la comédie lourdingue à rendre jaloux Philippe Clair : « Touch'pas à mon Biniou » avec Sim et Henri Génès (mort en août 2005 dans l’indifférence générale des médias) ou « Sacrés gendarmes » avec les mêmes plus Robert Castel et Daniel Prévost. Ce « Devil Story » est l’apothéose de sa carrière doublée d’un chant du cygne puisque après ce film Launois disparaît de la circulation et ne tournera plus jamais. . Pendant longtemps nous nous sommes perdus en conjectures sur le bonhomme avant de retrouver sa trace en banlieue parisienne. Ancien distributeur de films itinérant auprés des petites salles de province, Launois s'était fait une spécialité de tourner à moindre coût des longs métrages taillés sur mesure pour les cinés de sous-préfecture peu regardant sur la qualité. Devil Story fut sa seule tentative dans le genre horrifique très à la mode dans les années 80. Un film qui devait "faire mieux que les américains". Pas gagné !


Bernard Launois sait s'entourer : on retrouve ici comme assistant réalisateur Claude Plaut, plus connu sous le nom d'Olivier Mathot, un des acteurs / réalisateurs piliers d'Eurociné (Mondo Cannibale, Lorna, la Lionne du Désert etc.).

 


Chris B. Launois, Pascal Launois... toute la famille s'est investie dans ce film.


Au final, la blonde finit par se réveiller. Ouh là là tout ça n’était qu’un rêve. Mais au moment de quitter le village, le gazon s'ouvre et l'engloutit (véridique). Cette dernière scène nous montre le chat noir du début qui observe le tout, ne dit rien mais n'en pense pas moins. Gros plan final sur le matou qui pousse un miaulement diabolique et dont les yeux jaunes flamboyants laissent entendre que dans cette sombre histoire seule le Diable peut gagner... enfin, pas un César en tout cas.


Le chat. Lui il sait car il est le seul à avoir lu le scénario.


Après quelques minutes d'hébétude on sent que l'on est face à une OEUVRE. Un peu comme le monolithe noir de « 2001 Odyssée de l'Espace », on devine que l'humanité n'est pas encore prête d'en percer tous les secrets.
Et peut-être cela vaut-il mieux ainsi...


En bonus, ce schéma patiemment élaboré par les forumers Sbel et Benoît, qui synthétise tous les enjeux du film :


- Rico -
Moyenne : 4.33 / 5
Rico
NOTE
5/ 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Nikita
NOTE
3.5/ 5
Wallflowers
NOTE
3.5/ 5
MrKlaus
NOTE
4/ 5
Barracuda
NOTE
4/ 5
Kobal
NOTE
5/ 5
Drexl
NOTE
3.5/ 5
LeRôdeur
NOTE
5/ 5
Jack Tillman
NOTE
5/ 5
Hermanniwy
NOTE
5/ 5
Labroche
NOTE
5/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Ce film occupe une place particulière dans notre coeur et pour cause : il s'agit du premier film édité par Nanarland en partenariat avec l'éditeur "Sheep Tapes" ! Une oeuvre de prestige masterisée à partir d'une véritable copie 35 mm et garnie de bonus rutilants. Un documentaire où intervient non seulement la fine fleur de la cinéphilie et de la bissophilie (Jean-François Rauger, Christophe Lemaire, Rurik Sallé, Frank Henenlotter et bien d'autres...), mais où surtout Bernard Launois et Véronique Renaud reviennent chacun de leur côté et sans langue de bois sur la genèse chaotique de ce film. On y trouve encore un making of d'époque tourné par France 3 Normandie, un commentaire audio de Launois sur certaines scènes et une piste son de la projection du film devant les 400 spectateurs extatiques de la Nuit Excentrique 2010. Ajoutez-y une poignée de bonus humoristiques (comme un mockumentaire imaginant ce qui se serait passé si Devil Story était devenu un hit international) et vous aurez le DVD le plus indispensable du monde entre les mains.

L'époustouflant DVD édité par Sheep Tapes et Nanarland. Franchement si à 50 ans vous ne le possédez pas, vous avez raté votre vie.

Si le DVD est désormais épuisé, le blu-ray sorti en 2021 (chez "Pulse Vidéo" en France et "Vinegar Syndrome" au Etats-Unis) reprend tous les bonus de la précédente édition, avec surtout un nouveau master en 4K scanné à partir du négatif original.

 
Une édition DVD sortie chez CMV Laservision.


Deux éditions vidéo anciennes aux jaquettes à peu près similaires existent aussi, reprenant la superbe et délirante affiche originale, respectivement chez "American Video" et chez "VDS" en Belgique. Il faut quand même reconnaître que ce sont des pièces très dures à trouver. On en a vu sur ebay coûter 300 euros, y en a qui doutent de rien...


Une jaquette québécoise qui tente carrément de faire passer le casting pour anglo-saxon !


Il semblerait que 2 DVD-R existent, l'un peut-être d'origine grecque était trouvable chez l'éditeur et importateur américain "Shocking Video", une édition plutôt de bonne qualité en anglais (avec semble t-il un doublage hilarant) accompagné de sous-titres grecs. La seconde édition parue chez "Midnight Vidéo" offre là aussi la version en anglais. Est-ce la même ? Difficile à dire vu le peu d'informations qu'offrent ces deux éditeurs.


L'édition DVD grecque...



...dont le visuel reprend celui de l'édition VHS du même pays.


Le défunt label "Omega Productions Record" avait ressorti la bande originale de ce film dans sa collection Horreur à la française, dans une belle édition limitée.

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