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Suceurs de sang


Suceurs de sang

Titre original :Blood Suckers from Outer Space

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Glen Coburn

Année : 1984

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h30

Genre : Dawa chez les ploucs

Acteurs principaux :Thom Meyer, Laura Ellis, Rick Garlington

La Créature du Lac Gris
NOTE
2.75/ 5


Si je vous demande, comme ça, à brûle-pourpoint ce qu'évoque pour vous le mot "Amérique", vous pensez à quoi ? Sans doute à quelques images indéfectibles comme la Statue de la Liberté (française, au passage), les néons joyeux de Las Vegas, les gratte-ciels de New York ou encore le tout Hollywood. C'est oublier que le grand frère ricain recèle en son sein de véritables joyaux qui ne demandent qu'à passer sur le devant de la scène. Ainsi, parmi ces trésors existe-t-il une certaine catégorie de gens qu'on préfère trop souvent passer sous silence, composée de ceux qu'un premier ministre américain pourrait qualifier d'"USA d'en bas" : les "rednecks".

 


Mais comment reconnaître un redneck, me demanderez-vous ? Eh bien on peut dire de manière générale que le redneck (appelé aussi cul-terreux, plouc, péquenot ou encore rural de par chez nous) est simple, étroit d'esprit, réfutant l'intérêt de l'art ainsi que le droit à l'homosexualité, s'habillant avec des chemises à carreaux d'un goût douteux et/ou d'une salopette en jean. Quand il n'est pas occupé à découper de méchants adolescents en morceaux (« Massacre à la tronçonneuse ») ou à entrer en conflit avec l'autorité locale pour ses tendances sudistes affichées sans vergogne (« Shérif, fais moi peur »), le redneck peut être recruté pour tourner un FILM !

 


Plan poules.


1984. Les années 70 sont déjà loin derrière, semant entre deux tubes disco la fièvre zombie propagée par Romero. Ceci ne manquât pas de susciter de véritables vocations chez les cinéphiles en herbe, qui se lancèrent dans l'aventure quelques décennies plus tard. Tel Glen Coburn : il sort d'un ciné club, encore ébloui par ce qu'il vient de voir. Son regard balaie l'obscurité de la nuit et une décision germe dans son cerveau. Il aura SON film, dont il sera le réalisateur, le scénariste et l'acteur car, c'est bien connu, on n'est jamais mieux servi que par soi même. Le voilà qui monte dans sa voiture pour faire des repérages dans l'arrière-pays, embauche sur place quelques figurants en échange d'une poignée de dollars ou d'un coup de main pour rentrer le foin et c'est dans la boîte en moins de temps qu'il n'en faut à Yul Brinner pour se faire la raie de coté. Oui, mais voilà...

 


La splendide jaquette québécoise.


« Suceurs de Sang » s'ouvre sur une page de la vie quotidienne de ces gens simples. Un fermier vaque à ses occupations dans la cour de la ferme. Soudain, il se fige. Une grosse bourrasque venue de nulle part le fait vaciller. Il toussote, crachote un bon décilitre de liquide rouge et hop, se relève transformé en suceur de sang. Nous apprendrons plus tard que c'est un courant d'air venu de l'espace (c'est toujours ça de gagné sur le budget des effets spéciaux) qui est ainsi responsable de la transformation soudaine du bonhomme.

 


Un fond blanc, deux ou trois coups de crayons, un peu de sirop de maïs et voilà le travail !


Mais qui viendra nous sauver de cette terrifiante menace ? La réponse est évidente : un reporter ! Enfin un photographe amateur pour un journal local, prénommé Jeff et qui sera notre héros. Ce dernier tente de "s'exprimer" au milieu de l'incompréhension des gens de la terre. Jeff a un frère scientifique, Ralph, qui travaille à Research City (on ne se moque pas) avec son équipe - trois personnes - sur un projet ultra secret d'étude du phénomène qui transforme les habitants en zombies/aliens/monstres/vampires. Mais l'arrivée du général Sanders va bouleverser cette perspective. Le général ne s'en laisse pas compter car comme tout bon général américain, il fume le cigare, les plantons et les scientifiques qu'il considère comme des pédales, cela va de soi.

 


Le retour de la myope des joues.

 


Un scientifique à lunettes.


Procédons scientifiquement. Pour ce qui est des acteurs, Jeff Rhodes (Thom Meyer) est une sorte de grande andouille à la tête ressemblant bizarrement à Schwarzenegger (mais seulement de profil). Il est mou, aussi charismatique qu'un pavé et nanti d'un regard de chien battu qui n'aide pas des masses à le mettre dans une position dominante. Une sorte de croisement improbable entre Luke Dukke, Peter Parker et Terminator.

 


Jeff, porte étendard du Texas libre.


Il rencontrera Julie (Laura Ellis) qui vient s'encanailler chez les bouseux, car elle, elle vient de Dallas, ce n'est pas la même catégorie. Ce qui ne l'empêche pas d'arborer des anoraks particulièrement hideux, sans doute pour se fondre dans la population locale. Elle inhale de l'oxyde d'azote dans sa Pontiac, ce qui lui permettra de tomber follement amoureuse de notre apollon rural au détour d'un virage.

 


Julie, celle par qui le miracle arrive.


Le frère de Jeff est interprété par Glen Coburn himself, tête pensante de l'équipe de bras cassés œuvrant à Research City (mais arrêtez de rire enfin, c'est un institut très sérieux !). Lui et ses trois ou quatre acolytes font tourner à eux seuls ce qui a l'air d'être un complexe assez grand. Ils portent des blouses avec Research City brodé au dos, c'est très classe. On le sent rempli de bonne volonté, mais le résultat n'est pas franchement probant, et on croit plus voir un jeunot avec une blouse de TP de Physique-Chimie qu'un savant tentant d'enrayer une redoutable catastrophe.

 


Il te plaît pas mon film ?


Le général Sanders (Dennis Letts) est assez savoureux dans le genre stéréotype. Il a une prédisposition pour la bombe atomique, trouve scandaleux qu'un établissement scientifique puisse obtenir des crédits auprès de l'État et aurait un char comme voiture de fonction si jamais on le laissait faire. Il est accompagné par son subordonné, le major Hood (Rick Garlington), qui a le défaut de trop vouloir réfléchir, perversion intolérable dans l'armée. Ajoutons que ce bon général ne verra rien d'autre qu'un complot communiste dans l'arrivée des suceurs de sang.

 


Le général Sanders larguant son missile atomique par minitel sur fond de Toccata.


Les seconds rôles jouent bien leur fonction d'amuseurs de galerie en nous exposant les meilleurs spécimens de rednecks que l'on puisse trouver sur le marché. C'est du beau, ça madame ! Incultes, homophobes, marginaux, moustachus, sexistes, c'est que du bonheur. Il est parmi eux un homme dont le sens du devoir qui m'étreint m'impose de vous présenter plus avant. Un second rôle qui, en l'espace de 5 minutes de film montre en main, réussit à raffler haut la main le Moutier du meilleur second rôle. Je vous présente NORMAN (Big John Brigham). Imaginez Karl Marx avec un bleu de travail et une casquette rouge et gavez le d'acides afin de lui permettre d'émettre des réflexions splendifiques sur ce qui se passe autour de lui, secouez et vous aurez un concierge comme on aimerait tous en avoir un en bas de chez soi. Il vaut à lui seul le détour.

 


Norman, le concierge d'un autre monde.


Puisqu'on parle des élucubrations de Norman, penchons-nous sur le son. Ah mais quelle (bonne ?) surprise ! Nous retrouvons aux commandes du doublage la bonne vieille équipe de margoulins déjà responsable via « Eaux Sauvages » et « Wendigo » de l'internement psychiatrique de quelques nanardeurs novices imprudents. Et toutes les caractéristiques sont là ! Phrasé monocorde, dialogues sans queue ni tête, synchronisation lèvres/voix aussi approximative qu'un sondage IFOP, le tout conférant au film une forte plus-value nanarde. Ce dernier n'est déjà pas très clair niveau action (le métrage serait censé être une parodie de film gore), mais les doubleurs sabordent tellement le tout que l'effet produit semble être à l'opposé de ce que le réalisateur cherchait à nous communiquer. Le personnage de Julie (appelé parfois "Djulie") est particulièrement touché. Grâce soit rendue à cette dame qui nous offre un doublage délicieusement exécrable, lançant un "C'est horriiiiible" comme un nonchalant "Il fait beau aujourd'hui". Par ailleurs, je suspecte l'emploi d'un homme pour doubler la rondouillarde tante Kate. Cerise sur le gâteau, on entend çà et là lors de passages silencieux des bruits de fonds bizarres, comme des voitures qui passent ou une radio étouffée. Le studio de ces messieurs serait-il mal insonorisé ?

 


Pas de table de réunion ? c'est pas grave, on prend six tables empruntées à l'école du coin, et voilà !


Du côté des effets spéciaux, le maquillage des mystérieux suceurs de sang est on ne peut plus touchant de naïveté. Un peu de plâtre, du crayon, un doigt de liquide rouge bricolé, et le tour est joué. Ajoutons quelques bras en mousse, saupoudrons d'un zeste de maladresse et c'est tout bon. Le principal aspect risible du film réside dans le fait que la nature même de la menace n'est pas clairement identifiée. Un coup de vent les transforme en zombie, soit, mais par la suite ces pseudos zombies s'expriment aussi clairement que n'importe qui. Au final, le côté freestyle de ces débonnaires "suceurs de sang de l'espace" offre un rendu assez fabuleux.

 


Un "old timer" suceur de sang de l'espace.


Glen Coburn tente de faire de ce gloubi-boulga une parodie. Certes, mais le décalage est si grand entre le doublage et l'action que les gags tombent en général à plat et certains passages plus sérieux font sourire, voire carrément rigoler. Jeff lançant à un zombie avec son air le plus sérieux et déterminé du monde un mémorable "Nous ne vous laisserons pas nous sucer !" est une petite perle de non-sens ! Un autre exemple nous est offert lors d'une scène de douche proprement (haha, jeu de mot !) hallucinante. Le copain policier de Jeff prend une douche avec sa copine. On distingue bien les deux silhouettes derrière le rideau de douche, une fenêtre les éclairant par derrière. Mais voilà que le vent démoniaque venu de l'espace souffle dans la maison et les deux tourtereaux vont devenir zombies dans de généreux geysers d'hémoglobine... une transformation catastrophique ! On voit clairement les acteurs prendre les bouteilles de faux sang derrière eux, en asperger le rideau et se pencher sur la flaque hémorragique 3 secondes plus tard pour tenter de faire croire qu'ils viennent de la régurgiter ! La trajectoire des jets de sang est même visible !

 


Et youpiii on rigole... ah merde, pardon, *tousse tousse* aaaarg...


Autre scène qui ne manquera pas de retourner les neurones du spectateur non prévenu, ce passage lourd de drame où Jeff pavoise avec son oncle Joe. Ce dernier lui fait comprendre qu'il a intérêt à arrêter ses conneries (c'est-à-dire faire des photos, parce que l'art on n'y comprend rien, et que c'est pour les pédés de toute façon) s'il veut un jour reprendre la ferme familiale. Un vrai dialogue de fou se met alors en place.
Jeff : "Oncle Joe, tu n'es pas mon père."
Joe : "J'ai aimé ton père comme un frère."
Jeff : "Mais... C'ETAIT ton frère."
Joe (après un silence) : "C'est vrai, c'était mon frère..."
Soyons honnêtes, Glen Coburn parvient parfois à faire sourire au bon moment : lors d'une course-poursuite en accéléré entre Joe zombie et son neveu sur fond de banjo, ou bien lors de l'arrivée de Sanders au complexe scientifique de Research City (bon ça suffit, vous deux au fond vous sortez !) qui nous montre une sentinelle zélée se faire rembarrer par le général à qui on ne la fait pas (car lui c'est pas un pédé).

 


Un président des USA très occupé.


Mais beaucoup de séquences font bien trop premier degré pour faire du film une franche parodie décomplexée, que ce soit dû à l'action ou à un jeu subitement nerveux et théâtral (mais au mauvais moment, c'est ballot) des sagouins du doublage. Les gags surgissent à l'improviste, complètement décalés par rapport au contexte. On est plus proche de l'amateur de fond de garage que de la folie constante d'un Mel Brooks. On a en fait l'impression que le réalisateur n'a pas réussi à se décider entre un traitement sérieux ou parodique de son film. Cela se traduit par quelques pertes de rythme, l'occasion de laisser vagabonder son esprit ou d'aller vérifier si on a bien allumé le feu sous les épinards.

 


La science saluant le génie, ou "Bonjour monsieur Norman".


Acteurs à la ramasse, clichés trop appuyés, doublage apocalyptique et effets spéciaux de fond de jardin (on aura même droit à quelques stock-shots de lancer de missile et d'explosion atomique) constituent l'essence de ce film qui gagne largement ses galons de nanar, ne serait-ce que par la prestation phénoménale de ma nouvelle mascotte, Norman ! Je lui laisse d'ailleurs le mot de la fin.

 


Fuyez, les enfants, cette chronique est vraiment trop étrange !



- La Créature du Lac Gris -
Moyenne : 2.67 / 5
La Créature du Lac Gris
NOTE
2.75/ 5
Kobal
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
3.25/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation
Un DVD a été réédité chez nous en double programme avec le très gore "Ozone" chez "Crocofilms" avec un petit bonus vidéo qui revient sur le film 30 ans plus tard.


Pour ce qui est de la vidéo si vous êtes collectionneur, bonne chance car les VHS proviennent de boîtes d'édition plus ou moins fantomatiques. Édité chez Socai et chez US Vidéo (tiens donc) avec le même visuel, il semblerait que l'on puisse également le trouver sous le titre "Horror Academy 1" chez Ciné Budget.


La VHS de chez Socai.



Ciné Budget fait n'importe quoi.


Attention à ne pas confondre avec ce film là, qui n'a rien à voir :