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La Nuit des Mille Chats

(1ère publication de cette chronique : 2003)
La Nuit des Mille Chats

Titre original :La Noche de los Mil Gatos

Titre(s) alternatif(s) :Les Chats Tuent la Nuit, Cats, Les Griffes du Démon

Réalisateur(s) :René Cardona, Jr

Année : 1971

Nationalité : Mexique

Durée : 1h03

Genre : Miaulerie hystérique

Acteurs principaux :Hugo Stiglitz, Anjanette Comer, Zulma Faiad, Christa Linder

John Nada
NOTE
2/ 5


Une édition VHS mexicaine.


Grand nom du nanar mexicain, René Cardona Jr est le fils de René Cardona (moult Santo) et le père d'un René Cardona III, producteur, réalisateur et acteur comme ses aînés (une dynastie au service du nanar, c'est beau !). Décédé au début de l'année [5 février 2003], Junior laisse à la postérité une œuvre atypique, haute en couleur, vouée tout entière au cinéma de genre et pour tout dire… plutôt médiocre ! Au milieu d'un fatras de titres aussi ronflants que SOS Conspiration Bikini, Le Trésor des Amazones, Capulina Contre les Vampires ou OK Cléopâtre surnage un petit bout de pelloche quasi-culte : La Nuit des Mille Chats. C'est donc de ce nanar-là que je vais gloser un peu ici, et pour le reste je vous renvois à la bio du bonhomme et des autres membres du clan (Cardona, Cardona y Cardona).


Dans le domaine du retitrage abusif, La Nuit des Mille Chats (La Noche de los Mil Gatos) n'a pas été épargné, décliné en Les Chats Tuent la Nuit, Cats, et même Les Griffes du Démon suivant les éditeurs. Chez Colombus, cette petite canaillerie est en outre aggravée par un visuel lui aussi complètement abusif puisqu'une tête de chat découpée à la va-vite sur l'affiche originale a été grossièrement apposée sur celle de Midnight Movie Massacre alias Attack From Mars, un film de 1988 qui n'a bien entendu strictement rien à voir.


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Colombus, éditeur réputé pour ses jaquettes lunaires et l'usage quasi-systématique du copier-coller. Avant Photoshop il y avait... les ciseaux.


Pour l'histoire, rien de tel qu'un bon p'tit résumé d'jaquette : « Apparemment hanté par une véritable passion pour les femmes, un riche play-boy sillonne les Etats-Unis à bord de son hélicoptère pour agrandir sa "collection". Mais ce n'est pas le goût des conquêtes qui le pousse à séduire ainsi. Il destine les jeunes femmes à un tout autre usage : nourrir ses chats. Des chats au nombre de 1000, élevés à la chair humaine. Des chats qui, lorsqu'ils réussiront à se libérer, deviendront des mangeurs d'hommes déchaînés... »


Titre fantaisiste, acteurs en pleine (dé)composition, couleurs saturées, image pan-et-scannée...


Le playboy en question, c'est Hugo Stiglitz, acteur-intériorisateur dont le faciès inoubliable hante une bonne partie de la filmo de Cardona Jr, et qui s'est également illustré en Italie, dans L'Avion de l'Apocalypse d'Umberto Lenzi notamment. Un lascar qui semble réunir tous les critères des canons de la beauté masculine au Mexique dans les années ‘70 : barbu, moustachu, le regard insondable derrière d'énormes lunettes de soleil, la moquette pectorale épaisse et le sang chaud bouillant. Son passe-temps favori consiste effectivement à séduire et assassiner de belles jeunes femmes, tant pour son bon plaisir que pour celui de son millier de matous voraces. Accessoirement, cela lui permet également d'enrichir sa collection de têtes, précieusement conservées dans des cubes en verre. Moi je dis pourquoi pas.


Hugo et son chapeau.

Hugo dans sa piscine.


Pour satisfaire sa marotte solitaire, ce Casanova des antipodes a mis au point toute une série de méthodes de drague, apparemment toutes plus infaillibles les unes que les autres. La plus éprouvée consiste pour notre homme à monter dans son hélico et survoler les maisons des classes aisées, pendant que les maris sont au boulot et que leurs épouses sexy se prélassent en petite tenue dans le jardin, ou en maillot de bain au bord de la piscine. Et là Mister Moustache 1971 ne se pose pas, non, il se contente de faire du surplace, la classe tranquille, en faisant juste un petit coucou du haut de son cockpit, salut ma poule. Si maman est avec sa petite fille, grand prince, il jette négligemment une poupée du haut de son hélico, pouf. Notre tombeur n'a ensuite plus qu'à donner son numéro de téléphone à la ménagère conquise en faisant des signes avec ses mains et, par le biais d'une ellipse assez délicieuse, la séquence suivante nous le dévoile en train de copuler comme un sale dans son château avec sa dernière conquête a.k.a. sa prochaine victime. Mais comme il faut varier les plaisirs, Mister Chaud Lapin 1971 (oui, c'était son année folle) élabore en permanence de nouvelles techniques d'approche, qui sont à chaque fois l'occasion pour le spectateur inexpérimenté de prendre quelques solides leçons de séduction.


Hugo sur son bateau (La Drague à Portée de Tous, chap. 1).


Hugo dans son hélico (La Drague à Portée de Tous, chap. 2).


Ainsi, après le harcèlement par hélico (tellement plus classe que le harcèlement téléphonique, quoi qu'on en pense), Hugo invente le harcèlement à moto, un modus operandi moins bien rôdé mais plus accessible, et pour des résultats qui ont là encore de quoi laisser rêveur.


Hugo sur sa moto (La Drague à Portée de Tous, chap. 3).


La pelloche de La Nuit des Mille Chats ne fait que 63 mn, soit juste assez pour mériter le label "long-métrage et bénéficier d'une exploitation en salle à ce titre, mais l'ensemble se traîne avec une langueur éprouvante car Cardona Jr étire son film, le fait durer autant qu'il le peut le salopard, tout étant bon pour grappiller quelques minutes de métrage supplémentaires : remplissage éhonté, séquences interminables dépouillées de tout dialogue et surtout les mêmes plans de l'hélico qu'on nous resserre inlassablement, vue intérieure, vue extérieure etc. C'est long, horriblement long, alors on peut sans vergogne garder un doigt sur la touche avance rapide de sa télécommande entre les (rares) scènes de dialogues, ce qui permet d'épargner un temps précieux et de ménager ses nerfs.




Hugo au golf (La Drague à Portée de Tous, chap. 4).

Un bâton et deux boules dans le même trou... une métaphore tout en finesse !


Si une chose est sûre concernant ce satané hélico, c'est que sa location a été rentabilisée, l'appareil n'étant pas loin de voler la vedette à Hugo et ses chats. Entre les interminables vues aériennes de Mexico City, d'Acapulco et quelques beaux extérieurs exotiques sur fond de musique d'ascenseur, le spectateur aura parfois, au mieux, la légitime impression de faire du tourisme à distance, s'il parvient cependant à occulter le fait qu'on se fout vraisemblablement de sa gueule.


Madame se dit que oh, après tout, pourquoi pas.

Hugo prend son goûter (la barbaque humaine a remplacé les Choco-Suisses).


Reste qu'hormis l'engin volant, il est quasiment impossible de s'attacher au moindre personnage, d'une part parce qu'il y en a très peu (pas plus de onze dans tout le film), d'autre part parce qu'ils meurent généralement assez vite. Même Dorgo, le serviteur muet, boiteux et sadique (c'est beaucoup pour un seul homme) avec lequel Hugo joue aux échecs entre deux conquêtes y passe lorsque vers les 2/3 du film celui-ci parvient enfin à battre son maniaque invétéré de maître, finissant dans les minutes suivantes en pâtée pour chats ! Hugo Stiglitz lui-même se montre rigoureusement inexpressif, sauf peut-être lorsqu'il se défoule sur ses matous qu'il attrape sans ménagement et jette à droite à gauche quand il lui en prend l'envie. Très franchement, je ne crois pas que La Nuit des Mille Chats puisse s'autoriser la mention « Aucun animal n'a été tué ni blessé au cours du tournage de ce film ».



Hugo nourrit ses chats.


Dans La Nuit des Mille Chats, Cardona Jr se démarque tout de même par un humour noir foncé tout ce qu'il y a de plus sordide, un côté glauque et malsain qui ne sera pas du goût de tout le monde mais qui a au moins le mérite de donner un peu de relief à l'ensemble. Cet aspect là du film n'est pas seulement dû à la gratuité des méfaits d'Hugo, qui se livre pourtant aux pires atrocités avec un détachement total, charcutant ses victimes comme d'autres se beurrent une tartine au p'tit déj' : il se retrouve à travers tout ce qui fait l'ambiance du film, dans la trame sonore bien entendu, faite de musique grinçante et de miaulements proprement insoutenables (à ce sujet, le climax final tant attendu avec tous ces matous qu'on devine balancés par de zélés assistants reste un très grand moment !) mais aussi dans la déco d'un mauvais goût fini de la demeure du psychopathe, établie dans un ancien cloître paumé en pleine forêt mexicaine (enfin bon, Hugo nous dit qu'à l'origine c'était un monastère mais dans la mesure où il semble y avoir un donjon et des oubliettes…), un lieu à la fois austère et très typé dont l'atmosphère crado-gothique se voit fortuitement magnifiée par une pellicule aux couleurs bien dégueu.



Hugo joue avec ses chats (aucun animal n'a été maltraité durant le tournage, ou alors pas exprès).


Si vous avez encore en tête ce que je vous ai rapporté sur le taux de scènes de remplissage de ce film, vous comprendrez avec quel hoquet d'horreur et d'indignation j'ai récemment découvert sur IMDB qu'il existait des versions avec… 20 ou 30 minutes supplémentaires ! Quand je vois déjà à quel point tout a été tourné à l'économie dans ma version d'une plombe, comment les mêmes scènes sont réutilisées encore et encore sans aucune honte, je me dis que quand même… Sans parler d'une multitude de flash-backs confus et autres scènes de rêveries qu'il n'est franchement pas évident de dissocier de la « réalité » de l'histoire, des incohérences qui sont légions, de même que les petits détails laissés au hasard de l'appréciation (pourquoi 1000 chats ? POURQUOI ?!?), achevant de rendre le spectateur dubitatif devant une telle entreprise.


Hugo contemple la déco de sa chambre. Ecœurés par tant de mauvais goût, ses chats se font la belle en miaulant leur révolte.


Toutes ces abstruses bizarreries, cette ambiance si particulière forcément trahie par les mots de qui s'essaye à la décrire, font de La Nuit des Mille Chats une œuvre vraiment à part, éprouvante et captivante tout à la fois. Son exploitation à l'étranger, probablement planifiée par René Cardona Jr si l'on se fie à ses choix de casting (Angely et Linder sont Autrichiennes, Faiad est Argentine et Comer Américaine) n'est d'ailleurs pas passée inaperçue parmi les cinéphiles les plus allumés de la planète (J'en suis ! J'en suis !), faisant du film l'un des plus connus du réalisateur à ce jour. Une expérience marquante qui redonne du sens au terme « surréaliste », qualificatif parmi les plus galvaudés du répertoire cinéphilique d'aujourd'hui.


Un GROS MERCI à The Big Begbie pour m'avoir confié cette perle rare !

- John Nada -
Moyenne : 1.42 / 5
John Nada
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
1.5/ 5
Kobal
NOTE
0.75/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
Ce film est ressorti en DVD aux Etats-Unis chez l'éditeur Trinity Home Entertainment, dans la version de 63 minutes que nous lui connaissons. Une édition simple, avec piste anglaise uniquement et une jaquette remise au goût du jour pour tenter de rajeunir un produit il est vrai un peu défraîchi.


Le DVD américain.


Pour les éditions VHS, on va y aller pas à pas parce que c'est un peu compliqué. Ce film a en effet bénéficié de nombreuses éditions en France. Il est ainsi sorti sous le titre « Cats » chez les éditeurs "RVP", "Victory" et "Atlantic Home Video" :


RVP



Victory



Atlantic Home Video


Sous le titre « Les Chats Tuent la Nuit » chez l'éditeur "Columbus" :


Columbus


Et sous le titre « Les Griffes du Démon » chez "Propulsion Home Video" (Initial) :


Propulsion Home Video (Initial)


Attention, il existe par ailleurs une édition VHS chez "Alpivideo Diffusion" titrée « La Nuit des Mille Chats » qui contient elle « The Uncanny », un petit film d'épouvante de 1977 avec Peter Cushing et Donald Pleasence :


Alpi Video Diffusion