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Le Sauveur de la Terre

(1ère publication de cette chronique : 2006)
Le Sauveur de la Terre

Titre original :Savior of the Earth

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Roy Thomas (?)

Année : 1987

Nationalité : Corée du Sud / Hong Kong

Durée : 1h05

Genre : Galerie de plagiats

Acteurs principaux :Des doubleurs qui préfèrent garder l'anonymat

Wolfwood
NOTE
2.5/ 5


Malheureusement, le faux E.T. présent sur la jaquette n'est pas dans le film (ou alors dans une hypothétique version longue ?) : la fête aurait été complète !


Combler les attentes de l'amateur de nanar s'apparente parfois à remplir le tonneau des Danaïdes tant notre avidité d'absurdité cinématographique n'est jamais véritablement étanchée. Pour autant, il nous faut louer les efforts de nombreux bienfaiteurs, toujours prêts à se dévouer pour tenter de répondre à nos exigences gargantuesques, en se lançant dans la réalisation d'œuvres toujours plus tordues. Parmi ceux là, on peut citer sans crainte Joseph Lai, fournisseur officiel d'œuvres déjantées, qui avec sa société IFD devait nous abreuver de ninjateries à base de personnages ne se trouvant pas dans le même film et de scénarii très au-delà de l'abstrait.

Il y a déjà un moment que notre ami nous avait démontré que les guerriers de la nuit n'étaient pas sa seule spécialité. Avec « Les Aventuriers du Système Solaire », c'était tout un pan du mauvais cinéma qui s'offrait à nous, une nouvelle source que l'on souhaitait intarissable et sur laquelle nous nous sommes tous jetés comme des morts de soif, fouinant les moindres recoins de nos Cash Converters et autres brocantes, à la recherche de films d'animation joyeusement frappadingues.



Ainsi, après « Les Protecteurs de l'univers », « Les Défenseurs de l'espace » et autres âneries patentées aux accroches aussi ronflantes qu'interchangeables, voici donc « Le Sauveur de la Terre » qui nous prouve une fois de plus l'incroyable capacité de son producteur à diversifier ses titres, mais surtout à transformer tout ce qu'il touche en plomb.
L'histoire commence lorsque les ordinateurs de la planète sont soudainement victimes de nombreux bugs inexpliqués, semant la panique un peu partout dans le monde. Perplexes, les autorités mondiales décident de faire appel au professeur Kim qui, plus vite que Darty, arrive avec deux assistants pour solutionner le problème.


Pour ceux qui ont un doute, c'est bien la Tour Eiffel en arrière plan.



Même les Etats-Unis sont concernés par cette menace…



…un pays où, comme chacun le sait, les volants des voitures se trouvent à droite.



Kim et sa secrétaire, déjà aux portes de la consternation.


Très vite, Kim découvre que ces événements ne sont pas le fruit du hasard et qu'un terrible despote, le docteur Butler, sorte de fusion entre Dracula et Darry Cowl, cherche à conquérir la Terre en devenant le maître du monde informatique pour ainsi réduire les humains à l'esclavage et, au final, pouvoir mieux les détruire. Un personnage fort original, vous en conviendrez, et qui, à force d'en faire des tonnes dans le registre du mégalomane et de ponctuer la moitié de ses phrases d'un rire sardonique, nous convainc que si le film avait été tourné avec de vrais comédiens, l'acteur jouant notre méchant de service serait arrivé très haut sur l'échelle du cabotinage effréné.



Mouahahahaha !


Bref, toujours est-il que le professeur Kim a juste le temps de se rendre compte du terrible complot qui se profile, qu'il se fait kidnapper et projeter dans le monde virtuel créé par le scientifique félon. Sa secrétaire se faisant également enlever, le salut du monde ne reposera plus alors que sur les épaules d'un homme. Ce sauveur, le voici :


A partir de là, on peut se dire que l'humanité est très mal barrée. Mais que voulez vous : Max Thayer était en vacances, l'Homme-Puma a pris sa retraite, quant à Rambo, c'etait pas sa guerre, alors fallait bien trouver quelqu'un, et à défaut il a fallu se rabattre sur Treat, un jeune garçon idiot, veule, pusillanime et énervant qui aura la lourde tâche de déjouer les plans du chercheur renégat. Se retrouvant à l'intérieur de l'ordinateur, sans qu'on sache vraiment comment il a réussi son coup, notre héros est à son tour fait prisonnier et se voit contraint de participer à diverses épreuves pour tenter de survivre, les habitants de ce monde parallèle forçant leurs captifs à concourir dans des jeux mortels s'inspirant grandement de classiques de l'industrie vidéoludique. S'ensuivent alors pour nos détenus divers supplices où ils seront, soit poursuivis et boulottés par un substitut de Pac Man, soit désintégrés lors d'une partie de Space Invaders ou de Go.



Les sbires-robots, croisements improbables entre Terminator et Donald Duck.


Et c'est là que le film commence clairement à partir en quenouille, même si tout ce que nous avions pu voir jusqu'à présent ne laissait pas présager un modèle de cohésion scénaristique. Car, comme on pouvait s'y attendre, la propriété intellectuelle en prend une fois de plus pour son grade. Pourriez-vous en effet imaginer un seul instant un film pillant allègrement les univers de « Tron », « Albator » et « Wargames », en les associant tant bien que mal dans un maelström de séquences à l'homogénéité approximative ? Un dessin animé ayant parmi ses protagonistes un clone de Sondra, issue de la série « Cobra », et Nikita Khrouchtchev ? Et bien « Le Sauveur de la Terre », c'est un peu tout ça, mais monté n'importe comment par un metteur en scène fou et décalqué au vin de riz.




C'est le requiem pour un Tron.

 


Albatard, le faussaire de l'espace.


Parlons en de la réalisation. Même si une œuvre comme « Space Thunder Kids » nous montre sans problème qu'on peut aller encore plus loin dans le grand portnawak totalement décomplexé, on se demande si un tel charcutage ne pourrait pas être l'œuvre d'une vieille connaissance, grand complice du père Joseph, qui serait une fois de plus resté derrière la scène pour tirer les ficelles. Ainsi, entre des séquences utilisées plusieurs fois dans le film sans aucun scrupule et un montage au sécateur amenant quelques beaux faux raccords ainsi que de sérieuses incohérences narratives, on serait tenté de se demander si Godfrey Ho n'a pas repris du service, tant on croît retrouver ici la patte de son style inimitable. Les transitions entre les scènes sont telles qu'on peut même supposer une coupe sauvage dans un long-métrage plus long, certaines situations étant proprement illogiques et nous permettant notamment de voir un personnage changer de camp sans aucune raison, ou notre héros passer de pleutre à téméraire en à peine quelques minutes. Ce sens de la mise en scène si catastrophique amène d'ailleurs certaines personnes à imaginer que le film appartiendrait à la pure tradition des "2 en 1", de part la différence de qualité entre certains dessins. Le fait que bon nombre de personnages finissent par apparaître ensemble dans un même plan et se rencontrer durant le récit vient toutefois réfuter cette hypothèse.


Puisqu'on en est à évoquer l'animation, il faut avouer qu'elle n'est pas aussi catastrophique que dans « Les Aventuriers du Système Solaire », les dessinateurs étant sans nulle doute possible plus compétents. Toutefois, nous n'échappons pas à notre quota habituel d'erreurs grossières, que ce soit au niveau de certains personnages, qui changent de couleur entre deux plans, de véhicules à proportions variables ou d'arrières-plans statiques, amenant à des gags visuels involontaires de très haute volée, ni même à des purs instants de démence, comme lors d'une poursuite automobile où, à la suite d'un accident, un pneu tout ce qu'il y a de plus classique finira par littéralement exploser en heurtant une falaise.



Ah ouais, quand même…

 



De légers problèmes de proportion.

Un robot transformiste.


Le pompon reste toutefois atteint grâce au doublage et une équipe de comédiens qui, pour se lancer dans de tels moments de folie furieuse, devaient fumer du crack dès le p'tit déj'. C'est une hallucination perpétuelle qui s'abat sur le crâne du spectateur quand dès les premières minutes du film, les accents les plus outranciers assaillent nos oreilles, faisant passer Michel Leeb pour un modèle de retenue et de sobriété. Les pires excès s'enchaînant à un rythme infernal, les acteurs finiront par totalement péter les plombs, en allant jusqu'à se tromper de personnage ou faire parler russe les représentants d'une ambassade américaine. La suite du film a beau être beaucoup plus sage, nous ne restons pas à l'abri de légers disjonctages comme dans des monologues laissant supposer une dose d'improvisation et une certaine volonté de meubler par tout les moyens, ou des répliques d'une stupidité confondante allant jusqu'à faire basculer l'auditoire dans la quatrième dimension. Pour preuve, cette scène où la sœur de la corsaire de l'espace, un robot de trente centimètres de haut, se met à faire un numéro de charme très flagrant à notre héros, et cela le plus naturellement du monde.


Nous sommes deux sœurs jumelles...



Un joli petit couple.


Pour conclure, il faut concéder que « Le Sauveur de la Terre » n'est pas ce qui se fait de pire, ou de meilleur, mais reste quand même d'un niveau assez élevé dans la catégorie des nanars pour petits. Son animation a beau être plus correcte que d'autres productions du sieur Lai, elle n'échappe pas à quelques dérapages incontrôlés, bien accentués par un montage partant en vrille plus d'une fois. Son histoire défiant toutes les lois du copyright pour enfiler les plagiats à un rythme effréné et son doublage surréaliste achèvent d'en faire un savoureux moment pour le nanarophile aguerri, tout en restant un bon point de départ pour celui qui souhaiterait découvrir les mauvais films d'animation sympathiques. Un charmant petit nectar à consommer sans modération, et qui vous donnera sans doute l'envie de goûter à des mélanges plus corsés.

- Wolfwood -
Moyenne : 3.08 / 5
Wolfwood
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
3.25/ 5
Barracuda
NOTE
3.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
Plusieurs éditions VHS sont disponibles : une chez Initial, une autre Fil à Film, toutes deux ayant un visuel identique (voir en début de chronique).
Par contre, pas de DVD français à se mettre sous la dent et pour un format disque, il faut se tourner vers l'Allemagne dans la collection "Masters Of The Future" de chez VZ-Handel, qui nous distribue les "josephlairies" en coffret ou à l'unité. Par contre, pour le film qui nous intéresse, il va falloir maîtriser la langue de Goethe, puisqu'une seule piste germanique semble présente alors que les autres ont au moins le mérite de proposer une seconde version et des sous-titres anglais.


Le DVD allemand...

...et le coffret regroupant les versions teutonnes du « Sauveur de la Terre », « Les Aventuriers de la galaxie », « Les Protecteurs de l'univers » et « Les Défenseurs de l'espace ». A quand un tel objet chez nous ?