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Machine Man

(1ère publication de cette chronique : 2025)
Machine Man

Titre original : Machine Man

Titre(s) alternatif(s) : Aucun

Réalisateur(s) : Shafi Iqbal

Année : 2007

Nationalité : Bangladesh

Durée : 2h18

Genre : Viens avec moi si tu veux rire !

Acteurs principaux : Danny Sidak, Manna, Apu Biswas, Moushumi

Jack Tillman
NOTE
4.25 / 5

 

Machine Man conforte le Bangladesh dans son statut de nouvel El Dorado du nanar. Nous sommes ici face à un rip-off particulièrement récréatif, mélange déjanté de "Banglar Robocop", de "Banglar Terminator 2", de "Banglar Matrix", de "Banglar The Punisher" et aussi un peu de "Banglar L'Homme qui valait trois milliards", soit plus de deux heures de nanardise concentrée.

Le film se veut peut-être aussi une adaptation pirate du comic "Machine Man" créé par Jack Kirby (il y a quelques similitudes au niveau du look du héros). Après avoir plagié DC Comics avec "Banglar Superman", les Bangladais ont peut-être voulu faire leur propre version de ce super-héros Marvel...


Dès l'intro, on sent qu'on a affaire à du nanar de haut niveau : dans un laboratoire, décoré avec des ordinateurs des années 1990 et des posters de Robocop et de Terminator, s'affaire un savant fou à barbiche, lunettes et longs cheveux blancs graisseux. Le savant, dont les recherches sont financées par un méchant chef mafieux, fait à son mécène une démonstration de sa nouvelle merveille technologique : Machine Man, un prototype de cyborg censé être invulnérable, incarné par un acteur portant une plaque en ferraille sur le torse et dont les bras sont enfoncés dans des tuyaux de poêle (ce qui fait qu'il ne peut même pas les plier). Il est tellement impressionnant que tout explose au ralenti sur son passage, avec de la mauvaise musique techno à fond les manettes. Las ! L'expérience est un échec et le gangster pique une grosse colère lorsque le cyborg périt d'un tir de roquette en très mauvais CGI. Petit arrêt sur le méchant, qui est joué par Danny Sidak, le héros de Banglar Superman et d'un autre Banglar Robocop. Il se la pète grave et entre en scène dans un superbe ralenti destiné à nous faire comprendre que s'il a beau être méchant, il a quand même trop la classe. La némésis étant présentée, il est temps de faire connaissance avec le héros du film, largement aussi poseur que le bad guy.


Tremblez, pauvres mortels : Tuyau de poêle-Man est là.

Le premier prototype de Machine Man dans toute son inoxydable splendeur.

Danny Sidak est Banglar John Travolta.

Notre héros est l'inspecteur Bobby, le meilleur flic du Bangladesh, le genre qui torture les suspects d'abord, puis les fait sauter à la grenade ou à la dynamite une fois qu'ils ont craché leurs aveux (mais bon sang, il obtient des résultats !), et que son supérieur (un sale ripou !) enguirlande, mais que tout le monde adore et admire. Au cours d'une mission sous couverture, "Dirty Bobby" provoque la mort du frère de Danny Sidak, lequel crie alors vengeance. Lors d'une sortie plage de notre superflic avec sa nombreuse famille, tout le monde chante et danse de façon si niaisement joyeuse qu'on se doute bien que l'hémoglobine ne va pas tarder à gicler. Et en effet, Danny Sidak et son gang déboulent et massacrent tout ce beau monde, dont l'inspecteur Bobby.

L'inspecteur Bobby (Manna, action star très populaire décédé quelques mois après le tournage), déguisé en trafiquant d'armes à postiche et Ray-Ban.

Les méchants s'apprêtent à faire baisser la surpopulation de Dacca.

TACATACATAC !

"Aaargl !"

BAM ! BAM !

"Wooorglh !"

PAN ! PAN !

"Yaaaaargh !"

"Noooooooooonnnnnnnnnn !"

RATATATATA !

"Argh ! Adieu, monde cruel..."


Heureusement, la fille du savant fou, qui dansait et chantait par-là, tombe sur le cadavre de l'inspecteur Bobby et décide de le ramener à son père, lequel est aux anges d'avoir un nouveau cobaye pour sa deuxième mouture de Machine Man. Une fois l'opération terminée, le savant est fort désappointé car Machine Man Bobby (c'est son nouveau nom) se révèle tout mou et incapable de soulever une simple barre de fer. Mais rien de tel qu'un interlude musical pour vous requinquer un cyborg ! Re-boosté par la fille du docteur, qui lui fait du gringue, Machine Man Bobby entame une croisade contre le crime  et surtout contre Danny Sidak, littéralement réduit en marmelade par notre cyborg vengeur. Mais ses sbires ont pris en otages la femme et le jeune fils du savant fou pour contraindre ce dernier à mettre une fois de plus son génie au service du mal. Le vilain Danny revient donc d'entre les morts sous les traits de Bionic Man, un ersatz du T-1000 de Terminator 2, bien décidé à se venger en tuant une deuxième fois l'inspecteur Bobby...

A la lecture de cette trame basique et remplie de clichés, je pense que vous avez déjà une idée assez précise du taux de n'importe quoi de ce chef-d'oeuvre de la SF bangladaise. Détaillons tout de même plusieurs points qui font de ce film un nanar de haute volée :

La repompe : Comme évoqué dans mon introduction, le film plagie sans aucun complexe plusieurs blockbusters hollywoodiens archi-connus. Chaque séquence plagiée mettra la banane aux cinéphiles : le début entièrement décalqué sur celui de The Punisher ; le flic-robot qui loge une balle dans les valseuses d'un loubard en tirant entre les jambes d'une passante prise en otage, ou encore qui a des visions de sa famille décédée en visitant son ancienne maison, comme dans le premier Robocop ; le méchant cyborg invincible en métal liquide qui fera d'abord mordre la poussière au gentil cyborg moins perfectionné avant que ce dernier ne renverse la situation, comme dans Terminator 2 ; les mecs surhumains, à Ray-Ban et trench-coat en cuir noir, se la pétant au ralenti et se tirant dessus à coups de bullet time surréalistes, le tout sur de la musique techno tonitruante, comme dans la saga Matrix ; le héros moitié-humain moitié-machine avec son oeil bionique (ou "bio-ionique" comme disait la VF) comme dans le feuilleton culte avec Lee Majors. Bref, Machine Man c'est un frichti d'influences occidentales asaisonnées à la sauce bangladaise, et c'est peu dire que le résultat ne manque pas de saveur.

Un savant farfelu comme l'univers du nanar en compte tant.

Horreur ! Machine Man Bobby se réveille victime d'une constipation aiguë.


L'action : Au Bangladesh, les mecs avec des testicules en acier trempé, c'est pas ça qui manque, et ils n'ont pas besoin d'être bioniques pour défier les lois de la physique élémentaire et agir comme des surhommes. Chaque bagarre à mains nues est l'occasion d'envoyer voler les sbires à plusieurs dizaines de mètres d'une simple baffe, avec les bruitages outrés qui font tout le charme du cinéma d'action du sous-continent indien. Le héros est un gros kéké qui adore marcher au ralenti devant une ou plusieurs explosions, avec sa moue de gros dur et ses lunettes noires de frimeur, accompagné par le thème musical ronge-tête du film, lequel se résume à une effroyable bouillie techno par dessus laquelle un chanteur surexcité se contente de beugler "MACHINE MAN !!!" en boucle. Et quand l'homme-machine se met à canarder les sbires au fusil-mitrailleur, c'est l'occasion de gunfights psychotiques où s'enchaînent les morts nanardes.

De la demoiselle en détresse ? Morbleu ! voilà une mission pour Machine Man !

Banglar Steven Seagal.

Banglar Bourrinage.


Les effets spéciaux : Faire du James Cameron avec les moyens du cinéma populaire bangladais, ça nécessite d'avoir recours au sacrosaint système D, pour la joie de nos zygomatiques. Quand Machine Man ou Bionic Man envoient voler un adversaire dans les airs, ce dernier est toujours détouré à l'arrache pour un rendu désopilant. Quand ils se tirent dessus, cela donne des balles grosses comme des noix en images de synthèse indignes d'une Playstation des années 1990, qui viennent lentement ricocher sur la ridicule cotte de mailles argentée de Machine Man ou bien qui font un trou de cartoon dans le torse de Bionic Man. Sur certains plans, on a même l'impression d'avoir affaire à des roquettes et des balles en dessin animé, qui semblent coloriées au feutre directement sur la pellicule comme au bon vieux temps.

Tous les trous sont permis.

Y a plus de trou à Percé.

Change de trou, ça fume !

Un trou, ça va. Trois, bonjour les dégâts.

Des effets... spéciaux.


L'érotisme : Dans les limites de ce que permet la stricte censure bangladaise, le film joue beaucoup sur le sex-appeal de la jeune héroïne et sur sa différence d'âge avec Machine Man (elle se fait passer pour sa fille auprès d'une gérante d'hôtel et l'appelle facétieusement "papa"). Au cours d'une scène aux frontières du réel, l'actrice Apu Biswas tente de rendre jaloux Machine Man en allumant tous les passants au milieu de la rue (sur fond de gémissements de femme en accompagnement sonore) et manque d'être violée par rien moins qu'une centaine de passants, tous littéralement en rut, du bambin de huit ans jusqu'au vieillard chenu et édenté. Mais entretemps, Machine Man a eu une vision de sa défunte épouse l'encourageant à aller batifoler avec la jeune fille, car ça fait, quoi ? au moins deux jours qu'il est veuf, et qu'il serait temps qu'il passe à autre chose. Voilà donc notre héros tatanant les entreprenants obsédés en les envoyant valdinguer au sommet des lampadaires (au Bangladesh, le hashtag #Balancetonporc, c'est au sens propre). Et notre homme-machine rondouillard dans la force de l'âge de pécho de la lycéenne en pâmoison, avec la bénédiction du fantôme de sa femme.

Ils vécurent heureux et eurent plein de petits cyborgs.


L'esthétique : Banglar Superman avait été tourné dans les années 1990 mais semblait dater des années 1970. Au vu du grain de l'image, particulièrement cradingue, Machine Man ressemble quant à lui à un film indien des années 1980, le cinéma de genre bangladais conservant toujours vingt ans de retard sur le cinéma du reste du monde. Ajoutons qu'une bonne partie du film semble avoir été filmé à travers un cul de bouteille ; sans oublier des transitions hyper-abruptes entre les scènes (certains dialogues n'ont pas le temps de se finir qu'à l'écran on est déjà passé à tout autre chose) ; des looks d'un kitsch achevé avec une profusion affolante de cols pelle à tarte ; une image qui tremblote de temps en temps, comme si la pellicule était prête à rendre l'âme ou comme si le caméraman était soudain pris d'une crise d'épilepsie... Vous obtenez alors une expérience sensorielle très dépaysante, qui obligera le public inhabitué à se munir de bonnes lunettes de protection pour éviter que ses yeux ne se mettent à saigner devant ce spectacle superbement hideux.

Des interludes musicaux d'une aveuglante kitscherie.

Au Bangladesh, la coupe mulet n'a pas attendu les années 2020 pour revenir à la mode.

Et le col pelle à tarte à poix noirs sur fond blanc était visiblement toujours tendance en 2007.

La classe des méchants déborde littéralement de l'écran.


La réalisation : Si l'aspect visuel évoque les années 1980 en plein, la mise en scène et le montage s'inspirent des styles les plus putassiers du cinoche des années 2000. Les maîtres de Shafi Iqbal semblent être Michael Bay et Zack Snyder, le montage nous servant des jump cuts et des ralentis/accélérés en continu pendant deux heures, avec cette épouvantable techno de djeun's et ces plans stroboscopiques façon Banglar MTV. Après avoir vu ce film, Torque vous paraîtra sobre.

"Machine Man, je sais que vous obtenez des résultats, mais quand vous vous pointez dans mon bureau, je vous prierais de mettre un uniforme réglementaire !"

Une journaliste filme le méchant en train de comploter avec ses sbires en se, heu... "cachant" dans la même pièce qu'eux, bien en vue sur la première marche de l'escalier du salon.

Eh ben, croyez-le ou non, ça leur prend au moins trois bonnes minutes pour s'apercevoir de la présence de l'intruse !


Inutile d'en dévoiler plus : vous aurez compris que Machine Man est un gros morceau. Seul bémol : les séquences musicales sont un peu le ventre mou du film, relativement faiblardes en nanardise bien que mélodieuses et pas désagréables (on retiendra surtout la chanson de Bionic Man, qui nous arrache quelques rires à la fin du film). Heureusement, dès que les personnages arrêtent de chanter, la nanardise et le rythme reprennent de plus belle, les scènes d'action et les moments de bravoure spectaculaires ne se faisant jamais trop attendre. Toutefois, c'est le genre d'expérience extrême à déconseiller au néophyte, au même titre qu'une production pakistanaise. Mais si vous voulez halluciner et rigoler devant un spectacle exotique, naïf, généreux et sincère, avec des méchants super méchants et des gentils qui gagnent à la fin, alors ce Terminator-Robocop-Punisher-Matrix made in Dhallywood est un incontournable.

"I'll be back!"

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Comme d'habitude en ce qui concerne le cinéma bangladais, nous ne pouvons guère que vous signaler que le film est disponible légalement sur YouTube, sans le moindre sous-titre (mais était-il besoin de le préciser ?).

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