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Torque

(1ère publication de cette chronique : 2008)
Torque

Titre original : Torque

Titre(s) alternatif(s) :Impact Fatal (Québec)

Réalisateur(s) :Joseph Kahn

Année : 2004

Nationalité : Etats-Unis / Australie

Durée : 1H24

Genre : Barbie & Ken à moto

Acteurs principaux :Dane Cook, Max Beesley, Ice Cube, Martin Henderson, Monet Mazur, Adam Scott, Matt Schulze, Will Yun Lee, Jaime Pressly, Christina Milian, Jay Hernandez

John Nada
NOTE
3.5/ 5


Dans la grande constellation du nanar, Torque est un peu comme une étoile filante, un truc joli et éphémère qu'on a plaisir à regarder quand on l'a sous les yeux mais qu'on a zappé de son esprit 5 mn après. Torque, c'est du nanar bling-bling et carpe diem, une sorte de film ultime sur l'univers des motards poussant sa logique commerciale jusqu'à l'extrême pointe du n'importe quoi, un programme plein de bruit et de fureur qui va à fond la caisse pour tenter de faire oublier le vide et l'inanité profonde de son entreprise. Torque, c'est une célébration vibrante, pétaradante et vrooomesque de la branchitude et de la coolitude des motards, ces fringants chevaliers des temps modernes qui font de la route leur biatch.


"Torque", ça veut dire "couple" (moteur) en anglais, mais comme « Couple » ça fait pas très viril, les distributeurs français ont préféré comme titre « Torque : la route s'enflamme ».

Alors bon, voilà, je vous vois venir, vous et votre vision étriquée du monde, avec votre triste cortège de stéréotypes et d'a priori sur les conducteurs de deux roues. Pour vous un motard c'est un gros barbu en cuir crasseux, maqué à une radasse édentée, chevauchant une Harley Davidson pétaradant fièrement sur les routes sinueuses de la liberté, de l'alcoolisme et d'une mort précoce. Sauf qu'on est en 2004 et qu'il serait temps d'oublier les codes de la bikesploitation de grand-père. Les motards saouls et débiles à la Hellriders, c'est fini ! MTV, la Playstation et le R'N'B sont passés par là...


Notre héros et ses potes, sorte de Boys Band du bitume.

Consentons à sacrifier un paragraphe de cette chronique au scénario de Torque, le temps de copier-coller le synopsis tel qu'il figure encore sur le site officiel du film :
L'heure est venue pour le biker Cary Ford de retrouver sa compagne, Shane, et de régler quelques comptes… En quittant précipitamment sa ville six mois plus tôt, Ford était en possession de plusieurs motos appartenant au trafiquant et chef de la bande des "Hellions", Henry. Ce dernier entend bien récupérer son bien… et la drogue dissimulée dans les réservoirs de ses superbes engins.


Shane (Monet Mazur), la copine du héros.



Le méchant-méchant Henry (Matt Schulze).

Lorsque Ford se montre intraitable, Henry le "balance" au chef des "Reapers", Trey, en l'accusant d'avoir tué le frère de ce dernier. Ford ne peut désormais plus compter que sur ses fidèles et inséparables copains, Dalton et Val. Cible de deux bandes rivales assoiffées de violence, il lui faut prouver au plus tôt son innocence, échapper aux agents du FBI lancés à ses trousses à travers le désert… et convaincre Shane de lui donner une seconde chance. Une cavale d'enfer s'engage à 200 à l'heure sur les routes californiennes…


Henry et sa redoutable bande, les Hellions.



China, la pouf de Henry (Jaime Pressly).



Trey (le rappeur Ice Cube) et son crew de bikers ouech-ouech, les Reapers.

Vous l'aurez compris, ce scénario de borne d'arcade n'est qu'un prétexte pour nous montrer un maximum de courses-poursuites trépidantes, cascades au ralenti et autres séquences où la carrosserie rutile sous le soleil et où la caméra bouge dans tous les sens sur de la musique de djeun's qui fait boum-boum. Les geeks les plus éclairés auront reconnu la patte du producteur Neal H. Moritz, à l'origine de franchises aussi lucratives et décérébrées que « Fast & Furious » ou « xXx », qui choisit ici de confier la mise en scène au jeune réalisateur de clips Joseph Kahn pour un résultat propre à réjouir les fans de Michael Bay.






Des morceaux de bravoure assurément jouissifs pour qui a su conserver l'enthousiasme d'un garçonnet de cinq ans.

Abordons la forme tout d'abord. Techniquement, il n'y a pas grand chose à redire. Malgré un nombre de plans impressionnant et un montage frénétique, l'action reste toujours extrêmement fluide et lisible (contrairement à un tâcheron comme Uwe Boll qui ne parvient qu'à donner mal à la tête). L'étalonnage est outré juste comme il faut pour ce genre de film (contraste marqué, couleurs qui pètent), les cadrages sont impeccables, y compris les plans tournés en hélico, bref c'est du boulot de professionnel.

En revanche, là où la forme prête le flanc à la critique et s'expose aux quolibets, c'est quand elle semble ne plus vivre que pour elle-même et fonce alors droit dans le mur de l'auto-parodie. Séquences tape-à-l'oeil et m'as-tu-vu qui friment jusqu'à l'absurde, effets choc appuyés à grand renfort de whooooosh sonores, esthétique incroyablement vulgos et clinquante : Joseph Kahn ne semble poursuivre d'autre but que celui de la surenchère permanente dans le mauvais goût.


Du générique à la mode tuning : notez les crédits qui se reflètent dans la carrosserie…



…ou qui projettent une ombre sur le sol.

Sur la forme toujours, Torque nous gratifie d'un nombre élevé de scènes où les CGI prennent le relais des prises de vue live pour matérialiser des cascades et des mouvements de caméra irréalisables, et dont le côté volontairement "hénaurme" reste l'objet de spéculations. C'est dans ces moments d'intense n'importe quoi que la nature outrageusement too much de Torque atteint son paroxysme, quand on n'est même plus dans le comic-book mais carrément dans le cartoon.




Des effets spéciaux digitaux étalés sur l'écran à la truelle numérique.

Sur le fond ensuite, Torque offre une vision de l'univers des motards incroyablement fantasmée. En gros, c'est Barbie & Ken à moto, mais un Ken avec une barbe de trois jours et un blouson estampillé Carpe Diem et une Barbie mécano en cuir. La bikesploitation des années 2000, c'est un défilé d'éphèbes aux p'tits culs admirablement moulés dans des futals sans un grain de poussière dessus, et de biatches lascives et peu farouches qui mouillent dès qu'un moteur rugit.

AVANT LA BIKESPLOITATION C’ETAIT CA :


MAINTENANT LA BIKESPLOITATION C’EST CA :










La tablette de chocolat pour les hommes et le piercing dans le nombril pour les femmes ont remplacé les bedaines arrondies par la bière des bikers 70's. La fin d’une époque…

Comme leurs aînés, les motards de Torque raillent avec un mépris tranquille les automobilistes et les ploucs sédentaires. Ils ne travaillent jamais, vivent en permanence sur les routes mais restent néanmoins toujours propres et bien coiffés, employant le plus clair de leur temps à faire la moue sur leur bécane en prenant des poses de real badass mothafucka, parce que le look pour un motard, c'est un truc essentiel.


Des ploucs sédentaires. Pas cool.



Un biker à la pointe de la technologie. Méga cool.

Tout est mis en oeuvre pour nous démontrer à quel point les bikers métrosexuels de Torque sont sauvagement cools, totalement libres et rebelles, vivant d'essence et d'eau fraîche. Exemple : les poubelles, c'est pour les ringards, alors dans Torque les motards bons ou méchants jettent leurs canettes de bière par terre, et vont même parfois jusqu'à casser une bouteille sur le sol pour bien prouver à tout le monde qu'ils ont des attributs virils surdimensionnés.


Honte de rien.



Carpe Diem !

Torque, c'est aussi une fascination puérile pour la vitesse (mention spéciale à la réplique "J'préfère aller vite que d'passer inaperçu" ou au slogan "Life begins at 150 mph") associée à une notion du danger honteusement minimisée. En effet, le motard tel que nous le dépeint Torque ne porte le plus souvent pas de casque, parce que le casque c'est un accessoire réac', un carcan sécuritaire, que filer sur les routes les cheveux au vent c'est tellement plus glamour et que de toute façon un casque ça sert à rien parce que dans Torque, même quand on se vautre à 300 à l'heure, on se relève toujours sans la moindre égratignure.


Une constante de Torque : les zooms frénétiques sur les poignées d'accélérateur...



...et les gros plans outrés sur les compteurs de vitesse.







La vitesse, c’est cool : ça fait s’envoler les moumoutes des ringards et les jupes des nénettes.

Torque se pare également d'un cachet très néo-western, évidemment dû en grande partie à l'aridité des paysages californiens choisis comme cadre pour le film, mais également étayé par une foultitude de détails amusants à relever. Ainsi, dans Torque, on ne dit pas "tu as jusqu'à 20h ce soir" mais "tu as jusqu'au coucher du soleil". Dans Torque, les bastons sont dignes d'empoignades de saloon, les motos cabrent comme des chevaux et les méchants conduisent avec un flingue dans chaque main.








Un des aspects sympathiques de Torque : l'emploi d'une imagerie propre aux westerns.

Dans Torque, on emprunte plus volontiers des chemins de terre que des routes bêtement goudronnées, parce que les chemins c'est plus sauvage, et qu'accessoirement ça permet aussi de soulever d'esthétiques nuages de poussière qui rendent bien à l'écran. Une imagerie propre au grand Ouest et aux cow-boys revisitée jusque dans le plan final qui voit nos héros mettre les gaz, desperados des temps modernes filant sur leur monture mécanique, vers le Mexique, au soleil couchant.


We're poor lonesome bikers...

Outre celle du rappeur Ice Cube, on signalera la présence à l’écran de Fredro Starr (ex-Onyx) et de la chanteuse de R&B Christina Milian, ainsi qu’une bande-son garnie d’une ribambelle de groupes branchouilles mais commerciaux pour servir de caution « jeune et dans le coup » et cibler le public ado.


Christina Milian…



…et Ice Cube. Bienvenue dans l’univers du nanar bling-bling.

Nanar jusqu’au-boutiste, Torque s’emploie à exploser les frontières du déjà-vu et y parvient au moins dans un domaine : celui du placement de produits, qui culmine avec un étonnant duel sur fond d’affiches de sodas. Pour ceux qui pensaient avoir tout vu en la matière depuis « Black Ninja »…












Après "Où est Charlie", Torque vous propose "Où est Pepsi"...





Pour ajouter un peu de suspense à vos scénarios, casez-y un duel de placements de produits (pour info, le soda Mountain Dew est fabriqué par le groupe PepsiCo).

Bel exemple de nanar décérébré qui va à 1000 à l’heure, et semble ne jamais vouloir ralentir de peur de lasser son public potentiel, Torque carbure à ce mélange d’ineptie crasse et de cynisme décomplexé propre aux blockbusters les plus marketés. Ils semblent hélas devenir la norme, ces papillons éphémères visant moins le passage à la postérité que la rentabilité immédiate, offrant sur la forme un véritable feu d’artifice visuel et, sur le fond, le triste spectacle d’une stérilité auprès de laquelle le néant semble être une promesse de fécondité. Ciblant de toutes ses forces le jeune public avide de sensations fortes (et, indirectement, la communauté des geeks qui aiment se gausser devant pareille daube), Torque a foncé droit dans le mur de l’échec. Monté avec un budget de 40 millions de dollars, le film n'en a en effet rapporté que 17 au box office américain. Morale de l’histoire : à trop prendre les gens pour des idiots…


Dans un entretien accordé à Mad Movies (N°244 de Septembre 2011), le réalisateur Joseph Kahn revenait sur l'échec commercial de Torque en ces termes : « J'aime mon film, je ne l'adore pas. Il est à 70% ce que je voulais qu'il soit, mais cette proportion est très frustrante pour un truc sur lequel vous avez passé 18 mois, même si vous comptez vivre jusqu'à 100 ans, ce qui est déjà très long. En tout cas, il est à 100% différent de ce que le studio désirait ! D'une manière générale, Torque était tellement "autre" par rapport à ce qu'on attend d'habitude d'une bande de ce type qu'il a provoqué des réactions féroces. Mais la chose drôle, c'est qu'alors qu'il a été considéré comme un flop complet au moment de sa sortie, il fait maintenant l'objet d'un culte. Enfin, ce dernier est très étrange, car ce n'est pas un véritable culte : c'est moitié-moitié. Une moitié des gens pense que c'est si nul que ça en devient génial, et ils regardent ça comme Plan 9 from Outer Space d'Ed Wood. L'autre moitié trouve ça énorme parce que c'est une oeuvre subversive, bien plus futée qu'elle n'en a l'air. J'aime ces gens-ci, je n'aime pas les autres. (rires) »

Dans un autre entretien, accordé à Vice en décembre 2017 et mené par François Cau alias Drexl (oui, celui-là même qui officie sur ce site), Joseph Kahn en rajoutait une couche : « Quand j’ai fait Torque, c’était dans un esprit de satire, d’auto-critique, je n’ai réussi qu’à 70 %. Son bide est à 70 % ma responsabilité. Les 30 % restant, le côté sérieux du film, c’est ce que le public et le studio voulaient voir. Et ça aurait cartonné, parce que c’était dans la lignée de Fast & Furious. J’ai démarré en faisant un film que je voulais voir, et à la fin, j’ai accouché d’une sorte de film d’animation japonais satirique avec Ice Cube et des motos. Qui a envie de voir ça ? »


Joseph Kahn, entouré de ses acteurs principaux.

- John Nada -
Moyenne : 2.94 / 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Nikita
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
3.5/ 5
MrKlaus
NOTE
2/ 5
Labroche
NOTE
4/ 5
Drexl
NOTE
2/ 5
Barracuda
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
4/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le DVD et le blu-ray édités par "Warner Home Video" proposent des pistes françaises et anglaises en Dolby Digital 5.1 (pour bien profiter du rugissement des moteurs), ainsi que des sous-titres en Français, Anglais, Néerlandais et Arabe. Côté bonus : les commentaires des acteurs et de l'équipe technique (semble t-il en anglais seulement, comme souvent chez Warner), quelques featurettes (animation des courses et du train), le clip 'Lean Low' de Youngbloodz et la bande-annonce.

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