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Animales Racionales

(1ère publication de cette chronique : 2024)
Animales Racionales

Titre original :Animales racionales

Titre(s) alternatif(s) :Human Animals

Réalisateur(s) :Eligio Herrero

Année : 1983

Nationalité : Espagne

Durée : 1h37

Genre : Ibère nucléaire

Acteurs principaux :Carole Kirkham, Geir Indvard, José Yepes, et le chien Larry

Jack Tillman
NOTE
2/ 5

 

Avec un réchauffement climatique incontrôlable, une pandémie mondiale dévastatrice et un contexte géopolitique aux airs de remake de Dr. Folamour, le genre dit "post-apocalyptique" (ou post-nuke) résonne d'une troublante actualité à l'heure où j'écris ces lignes. Les titres comme 2020 Texas Gladiators, Apocalypse 2024, et tous ces autres films produits en masse il y a quarante ans, à une époque où la Russie mettait déjà un pays à feu et à sang, et où le quidam lambda s'attendait déjà à recevoir une bombe H sur le coin de la figure et aménageait un abri antiatomique dans sa cave, nous, à Nanarland, on en raffole. Américains et Australiens se taillaient la part du lion, tandis qu'Italiens et Philippins inondaient les vidéo-clubs du monde entier avec leurs copies bourrines de Mad Max et de New York 1997. Et il faut dire qu'à côté de ces films souvent idiots et fauchés mais fun, les Français se tapaient un peu la grosse honte avec leurs post-nuke de bobos prétentieux et inexportables du style DieselLe Cimetière des Voitures avec Alain "Jésus" Bashung et autres Terminus avec notre Jojo national (bon, on a quand même eu Malevil aussi). Eh bien, j'ai envie de vous dire : on n'était pas les seuls ! Parce que nos voisins espagnols aussi ils donnaient dans le pensum post-apocalyptique intellectualisant et foireux.

 

 

Le cinéma bis ibérique s'était déjà essayé au genre post-apo, avec des titres comme El refugio del miedo (un huit-clos bavard, austère et chiantissime se déroulant dans un bunker antiatomique), Les Survivants de l'Apocalypse (l'errance minimaliste de deux survivants pipelettes dans un monde désolé, doublé en VF par des débiles mentaux et réalisé par l'auteur de Lui et l'autre) ou encore Ultimo deseo (un sympathique et bizarre ersatz de La Nuit des Morts-Vivants et de La Révolte des Triffides, se voulant une parabole de la lutte des classes et du franquisme... enfin, on suppose). Bref, des deux côtés des Pyrénées, la fin du monde à l'écran était toujours l'occasion de se creuser les méninges, de discourir sur des questions philosophico-existentielles et d'expérimenter en se la jouant Auteur, tout en montrant du nichon, de la violence et des zombis. Il n'est donc pas étonnant qu'avec un titre comme Animales racionales, on tombe sur un sous-Mad Max ésotérique très très éloigné des canons transalpins du genre.

Une affiche à l'image de la prétention et du non-sens de l'oeuvre.

 

Histoire que vous ayez d'emblée un aperçu de la chose, je vous copie-colle le résumé IMDB : "Deux hommes et une femme sont les dernières personnes sur Terre. Ils sont réduits à la sauvagerie et apprennent à survivre sur une île. Ils découvrent un chien vivant sur l'île avec eux, et la femme le prend comme amant." Oui, oui. Nous avons affaire à ni plus ni moins qu'un ménage à quatre zoophile après la bombe. Et ce n'est pas l'aspect le plus "spécial" du film.



Après les habituels stock-shots de champignons nucléaires saturés d'orange, de rouge et de jaune, nos trois héros humains se réveillent au milieu du désert. Une blonde nunuche en escarpins au faux air de Marine Le Pen jeune, un blond neuneu en costard blanc avec un vague air de John Voight, et un brun macho, moustachu et rigolard en pantalon rouge et veste en cuir. Qui sont-ils ? D'où sortent-ils ? Comment ont-ils atterri là ? Mystère et boule de gomme. C'est alors que commence la première bonne surprise du nanardeur : le réalisateur souffre de zoomite aigüe. Deuxième bonne surprise : la qualité du casting. Nos trois acteurs en font en effet des caisses et des caisses, au diapason de ce qu'on leur fait jouer. Les radiations semblent avoir grillé les neurones de nos trois survivants, ou alors peut-être que par un inexplicable hasard, les trois seuls rescapés de l'holocauste atomique se trouvent être dotés du QI de moules lobotomisées, ne possédant aucun usage de la parole et ne s'exprimant que par des hurlements, grognements et rires respirant tout sauf l'intelligence. Quelle serait votre première réaction en vous réveillant après une apocalypse nucléaire ayant décimé toute l'Humanité ? Vous mettre à mimer un chef d'orchestre puis faire semblant de jouer de la guitare électrique bien sûr ! Et le bruiteur de balancer un morceau de musique classique puis un morceau de rock, et nos protagonistes de se lancer dans un pas de danse endiablé et joyeux. Hallucinant.

Sobriété, définition du Petit Larousse : "Qualité de quelqu'un qui se comporte avec retenue."

Youpiiii ! C'est la fin du monde, faisons une méga-teuf !


Après avoir erré dans des paysages arides et volcaniques, nos trois rescapés atteignent la mer, occasion pour eux de se baigner tout habillés en rigolant une fois de plus comme des demeurés. C'est alors que le réalisateur nous balance une première scène d'action, de suspense et de terreur intense, lorsque nos ravis de la crèche sont sauvagement attaqués sur la plage par... des crabes. Et de prendre des airs terrifiés en roulant des yeux sur fond de musique angoissante devant de pauvres petits crabes avançant à deux à l'heure.

Les crabes atomiques sous Tranxène, aussi effrayants que les rats de Manhattan et les rongeurs de l'apocalypse.


C'est l'occasion pour le rockeur moustachu de montrer qu'il est un homme, un vrai, en pourfendant les menaçants crustacés, devenant ainsi le mâle dominant de la petite meute. Emoustillé par les zooms insistants du caméraman sur la culotte de l'héroïne, notre viril moustachu s'empresse de la violer, sous le regard passif du blond, et manifestement au grand plaisir de la dame d'ailleurs, qui semble aussi très portée sur la chose. Pourquoi a-t-il fallu que ce soient précisément ces trois-là qui survivent à l'holocauste nucléaire ? On n'est pas prêts de rebâtir une civilisation avec des dégénérés pareils.

Un érotisme torride.


Après de nouvelles minutes de remplissage à base de déambulations monotones sur un sol rocailleux, le cerveau du groupe fait son apparition : le chien. Accessoirement, c'est aussi le meilleur acteur du film, et de loin. Alors que nos trois Humains se croyaient arrivés au bout du rouleau en atteignant un phare abandonné, sans eau ni nourriture, où toute trace du passé semble avoir été effacée (déception qui les pousse à tout casser en beuglant), le meilleur ami de l'Homme (et surtout de la Femme) les guide jusqu'à une oasis où ils pourront organiser leur survie. Enfin, "organiser", c'est beaucoup dire : les deux hommes seront surtout occupés à s'affronter comme des coqs de basse-cour pour se disputer les faveurs de la femelle, laquelle les excite effrontément en se tripotant et en minaudant à poil. J'ai omis de préciser que le blond est le frère de la blonde, ce qui ne les empêche pas de s'envoyer en l'air. Mais le vrai mâle dominant ne va pas tarder à faire valoir son droit de cuissage et à chasser les deux nigauds bipèdes de la couche de la femelle. A voir ses expressions faciales et ses rires espiègles, cette dernière sera d'ailleurs comblée par les ardeurs de son étalon canin sévèrement burné, en l'occurrence légitimement révolté d'avoir des maîtres aussi cons. Et ça tombe bien car le brun a entretemps flashé sur le derrière du blond pendant que ce dernier culbutait sa frangine en levrette. Nos deux obsédés se consoleront donc mutuellement avant que le final ne rétablisse brutalement l'ordre hétérosexuel dans ce nouvel Eden pas très catholique.

Larry, un canidé qui vous veut du bien.

Clodo...

... et la vicieuse.

Rintintin les tombe toutes.

Leur look est enfin raccord avec leur comportement.

Mon personnage préféré, le plus con des trois (et pourtant les deux autres se défendent bien).


Voilà donc un bien curieux objet en provenance des îles Canaries, tourné avec des bouts de ficelles par un Auteur bien perché. Une oeuvre des plus étranges, dont le message convenu (les Humains sont plus bestiaux que les animaux) est asséné avec un remarquable manque de subtilité. Avec ce genre de métrage à base de nudité, d'inceste, de bissexualité et de zoophilie, on sent bien que les Espagnols avaient besoin de se défouler après des décennies de censure franquiste. Sauf que c'est franchement n'importe quoi, et que ce post-apo d'art et essai relève plus du comique involontaire qu'autre chose. La réalisation est complètement aux fraises, le metteur en scène se prenant pour Jess Franco avec ses zooms compulsifs et ses flous artistiques, ça cabotine à qui mieux-mieux, et l'ensemble est vraiment fauché comme les blés. Cela dit, il me faut mettre en garde les éventuels spectateur.rice.s à propos du rythme contemplatif de la chose. On rigole mais on s'ennuie aussi un peu, faut dire. A réserver aux nanarophiles hardcore.


La VHS japonaise, qui raccole à fond le mâle nippon en marketant le film comme un vulgaire boulard.

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

La VHS...

...et le blu-ray.


L'oeuvre d'Eligio Herrero a été rééditée en blu-ray toutes zones par les passionnés américains de "Mondo Macabro". Une édition limitée à 1200 exemplaires contenant le film en version restaurée HD 1080p d'après un master 4K, une interview du réalisateur/scénariste/producteur (avec des sous-titres anglais) et un livret de 24 pages à propos du film, écrit par le spécialiste espagnol Ismael Fernandez.

 

Les deux visuels du blu-ray de chez "Mondo Macabro".


Sinon, les collectionneurs pourront partir en quête des vieilles cassettes Betamax et VHS sorties à l'époque en Espagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Australie, en Allemagne de l'Ouest, en Turquie, aux Emirats Arabes Unis, au Japon et en Indonésie. Apparemment, pas l'ombre d'une distribution francophone (mais bon, de toute façon, il n'y a pas de dialogues).

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