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Darna

(1ère publication de cette chronique : 2024)
Darna

Titre original :Darna

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Joel Lamangan

Année : 1991

Nationalité : Philippines

Durée : 1h43

Genre : Comics troupier

Acteurs principaux :Edu Manzano, Nanette Medved, Pilar Bilapil, Nida Blanca, Tonton Gutierrez, Bing Loyzaga, Dennis Padilla

Jack Tillman
NOTE
3/ 5


Malgré l'enthousiasme quasi-orgasmique que suscite le film dont il est question aujourd'hui, il est toujours délicat de s'attaquer à un mythe de la pop culture comme Darna, véritable icône aux Philippines au même titre que Asterix le Gaulois en France (en même temps, si jamais des nanardeurs philippins veulent chroniquer Asterix et Obelix - l'Empire du Milieu, qu'ils ne se gênent surtout pas !). Le nanarophile peut en effet éprouver quelques scrupules à taper sur les adaptations ciné de cette super-héroïne ultrapopulaire, de véritables superproductions à l'échelle des Philippines, qui n'ont jamais eu plus que le budget sandwiches des blockbusters Marvel et DC Comics actuels. Et dans le fond, peu importe que le personnage soit un gros plagiat de Wonder Woman. Par sa candeur, un film comme Darna nous inspire une tendresse qu'aucun Wonder Woman 1984 dopé aux dollars ne nous fera jamais ressentir (et ce même si les intentions du producteur étaient sans doute tout aussi mercantiles). Ici, la nanardise est tellement évidente, tellement pure, que la curiosité de découvrir un pan de cette industrie philippine du divertissement si foisonnante se double d'une sorte d'émerveillement enfantin face à une oeuvre qui nous offre tout ce qu'on a envie de voir quand on regarde une adaptation live de comic-book en provenance de la patrie de Weng Weng.

 

You'll believe a woman can fly! (et en mouvement, c'est 1000 fois mieux)

A la pointe de la modernité, Darna était déjà une adepte du covoiturage en 1991. Quelle femme !

 

Nikita ayant déjà résumé le background de notre super-héroïne dans sa chronique de Darna Ang Pagbabalik, je vous invite à y jeter un oeil si vous voulez raccrocher les wagons et bien savoir de quoi on cause. Entrons donc sans plus attendre dans le vif du sujet. Notre histoire commence en 1900, quelque part en Amérique du Sud. Une espèce d'Indiana Jones appelé Dominico Lipolico découvre dans la jungle un collier avec une amulette capable de lui donner la jeunesse éternelle. En contrepartie, il devient le serviteur de Satan, chargé de plonger le monde dans les ténèbres. Flash forward jusqu'en en 1975, dans un modeste hameau philippin. Orpheline, la petite Narda est élevée par sa grand-mère avec ses petits frères Ding et Dong. Alors qu'elle joue à cache-cache dans la forêt, Narda se voit offrir une pierre magique par une sorte de Marraine la Fée aux ailes disco, qui lui apprend qu'elle est l'élue, missionnée pour combattre l'injustice et les forces du mal. En avalant la pierre puis en criant "DARNA !!!", Narda pourra se transformer en Darna, la Wonder Woman philippine. Nouveau flash forward où nous la retrouvons à l'âge adulte, avec du pain sur la planche et autant de pains à distribuer que Didier Bourdon dans Jésus II : Le Retour...

 

Et un grand pouvoir implique de grandes responsabilités...

Ce sbire va cesser de ricaner dans moins de cinq secondes.

Good job, Darna!


Philanthrope et starlette russo-chinoise native d'Hawaï et vivant aux Philippines, Nanette Medved, la Darna du jour, est plutôt mignonne mais est loin d'avoir un physique aussi spectaculaire que sa successeure, la très sculpturale Anjanette Abayari. Toutefois, la présente version a l'avantage de souffrir de moins de longueurs et d'être plus généreuse en péripéties et en éléments nanars sur la durée. En outre, Nanette est fort sympathique et plutôt à l'aise dans son décalque féminin de Superman/Clark Kent.

Nanette Medved ne voulait paraît-il pas du rôle de Darna, et visait celui de Valentina (qui sera finalement interprétée par Pilar Pilapil). C'est Dawn Zulueta (autre actrice et mannequin philippine) qui devait au départ incarner Darna dans cette version de 1991.

En effet, Narda se trouve être la reporter binoclarde d'un grand journal de Manillopolis, secrètement amoureuse de son collègue de travail, le beau et niais George, qui quant à lui ne pense qu'à Darna. Comme dans Superman, aucune des personnes de l'entourage de Narda, famille ou amis, ne la reconnaît dès lors qu'elle enfile le bikini rouge de Darna (un détail qui était déjà cocasse dans la saga Superman).

 

Enfin, quand je dis que Nanette Medved a un physique moins "spectaculaire" que celui d'Anjanette Abayari, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas mise en valeur par le réalisateur.


Enfin, "mise en valeur", ça dépend des scènes...

A toute super-héroïne qui se respecte, il faut des antagonistes à la hauteur. Suivant les codes du genre, Darna tabasse dans un premier temps de ricanants et lourdingues violeurs de bas étage avant de passer à des adversaires à sa mesure. Vous aurez évidemment deviné que le grand méchant n'est autre que Dominico Lipolico, devenu un magnat/playboy/philanthrope faisant la une des actualités par ses donations généreuses au peuple philippin, en réalité la première étape de sa conquête du monde comme de bien entendu. Joué par Edu Manzano (l'interprète de Captain Barbell !), notre super vilain a pour particularités :

1) d'être totalement dépourvu de charisme,

2) d'organiser des soirées cocktail chics rassemblant le gratin et la presse des Philippines, où personne ne s'alarme de l'omniprésence de sbires torses nus armés de fusils d'assaut, qui brutalisent et séquestrent les personnes n'ayant pas d'invitation sans éveiller aucun soupçon (chez un mec qui se présente comme un parangon de vertu humaniste, ça devrait pourtant faire mauvais genre),

3) de changer de plan machiavélique plus souvent que de chemise.

Il commence ainsi par faire accuser Darna d'être une criminelle pour la faire jeter en prison, puis cherche à en faire son alliée, puis essaye de s'emparer de la pierre magique de Darna (alors que juste avant il déclarait que la pierre n'avait aucune valeur sans Darna), avant de changer encore d'avis et de tenter de tuer Darna en disant que la pierre ne l'intéresse plus.

Le Faust de Manille.

N'inspire-t-il pas la confiance, notre prix Nobel ?


Pour le seconder dans ses méchancetés, Dominico Lipolico crée trois monstres à la ringardise des plus charmantes. Il transforme ainsi la mannequin people et créatrice de mode Valentina en gorgone avec des serpents en plastique ridicules à la place des cheveux, qu'elle dissimule sous un turban quand elle apparaît en public. Dominico lui refile comme sidekick comique une espèce de gros serpent parlant nommé Vibora, joué par une marionnette à main tout droit sortie du Muppet Show (élément du tonnerre qui contribue à nanardiser même les scènes de dialogues les plus anodines, tout en renforçant l'aspect "bizarre" du film). Valentina assure le quota "érotisme nanar" du métrage, en allant par exemple dans un bar gay remporter incognito un concours de sosies travestis d'elle-même (?!), afin de séduire un godelureau gay (???), émoustillé quand elle lui apprend qu'elle est une femme (???), dont elle tuera le mannequin en mousse avec sauvagerie après lui avoir dit qu'il n'est pas "un vrai homme" (oui, cette scène sort vraiment de nulle part).

Valentina, la plus célèbre adversaire de Darna.

Vibora. Le Clandestin est son plus grand fan.

Après avoir avalé la pierre magique de Narda, Vibora se transforme en Darna (gag).


Troisième sbirette de notre serviteur du Diable, Purita, une institutrice locale/groupie de Dominico, sera quant à elle changée en une Manananggal, sorte de harpie du folklore philippin, avec des ailes de chauve-souris assez gauchement animées, des papattes griffues et velues, des dents de vampire et des gros sourcils.

Purita, terrassée par les éclairs fluos de la Foi.


Les séquences les plus jubilatoires sont évidemment celles où Nanette Medved se transforme en super-justicière pour rosser les vilains. Moins distraits que devant les mouvements d'Anjanette Abayari dans l'opus suivant, on peut pleinement apprécier les chorégraphies de combat nanardes, les effets spéciaux à base de coloriage au feutre à même la pellicule, les séquences de vol dignes de Supersonic Man, les bruitages de beignes outrés et le propos girl power enthousiasmant. Le final ne déçoit pas nos attentes et réserve une véritable apothéose. Bref, les films de super-héros philippins, c'est que du bonheur.

Vous êtes faits, gredins !

DARNA RULEZZZZ!!!

Cependant, la nanardise de l'oeuvre ne se réduit pas qu'à ses scènes d'action réjouissantes. Comme nous sommes dans un film populaire philippin, il y a aussi de l'humour... et qui dit humour dit acteurs qui en font des caisses. Les gags sont assurés par deux personnages comiques d'une lourdeur et d'une stupidité à faire de la concurrence à nos films de bidasses hexagonaux. Le premier comparse burlesque est un collègue photographe de Narda nommé Buster, qui repousse très loin les limites de la crétinerie. Ainsi, après avoir été poursuivi par la Manananggal et s'être réfugié dans une maison abandonnée la nuit, il ne s'étonne pas d'y rencontrer une superbe jeune femme muette, qui disparaît tel un ninja dans un film de Godfrey Ho et réapparaît au sommet d'un escalier sombre en lui faisant signe de la suivre. En voyant ça, il ne songe qu'à aller faire un câlin à sa nouvelle amoureuse, convaincu qu'il est devenu un tombeur. Va-t-il déchanter dans les trente secondes qui suivent ? (spoiler : oui).

Dennis Padilla, arme d'exaspération massive.

Dans la famille des victimes de film d'horreur tellement stupides qu'elles méritent la mort, notre homme est un champion.


L'autre boute-en-train de service, c'est le sergent Barurot, chef de la police complètement largué et incompétent, jaloux de la popularité de Darna, incapable de voir toutes les preuves flagrantes qui pointent la culpabilité de Dominico Lipolico. Aussi pédant qu'idiot, ce guignol ferait passer l'inspecteur Lawrence de Superman le Diabolique pour le plus fin limier que la Terre ait jamais porté. Son interprète déforme son visage dans des grimaces paroxysmiques et des roulements d'yeux que n'aurait pas osé tenter un mauvais acteur de cinéma muet.

La rencontre de deux fléaux de non-humour. Dès qu'ils sont ensemble, le taux de nanardise explose.

Ca expliquerait pas mal de choses, en effet...

Superflic se déchaîne.


Sans atteindre les sommets de Captain Barbell, Darna version 1991 demeure un très bon nanar, parfois à la limite de la bonne série B kitsch, d'une désarmante sincérité dans ses ambitions de divertissement premier degré pour petits et grands. Voici en tout cas un excellent remède contre la morosité, avec ses SFX en carton, ses scènes de violence un poil sadiques, ses aventures ultra-naïves, sa musique Bontempi pouêt-pouêt et sa simili-Wonder Woman survolant des fonds bleus flous de Manille pour s'assurer que ses concitoyens peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Darna, on t'aime ! Vive Darna !

Ca y est, il a réussi à mettre Darna très en colère. Tant pis pour lui.

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

On peut commander sur certains sites de vente en ligne des DVD-R américains du film, en version originale tagalog mais avec des sous-titres anglais. Certains sont zone 0 (donc lisibles sur tout type de lecteur) et d'autres zone 1 NTSC (uniquement lisibles sur un lecteur américain), alors soyez attentifs aux annonces.

Un DVD-R zone 0.

Un DVD-R zone 1.

N'empêche, ce genre de film est un évènement qui fait la une de la presse people philippine. Alors, respect !