Recherche...

Mankillers

(1ère publication de cette chronique : 2023)
Mankillers

Titre original :Mankillers

Titre(s) alternatif(s) :12 Wild Women

Réalisateur(s) :David A. Prior

Producteur(s) :David Winters, David A. Prior

Année : 1987

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h25

Genre : Des filles, des flingues et des choucroutes

Acteurs principaux :Julie K. Smith, William Zipp, Christine Lunde, Lynda Aldon, Edd Byrnes, Gail Fisher, Edy Williams, Wanda Acuna

Techniciens :Ted Prior

Jack Tillman
NOTE
2.5/ 5


1987 est une année où David A. Prior a enchaîné les chefs-d'oeuvre : Aerobic KillerUltime Combat et Mankillers, des films d'exploitation copiant les modes du moment avec une absence de thunes, de talent et de matière grise qui ne les a pas empêchés de remporter leur petit succès en vidéo, d'être diffusés à heures de grande écoute sur M6 et feue La Cinq, et d'assurer ainsi la rentabilité de la firme Action International Pictures co-fondée par David A. Prior, Peter Yuval et David Winters. Le film qui nous occupe est un nanar mineur mais explose néanmoins une partie de nos repères en matière de crétinerie et de manque de moyens. David A. Prior tente ici un mix entre Les Douze Salopards et les films d'Andy Sidaris pour un résultat qui ferait passer Rescue Force pour un blockbuster !

Une blonde à Ray-Ban que vous ne verrez pas dans le film.


Une fois son concept élaboré (plagier le classique de Robert Aldrich en remplaçant Lee Marvin, Charles Bronson et les autres par des playmates à gros seins), David A. Prior s'est lancé avec passion dans l'écriture de son scénario, la partie qu'il préfère dans la création d'un film. Pas la partie où il est le plus doué, loin de là, mais celle qu'il préfère. Et dès les premières lignes, son sens de la cohérence narrative fait merveille. Jugez plutôt : le FBI est sur les dents car son meilleur agent, John Mickland, est passé du côté obscur et est désormais à la tête d'un puissant cartel de trafic de drogue et de traite des blanches en Colombie. Pour tendre un piège à Mickland, les Fédéraux mettent sur le coup "quelqu'un qui se sait aussi fort que lui et le connaît mieux qu'il ne se connaît lui-même", l'agent Rachael McKenna. Sauf que Rachael McKenna est la petite amie de Mickland et que pour sa mission d'infiltration, ses supérieurs ont oublié de l'informer de la trahison de son boyfriend. Du coup, elle se fait flinguer par Mickland (c'est ballot) en nous infligeant ce dialogue somptueux :

— "Tu t'es servi de moi, espèce de salaud !"
"Tu m'fends le coeur, ma chérie."
— "Mais tu sais que je t'aime !"
— "Pauvre conne !" PAN !

Au cas où vous auriez eu un doute en lisant le dialogue ci-dessus, cette cap' de la scène vous confirmera que oui, l'héroïne est blonde (désolé).

Mais Rachael McKenna n'est pas morte, car Mickland a oublié de vérifier (et c'était le meilleur agent du FBI ? Qu'est-ce que valent les autres alors ?). Quelques temps plus tard, alors qu'elle vit retirée en ermite dans les bois, l'ex-agent McKenna est rappelée par le FBI pour tenter de neutraliser le renégat Mickland une deuxième fois, mais en étant désormais au courant qu'il est très méchant (c'est plus pratique). Résolue à se venger, McKenna pose toutefois ses conditions : pour cette mission, elle aura besoin de douze femmes (ou dix, le nombre varie au gré des dialogues) car "les femmes sont plus opérationnelles sur le terrain". Son supérieur lui rétorque que le FBI ne dispose pas de suffisamment d'agents féminins (gros gros problème d'effectifs au FBI apparemment). Mais McKenna a son plan : recruter les détenues les plus dangereuses de la pire prison de haute sécurité d'Amérique, en leur proposant la liberté en échange d'aller au casse-pipe. La repompe des Douze Salopards à la sauce "girls with guns" peut donc démarrer...

Des deals de drogue dans des terrains vagues...

... qui virent systématiquement au coup fourré et à la fusillade de cour de récré "je plie les genoux et je deviens intouchable".

Des poursuites à 40 km/h dans des bagnoles déjà bonnes pour la casse.

Et des mannequins de magazines de cul avec des grosses pétoires et des crop-tops sur mesure. Bref, tous les ingrédients d'un bon film d'action de série Z des années 80.

La première chose qui frappe le spectateur est la misère stupéfiante du film. John Mickland est un baron de la drogue richissime (quand l'héroïne tombe entre ses mains vers la fin du film, il tente de la corrompre en lui proposant de partager avec lui les milliards que lui rapporte le trafic de cocaïne et d'esclaves sexuelles), mais qui vit dans un bidonville cradingue constitué de cabanes en morceaux de tôle branlantes bâties à la va-vite le matin du tournage. Sans portes ni fenêtres (des morceaux de bâches en plastique déchirées et craspecs font parfois office de rideaux), vides de tout mobilier, ces cabanes n'ont même pas de toit et les tôles ne sont même pas fixées mais juste posées en équilibre, comme on le constate durant l'assaut final où les filles font exploser toutes les cahutes à la grenade. Chez David A. Prior, Pablo Escobar est un SDF à la tête d'une armée de clochards. Une sorte de Tiger Mafia américain. Peut-être est-ce une manière pour Prior de nous démontrer que le crime ne rapporte pas un radis ?

Cette raclure de Mickland au bras de cette nunuche énamourée de McKenna.

Mickland, version coupe mulet ondulée...

... et version catogan et gomina.

Mickland est un méchant vraiment très, très méchant (nos lecteurs auront peut-être reconnu dans le rôle de sa victime Dianne Copeland, dont les formes généreuses ornent les jaquettes d' "Aerobic Killer").

Lors de l'inévitable scène de bondage, notre héroïne fait bien attention de ne pas tirer trop fort sur ses liens pour ne pas faire s'écrouler les murs.

Une histoire d'amour et de haine digne des plus grandes tragédies (mais où les problèmes de couple se règlent à coups de lance-roquettes).

Le training montage de nos combattantes de choc est prétexte à un racolage décomplexé de la part du réalisateur, qui réussit l'exploit d'éviter tout vrai plan nichon (oh zut !) tout en mettant perpétuellement en valeur les seins de ses interprètes (qui dépassent par inadvertance de leur décolleté ultra-échancré au moindre mouvement un peu brusque), exploitant pleinement le physique de rêve de ces dames grâce au talent du costumier. Le tout sur fond de pop rock très années 80 (le refrain "Freeeeeedoooom! Freeeeeeedoooooom!" aura de grandes chances de vous rester dans la tête).

"Une, deux ! Une, deux !"


Et une fois terminé ce stage d'aérobic d'entraînement militaire intensif, la mission commando s'enfonce dans la nanardise pure grâce à la dégaine impayable de notre escouade de bimbos. Voir une douzaine de playmates permanentées et sans soutifs, vêtues de mini-shorts ultra-moulants et de crop-tops en guenilles, déambuler en brandissant leurs mitraillettes jouets dans un sous-bois de châtaigniers californien censé être la jungle colombienne, est un spectacle tout simplement irrésistible et bidonnant. La gêne des actrices est palpable, elles sont visiblement conscientes du ridicule de leur accoutrement et de ce qu'on leur fait jouer. L'amateurisme des conditions de tournage crève littéralement l'écran.

Nos tueuses d'hommes sont prêtes à en découdre.

"Euh, non non, David, on n'a pas du tout honte de jouer dans ton film, on t'assure... Mais si tu pouvais éviter de filmer nos visages de trop près quand tu zoomes sur nos décolletés, ce serait sympa..."

Mais s'il y a un domaine où le film excelle dans la ringardise, ce sont les scènes d'action. Dès que ça castagne, le manque de crédibilité atteint des niveaux stratosphériques : les adversaires se tirent dessus à trois mètres de distance et à découvert sans se toucher, les explosions des grenades sont indignes de pétards de kermesse d'école, les filles sont invulnérables aux balles qui devraient pourtant les trouer comme du gruyère, les sbires poussent un "Eurgh !" ridicule à chaque balle reçue (avec impact au ketchup sur leur tee-shirt), les high-kicks ne dépassent pas la hauteur du genou... A côté des fusillades désopilantes de Mankillers, les gunfights des films de guerre philippins sont des modèles de réalisme et d'action spectaculaire. Comparés aux combats chorégraphiés par Fritz Matthews (un fidèle de Prior qui tient aussi un petit rôle d'agent fédéral infiltré au tout début), les bastons de The Circuit sont d'une souplesse olympique. On dirait une parodie faite par des enfants.

"Eurgh !"


Yaaaa ! (paf)
Yiiii ! (pif)

Aïe, mon squeele !

Un niveau martial à rendre jaloux les meilleurs cascadeurs de Hong Kong.


Techniquement, l'incompétence est à la hauteur de la pauvreté générale. L'amateurisme des figurants est très appréciable, quand bien même ils ne sont là que pour incarner de pauvres sbires chair à canon interchangeables. A un moment, il y a même un macchabée qui se relève parce qu'il n'avait pas compris que la caméra filmait toujours (on le voit même prendre un air con et surpris en s'apercevant que ça tourne). Le fait que David A. Prior ait gardé la prise au montage a quelque chose de touchant d'innocence. Les faux raccords sont également bien voyants. Pendant le règlement de comptes final, l'héroïne trimballe un bazooka en bandoulière sur l'épaule, lequel disparaît et réapparaît d'un plan sur l'autre.

En même temps, c'est pas forcément la qualité de la mise en scène qui préoccupe le plus le public-cible d'un titre comme "Mankillers"... Y'a pas à dire, il y a du relâchement dans les uniformes des troupes américaines.

Christine Lunde, qu'on a pu croiser dans les nanars "Young Rebels", "Fight Prison" et "Open Fire". Ici, elle reprend le rôle de John Cassavetes dans "Dirty Dozen", avec un doublage bien vulgos et en mâchant un chewing-gum pour se donner un air de dure à cuire 'achement rebelle.

Quitte à repomper un film célèbre, autant décalquer aussi la scène culte de torture à la tronçonneuse de "Scarface".

Au rayon des temps forts, citons aussi cette séquence sidérante au cours de laquelle nos gangsters colombiens montrent à quel point leur QI est en berne à force de sniffer des rails de coke dans leurs cabanons de jardin. Alors qu'ils viennent de subir une attaque meurtrière de la part du commando de bimbos, les sbires et le bras droit du méchant ne se méfient pas quand ils voient ces mêmes filles débarquer au camp en roulant du bassin et en flânant pour venir les draguer sec (je rappelle qu'en plus on est au milieu de la jungle sans une seule femme à des kilomètres à la ronde, des fois qu'ils ne les auraient pas reconnues). Là pour le coup, je crois qu'on a rarement vu des méchants aussi absurdement cons dans l'histoire du mauvais cinéma sympathique.

Le camp de trafiquants le mieux gardé du monde. Un commando ennemi peut y flâner en plein jour sans susciter la moindre alerte.

Faut dire qu'il l'a bien cherché.

Enfin, quelques mots sur l'interprétation, unanimement mauvaise. Trois guest-stars à peine plus connues du grand public (voire même moins connues en fait) que le reste du casting sont créditées en vedettes au générique avant les acteurs principaux. Dans le rôle du bras droit pas très futé du méchant, David A. Prior nous offre Edd Byrnes du feuilleton télé des années 50 77 Sunset Strip, qui jouait le héros de 7 Winchester pour un massacre d'Enzo G. Castellari et qui est aussi apparu dans La Croisière s'amuse et dans Drôles de Dames (ça vous épate, pas vrai ? Comment ça, non ?).

Edd Byrnes et ses lunettes top classe. Lui aussi est très, très méchant et a, comme son patron, une fâcheuse tendance à flinguer les filles avant de les violer.

Dans le rôle de la secrétaire du patron du FBI, Gail Fisher, qui a eu son heure de gloire dans le feuilleton Mannix et qui a aussi joué dans, heu... un épisode de K2000 et un épisode de L'Ile Fantastique (merci IMDB).

Gail Fisher dans un rôle qui ne sert pas à grand-chose.

Et, venue cachetonner trois minutes dans le rôle de la sergente instructrice sévère-mais-juste de notre commando de pin-ups, la starlette Edy Williams, ex-femme de Russ Meyer, qui en était alors réduite à apparaître dans des pornos et des films campy raffinés comme Ma Prof est une Extraterrestre et Bad Girls from Mars. Elle semble ici très moyennement concernée par les évènements.

Edy Williams ("La vallée des plaisirs", chef-d'oeuvre de Russ Meyer, mais aussi "Lady Lust" et "Recherche comédiennes déshabillées"), également bien mise en valeur par le costumier.

Dans le rôle du très vilain John Mickland, nous retrouvons William Zipp, bon pote de David A. Prior qui joua dans tous ses films des années 80. L'acteur nous offre la quintessence de son talent au cours de la mort à rallonge ridicule de son personnage (ben oui, c'est le méchant, vous vous attendiez à ce qu'il survive ?). Absurdement increvable, William reçoit une balle de Magnum 45 en plein coeur mais grimace comme s'il s'était juste fait piquer par une abeille, l'héroïne lui tire ensuite une balle dans la jambe et une autre dans le ventre, William titube, crachote, tombe à la renverse, meurt, ressuscite, se relève, se mange encore une balle et meurt à nouveau, puis ressuscite encore. Il grimace beaucoup en poussant des "Geeuurgh ! Gaaarh !" avec les yeux révulsés mais toutes ces bastos ne l'empêchent pas de conduire une voiture pour foncer sur l'héroïne. La scène s'étiiiiiire et conclue le film de façon bien pourrave par une pitoyable explosion de pétard mouillé.

Inside the Actor's Studio with William Zipp (vu dans "Ultime Combat"). L'acteur donne tout ce qu'il a dans le rôle de l'increvable John Mickland.

En face de lui, la playmate Lynda Aldon affiche l'un des plus beaux outrages capillaires que nous ait offert la décennie 1980. Le film est un véritable défilé de choucroutes et de coupes mulet, tant féminines que masculines, et Lynda est incontestablement la reine du podium avec son brushing totalement improbable, digne de la toque de Davy Crockett qui se serait coiffé à coups de pétards. Des images valant mieux qu'un long discours, admirez les dégâts :

Le FBI a depuis interdit à ses agents d'arborer des coiffures pareilles.

Lynda Aldon, une action heroine comme on n'en voit plus.

Lynda Aldon et Christine Lunde, fashion victims des 80's.

Tant de mortelle détermination dans ce regard.

A l'heure du bilan, il me faut bien admettre que Mankillers compte quelques longueurs et n'atteint pas le niveau de folie furieuse d'Ultime Combat. Mais le film se situe néanmoins dans le haut du panier de la filmographie de David A. Prior et se révèle un nanar d'action à tout petit budget plutôt récréatif, suffisamment crétin pour distiller des passages nanars réguliers sur la durée. Rarement un film professionnel aura autant ressemblé à un film amateur tourné en famille et entre amis dans un jardin public.

 

Iconographie : les gifs animés proviennent du blog de vhs-ninja sur Tumblr.com

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Outre-Atlantique, Mankillers jouit d'un statut de petit classique de la série B d'action reaganienne "so bad it's good", au même titre que le légendaire Deadly Prey. L'éditeur américain "Martini Ent." a donc sorti en 2016 un Blu-Ray zone 2 au format NTSC, proposant le film dans une qualité semble-t-il assez pauvre, certes, mais toujours plus nette que sur les antiques VHS ayant fait sa gloire aux quatre coins du monde dans les golden 80's. Pas de VF, mais des sous-titres anglais sont proposés.


Pour savourer le bon vieux doublage français des familles, il vous faudra mettre la main sur la cassette de "Highlight Videos International".

Jaquettes en plus