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La Championne du collège

(1ère publication de cette chronique : 2008)
La Championne du collège

Titre original :L'Insegnante balla... con tutta la classe

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Giuliano Carmineo

Année : 1978

Nationalité : Italie

Durée : 1h23

Genre : Disons comique

Acteurs principaux :Alvaro Vitali, Lino Banfi, Mario Carotenuto, Nadia Cassini, Renzo Montagnani, Paola Morra, Stefano Amato, Maurizio Interlandi, Francesca Romana Coluzzi

John Nada
NOTE
3/ 5


Bon, cette fois c'est décidé : la prochaine fois qu'une discussion entre cinéphiles verbeux tourne au dithyrambe du néoréalisme italien, j'ouvre ma gueule et je leur parle de mon amour pour La Championne du collège. C'est vrai quoi, Visconti, Rossellini et De Sica ça va un moment, moi aussi j'aime bien les Fellini, Antonioni et Scola mais bon sang, Bruno Mattei, le post-nuke sicilien ou les sexy comédies napolitaines ne méritent-ils pas mieux que le silence méprisant que leur imposent depuis plus de 30 ans les apparatchiks de la critique du cinématographe ? (si vous êtes tenté(e) de répondre non, c'est que vous vous êtes sans doute trompé(e) de site) J'ai déjà ourdi un plan : en fin stratège, je saurai amener la discussion sur le terrain de la comédie, je glisserai le nom de Mario Monicelli ou de Dino Risi, comme ça, l'air de rien, les thuriféraires et autres panégyristes s'empresseront d'acquiescer, vantant les mérites du Fanfaron, des Monstres ou de Parfum de Femme, et là PAF, moi je leur balance toute la filmo d'Alvaro Vitali, de Lino Banfi, je leur dit d'oublier ces morues d'Ornella Muti et de Claudia Cardinale (histoire de jouer à fond la carte de la provoc) en leur parlant de la croupe d'Edwige Fenech, des seins de Gloria Guida et des cuisses de Nadia Cassini, bref je leur fais mon coming out total du geek accroc à l'humour rital pouet-pouet.


Une affiche turque.


Henri Langlois, que son nom soit sanctifié, avait tellement raison : le 7ème Art, c'est évidemment le sacré, mais c'est aussi le profane, les petits, les faibles, les contrefaits. Certes, on ne peut que louer les oeuvres caustiques, amères et grinçantes de Risi façon Les Nouveaux Monstres, mais qu'on le veuille ou non la comédie à l'italienne ce sont AUSSI La Toubib du régiment, Infirmière de nuit, Juge ou putain, La Championne du collège et tant d'autres titres à l'humour suave et délicat comme un repas à base de saindoux et de pétafine. Le néoréalisme entendait évoquer la réalité sociale de l'Italie de l'après-guerre, en filmant les milieux populaires, avec des acteurs souvent non professionnels, certes, mais le cinéma populaire, par définition, c'est quand même avant tout celui qui est vu par le peuple au sens large, pas par ses élites, et sur ce plan force est de reconnaître que les comédies dénudées des années 70 ont fait carton plein. Point de vue démagogique de la part de l'auteur de ces lignes ? Pas forcément si on laisse le temps à celui-ci de préciser que, parce qu'elles visaient un large public, ces comédies dénudées sacrifiaient généralement toute notion d'intégrité artistique sur l'autel du mercantilisme, assurant leur rentabilité en offrant en pâture à la plèbe ce que la plèbe, au bord de l'émeute, réclamait l'écume aux lèvres : des poulettes sexy, prétextes à des gags à base de croupions et de popotins, du comique de situation amené au bulldozer, des running-gags assénés au marteau-piqueur, des quiproquos lourds comme du béton armé et en prime cette sympathique tête à claques d'Alvaro Vitali. Puisse l'Histoire retenir les figures salutaires d'Alvaro et de ses camarades qui, après des années de probité bondieusarde et de censure pas drôle, contribuèrent à faire voler en éclats les carcans moraux étriqués de la vieille Italie catholique. La Championne du collège s'inscrit en honnête représentant de ce souffle anarcho-libertaire post-soixantuitard qui vessa sur le cinéma italien avec le soulagement euphorique d'un pet trop longtemps retenu.


Alvaro Vitali, le prince de la comédie à l'italienne.


Lino Banfi, le seigneur de l'humour transalpin.


Mario Carotenuto, le maestro de la rigolade made in Roma.


Le condiment sexy de cette galéjade boulevardière, c'est Nadia Cassini, dont l'arrière-train admirable et l'interminable paire de jambes viennent épicer l'histoire que voici : Claudia Gambetti, professeur d'éducation physique dans un collège, dispense des méthodes d'enseignement qui font grincer des dents certains de ses collègues (surtout des femmes) et en font baver d'autres (surtout des hommes, dont un professeur Mezzoponte campé par un Lino Banfi déchaîné). En fait, les cours de Claudia ne sont ni plus ni moins que des séances de gym tonic en tenue moulante hautement suggestive, un truc qui marche fort aux Etats-Unis, "le pays le plus évolué du monde", mais que la vieille Italie un peu coincée ne connaît pas encore.










Sur une musique aux relents disco (en écoute sur notre radio-blog), Melle Gambetti (Nadia Cassini) dispense des cours d'Education Physique et Sportive à des élèves-figurantes qui font un peu n'importe quoi, sous le regard du proviseur Fiorontori (Mario Carotenuto) et du concierge La Raclette (Alvaro Vitali)...


Pour profiter des cours de l'affriolante Claudia, réservés aux filles, les garçons du collège se débrouillent pour envoyer à l'hosto leur prof de sport, l'impitoyable et hyper-actif Martorelli (Renzo Montagnani), et ce alors que l'équipe masculine de basket doit jouer une importante finale contre la redoutable équipe d'un collège russe. En parallèle, le chef d'établissement Fiorontori (Mario Carotenuto), accroc aux courses hippiques, mise tout l'argent alloué par l'Education Nationale pour l'organisation de ce match sur un mauvais canasson, sur les conseils mal avisés du concierge et sous-fifre de service Anacleto Petruccio alias "la raclette" (Alvaro Vitali)...


Hihi, Anacleto Petruccio (Alvaro Vitali) aspire avec une paille toute la crème des pâtisseries qu'il est chargé d'apporter au professeur Mezzoponte (Lino Banfi), qui fait de l'hypoglycémie...


...pour se venger, celui-ci lui écrabouille le pied, accompagnant ses hurlements de douleur en battant la mesure comme un chef d'orchestre. Mouahaha !


Je ne vous ferai pas l'injure de poursuivre plus avant l'énumération des trésors scénaristiques d'un tel film. Ici, on n'est même plus dans l'humour niais mais carrément dans celui des tout petits qui disent "pipi-caca-boudin" en pouffant de rire, on se pousse du coude et on rit grassement dans une ambiance de Commedia dell'arte dégénérée. Certes, si La Championne du collège était une boisson alcoolisée, ses gags lourdauds et son cortège de situations grotesques rapprocheraient plus le film de la bière tiède et bon marché que du champagne pétillant et pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître, cette biture-là enivre plus qu'elle ne saoule. Une prouesse à mettre au crédit d'un casting du feu de Dieu, avec dans le rôle-titre Nadia Cassini, grande habituée des pantalonnades potaches (L'Infirmière a le bistouri facile, L'Infirmière de l'hosto du régiment etc.), également remarquée en méchante reine des Amazones dans le vénéré Starcrash, qui campe ici une héroïne merveilleusement callipyge. Mais ce sont surtout, pour ce qui est de "l'humooouur" à proprement parler, ces augustes figures du panthéon comique italien que sont Alvaro Vitali, Mario Carotenuto et l'impayable Lino Banfi.






Ces gens sont fous.


Alvaro Vitali occupe ici un rôle qu'il connaît sur le bout des doigts pour l'avoir tenu dans tout un tas de films : celui du sous-fifre et souffre-douleur de service, myrmidon à la voix aigrelette dont la portée comique est ici malheureusement réduite aux seuls sévices et humiliations dont il est constamment l'objet (dont un écrasement de pied récurrent, source inépuisable de rires). Aussi, malgré toute l'affection qu'on porte à Alvaro, on lui préférera pour une fois l'indomptable Lino Banfi, gouailleur survolté qui incarne ici Mezzoponte, professeur d'italien belgo-napolitain, hypoglycémique et érotomane. Débitant ses répliques au rythme d'une mitraillette, tirant son personnage vers la pantomime à force de mimiques et de gesticulations, Banfi distille un puissant parfum d'anarchie qui imprègne chacune de ses scènes.


Hohoho, Lino Banfi s'est déguisé en masseuse pour pouvoir tripoter Nadia Cassini...


...mais se retrouve, par un grossier concours de circonstances, à devoir masser le prof de sport Martorelli (Renzo Montagnani), en proie à une crise de lubricité aiguë (il réclame un "massage de la clarinette").


"Dis-moi mon enfant...


…je lis sur ton beau visage comme l'ombre d'une ambiguïté."


Certes, il en fait beaucoup trop, les gags dont il est à l'origine sont aussi nuls que prévisibles, et ça n'est pas pour rien que nous avons choisi d'aborder ce film sur Nanarland, mais il se dégage malgré tout de cet acteur quelque chose d'éminemment sympathique. En fait Lino Banfi, c'est un peu la figure de l'oncle pas drôle et éméché qui, en fin de banquet, semble mettre un point d'honneur à amuser la galerie, se donnant en spectacle de façon maladroite, cabotinant volontiers, s'obstinant dans des récits approximatifs et des blagues interminables, mais qui, à force d'énergie et de bonne humeur, parvient tout de même à sortir les commensaux de la torpeur molle des digestions dominicales. En gros, on est gêné quand il monte sur la table mais à la fin, on se surprend à sourire malgré tout.






Entre la poire et le dessert, vous reprendrez bien un peu de Lino Banfi !


Rendons grâce au reste du casting qui, dans un esprit de saine émulation, redouble d'efforts pour ne pas être en reste. Des bravos et des vivas pour Mario Carotenuto et son regard de vieil hiboux hirsute, idéal dans son rôle du principal de collège Fiorontori, mais aussi pour la charpentée Francesca Romana Coluzzi en sélectionneuse russe donneuse de baffes, et plus encore pour Renzo Montagnani, irrésistible interprète du professeur de sport Martorelli, personnage foldingue qui enchaîne 15 sauts périlleux avant de commencer sa leçon et s'exprime à l'occasion en longues roucoulades lyriques. Sursauts outrés, ululements rageurs, grimaces simiesques : en vaillants troufions de l'humour bêta, tous dispensent leurs redoutables munitions jusqu'à la dernière cartouche. Chapeau bas !


Renzo Montagnani.


Francesca Romana Coluzzi.


Ayant le tort de ne pas maîtriser la langue de Dante et de la Cicciolina, nous n'aurons pas été à même de goûter toutes les subtilités dialectiques de La Championne du collège. Ainsi, il ne nous échappe pas qu'un certain nombre de gags à base de jeux de mots sont malheureusement passés à la trappe dans l'adaptation française, même si, en dignes représentants du génie latin, les traducteurs de l'Hexagone se sont rattrapés comme ils pouvaient, en faisant par exemple rimer la région des Pouilles avec certaine partie de l'anatomie masculine (ho ho !). S'il n'atteint jamais la folie furieuse, ni le degré zéro abrutissant de certaines des proto-comédies hardcore référencées sur ce site, La Championne du collège offre néanmoins un honorable niveau de dinguerie que devraient apprécier les amateurs. Qu'importe dès lors si les gags sont gras et les acteurs cabots : les esprits bien disposés sauront prendre le même plaisir que ces derniers à cette caleçonnade vaudevillesque.








Demandeur de séances particulières, Mario Carotenuto se voit enseigner par Nadia la technique dite du "ramassage des prunes".




Là-dessus, Lino Banfi débarque sans frapper (comme une envie de hurler QUI-PRO-QUO !).


Un mot rapide sur le réalisateur Giuliano Carmineo : c'est un peu l'archétype du réalisateur bis italien de cette période. Il a, comme ses confrères, tâté un peu tous les genres : on lui doit notamment quelques bons westerns avec Gianni Garko (signés sous le pseudo d'Anthony Ascott), l'opportuniste Bons, brutes mais pas méchants avec des sosies du duo Terence Hill & Bud Spencer, le post-nuke Les Exterminateurs de l'An 3000 (signé Jules Harrison) ou le film d'horreur Ratman (signé Anthony Ascott à nouveau). Il a occasionnellement versé dans la grosse farce comique, comme La Championne du collège, La Vamp du bahut ou Pierino medico della SAUB.






A l'instar des théories scientifiques de Newton ou des compositions de Mozart, les gags mis en scène par Giuliano Carmineo incarnent eux aussi le génie immortel de notre civilisation (si si).


Nadia Cassini a elle totalement disparu de la circulation dans les années 1980. On a su tout récemment pourquoi quand elle est passée dans une émission de télé italienne, en y expliquant qu'elle avait eu recours à une opération de chirurgie esthétique qui s'était si mal passée qu'elle en était sortie quasi défigurée. Nadia a depuis retrouvé figure humaine, même s'il lui manque notamment la moitié d'une oreille. On s'interrogera non sans effroi sur les compétences d'un chirurgien capable de saloper une opération au point de couper une oreille, qui n'est pourtant pas ce qu'on retouche le plus fréquemment... (mi Amore, plus calée que moi en matière de chirurgie plastique, m'a expliqué qu'un lifting nécessitait qu'on découpe le visage au niveau des oreilles afin de pouvoir tirer la peau en arrière, l'incision ayant pu s'infecter et expliquer un tel désastre)




Lino Banfi est toujours très actif en Italie. Il a connu une baisse de régime avec le déclin de la sexy-comédie italienne, mais a su se relancer et connaître une seconde carrière dans les années 1990 en travaillant sur de nombreux téléfilms et feuilletons italiens, pas forcément dans des rôles comiques, mais en jouant de son image "sympa". Il bénéficie aujourd'hui d'un statut un peu équivalent à celui de Jean Lefebvre en fin de carrière, mais en plus populaire.

- John Nada -
Moyenne : 2.67 / 5
John Nada
NOTE
3/ 5
Nikita
NOTE
2.5/ 5
MrKlaus
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Le film est ressorti sur support DVD dans son pays d'origine. L'éditeur Mondo Home Entertainment s'est fendu d'une galette à bas prix, en version italienne sans sous-titres et au format 4/3, avec comme maigre bonus la bande-annonce du film.


Pour la VF, il faudra tâcher de dégotter une des antiques VHS sorties chez le bien nommé éditeur Super Vidéo Productions.

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