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Michel Lemoine

(1ère publication de cette bio : 2005)

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Michel Lemoine, réalisateur et acteur, présente une carrière emblématique de cinéaste bis français qui n’aura jamais pu bénéficier d’une véritable industrie hexagonale du nanar, en dehors du cinéma érotique dont il fut l’un des piliers. L’homme a néanmoins un profil des plus intéressants, car son parcours de comédien lui fit traverser tous les méandres du bis européen de la grande époque. Réalisateur d’un authentique météore nanar, l’horrifico-débile « Les Week-Ends Maléfiques du Comte Zaroff », Michel Lemoine n’a pas la filmographie d’un Jean Rollin mais présente un parcours haut en couleurs qui mérite que l’on s’y attarde.



Michel Lemoine naît en 1929 (ou 1931, selon les sources) : apprenant son métier de comédien avec Marcel Herrand, légendaire directeur du Théâtre des Mathurins, notre homme débute en interprétant les grands textes sur les planches, et se fait rapidement remarquer dans des rôles de jeune premier, sur la scène comme à l’écran. Il devient le protégé de Sacha Guitry, alors en disgrâce suite à la Libération, qui lui donnera son premier (petit) rôle dans le film de son retour au cinéma, « Le Diable boiteux ». Il retrouvera Guitry deux ans plus tard pour « Le Trésor de Cantenac ».


Image tirée de la bio que lui a consacré "Le film du jour"


Grand, séduisant mais un peu inquiétant du fait d’un visage inhabituel, aux étranges yeux en amande, Michel Lemoine s’oriente vers des rôles de séducteurs plus ou moins ténébreux. Comédien de formation très classique, il est surtout actif sur les planches, mais l’attrait du cinéma va bientôt imprimer à sa carrière un pli radicalement différent. Le cinéma italien est alors l’un des plus actifs et florissants d’Europe et offre des opportunités de travail à des comédiens venus du monde entier. Après être apparu dans plusieurs films transalpins, Michel Lemoine va décrocher le gros lot avec « Le Monstre aux yeux verts » (I Pianeti contro di noi), film de science-fiction où il tient, de façon fort convaincante, le rôle d’un robot extraterrestre en mission sur Terre. Son physique à la fois avenant et inquiétant fait merveille dans le rôle-titre de cette aimable série B : notre homme est désormais l’acteur qui monte dans le cinéma populaire italien.






« Avec ce film », se souvient Michel Lemoine, « on m’a classé parmi les gens qui faisaient peur. Et comme, pour des raisons d’exportation, les héros étaient surtout joués par des acteurs américains, je me suis tout naturellement retrouvé à jouer les méchants. » « Les Possédées du démon » ; « Arizona Bill » ; « Hercule contre Moloch » ; « Agent 353, massacre au soleil » : Michel Lemoine fréquente tous les genres, à l’aise comme un poisson dans l’eau dans le cinéma bis italien. Pour ce bon vivant, c’est la dolce vita ! « Pendant plusieurs années, j’ai vécu en Italie, sans remettre les pieds en France. J’étais tellement immergé dans la vie italienne que je me souvenais à peine de qui était le Président français ! » Mais l’activité de comédien de Michel Lemoine ne se limite pas à l’Italie : son épouse, la comédienne Janine Reynaud, le présente à l’Espagnol Jesus Franco, avec qui il tournera plusieurs films, dont « Nécronomicon ».





Au tournant des années 70, Michel Lemoine commence d’opérer son retour en France, et apparaît en tant qu’acteur dans le genre qui domine alors le cinéma bis français : l’érotisme ! Il apparaît notamment en séducteur libertin dans « Je suis une nymphomane » de Max Pécas (« Un homme très gentil, qui faisait du cinéma un peu comme il aurait été épicier… »), où il partage l’affiche avec Janine Reynaud, le couple s’employant à satisfaire la jeune nymphomane du titre. Michel Lemoine est un bon vivant, séducteur et libertin à la ville comme à l’écran, et aurait alors participé à l’érotisme avec un peu plus que de la conscience professionnelle.





C’est donc tout naturellement dans l’érotisme que Michel Lemoine va faire ses premiers pas officiels de réalisateur. « Les Désaxées », histoire d’un couple échangiste, est de l’aveu même de son auteur fortement autobiographique. Après ce premier film, la nouvelle carrière de Michel Lemoine est lancée : nouveau maître de l’érotisme made in France, il va enchaîner avec « Les Confidences d’un lit trop accueillant », puis « Les Petites saintes y touchent », qui se distinguent, selon les amateurs, par un certain effort dans l'écriture des scénarios. « Les Chiennes » alias « Le Manoir aux louves » est lui considéré comme son meilleur film. Lemoine joue encore dans quelques productions, notamment « L’Amour aux trousses », de Jean-Marie Pallardy ; mais il abandonne progressivement le métier d’acteur, qui ne l’amuse plus guère.





Cependant, Michel Lemoine, ambitieux, ne veut pas se limiter à l’érotisme et va se lancer dans la réalisation, toujours périlleuse, d’un film d’horreur à la française : né d’une idée du critique de cinéma Jean-Claude Romer, « Les Week-Ends Maléfiques du Comte Zaroff » prétend revisiter dans un total enthousiasme le mythe du chasseur d’hommes, mais s’avère au final un prétexte à des filles à poil en pagaille (la Lemoine’s touch !), des hallucinations sans queue ni tête et un festival de nanardise comme le cinéma d’épouvante français, habituellement trop « auteurisant », nous en avait rarement offert.





Mais ce coup de maître va rester sans lendemain : le film est en effet accusé par la censure française d’incitation au meurtre, et va tout simplement être interdit, malgré des coupes ! Cette sanction ubuesque va pousser Michel Lemoine à abandonner ses ambitions de cinéaste de genre pour se réfugier dans ce qu’il connaît le mieux : l’érotisme.





Mais les temps ont changé et l’érotisme soft est désormais supplanté par le porno hard. Bon gré mal gré, Lemoine se conforme aux lois du marché et, sous son nom ou sous divers pseudonymes (John Armando, Michel Blanc, Michel Leblanc…), va signer une série de hards aux titres évocateurs : « L’été, les petites culottes s’envolent », « Je t’offre mon corps », etc. Il ne renonce pourtant pas au soft puisqu’un dictionnaire de cinéma lui attribue la mise en scène du médiocre « Contes pervers », officiellement réalisé par Régine Deforges. Lemoine n’est guère enthousiasmé par sa carrière dans le porno hard : « Ca m’ennuyait. Donc au bout d’un moment, je me contentais de profiter des lieux de tournage. Je tournais les scènes de liaison, puis je laissais le chef-opérateur tourner les scènes hard, pendant que j’allais me promener, ou à la plage », avoue-t-il franchement.



Le déclin du porno hard en France va heureusement coïncider, pour Michel Lemoine, avec l’âge de la retraite. Remarié avec Nicaise Jean-Louis (la gendarmette noire du « Gendarme et les gendarmettes »), notre homme jouit désormais d’une paisible retraite, apparaissant occasionnellement pour le plaisir dans des productions bis confidentielles comme « Le Syndrome d’Edgar Poe » de N.G.Mount (Norbert Moutier). Il nourrit périodiquement quelques projets aussi ambitieux qu'improbables, comme une vie de Diane de Poitiers avec Michèle Mercier ! Homme charmant, généreux et cultivé, ce bon vivant, « drogué à la vie » selon ses propres termes, ne perd jamais une occasion de raconter aux jeunes bissophiles l’époque héroïque de la série B européenne. Une vraie statue du commandeur, emblématique d’une certaine époque du cinéma populaire, dont on regrettera que l’absence d’un vrai cinéma bis français l’ait découragé de nous offrir un nouveau « Comte Zaroff » !

 

Il nous a quitté en toute discrétion à 90 ans le 27 juillet 2013 à son domicile de Vinon dans le Cher. Nous saluons la mémoire d'un auteur au parcours atypique qui aura exploré bien des facettes du cinéma bis.

- Nikita -

Films chroniqués

Filmographie

Réalisateur :



Wie kurz ist die zeit zu lieben (1970, participation non créditée à la mise en scène)

Les Désaxées (1972)

Les Chiennes / Le Manoir aux louves (1973)

Les Confidences d’un lit trop accueillant / Les Frôleuses (1973)

Les Petites saintes y touchent (1974)

Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff / Sept filles pour un sadique (1976)

Excitation au soleil (1978)

Tire pas sur mon collant (1978)

Langues profondes (1978)

Les Cuissardes (1978)

Viens, je suis chaude (1978)

Contes pervers / Les Filles de Madame Claude (1980, non crédité)

Flying skirts (1980)

Hot desire (1981)

L’Amour aux sports divers (1981)

Neige brûlante (1981)

Desire under the sun (1982)

Rosalie se découvre (1983)

Ardeurs d’été (1983)

La Maison des mille et un plaisirs (1984)

Je t’offre mon corps (1984)

L’été les petites culottes s’envolent (1984)

Mobilhome girls (1984)

Echange de femmes pour le week-end (1985)

L’Île des jouissances sauvages (1986)

Forbidden pleasures (1987)

Acteur :



Le Diable boîteux (1948), de Sacha Guitry

Après l’amour (1948), de Maurice Tourneur

Julie de Carneilhan (1949), de Jacques Manuel

Les Aventuriers de l’air (1949), de René Jayet

Le Trésor de Cantenac (1950), de Sacha Guitry

Il Bivio (1950), de Fernando Cerchio

La Fête à Henriette (1952), de Julien Duvivier

Lettre ouverte (1953), de Alex Joffé

Milord l’arsouille (1956), de André Haguet

Côte d’azur (Costa azzurra, 1959), de Vittorio Sala

Suspense au deuxième bureau (1960), de Christian de Saint-Maurice

Les Filles sèment le vent (1960), de Louis Soulanès

La Vengeance du masque de fer (La Vendetta della maschera di ferro, 1961), de Henri Decoin et Francesco de Feo)

Le Monstre aux yeux verts (I pianeti contro di noi, 1961), de Romano Ferrara

L’Eternité pour nous / Le cri de la chair (1962), de José Bénazéraf

Le Concerto de la peur / La Drogue du vice (1962), de José Bénazéraf

La Porteuse de pain (1963), de Maurice Cloche

Le Sabre de la vengeance (I Diavoli di Spartivento, 1963), de Leopoldo Savona

Hercule contre Moloch (Ercole contro Molock, 1963), de Giorgio Ferroni

Arizona Bill (La Strada per Fort Alamo, 1964), de Mario

Les Possédées du démon (Delitto allo specchio, 1964), de Ambrogio Molteni

Una voglia da morire (1965), de Duccio Tessari

Mission spéciale à Caracas (1965), de Raoul André

I Criminali della galassia (1965), de Anthony M. Dawson (Antonio Margheriti)

Agent 353, massacre au soleil (Agente 3S3, massacro al sole, 1966), de Sergio Sollima

I Diafanoidi vengono da marte (1966), de Anthony M. Dawson (Antonio Margheriti)

La Femme perdue (La Mujer perdida, 1967), de Tulio Demicheli

Necronomicon / Succubus (1968), de Jesus Franco

Castle of the creeping flesh (1968), de Adrian Hoven

Une corde, un colt (1969), de Robert Hossein

Sadisterotica (1969), de Jesus Franco

Besame, monstruo / Kiss me, monster (1969), de Jesus Franco

Wie kurz ist die zeit zu lieben (1970), de Pier A. Camminecci et Michel Lemoine

Je suis une nymphomane (1970), de Max Pécas

La Débauche ou les amours buissonnières (1970), de Jean-François Davy

Il Ritorno del gladiatore più forte del mondo (1971), de Bitto Albertini

Le Seuil du vide (1971), de Jean-François Davy

Frustration (1971), de José Bénazéraf

Les Désaxées (1972), de Michel Lemoine

Les Chiennes / Le Manoir aux louves (1972), de Michel Lemoine

Les Confidences d’un lit trop accueillant / Les Frôleuses (1973) de Michel Lemoine

Les Petites saintes y touchent (1974) de Michel Lemoine

L’Amour aux trousses (1974), de Jean-Marie Pallardy

Les Week-ends maléfiques du Comte Zaroff / Sept filles pour un sadique (1976) de Michel Lemoine

Un Crime de notre temps (1977), de Gabriel Axel

Full fathom five (1990), de Carl Franklin

Le Syndrome d’Edgar Poe (1995), de N.G. Mount (Norbert Moutier)

Le Marquis de Slime (1997), de Quelou Parente