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Pierre Tremblay

(1ère publication de cette bio : 2006)

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Retrouvez notre interview exclusive de Pierre Tremblay

S'il y a acteur qui fit s'échauffer les imaginations sur les forums de Nanarland, c'est bien Pierre Tremblay. Habitué des ninjateries signées Godfrey Ho, il hanta le Hong Kong des années 80 déguisé en guerrier de la nuit. On le vit à plusieurs reprises dans des rôles de flic ripou ou de sbire malfaisant dans Black Ninja ou Ninja Dragon, se faisant exécuter par Richard Harrison. Mais pour nous, son titre de gloire, il le tient dans Flic ou Ninja où dans le rôle de Maurice, énigmatique ninja maléfique réintégrant le milieu, il détaille devant un Bruce Baron médusé les méandres de ses plans tortueux avant d'éclater d'un rire de dément.

Pendant longtemps comme son homologue Stuart Smith, l'autre star mystérieuse de l'écurie IFD/Filmark, nous nous sommes perdus en conjectures sur l'ami Pierrot. Acteur épisodique en dehors de ses apparitions ninjesques, oublié par toutes les encyclopédies de cinéma respectables, nous avons longtemps cru que nous ne saurions jamais rien sur lui. La consonance francophone de son nom nous a quelques temps fait espérer un authentique Français égaré dans les arrières-cours de Kowloon avant de pencher pour des origines québécoises, le nom de Tremblay s'avérant prolifique dans la Belle Province. Trop prolifique même, retrouver tous les Pierre Tremblay de la création s'avérant vite une tâche titanesque tant ce nom est courant. Alors les forumers ont couru d'hypothèses en hypothèses au fur et à mesure que des Pierre Tremblay apparaissaient sur le devant de la scène. On le dit un temps manager musical en Floride, avant de retrouver un Pierre Tremblay assistant-monteur sur plusieurs grosses productions hollywoodiennes actuelles dont "Brokeback Mountain" et puis encore un autre, businessman à Hong Kong. D'homonymies en fausses pistes nous avions commencé à désespérer, nous disant que finalement non, nous n'en saurions pas plus...


Pierre dans « Princess Madam » (1990).

Jusqu'à un coup de chance. Un article en ligne de Radio Canada résumant un reportage télévisé sur l'avenir de Hong Kong. Pour guider les reporters dans l'ancienne colonie, apparaît un journaliste québécois émigré de longue date dans cette métropole et qui anime une émission musicale en anglais sur RTHK3, une grande station radio locale... Une photo accompagne l'article, ne laissant aucun doute.

Après avoir visionné sa courte intervention dans le reportage, nous avons recherché notre homme en se basant sur la piste radiophonique. Bien nous en a pris, via sa radio nous avons pu prendre contact avec Pierre Tremblay. L'homme est plutôt surpris par notre requête, mais reconnaît bien être notre Pierre Tremblay. Il accepte le principe d'une interview. Hélas, pendant un an, plus de nouvelles. C’est donc un peu en désespoir de cause que nous avions rédigé cette biographie lacunaire. Elle nous permettait de commencer à tracer le parcours de Pierre Tremblay, avec le secret espoir que tout comme Bruce Baron venant pointer lui même les erreurs de sa bio, Pierre reprenne contact avec nous pour nous accorder un entretien et nous éclairer sur son étrange carrière.

Et puis enfin Pierre nous recontacta, s'excusant d'avoir mis si longtemps à répondre pour nous livrer une longue confession où il revient largement sur sa vie en Asie. Vous pouvez la lire ici.

Tremblay est bien Canadien francophone. Lorsqu'il s'exprime en français, il a conservé un bel accent québécois qui surprend tout ceux qui croient connaître sa voix par le biais des doublages refaits en France. Mais sa patrie de cœur, c'est depuis plus de vingt cinq ans Hong Kong. La colonie a toujours compté une forte immigration canadienne. S’intéressant déjà au taï-chi et à la culture chinoise à Montréal, Tremblay profite d'un héritage familial pour s'offrir un petit tour du Pacifique et pose finalement ses valises à Hong Kong.

Vivant de petits boulots (notamment prof de français), il fait, comme beaucoup d'occidentaux, de la figuration dans la production locale et se débrouille rapidement en mandarin et en cantonais. Son premier rôle véritable est pour Tsui Hark dans "L'Enfer des armes", polar nihiliste et violent où apparaît aussi Bruce Baron. Il y incarne, comme ce dernier, un soldat américain devenu membre d'un gang de marchands d'armes particulièrement sans scrupules. C'est un petit rôle mais dans lequel Tremblay a l'occasion de se montrer tantôt nonchalant, tantôt sadique. Et déjà, lors d'une scène, il éclate d'un rire sadique qui va devenir sa marque de fabrique.




Pierre, en tortionnaire cruel et sardonique à souhait, coud les lèvres d'une victime pour la faire taire dans "L'Enfer des armes" (1980) de Tsui Hark.

Il est aussi recruté par la télévision et, grâce à sa maîtrise de la langue, participe à une série télé "The Bund" où il croise Chow Yun Fat.

 
"L'enfer des armes".

En tout cas, en dehors de ce premier film, sa carrière cinématographique semble plutôt être le fruit du hasard. Tout change lorsque ce que ce polyglotte est recruté en 82 par des studios de doublages qui vendent des films chinois dans le monde entier. Un métier à plein temps où il rencontre d'autres futurs ninja comme Stuart Smith. Parmi ces productions, celles du label IFD dirigé par Joseph Laï. Celui-ci envoie son âme damnée, Godfrey Ho, superviser les post-synchro.

Lorsque ce dernier se lance dans la grande vague ninjesque des années 85-86, il se souvient de ces acteurs occidentaux qui faisaient les doublages. Voilà de parfaits gweilos prêts à enfiler une tenue bariolée et à aller se bagarrer dans les parcs publics pour une poignée de dollars (de dollars HK, hein, n'exagérons rien !). Des petits boulots, mais payés rubis sur l'ongle, ce qui dans le milieu du ciné local peuplé de margoulins tient de l'exploit.


Cabotinant beaucoup dans « Diamond Ninja Force ».


Expliquant à Bruce Baron l'ingéniosité de son plan dans « Flic ou Ninja ».

D'où son apparition dans les films de Godfrey Ho. Connaissant les méthodes tortueuses de filmage de ce bon Godfrey, il a dû être payé par scènes. Les souvenirs de Pierre sont assez flous sur ce qui n'est après tout qu'un petit boulot occasionnel. Il semble qu'il y ait eu au moins trois séries de tournages. Tout d'abord vers 85-86 avec Richard Harrison où son rôle est généralement réduit à celui de sbire, promptement liquidé par les gentils. Il y apparaît encore tout jeune dans « Diamond Ninja Force », en homme de main des ninja varriors (prononciation du doublage oblige), où il est rondement expédié ad patres par Richard Harrison. On l’aperçoit furtivement dans le rôle du Français « Pierre » dans « Ninja Dragon » puis dans un rapide rôle de sbire dans « Ninja Fury ». Les trois films ont été montés à partir de scènes tournées en même temps, puisque Richard Harrison nommé Gordon y arbore une moustache grise et qu’on y retrouve quasiment les mêmes acteurs. Il incarne un flic français corrompu, supérieur véreux d'Alphonse Beni dans « Black Ninja ». Dans ce film Harrison n'a pas de moustaches A t-il été tourné avant ou après les trois autres ?

 
Furtif au côté de Richard Harrison dans « Ninja Dragon ».

Puis, un ou deux ans plus tard (il semble plus mûr à l’image), il rencontre de nouveau Bruce Baron. Une seule session de tournage, deux films (et encore Baron confie dans son interview avoir tué Tremblay au moins quatre fois ! Peut-être y a-t-il encore des films cachés !). Il tient son grand rôle de méchant ninja rouge machiavélique dans l'ébouriffant « Flic ou Ninja » et il est un flic bariolé mais non moins méchant dans « Challenge the Ninja ». A chaque fois, en bon méchant de comédie, il éclate de son rire sardonique.


Toujours aussi méchant dans « Challenge the Ninja » !


Mais pas aidé par le costumier…

Au début des années 90, Pierre, aidé par le fait d'être polyglotte français/anglais/cantonais, participe à de nombreux doublages de films hongkongais. On le retrouve ainsi incarnant le méchant (comme d'habitude) dans la version anglaise de « The Killer » de John Woo. Mais Pierre délaisse progressivement le cinéma et se tourne vers la radio. Il travaille comme animateur, présentateur, producteur puis apparaît à la télé, animant une émission patronnée par le consulat français et vantant l'art de vivre de notre beau pays. Il est présentateur radio en 1993 sur RTHK. Même s'il n'en parle pas trop dans une Chine où les sujets politiques sont sensibles, il est aussi tenté par le journalisme : à partir de 89 la Chine bouge, c'est l'époque des événements de la place Tien An Men, le reportage de Radio Canada (station pour qui il joue aussi les correspondants occasionnels) semble montrer que ces manifestations l'ont profondément marqué.


Un petit rôle de dealer pour Pierre dans « Ninja Fury ».

Après cela Pierre obtient en 94 un rôle récurent dans une série en 11 épisodes, « All in a Family », une sitcom populaire de la chaîne d'état chinoise RTHK. Il y incarne John, marié à une Chinoise de Hong Kong. Toute l’intrigue semble tourner autour du problème de la double culture de leur enfant. Doit-il être élevé à l’occidentale ou à la chinoise ?

Cette chaîne de radio télévision de Hong Kong (comme son nom l’indique) va jouer un rôle important pour lui car elle va devenir son employeur jusqu'à aujourd'hui. Il se voit confier des émissions sur l'édition anglophone de la radio du groupe. Il semble se spécialiser dans la musique (peut-être que les sujets politiques sont trop délicats à traiter sur une radio d'Etat chinoise), et anime « Pierre Tremblay’s Planet World Show », une émission tremplin pour les groupes locaux, puis un programme régulier le week-end où il diffuse des standards pop rocks, en les émaillant de petits commentaires doucettement ironiques sur l'actualité du monde ou de Hong Kong. Désormais le samedi sur RTHK3 de 20h à 22h (heure de Hong Kong), retrouvez World Vibes, la nouvelle émission de Pierre.

Pour écouter l'émission de Pierre.

Pierre semble être un homme heureux, il a épousé une Philippine émigrée elle aussi à Hong Kong et se passionne pour la musique et le développement de la "Chine Pop." où il se rend régulièrement. Il garde un regard lucide sur ce pays. Etant passé par RTHK pour entrer en contact avec lui, il glissa négligemment lors de sa réponse qu’il n'avait obtenu l'information qu'avec un mois de retard… délai raisonnable pour une société d'Etat chinoise.

 

Il participe encore à un ou deux tournages dans les années 2000. Des apparitions rien de plus. Notamment dans "You Shoot I Shoot" où il incarne... la voix d'Alain Delon s'exprimant depuis un poster de la star !

Un bel itinéraire en tout cas pour un homme aussi chaleureux que passionnant dont le parcours atypique, à l'image d'un Mike Abbott ou d'un Bruce Baron, illustre bien la riche vie de ces acteurs de série B que nous aimons tellement ici.

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie


2003 - You Shoot, I Shoot (voix)

2001 - Accidental Fire / The Runaway Pistol

1994 - All in a family (série télé)

1992 - The Big Deal (Tou shen gu zu)

1992 - Once A Black Sheep (Cao mang ying ci)

1992 - Angel Terminators

1990 - Princess Madam / Under Police Protection

1987 - Challenge the Ninja (Challenge of the Ninja)

1987 - Flic ou Ninja (Ninja Champion)

1986 - Ninja Diamond Force (Diamond Ninja Force)

1986 - Ninja Dragon

1986 - Black Ninja (Ninja: Silent Assassin)

1986 - Ninja Fury (Ninja Thunderbolt)

1983 - Men from the Gutter

1980 - The Bund (Shang Hai tan xu ji)

1980 - L'Enfer des Armes (Don't Play with Fire / Dangerous Encounters of the First Kind)