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James Ryan

(1ère publication de cette bio : 2008)

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Certains distributeurs n’ont pas hésité à le présenter comme le chaînon manquant entre Bruce Lee et Chuck Norris. Au début des années 80, alors que le film d’arts martiaux se cherchait une nouvelle idole, le Sud-Africain James Ryan a tenté de se frayer un chemin vers la gloire d’un kata puissant et d’un "a-ya-hi" rageur. Hélas, malgré un réel charisme et d’évidentes qualités physiques, la carrière de notre tatanneur d’Afrique australe n’a jamais décollé. Après deux films particulièrement gratinés censés construire sa légende, puis une tentative de repêchage par le flamboyant David Winters, James Ryan est retombé dans les rôles de troisième ordre pour productions d’action de vidéo clubs.



Il reste encore pas mal de flou autour du personnage. Les quelques informations disponibles sur le net ne sont pas toujours très précises et même sa fiche IMDb le confond partiellement avec un autre James Ryan, scénariste aux États-Unis. Néanmoins, si nous savons peu de choses sur le bonhomme en dehors des plateaux de tournage, nous avons pu reconstituer progressivement les principales étapes de sa carrière. Comme, à l’heure actuelle, il évolue toujours dans le milieu du cinéma en Afrique du Sud, nous avons même essayé d’obtenir une interview en passant par son agence, démarche malheureusement restée jusqu’à présent sans réponse.


James Ryan est donc un acteur et un artiste martial. Dans cet ordre. En effet, contrairement à d’autres virtuoses du coup de pied retourné devenus acteurs après avoir été champions sur tatami, Ryan, s’il est sans nul doute un excellent pratiquant des arts martiaux, semble être un inconnu lorsqu’il tourne les deux films à sa gloire, "Combat Final" et "Tue et Tue Encore".

Il semblerait qu'avant ceux-ci, on le voit juste faire un peu de quasi figuration dans une production locale, "Gemini", et surtout apparaitre dans le pétaradant "Le Liquidateur" alias "Mister Deathman", sympathique petit blaxploitation de 77 joué par David Broadnax, un Américain mystérieusement venu tourner les aventures de son personnage d’agent secret noir en Afrique du Sud. (Un personnage étrange ce Broadnax, qui en dehors de ce film produira, scénarisera et jouera dans "Zombie Island Massacre" pour Troma avant de disparaître de la circulation.).


Le premier film dans lequel Ryan fait une apparition


Tout commence donc vraiment avec "Karaté Olympia" alias "Combat Final" alias "Tué ou être tué". Le film est distribué en 1980 mais selon certaines sources aurait pu être réalisé en 1977 (donc peut-être avant "le Liquidateur"). Une info à prendre avec prudence. James Ryan, présenté comme le combattant ultime, affronte un haut dignitaire nazi, le baron von Rudloff, ancien entraîneur de l’équipe officielle allemande de karaté qui, depuis son château dans le désert, rêve de prendre sa revanche sur un coach japonais dont l’équipe l’a humilié sous les yeux du Führer lors d’un tournoi d'art martiaux en 1941. On le voit, l’argument est grotesque, surtout si on y ajoute un nain qui à des états d’âme, un karatéka psychotique qui broie les guitares à coup de boule et un Adolf Hitler de carnaval au regard bleu quasiment hypnotique. Nerveux et narcissique, James Ryan roule des mécaniques, multiplie les poses avantageuses et les sauts périlleux tout en affrontant victorieusement la crème des karatékas sud-africains. Témoin du souci de mettre en valeur l’acteur, dans le générique de la version cinéma, les noms du casting sont directement projetés sur le corps en action de Ryan qui s’entraîne.

 


Ce film se vend dans le monde entier, ce qui est rare à l’époque pour des productions Sud-Africaines déjà mal vues à cause de l’apartheid qui sévit dans le pays. Le film tape donc dans l’œil d’une petite compagnie américaine, "Film Venture International", l’une des rares à accepter de distribuer un film Sud-Africain. Spécialiste de la distribution de bandes d’exploitation, "FVI" est une de ces petites compagnies indépendantes qui a fait fortune depuis les années 60 en important des films étrangers aux États-Unis, puis en les revendant dans le reste du monde, parfois sérieusement remontés pour leur donner un petit air plus yankee. Kaiju Eiga, films d’horreur italiens, petites productions pour drive-in, films pour adultes : Edward Montoro, son fondateur, fit feu de tout bois pour devenir l’un des grands distributeurs/producteurs du marché du film de série B en Amérique.


"Karate Olympia" fait son petit effet et marche relativement bien à l'international, à tel point qu’Edward Montoro expédie son bras droit Igo Kantor superviser le tournage d’une suite à "Combat Final". Kantor est un musicien prolifique, qui a entre autre composé les bandes originales de la plupart des Russ Meyer mais qui a aussi joué les producteurs, monteurs, réalisateurs ou directeurs du son, selon les besoins, sur un nombre impressionnant de nudies ou de films d’exploitation américains. Ce sera le tout aussi délirant "Tue et Tue Encore", qui doit propulser James Ryan au rang de nouveau prodige incontournable des arts martiaux. Le film se la joue bondien en diable lorsque Steve Chase, notre héros, affronte Marduk, un apprenti maître du monde qui rêve d’asservir la planète grâce à un sérum d’obéissance dérivé de la pomme de terre. Là encore, le film se vend bien. Le célèbre critique américain Roger Ebert le classera même dans ses plaisirs coupables lors de son show télévisé. En fait, le plus gros problème reste de camoufler l’origine Sud-Africaine du film, alors que les protestations anti-apartheid ne cessent d’enfler. Résultat, la cassette vidéo française n’hésite pas à introniser Ryan N°1 aux Etats-Unis…

Même invraisemblables, les aventures de Steve Chase semblent donc s'être bien vendues sur le marché des petites salles de quartiers et des drive-in. On peut dès lors se demander pourquoi la carrière de James Ryan semble stopper net après deux films ? L’une des raisons probables en est la faillite frauduleuse de son distributeur américain "Film Venture International" :


En effet, en 1980, parallèlement, aux exploits de James Ryan, "FVI" acquiert les droits américains de "La Mort au Large" d’Enzo G. Castellari. Flairant le bon coup, alors que les "Dents de la mer 3" est en préparation, Montoro orchestre une sortie importante et investit 4 millions de dollars en publicité. Manque de chance, après un démarrage fulgurant, la "Universal", détentrice des droits des "Dents de la mer", fait interdire le film pour plagiat au bout d’une semaine. Si les producteurs italiens qui ont vendu leurs bobines fort cher s’en sortent bien, le distributeur américain se retrouve lui avec un trou dans les caisses qui va l’entraîner vers sa perte. Ne pouvant combler ce coup dur, "FVI" sombre petit à petit et a de plus en plus de mal à honorer ses engagements. Elle continue encore à produire quelques films mais subit des échecs qui creusent davantage son déficit. En 1985, après pas mal de problèmes avec les sociétés qui lui fournissent ses films et se plaignent de ne plus être payées, Montoro siphonne purement et simplement 1 million de dollars dans les caisses de sa boite et disparaît à jamais. Il aurait filé au Mexique avant de se volatiliser définitivement. On n’entendra plus jamais parler de lui… "FVI" fait faillite et James Ryan se retrouve sans distributeur international.


C’est l’arrêt brutal de la carrière mondiale de notre karatéka, qui se retrouve coincé dans une Afrique du Sud mise au ban des nations au milieu des années 80 pour sa politique raciale. Plus question désormais de s’exporter à moins de totalement camoufler sa nationalité. Il tourne encore au début des années 80 dans quelques productions locales pour la télévision, ou joue les seconds couteaux dans des séries B tournées au soleil d’Afrique australe. Il retrouve enfin un premier rôle en jouant les athlètes promis aux exploits olympiques dans "Go For Gold" où il croise Cameron Mitchell qui, en bon mercenaire de la pelloche, vient régulièrement tourner aux quatre coins du monde. Les deux hommes vont probablement sympathiser car on retrouvera souvent Mitchell dans des films tournés ou scénarisés par Ryan dans les années 80-90. Il est plus que probable que c’est par ce dernier que Ryan rencontre celui qui va lui offrir une deuxième carrière : David Winters.


La fine équipe de "Codename : Vengeance" : à la réalisation David Winters (en bas à gauche), en haut Robert Ginty, Shannon Tweed, Cameron Mitchell et James Ryan, barbu pour l'occasion


L’ancien danseur de "West Side Story" s’est reconverti aux côtés des frères Dave et Ted Pryor dans la production de films d’exploitation aux budgets serrés. Il débarque en Afrique du Sud à partir de 1987, attiré par la photogénie des paysages et engage Ryan à plusieurs reprises. L’ancien chorégraphe est séduit par la beauté et le physique athlétique de notre homme et lui offre un premier rôle dans "Rage to Kill" où il joue un pilote de course, mercenaire à ses heures perdues et qui, épaulé par Cameron Mitchell, intervient dans une petite île des Caraïbes où sévit un odieux dictateur communiste qui tient une poignée d’étudiants en otage, interprété par le toujours très imbibé Oliver Reed. Puis dans le rôle d’un méchant terroriste arabe, il affronte Robert Ginty, Shannon Tweed et bien sûr Cameron dans un "Codename : Vengeance" plein de fureur et d’action. Sa collaboration avec Winters culmine avec l’énorme "Space Mutiny", space opéra famélique qui transforme une usine désaffectée en nef sidérale et qui recycle des stock-shots de "Galactica" pour toutes ses scènes de combats intergalactiques. Là, en officier de sécurité boiteux et félon, il rivalise de cabotinage avec le regretté John Phillip Law en roue libre intégrale, le tout sous l’œil d’un Reb Brown visiblement dépassé par les événements. Un titre dont Ryan ne se vante pas trop puisqu’il l’a carrément enlevé de son curriculum vitae…


Winters reparti aux Etats-Unis, Ryan se retrouve sur l’étroit marché sud-africain et continue à tourner pour la télé ou ponctuellement pour le cinéma. Il commence à passer derrière la caméra ou à scénariser. Ainsi "Crossing the line" en 89, film sur le milieu du motocross où il ne joue pas mais dont il assure la coproduction et le scénario, et où l’on croise l’indéboulonnable Cameron Mitchell, mais aussi Vernon Wells et Paul Smith. Ou encore le vraiment très obscur "The Last Hero", qu’il scénarise au passage, dans lequel il tient la vedette et sur lequel on sait très peu de choses si ce n'est que cette pure gueule de Richard Lynch incarne un personnage nommé Montoro. Un hommage à son ancien producteur ?


Toujours passionné de sport, Ryan, scénarise et produit son premier film où un petit jeune à mulette auquel personne ne croit va devenir champion de moto-cross. Un film pour John Nada, grand exégète du nanar sportif 80's.



Hasard de la distribution internationale, "The Last Hero" ne semble pas être sorti dans de nombreux pays (chez nous c'est niet visiblement), en fait il existe la mention d'une VHS italienne introuvable et cette version VCD turque qui a le don de nous faire baver. James Ryan contre des ninjas ! Bon Dieu il le faut !


Profitant de son look de beau brun ténébreux et athlétique, il tourne encore régulièrement dès qu’une production internationale vient se délocaliser en Afrique du Sud. Il semble encore être la star de "Pursuit" où il joue les mercenaires durs à cuir, puis il enchaîne les rôles secondaires comme dans "La mort d’un homme" avec Ernest Borgnine (en ancien nazi) et John Savage. On le voit aussi dans "The Last Samouraï" avec Lance Henriksen et John Saxon où il incarne un Japonais (?) ou bien jouer les boxeurs années 20 dans "Brutal Glory" aux côtés de Robert Vaughn, l'un des rares films de cette période qui soit arrivé jusqu'à nos vidéo-clubs français.






Ryan en boxeur arrogant dans Brutal Glory.


Toujours sportif, il assure la coordination des cascades sur quelques films locaux, puis on le voit enfin retrouver un rôle d’importance en millionnaire mégalomane voulant régner sur le monde des rings dans "Kickboxer V : le dernier combat" face à Mark Dacascos, ce qui lui permet encore de faire valoir en 1995 ses compétences martiales.


Face à Mark Dacascos, James peut s'exprimer avec toute la retenue qu'on lui connaît.


La même année, il passe derrière la caméra pour réaliser des épisodes d’une série autour des contes d’Edgar Allan Poe. Une production de prestige, où Christopher Lee joue les narrateurs. Dans l’un de ceux-ci, Ryan incarnera même le rôle du célèbre écrivain aux prises avec ses démons. Une expérience intéressante mais sans grands lendemains, la mini-série ne connaissant pas le succès escompté.


Une mini série de luxe, coproduite avec la télévision canadienne et bénéficiant de la présence de Christopher Lee.


Au gré des opportunités de tournages, il incarne encore, le temps d’un épisode, le méchant Kumar dans la série très carton-pâte "Les Aventures de Simbad" ou bien participe comme chef de la police mexicaine à la séquelle "Une Nuit en enfer 2" qui, malgré son sous-titre de "Texas Blood Money", est en fait tournée dans le désert près du Cap.


Au tournant des années 90, James multiplie les apparitions dans des productions de seconde zones.


James Ryan est Kumar dans "Les Aventures de Simbad".


Avec le temps, la carrière de Ryan fléchit : celui-ci tourne encore un peu pour la télé et se reconvertit surtout dans la publicité. En effet les vastes espaces ensoleillés de l’Afrique du Sud attirent les tournages publicitaires du monde entier qui cherchent des décors aptes à magnifier leurs produits. On le croise ainsi au détour de spots pour la Twingo, Martini ou Bacardi. La cinquantaine burinée, il continue à proposer ses services pour vanter les mérites de votre produit. Si un jour on veut investir dans une campagne de pub internationale pour promouvoir Nanarland, on sait donc où s’adresser.

S’il s’est progressivement éloigné des plateaux de cinéma, James Ryan continue toujours semble t-il à jouer pour la télévision Sud-Africaine ou pour des coproductions, dont le documentaire préhistorique "l’Odyssée de l’espèce" où il joue le rôle d’un chaman. Peut-être aussi au théâtre, car au détour de recherches sur Internet, on retrouve un James Ryan dans la distribution de quelques pièces shakespeariennes jouées à Johannesbourg.


Des photos de James, sur le site de son agent en Afrique du Sud.

Malgré une présence évidente et des qualités martiales réelles, James Ryan s’est retrouvé coincé sur le marché trop étroit d’une Afrique du Sud en pleine tourmente politique des sanctions anti-apartheid. On regrette qu’il n’ait pu davantage enchaîner les films du calibre de "Combat Final" et "Tue et Tue Encore". Alors, pour les moments de joie que vous nous avez donnés, comme les karatékas qui approuvent une belle prise lors d'un combat, M. James Ryan, nous vous disons "Ouss" !

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie

 

2017 - Samson

2014 - The Perfect Wave

2004 - The Red Phone

2007 - Geraldina die Tweede  (série télé)

2005 - Sterne über Madeira /Star over Madeira (série télé)

2002 - Global Effect

2000 - Red Lipstick

1999 - The Young Girl and the Monsoon (réalisateur -scénariste)

1999 - Une nuit en enfer 2 :le prix du sang (From Dusk Till Dawn 2: Texas Blood Money)

1995 - Edgar Allan Poe's Tales of Mystery & Imagination. (mini-série. Réalisateur de plusieurs épisodes et acteur)

1995 - Kickboxer V : le dernier combat (Kickboxer V : the redemption)

1991 - Pursuit



1991 - The Last hero (acteur et scénariste)

1990 - The Last Samuraï

1989 - Crossing the line (coproducteur et scénariste)

1989 - Brutal Glory

1989 - Codename: Vengeance



1988 - Tangent affair (série télé)

1988 - La mort d’un home (Any Man’s Death)

1988 - Space Mutiny /La guerre du futur (Space Mutiny/Mutiny in Space)

1987 - Rage to Kill

1984 - Go for Gold

1981 - Tue et tue encore (Kill and Kill Again)

1980 - Combat Final /Karate Olympia (Kill or be Killed /Karate killer)

1979 - Gemini

1977 - Le Liquidateur (Mister Deathman)

1974 - La Diosa Virgen


Il manque probablement quelques téléfilms produits pour la télévision sud-africaine (Livia, Sharpies, Tears don’t Last) mais sur lesquels nous ne savons rigoureusement rien.