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King Kong contre Godzilla

(1ère publication de cette chronique : 2004)
King Kong contre Godzilla

Titre original :Kingu Kongu tai Gojira

Titre(s) alternatif(s) :King Kong vs Godzilla

Réalisateur(s) :Inoshiro Honda (scènes US : Thomas Montgomery)

Année : 1962

Nationalité : Japon

Durée : 1h31 à 1h37

Genre : Rencontre du type nanar

Acteurs principaux :Tadao Takashima, Kenji Sahara, Yu Fujiki, Ichiro Arishima

Nikita
NOTE
3/ 5


Il est généralement admis que les aventures de Godzilla, le dinosaure cracheur de feu préféré des Japonais, ne glissèrent que progressivement vers le nanar et le kitsch, les films réalisés pas Inoshiro Honda (auteur du premier opus de la série) représentant le dessus du panier. Ce serait oublier que Honda, honorable metteur en scène, prêta la main, dès le troisième film de la série, à l’une des plus sympathiques aberrations du « film de monstre japonais » (ou Kaiju Eiga). « King Kong contre Godzilla » est en effet l’un des plus purs délires du cinéma d’exploitation sixties, à l’époque bénie où producteurs et distributeurs n’avaient littéralement peur de rien ! Confrontation dantesque et risible de deux mythes du cinéma, au milieu d’un pur gloubiboulga scénaristique, la baston entre la bête à poil et son congénère à écailles est une véritable apocalypse dont nul ne ressort indemne : King Kong et Godzilla sont certes très forts, mais le vrai vainqueur de leur combat, c’est le ridicule !




Le duel entre les deux bébêtes, au-delà de son aspect gadget, a également une portée plus ou moins symbolique : car Godzilla est… le fils de King Kong ! Non, calmez-vous, nous parlons au figuré ; le lézard japonais est en effet né après le succès inattendu de la reprise du « King Kong » originel en 1952. Les Nippons eurent alors l’idée de créer leur propre bestiole destructrice, ce qui donna lieu au premier Godzilla en 1954. La rencontre entre les deux monstres est donc une sorte de confrontation en famille, un peu à l’image de « Freddy contre Jason » ou « Alien Vs Predator », dont il est une sorte de précurseur ! (Bon, certes, il y avait déjà eu « Frankenstein contre le Loup-garou »…) A noter que le scénario du film était à l'origine censé être celui d'une suite américaine, qui aurait vu la confrontation de King Kong et Frankenstein. Quand ce projet loufoque (sur lequel travaillait le créateur de Kong, Willis O'Brien) ne vit pas le jour, le producteur américain vendit l'idée aux Japonais, qui remplacèrent Frankenstein par Godzilla. Le grand cinéma connaît parfois des chemins tortueux... [Note de Nanarland : un film américano-nippon avec une créature de Frankenstein géante verra finalement le jour en 1965 sous le titre Frankenstein conquiert le monde]


Ces considérations étant mises à part, le scénario de « King Kong contre Godzilla » est d’une simplicité dont on pourrait dire, pour rester poli, qu’elle confine à la naïveté. Godzilla réapparaît et se remet à tout casser au Japon. Les médias sont évidemment sur les dents : je me dois ici de préciser que j’ai vu le film dans une copie un peu particulière, puisque j’ai pu en visionner la version américaine, qui était également celle de son exploitation en Europe (donc en France). Suivant la logique du premier « Godzilla », qui avait été farcie d’inserts avec Raymond Burr en reporter radio, les Américains ont rajouté à « King Kong contre Godzilla » des scènes (disons plutôt des saynètes) tournées avec des acteurs maisons, censés faciliter le visionnage au spectateur occidental. Mais là où un effort de montage avait été fait pour le premier film, où Raymond Burr était censé participer à l’action (du moins se trouver dans les mêmes lieux que les acteurs du film japonais), les distributeurs américains de « King Kong contre Godzilla » l’ont joué à l’économie, insérant à la va-vite des scènes tournées dans des décors à trois sous, avec des acteurs à cinq dollars, et des dialogues totalement pataphysiques.



Les personnages des scènes américaines ne participent nullement à l’action, puisqu’il s’agit de journalistes qui commentent le déroulement du film depuis leur studio de télé (ledit studio ressemble plutôt à un décor de sitcom cheap, rapidement recyclé). A tout moment, donc, « Eric Carter, journaliste aux Nations Unies » (l’ONU est donc une chaîne de télé ?) interrompra l’action pour nous donner son analyse sur les évènements en cours, parler avec d’autres correspondants, ou demander l’avis d’un scientifique. On ne peut pas dire que ces scènes – ignoblement mal intégrées au montage japonais original – fassent vraiment du bien au rythme du récit. Par contre, elles boostent son quotient nanar, tant elles sont cheap, mal filmées, mal montées, mal dialoguées, et jouées par des acteurs totalement démotivés. La palme revient à l’empaillé Michael Keith, qui interprète Eric Carter en ayant l’air de se foutre de la destruction du Japon comme de sa première chemise.


Non seulement l’ONU est une chaîne de télé, mais en plus ils semblent avoir un budget inférieur à celui de France 3 Limousin.


« Eric Carter, your U.N. reporter. »


Mais ces scènes, pour ringardes qu’elles soient, ne constituent pas le seul intérêt nanar de la chose. Car il faut tout de même avouer, sans vouloir offenser la mémoire d’Inoshiro Honda, que le film japonais originel craint du boudin à la puissance 10.






Destruction de tanks miniatures, piétinement de maquettes : Godzilla est l’ennemi des jouets.


Comme il a été dit plus haut, le scénario confine à la naïveté. Heu… Quoique non, appelons un chat un chat : il est extraordinairement con. Godzilla parcourt donc le Japon en cassant tout sur son passage : un binoclard hystérique (on apprendra plus tard qu’il s’agit du patron d’une compagnie pharmaceutique, qui possède également une chaîne de télé, bien que cela soit assez confus) se désole du spectacle. Est-ce parce qu’il souffre pour son pays ? Non, en fait, le Monsieur voudrait avoir son propre monstre pour se faire de la publicité. Ni une ni deux : alors que le pays est en grand danger, le guignol envoie ses employés chercher un autre monstre géant afin de l’exhiber à des fins médiatiques.

Cet homme est un PDG japonais de premier plan.

Passons sur l’idiotie du point de départ, indigne du pire dessin animé, pour nous intéresser à leur manière de procéder : deux explorateurs aussi habiles que Laurel et Hardy sont envoyés au hasard dans l’Océan Pacifique pour inspecter les îles perdues et y trouver un monstre géant. Oui, le Japon est ravagé par un monstre géant, et ils n’ont rien de mieux à faire que d’ALLER CHERCHER UN AUTRE MONSTRE GEANT, POUR LE RAMENER AU JAPON !!! Les radiations d’Hiroshima auraient-elles laissé des traces dans les cerveaux nippons ? 


Pipo et Mollo chez les bamboulas.


Bref, nos deux glandus arrivent sur une île, peuplée de sauvages qui ressemblent étrangement à des Japonais maquillés avec du cirage pour avoir l’air de Noirs. « Moi pas aimer les hommes blancs ! » leur annonce le chef, qui range apparemment les Japonais dans cette dernière catégorie. Evidemment, les indigènes du cru vénèrent un Dieu, qui n’est autre que le singe géant King Kong.


  Le poste de radio, élément idéal pour amadouer les sauvages (surtout si ça diffuse de la chanson japonaise).


Les cigarettes fonctionnent bien aussi...


...y compris auprès des enfants !

Intervient ici l’un des principaux éléments nanars du film : King Kong lui-même ! Il est intéressant de noter que sur le DVD américain, le gorille géant apparaît sous une forme assez réaliste (visiblement tirée du film de 1976), alors que le Godzilla qui y figure est bien celui du film.


Or, dans le film, King Kong ressemble à ça :


Une espèce de vieille peluche pelée en guise de fourrure, un visage en caoutchouc totalement immobile : le Kong nippon est un pur « Craignos monster » d’un ridicule d’autant plus achevé qu’il est très présent à l’image tout au long du film. Du fait des lois de la relativité, Godzilla fait meilleure figure, considérant que le dinosaure était encore censé être méchant à l’époque et ne ressemblait pas au Casimir qu’il deviendra par la suite.




King Kong lutte contre une pieuvre géante.





King Kong sur le radeau.


Après avoir amadoué les indigènes, les explorateurs parviennent à capturer King Kong, KO après avoir bu tous les récipients de jus de soma du village indigène. Le gorille, en plein coma éthylique, est ramené au Japon, mais va bien sûr s’échapper une fois dégrisé et casser deux ou trois trucs. Puis l’inévitable rencontre et baston entre les deux monstres va s’ensuivre... Ben ouais, vous êtes marrants, quoi, y’aurait plus de film, sinon !


L’armée transporte King Kong avec des ballons, pour l’emmener affronter Godzilla.

Les scènes américaines ajoutent au ridicule du spectacle en essayant d’apporter une caution scientifique à la bagarre entre les bestioles : un scientifique explique ainsi gravement au journaliste Eric Carter que, les singes étant plus intelligents que les reptiles (King Kong a un cerveau simiesque, alors que celui de Godzilla n’est pas plus gros qu’une bille ! Sic.), les deux espèces sont des ennemis naturels. On en apprend tous les jours, la recherche zoologique fait des pas de géant grâce à la S-F nanarde… Bref, si vous voyez votre chimpanzé apprivoisé se précipiter dans le jardin, c’est normal : cela veut certainement dire qu’il a senti la présence d’un lézard, et se dépêche d’aller lui casser la gueule.




Un petit remake de l’original de 1933.



Un scientifique de haut niveau, qui y croit à fond.


Notons que les auteurs du film japonais ont visiblement fait un effort de réflexion : Godzilla crachant du feu, King Kong risque d’apparaître comme vulnérable face à lui, d’où un manque certain de suspense. Qu’à cela ne tienne : il suffit d’imaginer que King Kong peut augmenter sa force en étant en contact avec l’électricité (encore une trouvaille zoologique de première !) alors que Godzilla, lui, a peur du courant (ça n’apparaissait guère dans les premiers films, où il piétine les lignes à haute tension, mais on ne va pas s’arrêter à des détails pareils…).


King Kong, chargé à bloc par l’électricité, balance des secousses à Godzilla : vive la science !


Bref, le sort du Japon et du monde civilisé va se jouer dans les empoignades entre deux figurants en costumes ridicules…pardon, entre King Kong et Godzilla ! La nanardise extrême de ces bastons, qui tiennent plus du combat de catch que de l’affrontement entre deux forces de la nature, achève d’enfoncer la crédibilité d’un film qui n’en avait guère au départ, et réduit le récit à ce qu’il n’a jamais réellement cessé d’être : un spectacle totalement primaire et infantile, jouissif par sa bêtise même.


Ils se battent vraiment comme des chiffonniers.


Bien entendu, Inoshiro Honda était un metteur en scène capable, et sa compétence se voit dans certaines scènes, comme le combat entre King Kong et la pieuvre géante. Mais il ne peut rien contre un scénario dont la profonde idiotie est conditionnée par sa nature même de gadget. Ajoutons que l’ajout des scènes américaines ringardise encore plus l’ensemble, la version française achevant, dans la version que j’ai vue, d’enfoncer le spectacle dans le ridicule le plus épais. Outre la présence du doubleur habituel de Sylvester Stallone, qui joue bizarrement le rôle du trouillard de service, nous avons notamment le privilège d’entendre un journaliste sud-américain parler avec l’accent de Marseille ! Mais cette VF typiquement sixties dans sa ringardise n’est qu’un élément annexe dans le grotesque profond d’un film assez extraordinaire de ridicule. On aura appris en outre que King Kong n’est qu’un poivrot invétéré, qui passe son temps à cuver ses cuites ! (Le coup du jus de soma sert deux fois dans le récit). Encore une idole de notre enfance qui sombre dans la déchéance…


Remarquez, on s’en serait doutés en voyant sa tête.


Malgré quelques baisses de rythme ici et là dans l’action, « King Kong contre Godzilla » est à recommander à tous les amateurs de science-fiction vieillotte et de monstres ringards. Un petit classique tout ce qu’il y a de plus charmant, à déguster entre un zombie italien et un ninja américano-sino-thaïlandais ! Ajoutons tout de même que le film fut à l'époque un gros succès commercial, ce qui laisse rêveur quant à la capacité de certains blockbusters d'aujourd'hui à se nanardiser demain. C'était d'ailleurs le premier film de Godzilla à bénéficier de la couleur : ce grand film méritait les grands moyens ! Merci à l’excellent programmateur montreuillois (il se reconnaîtra) qui a donné à certains nanardeurs franciliens l’occasion de découvrir cet incunable.

- Nikita -
Moyenne : 3.17 / 5
Nikita
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
4/ 5
MrKlaus
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
2.5/ 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Le film est sorti en blu-ray dans un paquet de pays. Au Japon bien sûr, où la Toho l'a ressorti dans des éditions en HD (version dézonnée de 1h37 avec pistes audio anglaise et japonaise et des bonus) et en Ultra HD / 4K (version de 1h31 avec seulement une piste audio en japonais et sous-titres japonais, et sans bonus).

Le BR japonais en 4K.

Le BR japonais en HD.

Des éditions sont également sorties aux Etats-Unis chez Universal (en anglais avec sous-titres français), en Espagne chez Llamentol (pistes audio en anglais et en espagnol, sous-titres en espagnol) ou en Allemagne chez Alive (pistes audio en anglais et en allemand). Rien en france pour l'instant...

Le BR américain.

Le BR espagnol.

Le BR allemand.

Nous vous avons déjà parlé des exubérants coffrets DVD japonais (28 films plus la tête de Godzilla chez "Toho") dans Le Fils de Godzilla. Même si le DVD japonais se trouve en individuel, il ne contient que la V.O. sans sous-titres. C'est hélas aussi la seule version avec le film original, celle ressortie aux Etats-Unis chez "Columbia Tristar" se contentant d'être la mixture concoctée par Thomas Montgomery pour le marché américain.


En France nous en sommes encore à chercher les vieilles VHS. Celles-ci ont beau exister dans 4 collections ["Vidéo France", "S.M. Vidéo" (avec des jaquettes en latex ?), "VIP Vidéoclub" et "Distribution Européenne de Cassette"], c'est encore à chaque fois la version tronçonnée américaine qui est reprise.





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