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Dracula, Ce Vieux Cochon

(1ère publication de cette chronique : 2025)
Dracula, Ce Vieux Cochon

Titre original : Dracula (The Dirty Old Man)

Titre(s) alternatif(s) : Aucun

Réalisateur(s) : William Edwards

Année : 1969

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h09

Genre : Le vampire n'est jamais décevant !

Acteurs principaux : Vince Kelley, Ann Hollis, Billy Whitton, Adarainne, Ron Scott

Jack Tillman
NOTE
3 / 5

Affiche cinéma française.


Ce qu'il y a de bien avec le roman de Bram Stoker, c'est qu'il est trop vieux pour que des ayants droit casse-pieds n'infligent des procès à tous les réalisateurs de films d'exploitation qui reprennent le nom Dracula pour rendre un peu plus bankables leurs bandes d'épouvante à trois sous. Par conséquent, on peut lui faire faire subir toutes les avanies qu'on veut à Vlad l'empaleur !


Affiche cinéma belge.

Déjà très érotique à la base, le mythe du vampire se prêtait naturellement à toutes les déclinaisons coquines. Ce qui nous valut des titres farfelus comme le canadien Sexcula (1974) et son gorille en peluche et en rut, Draculax alias Dracula Sucks (1978) et Dracula Exotica (1980), tous deux avec le hardeur new-yorkais Jamie Gillis, ou encore le croquignolet Gayracula (1983), improbable réponse porno queer au roman de Bram Stoker (citons aussi le psychotronique Spermula (1976), dans lequel ne sévit pas Dracula mais un commando de femmes-vampires venues de l'espace...). Mais avant que l'abolition de la censure n'autorise la terreur des Carpates à se jeter à canines rabattues dans le hard pur et dur, le comte Dracula s'était quand même permis de sucer quelques tétons dans ce sexploitation soft sorti aux USA sous le titre Dracula (The Dirty Old Man), et distribué en France sous une traduction fidèle et non moins explicite quant au degré de qualité artistique de la chose : Dracula, Ce Vieux Cochon.

Le matériel publicitaire a un petit peu tendance à survendre l'aspect érotique pourtant très gentillet du film afin de le faire passer pour un boulard hardcore.


Si tant est qu'une telle oeuvre ait pu émoustiller qui que ce soit en 1969, c'est désormais le genre de mauvais film sympathiquement idiot et cacochyme qu'on regarde uniquement pour se marrer entre cinéphiles déviants. Cet objet filmique barré, bizarroïde et d'une ringardise époustouflante a été enfanté suite à une genèse digne de la créature de Frankenstein, comme nous allons le voir.

La VHS américaine éditée par "Something Weird Video" dans les années 90.

Le scénario a le mérite d'exister mais se réduit à sa plus simple expression : lassé de sa Transylvanie natale, le comte Dracula (qui se fait aussi appeler Alucard, huhuhu !) s'est installé dans une mine désaffectée de la Vallée de la Mort en Californie. Le représentant de commerce Mike Waters s'aventure imprudemment dans le repaire du vampire. Dracula hypnotise le malheureux avec son pendentif magique à tête de lion dorée (probablement trouvé dans une boîte de Corn Flakes). Le prince des ténèbres transforme alors notre héros en loup-garou et en fait son fidèle serviteur. Il lui confie la tâche de lui ramener une nouvelle fille toutes les nuits pour étancher sa soif de sang et de plans nibards. On ne saisit pas trop pourquoi le vampire ne s'en charge pas lui-même, vu qu'il déambulait en ville dans la scène d'introduction pour reluquer les filles en train de se déshabiller à travers leur fenêtre. Mais au moins, cela nous vaut la présence d'un loup-garou méga-craignos, alors on ne va pas se plaindre que Dracula soit un peu fainéant.

De l'horreur, de l'érotisme, de l'humour... Il y a tout dans mon film !

Dracula (Vince Kelley).

Notre héros (Billy Whitton).

Personne ne résiste au pouvoir du pendentif à tête de lion !


Tourné en Californie, puis gonflé avec des inserts filmés à Dallas et à Las Vegas, pour un budget dont l'anorexie crève l'écran, Dracula, Ce Vieux Cochon possède tout le charme de ces vieilles séries Z à la pellicule granuleuse et délavée des années 60/70 : vampire cabotin avec moumoute, fond de teint et dentier en plastique, chauve-souris en carton, loup-garou miteux, musique d'ascenseur aux accents jazzy, effets gores à base de sirop de grenadine, papouilles softs et molles du genou entre des jeunes filles à choucroutes volumineuses et des moustachus d'âge mur au torse presque aussi velu que le lycanthrope du film, montage par moments très elliptique, rythme de vieillard en déambulateur, décors misérables...

Une marionnette de chauve-souris cheapo-discount.

Des effets gores à la confiture de fraises.


On a donc à la base un produit terriblement fauché mais au mauvais goût attachant. Ce qui va sublimer la nullité déjà exceptionnelle du film de William Edwards, pour en faire une authentique hallucination sur pellicule, c'est le détournement parodique que va lui faire subir son producteur/distributeur Whit Boyd. A l'origine, on a un film d'horreur olé-olé filmé dans un total premier degré mais dont la bande sonore était si mauvaise qu'elle fut remplacée par un doublage manifestement improvisé par deux comédiens, un homme et une femme, qui se chargèrent de faire les voix de tous les personnages en déconnant à plein tube. C'est surtout l'homme, un certain Ron Scott, qui va monopoliser la bande-son en parlant tout le temps. Jouant les narrateurs omniscients pour meubler devant d'interminables prises de vue des collines de la Vallée de la Mort, donnant dans la poésie de comptoir en roue libre, faisant parler les protagonistes alors qu'ils ont la bouche fermée, se chargeant même de doubler la plupart des actrices, ce joyeux déconneur ne nous épargne aucun calembour douteux, aucun bruitage rigolo fait à la bouche, aucune blague vaseuse, aucun ton de voix outré. Cela va du comte Dracula poussant un gros bâillement en se levant de son cercueil au héros demandant "Where is the bathroom ?" à Dracula dans sa mine abandonnée.

Ron Scott n'a pas fait que redoubler le film : il apparaît aussi en bonne compagnie dans cet insert tourné après les scènes réalisées par William Edwards, et ajouté au montage pour allonger la sauce.

Cinquante nuances de goule.

Il les tombe toutes !

Ce sacré Dracula dans ses oeuvres.


Dracula, Ce Vieux Cochon
s'inscrit donc dans la catégorie de ces films déjà nanars à la base, qui se sont retrouvés magnifiés par un détournement nanar. A l'instar de La Dialectique peut-elle casser des briques ?, Bactron 317 et Who Killed Captain Alex?, voilà un ovni idéal pour vous lessiver le cerveau. Ron Scott étant d'origine juive allemande, il se permet de faire ressortir son accent natal à couper au couteau à chaque fois qu'il double Dracula. On a donc affaire au premier comte Dracula parlant avec un accent yiddish prononcé ! Ron Scott se lâche aussi complètement quand il doit doubler le loup-garou, pour un résultat très amusant. En plus, Dracula, ou Alucard pour les intimes, ne cesse de faire des remarques de beauf sur les filles qu'il séquestre, crucifie, déshabille et vide de leur sang, déclarant que l'une à des kilos à perdre et que l'autre à de petits seins, tel un Jean-Marie Bigard des Carpates pété au picrate. Finesse et élégance...

Une victime apeurée.

Un certain respect pour l'imagerie classique quand même.


Dans la version française, le pseudonyme que prend Dracula pour cacher sa véritable identité n'est plus Alucard mais comte Canular, le narrateur omniscient devient Dracula lui-même et Mike Waters est renommé Max Parker puis rebaptisé Max Loup-Garou par Dracula. A part ça, le doublage (assuré, entre autres, par ce bon Jacques Balutin et par le grand Raymond Loyer, voix régulière de John Wayne et de Charlton Heston) adapte fidèlement le délire expérimentalo-pouêt-pouêt de la version originale, et permet de passer un bon moment de douce rigolade. Dracula y perd hélas son improbable accent yiddish mais le doubleur nous sort quelques belles tirades de son cru, comme lorsque le vampire, après avoir mordu une victime, s'exclame "Mmmh, groupe 0, le meilleur ! Mouhahahaha !!!" ou encore lorsque le prince des ténèbres s'en va se coucher dans son cercueil en lançant : "Après toutes ces émotions, rien de telle qu'une bonne bière ! Mouhahaha ! Comme je peux être spirituel par moments !"

Festival Vince Kelley.


Le doublage français du loup-garou est également à la hauteur de son doublage américain. Pendant la scène où le lycanthrope viole une jeune femme, le doubleur détend l'atmosphère par des remarques graveleuses comme "Mmh, quel morceau ! Miam miam miam !" entre deux ricanements bien gras. Pendant tout le film, les dialogues des personnages sont entrecoupés par leurs monologues intérieurs, pour un rendu joyeusement débilo-cacophonique.

Gare au garou !

HIIIIIIIIIIII !

Grrrrr...

Un masque d'Halloween, des gants en laine, et t'as un film d'horreur pour 15 dollars, mec !

Et personne n'a pensé à lui arranger un rencard avec Stirba ?


En pleine lumière, on dirait un homme-caniche syphilitique...

...alors pour donner le change, le réalisateur mise sur les zooms compulsifs afin de mettre en valeur son terrifiant loup-garou.


Pour une fois, voilà donc un nanar qui s'apprécie au moins autant en VO qu'en VF. Votre serviteur se doit tout de même de mettre en garde ses lecteurs : Dracula, Ce Vieux Cochon est le genre de nanar Z au rythme cotonneux qui ne plaira pas à tout le monde. Le scénario complètement invertébré s'essouffle et finit par tourner à vide. L'ensemble peut donc finir par lasser le spectateur qui ne serait pas psychiquement opérationnel pour affronter un peu plus d'une heure de néant cinématographique. Reste qu'avec ses effets spéciaux à la Georges Méliès attendrissants, ses comédiens soit inexpressifs soit grimaçants, sa vulgarité joyeuse, sa fin aussi débile qu'abrupte et sa dèche aveuglante, ce film à base de vampire SDF et de loup-garou queutard demeure extrêmement plaisant si l'on est réceptif à son charme de vieille croûte décrépie pour salles de quartier provinciales. Certains le désigne comme étant "le pire film du monde" mais à notre avis, il existe encore largement pire. C'est en tout cas un véritable nanar à ranger aux côtés de Santo et le Trésor de Dracula, de Dracula, Vampire Sexuel et de Dracula contre Frankenstein parmi les outrages les plus absurdes qui aient été infligés au roi des vampires.

Allez, maintenant, au pieu !

- Jack Tillman -

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Jaquette de la VHS française.


Jadis édité en France par "Alpha France" dans une cassette vidéo devenue totalement introuvable, Dracula, Ce Vieux Cochon n'est depuis jamais ressorti sur aucun support dans les territoires francophones. Ce Dracula érotomane fut en revanche exhumé de la crypte du cinéma Z et ressuscité en DVD par l'éditeur américain "Something Weird Video", en double programme avec Guess What Happened To Count Dracula alias Dracula, Vampire Sexuel. Le même éditeur a aussi commercialisé les deux films dans un coffret DVD The Sexy Storybook Collection 2, regroupés avec d'autres oeuvres du même acabit.

Parmi les films compilés dans ce coffret, "Tarzun and the Valley of Lust" vaut aussi le détour, avec sa honte de la jungle affrontant un gorille violeur pelucheux dans un jardin public californien peuplé de stock-shots d'animaux de la savane et d'indigènes à coupe afro.


Depuis, "Something Weird Video" s'est associé à "AGFA" ("American Genre Film Archive"), "OCN Distribution" et "Vinegar Syndrome" pour nous offrir un blu-ray toutes zones de Dracula (The Dirty Old Man). Y sont inclus : le film dans sa copie 35 mm originale restaurée (aussi bien que possible au vu de la détérioration du matériau d'origine), une version alternative du film (avec juste un peu plus de nudité par-ci par-là), un commentaire audio du spécialiste du cinéma d'exploitation texan Dennis Campa, des bandes-annonces et un film bonus, Tales of a Salesman, un sexploitation de 1965 réalisé par Don Russell. Pas de VF mais la VO est tout aussi rigolote.