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Giorgino


Giorgino

Titre original : Giorgino

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Laurent Boutonnat

Année : 1994

Nationalité : France

Durée : 3h

Genre : Comédie très, très dramatique

Acteurs principaux :Jeff Dahlgren, Mylène Farmer, Joss Ackland, Jean-Pierre Aumont

Barracuda
NOTE
1/ 5



Vous vous sentez déprimé ? Raplapla ? Pas en forme ? C'est vrai que ce n'est pas la joie en ce moment, avec la crise, l'insécurité, le réchauffement climatique, les pesticides dans nos assiettes, tout ça… Si en plus les choses vont mal au boulot (en admettant déjà que vous en ayez encore un), si votre femme passe beaucoup de temps avec son coach sportif et si vos enfants évoquent avec insistance leur désir d'entamer une carrière d'artistes de rue, on peut comprendre que vous soyez venu sur Nanarland chercher le rire et la détente à peu de frais.

Entrez cher ami. Vous avez frappé à la bonne porte.

Le Giorgino dont il est question ici est en effet un film jovial et résolument décomplexé. L'histoire est à l'image de son actrice principale, Mylène Farmer, un cocktail détonnant de bonne humeur et de fantaisie débridée, un véritable antidote à la morosité.


Osons le dire, c'est même carrément la fête du slip !



Giorgino nous invite à suivre les mésaventures de Giorgio Volli, jeune médecin français en 1918, alors que la Première Guerre mondiale touche à sa fin. Dans la tradition des films de bidasses chers à Max Pécas, notre jeune godelureau parvient très vite à se faire démobiliser sous un prétexte fallacieux (il est le seul survivant de sa tranchée qui a été gazée, d'ailleurs dans le cadre d'un running-gag, il passera le reste du film à tousser et à cracher ses bronches comme un tuberculeux) et à retrouver la douce vie civile à Paris. Ah, le Paris de ces années-là ! Les privations, la guerre, l'hiver…

Pour Giorgino, ce qui aurait dû être le retour à un quotidien un peu terne prend une tournure inattendue : en effet, il apprend que les enfants déficients mentaux de l'orphelinat dont il s'occupe ont été envoyés dans le Jura pendant la durée de la guerre ! Notre héros décide donc de partir pour le village de Chanteloup où les enfants sont en pension chez un certain Dr Degrâce, et entame le long voyage dans une carriole tirée par un cheval qu'il a sauvé de justesse de l'abattoir pour l'occasion.


Jeff Dahlgren est Giorgino. A sa décharge il est guitariste de profession.



Il convient de le souligner d'emblée, les paysages du Jura en hiver collent parfaitement à l'ambiance du film : chaleureux et colorés. C'est l'occasion pour le réalisateur de nous gratifier de superbes plans-séquences de charrettes avançant majestueusement, très, très majestueusement sur des routes enneigées.




Le réalisateur a acquis une maîtrise stupéfiante du plan dit « la charrette dans la neige ».



L'arrivée de Giorgino chez le Dr Degrâce met toute la maisonnée en ébullition : le docteur est absent, mais sa femme vient de se pendre ! Vite, vite, il faut décrocher son corps de la poutre ! Avec entrain, le jeune Giorgino tente une respiration artificielle et un massage cardiaque, sans succès. Cet échec ne suffit pas à gâcher l'ambiance toutefois puisque nous faisons la connaissance à cette occasion de la fille du Dr Degrâce, la belle Catherine, interprétée par Mylène Farmer. Véritable rayon de soleil vivant de la chanson française, Mylène Farmer insuffle au personnage toute sa gaieté et sa joie de vivre.




On le croirait pas mais ces deux images sont prises à presque deux heures d'intervalle de film, et entretemps Catherine est censée être tombée amoureuse.



Les choses se compliquent lorsque Giorgino apprend enfin de la bouche de la femme de chambre ce qu'il est advenu des enfants : ils sont tous morts noyés dans un étang !

J'en vois parmi vous qui trouvent tout cela du dernier tragique, mais pas du tout ! Prenez exemple sur Giorgino qui ne se dépare jamais durant toute l'histoire d'un flegme détaché que certains (des jaloux, des médiocres, des médisants) confondraient avec l'inexpressivité d'un caillou gris. Jeff Dahlgren, qui incarne Giorgino, est un merveilleux comédien ! Qui a pu oublier sa splendide prestation dans le rôle d'un livreur de pizza dans un épisode de la série Matt Houston, sa seule autre performance créditée sur Imdb ?

Quand même un peu embêté, notre héros va dès lors passer l'essentiel du film à comprendre ce qui est arrivé aux enfants en interrogeant les habitants. Au village de Chanteloup, tous les hommes sont partis à la guerre, il ne reste que les femmes, les vieux et les enfants. Autant dire que quand notre jeune médecin débarque, l'ambiance générale tourne vite à la gaudriole !


A Chanteloup, les filles aiment les pipes !


L'auberge de Chanteloup. Tous les mardis il y a diner-spectacle, mais là on est mercredi.



Passons un peu vite sur la suite, mais sachez qu'on aura l'occasion de découvrir les alentours de Chanteloup avec son champ enneigé, sa forêt enneigée, ses marais enneigés et sa route enneigée. On visitera aussi l'asile d'aliénés de la région où est interné le Dr Degrâce, je cite, « après avoir décapité Jésus à grands coups de pelle ». En fait le docteur se trouve dans la cave de l'hôpital avec les autres fous livrés à eux-mêmes car l'essentiel du bâtiment a été reconverti en mouroir pour mutilés de guerre pendant la durée du conflit. Ah oui, c'est cocasse, on apprendra aussi que tous les hommes de Chanteloup sont morts à la guerre… sauf un ! C'est à ce moment-là que les femmes essaient de lapider le curé à la jambe de bois du village, un personnage qui n'est pas sans rappeler Paul Préboist, probablement dans une sorte de dénonciation par l'absurde du régime des talibans. Giorgino et Catherine seront également confondus tour à tour avec des fous et emmenés à l'hôpital, ce qui nous vaudra encore d'irrésistibles quiproquos à n'en plus finir.


Pendant sa visite de l'hôpital, ce déconneur de Giorgino trouve le moyen de placer trois fois la fameuse blague « pas de bras, pas de chocolat ! ».


Gag : dans le sous-sol de l'hôpital, la puanteur des aliénés est telle que les médecins doivent porter des masques à gaz.



Je m'arrête là parce que tant de bonne humeur finit par épuiser. Il faut savoir en plus qu'avec Giorgino, quand il n'y en a plus, il y en a encore : le film dure pas moins de trois heures ! Trois heures…

Trois heures infernales de déprime neurasthénique dopée à la morbidité et rythmée par des séquences et des personnages qui rivalisent de glauquitude tourmentée. Comme une sorte de cri, le film semble rythmé par cette question lancinante, obsédante, lancée sans répit à la face du spectateur : « vous préférez la corde ou les barbituriques ? ».


Encore l'auberge. Le samedi midi c'est poulet-frites, mais là on est lundi.



Giorgino est un film qui s'adresse exactement à deux types de public :

- Les fans de Mylène Farmer, qui y retrouveront l'univers très particulier de la chanteuse et n'attendent sûrement que la fin de cette chronique pour poursuivre son auteur de leur juste vengeance.
- Les nanardeurs endurcis et totalement imperméables à l'ennui, aguerris par quelques solides nuits spéciales Jean Rollin sur CineFX et équipés d'une imposante pharmacopée de Prozac, Valium et Tranxène.

L'accumulation de malheurs qui frappe les personnages finit par faire ressembler le film à une parodie cynique de Princesse Sarah ou Rémi Sans-famille, un de ces affreux dessins animés qui ont traumatisé notre enfance. Le tout est enrobé dans une couche de morbidité tellement outrancière que même avec la meilleure bonne volonté du monde (dont l'auteur de ces lignes admet bien volontiers être dépourvu), il paraît difficile de prendre le film au sérieux d'un bout à l'autre. Il ne reste alors que deux attitude possibles face à Giorgino : en rire franchement, ou s'ennuyer désespérément.


Les enfants du village sont logés à la même enseigne que nous. Leur seule distraction : jouer avec la jambe de bois du curé.



Giorgino n'est pas un très bon nanar. C'est un film long, lent et généralement plutôt mauvais. Au cours des 180 interminables minutes qui s'égrènent, on croise pourtant quelques authentiques moments magiques où le jeu monolithique de certains acteurs, la morbidité excessive, obsessionnelle des situations et les dialogues pompeux se rejoignent pour donner naissance à des scènes aux confins de l'absurde, morceaux de choix pour le spectateur à l'humour un peu noir qui aura réussi à supporter le reste du film sans sombrer dans un état catatonique. Il faut s'accrocher, mais oui, on rit occasionnellement devant Giorgino, franchement et sans se forcer. Le problème est qu'on s'y ennuie là aussi franchement et sans se forcer, mais pour le coup moins occasionnellement.


Sur cette route déserte, Giorgino croise une très subtile allégorie de la Mort sous la forme d'une charrette sur une route enneigée. Décidément les charrettes et la neige, c'est vraiment sa came à Laurent Boutonnat.



Achevons cette chronique en lançant un appel citoyen car, à Nanarland, nous avons le sens du service public.

Ami acteur ! Ne joue pas dans les films de Laurent Boutonnat ! Travaillant dans le milieu du spectacle, tu sais sans doute déjà où mène la drogue, mais sais-tu où mène l'échec ? Le bide historique ? La déculottée monumentale ? Je vais te le dire ! Il mène tout droit en province ! A la fête de la charcuterie du Monoprix de Lamotte-Beuvron ! Aux journées en or de la Foir'Fouille de Sarreguemines ! Le meilleur moyen d'échapper à son emprise, c'est de ne jamais commencer, alors je t'en conjure, ami, tiens-toi loin des films de Laurent Boutonnat ! Et aussi de ceux d'Elie Semoun et Michaël Youn ! Pense aux enfants. Merci.


Hier on les appelait des aliénés, aujourd'hui on dira plutôt « troupe de théâtre subventionné ».




La salle de bain de l'asile sert aussi à torturer les fous à l'eau glacée. C'est super important pour l'histoire, mais ce serait beaucoup trop long à expliquer.



Giorgino a connu une exploitation aussi tourmentée que ses personnages. Sorti en 1994, il est incendié par la critique et se plante dans les grandes largeurs, au point que son auteur, Laurent Boutonnat, refusera pendant des années toute exploitation en vidéo. Les seules traces qui restaient du film étaient les enregistrements faits lors d'une diffusion confidentielle sur Canal + qui se sont longtemps échangés sous le manteau entre fans de Mylène Farmer, puis sur les réseaux peer-to-peer. Laurent Boutonnat a finalement été plus ou moins forcé par sa compagnie de production d'accepter une sortie DVD en 2007 après l'échec à peu près aussi complet de son deuxième film, Jacquou le Croquant. Face à un bide aussi éclatant, vous pensez bien que nous n'allions pas nous priver d'en rajouter une couche.


…Et le film s'achève sur une l'image optimiste d'un jeune couple s'aimant dans un cimetière. Enneigé, le cimetière.


- Barracuda -
Moyenne : 1.25 / 5
Barracuda
NOTE
1/ 5
Rico
NOTE
1.5/ 5
Wallflowers
NOTE
1.5/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation
Le film est sorti en DVD en 2007, sous un visuel qui suggère une œuvre plus érotique que la réalité.



L'affiche originale du film était d'ailleurs beaucoup plus sobre.