Recherche...

The Creeping Terror

(1ère publication de cette chronique : 2003)
The Creeping Terror

Titre original :The Crawling Monster

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Arthur J. Nelson

Année : 1964

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h16

Genre : Tapis violent

Acteurs principaux :Vic Savage (Arthur J. Nelson), Shannon O'Neil, William Thourlby, John Caresio

Mandraker
NOTE
2.5/ 5


Les années 1950 ainsi que la première moitié des années 1960 sont bien connues pour la profusion de films de science-fiction de série B, voire Z, en noir et blanc, qui ont inondé les écrans de drive-in. "Robot Monster", "Plan 9 from Outer Space", "The Giant Claw"... Une vague qui aura engendré le meilleur et le pire. Inutile de vous dire que "The Creeping Terror", dont nous allons vous parler aujourd'hui, ne fait pas partie du meilleur, loin s'en faut.


Un film… whouhou !


Un peu oublié, "The Creeping Terror" commence à être redécouvert ces dernières années par les amateurs de cinéma déviant. Une renommée qui repose largement sur deux éléments majeurs. Tout d'abord son auteur. Ce film a été réalisé par l'obscur Arthur (ou Art) J. Nelson, qui en plus joue très mal le héros sous le nom de "Vic Savage". Un personnage très sulfureux sur lequel on a longtemps su peu de choses. Des rumeurs disaient qu'Arthur Nelson n'aurait même pas été son vrai nom, qu'il était un escroc échappé de prison ou qu'après avoir disparu de la circulation en ayant détourné les recettes du film, il aurait refait sa vie à l'étranger et vécu jusque dans les années 90. De plus, sur une histoire vue, revue, et re-revue de Robert et Allan Silliphant, demi-frères de Stirling Silliphant (célèbre scénariste hollywoodien à qui on doit notamment "La Tour Infernale"), ce film présente sûrement l'un des monstres les plus mal foutus de toute l'histoire du cinéma, mais nous y reviendrons.


« Mais il se moque de moi, ce nanardeur ! Tiens prends ça ! »


Les figurants vont jusqu'à cabotiner pour s'en sortir.


Le film suit la bonne vieille trame du gros méchant monstre extraterrestre qui arrive sur Terre dans un vaisseau cheap et qui mange des gens. Pendant ce temps deux policiers, la femme de l'un d'eux et un professeur, vont chercher à arrêter le vilain alien tout en étant assez dépassés (ou plutôt consternés ?) par les évènements. Bien entendu, à la fin, les gentils tuent le monstre... enfin, les monstres, puisqu'ici il y en a deux, un qui attaque, l'autre qui glande.

Un scénario bien archaïque donc, et qui ne laisse pas vraiment présager du meilleur. A cela il faut ajouter que des pans entiers du film n'ont aucun dialogue puisqu'une voix off se contente de décrire de façon grandiloquente ce que les acteurs sont en train de faire.


Faites un geste : aidez les cameramen parkinsoniens !


L'histoire des conditions de tournage de "The Creeping Terror", plus folle et passionnante que le film même, explique cette accumulation de ratés. Peter Schuermann, jeune cinéaste indépendant, s'est passionné pour ce film et s'est employé à reconstituer les circonstances du tournage en interviewant des gens qui avaient financé ou participé au projet. Une histoire à ce point fascinante qu'il a réalisé un documentaire en 2014 sur le sujet "The Creep behind the camera", qui revient sur cet OVNI et sur la personnalité d'Arthur Nelson. 




Les redoutables méfaits de la terreur rampante...


On a longtemps prétendu qu'Arthur Nelson, alors qu'il s'apprête à attaquer le tournage de son film après qu'un monstre convaincant ait été construit, se le fait voler. A cours de temps et d'argent, il aurait décidé de fabriquer un monstre dans l'urgence avec les moyens du bord en espérant qu'il fasse illusion. La réalité d'après Schuermann est à la fois plus simple et plus incroyable, et repose sur l'étonnante personnalité Arthur Nelson White, alias Art Nelson alias Vic Savage, véritable escroc ayant soutiré de l'argent à de nombreux habitants de la région en prétendant s'en servir pour le film et en leur faisant jouer de petits rôles (le personnage de la copine du shérif est même tenu par sa vraie femme). Après avoir fait n'importe quoi avec sa caméra, il s'est empressé de prendre la poudre d'escampette avec son magot sans finir le tournage, laissant à un assistant le soin de tourner les scènes restantes. Décrit par ceux qui l'ont connu comme un sociopathe égocentrique et violent, alcoolique et drogué, multipliant les conquêtes (de préférence mineures) et sujet à de brusques accès de rage pendant lesquels il se prenait parfois pour Hitler ou pour Dieu, Nelson ne semble être rien de plus qu'un petit voyou qui s'est piqué de faire des films pour faire de l'argent facile et contenter sa passion de pouvoir et de chair fraîche.


Pourtant comment ne pas avoir confiance en un visage si franc.


On dit aussi qu'il aurait dû quitter la ville et disparaître de la circulation à cause des menaces des investisseurs qui auraient trouvé le film trop mauvais. Ou pour dépenser tranquillement l'argent soutiré aux pigeons qui avaient placé des billes dans l'affaire... Le mystère reste entier et nul doute que le documentaire de Schuermann devrait permettre de lever le voile sur ce mystère...

Toujours est-il que le monstre, bien qu'étant réalisé avec un manque de moyens effroyable, est censé faire vaguement illusion auprès du spectateur. Sauf que là, c'est le drame. Incroyable. Indescriptible. Innommable. Indicible.

Les mots me manquent, jugez plutôt :


La terreur dans toute sa splendeur.


Coucou !


La nouvelle menace qui pèse sur l'humanité ressemble à un gros tas d'ordures posé sur une sorte de tapis ridicule avec, cachés en dessous, des gars dont on voit les pieds ! Le reste du film n'est pas spécialement passionnant car typique des micro-budgets zédissimes de l'époque : le scénario est inintéressant, les acteurs très mauvais et assez inexpressifs, et il n'y a que peu d'effets spéciaux en dehors du monstre. Mais il y a quand même parfois matière à rire : outre le vaisseau moche avec ses écrans et tableaux de bords kitschissimes, ses acteurs nuls, et une scène de bal tout simplement hallucinante (des gars s'ennuient à l'arrière plan tandis qu'à l'avant des surexcités se trémoussent pour faire croire à une giga-teuf), le film a apparemment eu un problème de bande son, ou un remontage vraiment rude : certains passages contiennent des dialogues qui s'interrompent brusquement, c'est-à-dire que le personnage est encore en train de parler quand soudain sa voix laisse place à celle d'un narrateur à la voix monocorde, et cela arrive très fréquemment dans des moments où la présence de ce dernier jure terriblement.


« Oui et donc je voulais te dire que...
- Machin explique à bidule que des gens disparaissent ces derniers temps.
-... et puis voilà ! »



Le vaisseau du monstre vu de l'extérieur.


Le vaisseau vu de l'intérieur. « Tut tut pouet pouet dzoing ! »


Le sismographe nanar s'affole heureusement chaque fois que la créature apparaît. Et, Dieu merci, elle apparaît assez pour que le spectateur ne décroche pas. Danseurs, promeneurs, pêcheurs, vacanciers, ninja (ah non, pas de ninja, dommage...), presque tout le monde y passe (le monstre va même jusqu'à agresser sexuellement une pauvre voiture) dans des attaques ahurissantes !


Il faut imaginer ce gros tapis vorace qui se déplace comme une vieille limace à l'agonie (heureusement pour lui, les victimes ne bougent quasiment jamais, tétanisées par la peur ou la consternation), dresse péniblement ce qui est censé être l'avant de son corps en poussant des grognements dignes d'un wookie en rut, avant de laisser ses victimes s'enfourner lentement dans l'ouverture béante qui lui sert de bouche, dans laquelle on voit perpétuellement les jambes des animateurs du monstre. C'est tout simplement effarant. Dire que ce truc va résister à un assaut nanar de l'armée !


Guitar Force, l'arme absolue.


Croc !


Bref, vous comprendrez que dans la catégoriecraignos monster, The Creeping Terror mérite très largement de figurer sur le podium des plus beaux spécimens. Réalisé sans moyens, sans talent, sans effets spéciaux (là ça tient plus de l'effet normal) et avec une ringardise omniprésente tout au long du film, cette œuvre a au moins le mérite de bien dilater la rate du spectateur, à défaut de dilater son angoisse, et alerter l'opinion publique sur le péril des carpettes à baskets carnivores.


La mort d'un titan.

- Mandraker -
Moyenne : 2.42 / 5
Mandraker
NOTE
2.5/ 5
Rico
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.75/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Le passionnant documentaire The Creep behind the Camera, sorti chez "Synapse Films", revient en détail sur l'histoire de ce film et nous offre pléthore d'interviews et de bonus. Le film The Creep Terror est proposé avec, dans ce qui est sans doute la meilleure édition à notre connaissance. En revanche, il n'y a pas de version française (il n'y en a jamais eu), ni de sous-titres français.

 

Avant cela, malgré sa relative renommée, le film n'avait a fait l'objet que d'éditions un peu hasardeuses. Sa réputation vient surtout de sa diffusion dans l'agaçante émission de télévision américaine MST3K, ce qui a donné lieu à une édition zone 1, mais avec des personnages en incrustation sur l'écran qui lancent des vannes. Heureusement, pour "apprécier" le film dans sa version intégrale sans commentaires, il suffit de retourner le DVD où on trouvera le film dans sa version normale et d'une qualité décente en 4/3 .



On le retrouve aussi dans diverses compilations de l'éditeur américain "Mill Creek", spécialiste de la ressortie de vieux films à prix réduits. Hélas, malgré des jaquettes alléchantes, les DVD de cette compagnie sont souvent décevants. Les copies des films sont issues de masters médiocres, au son et à l'image dégueulasses, et sont en plus encodés à la sauvage, histoire de faire tenir trois ou quatre films sur la même face de DVD.

Même s'il n'est pas encore dans le domaine public et donc libre de droits aux States, on peut aussi le trouver sur des DVD-R vendus en ligne, moins faciles à se procurer que le montage pastiché par MST3K, mais qui sont la plupart du temps multizones, même si là nous ne pouvons garantir la qualité de la copie.




« Et maintenant c'est fini, circulez ! »

Jaquettes en plus