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Conquest

(1ère publication de cette chronique : 2003)
Conquest

Titre original :La Conquista

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Lucio Fulci

Année : 1982

Nationalité : Italie / Espagne / Mexique

Durée : 1h28

Genre : Film-foetus

Acteurs principaux :Sabrina Siani, Jorge Rivero, Andrea Occhipinti, Conrado San Martín, Violeta Cela, José Gras, Gioia Scola

John Nada
NOTE
3/ 5

Un cran au-dessus de la plupart de ses compatriotes, le seul à s'être vraiment fait un nom avec Dario Argento, Lucio Fulci a œuvré dans le cinéma de genre pendant de longues années, pour le meilleur et pour le pire. Soyons réalistes et reconnaissons d'emblée que Conquest appartient plutôt à ce que le réalisateur a fait de moins réussi.

Resituons tout d'abord le contexte ayant permis à Conquest de voir le jour. En 1982, John Milius adapte au cinéma un personnage de barbare farouche né sous la plume de Robert E. Howard, incarné par le culturiste autrichien Arnold Schwarzenegger. Le résultat, c'est Conan le Barbare, un succès international qui, comme n'importe quelle secousse sismique de grande ampleur, va entraîner une multitude de répliques de moindre envergure. Sous la houlette de producteurs soucieux de profiter du filon que constituait alors l'heroic-fantasy, la fine fleur des tâcherons italiens s'est en effet lancée à qui-mieux-mieux dans le récit d'aventures barbares tournées à la va-vite dans quelques sous-bois de la banlieue de Rome. Ainsi Joe D'Amato a lancé la saga des Ator (sous le pseudo de David Hills), Michele Massimo Tarentini a torché le moyennement épique Sangraal (sous le pseudo de Michael E. Lemick), Tonino Ricci a commis le pathétique Thor le Guerrier (sous le pseudo d'Anthony Richmond), Franco Prosperi a réalisé coup sur coup Gunan, King of the Barbarians et The Throne of Fire (sous le pseudo de Frank Shannon), et Lucio Fulci a livré ce Conquest (sous son véritable nom, lui).


L'affiche de pré-production du film, provisoirement titré "Mace the Outcast".

Dès l'instant où notre regard s'est posé sur la jaquette de ce film, vilain petit canard de l'étagère poussiéreuse d'une troquante péri-urbaine dans laquelle nous furetions depuis déjà vingt bonnes minutes, nous sûmes d'emblée qu'il finirait dans notre gibecière. Retournant l'objet entre nos mains légèrement trémulantes, nous flashâmes littéralement sur le résumé au dos de la pochette, quelques lignes suffisamment éloquentes quant à la teneur de l'œuvre pour que, une fois n'est pas coutume, nous ne nous privions pas de les livrer telles quelles :

« A l'aube de la civilisation... Un adolescent et un formidable guerrier solitaire s'unissent pour affronter la puissance maléfique d'Ocron, la reine-sorcière des hommes-loups, et de ses effroyables alliés les hommes-fétus... Traqués dans la forêt ensorcelée, capturés par les hommes-taupes, réussiront-ils armés de l'arc flamboyant, à vaincre le mal et à libérer leur monde. Leur seule alternative : la Mort... ou la Conquête. »


Un abominable homme-fœtus.

Avec son éternel regard de biche anxieuse, l' « adolescent » en question, Ilias (Andreas Occhipinti, déjà vu dans L'Eventreur de New York de Fulci) se révèle assez agaçant. En revanche, le « formidable guerrier solitaire » Mace s'avère beaucoup plus drôle, avec sa bonne grosse caboche surmontée d'une crinière avantageuse qu'il ne doit point à dame Nature mais au perruquier du film, une bien belle moumoute dans le style de celle qu'arborait Reb Brown dans Yor le Chasseur du Futur.


Mace (l'acteur mexicain Jorge Rivero, bien au chaud sous une perruque ondulante)...


...est flanqué du jeune minet Ilias (Andrea Occhipinti).


Un des plus fringants duos du nanar rital.

Farouchement inexpressif, ce personnage campé par le Mexicain Jorge Rivero nous a littéralement séduit lors de la scène où il explique au jeune Ilias la signification du petit tatouage qu'il a sur le front, tapotant doucement sa glabelle broussailleuse de son index en forme de gros orteil tout en ânonnant laborieusement son texte Tu sais ce que veux dire ce signe ? Que tout homme est mon ennemi »). Misanthrope convaincu, Mace tue tous ceux qu'il croise, Ilias incarnant vraisemblablement l'exception qui confirme la règle. En revanche, ce barbare bourru est un fervent défenseur de la faune et de la flore qui, à l'occasion, sait soigner ses amis les oiseaux et autres bébêtes avec une tendresse rare, ces derniers le lui rendant bien (menacé de noyade, il sera sauvé in extremis par de gentils dauphins). Ocron, « la reine-sorcière » (interprétée par Sabrina Siani), n'est pas mal non plus, le visage soigneusement dissimulé derrière un masque doré mais la poitrine toujours à l'air, créature aussi malfaisante que dénudée. Avec ce film, nous aurons au moins appris que les sorcières aussi portent des strings.


La reine-sorcière Ocron, à qui Sabrina Siani prête ses formes (à défaut de ses traits).

Entre l'intro et le dénouement, les protagonistes doivent suivre leur petit bonhomme de chemin, semé de quelques extravagantes embûches pour maintenir le spectateur en éveil, un vagabondage au petit bonheur la chance en guise de quête vaguement initiatique sur fond d'occultisme primitif. Parmi les embrouilles qui ponctuent avec une régularité de métronome les pérégrinations du duo, on retiendra surtout une attaque de zombies dans une forêt hantée noyée de brume, une séquence brève mais réussie qui montre qu'il est des domaines dans lesquels l'auteur de L'Au-Delà et de L'Enfer des Zombies excelle avec une classe et une maestria incomparables, planant très haut au-dessus de la masse informe et grouillante des innombrables « faiseurs de films ».




Une affiche italienne qui met l'accent sur le côté psychédélique du film...

Autre trait caractéristique du réalisateur, quelques passages bien gore, d'une violence surprenante (femme écartelée, proprement déchirée en deux, crânes fracassés, en vue d'en déguster le gélatineux contenu... à la paille !). De la sauvagerie à l'état brut, Fulci n'ayant pas vraiment pour habitude de faire des concessions à ce niveau-là.



Si l'on parvient à faire abstraction de ses artifices primaires et de la médiocrité de son interprétation, on pourra se concentrer avec bonheur sur l'esthétisme recherché de Conquest, de loin l'aspect le plus intéressant du film. A travers une photographie vaporeuse et colorée, certaines séquences se déclinent en une succession planante de paysages épurés s'étirant sous un ciel qui hésite tour à tour entre le jaune, le rose et le orange.





L'intérêt de ce choix artistique osé se révèle malheureusement assez vite limité, tant les plans se révèlent parfois à la limite de l'aquarelle baveuse, les couleurs se mélangeant sur la pellicule dans des flous artistiques d'un impressionnisme qu'il nous faut bien qualifier de nébuleux par la force des choses (surtout si votre VHS commence sérieusement à accuser le poids des années). On s'interrogera aussi sur la pertinence des choix du directeur de la photo Alejandro Alonso Garci, qui multiplie les contre-jours foireux jusqu'à donner à Conquest des allures de spectacle en ombres chinoises (nous avons eu beau augmenter la luminosité de notre téléviseur, l'action de certaines séquences nous aura totalement échappé !).








Un spectacle en ombres chinoises...

En y réfléchissant, nous ne voyons que deux causes possibles à ces scènes proprement irregardables :

1) la volonté de masquer la pauvreté de certains effets spéciaux (concernant notamment les hommes-loups, qui sont il est vrai assez pitoyables).


Un homme-loup à gauche...


Un homme-loup à droite...


Une stratégie d'attaque plutôt spectaculaire mais dont l'efficacité reste à prouver.

2) la nécessité d'allonger au maximum les journées de tournage, jusqu'au coucher du soleil, pour des raisons évidentes de coût.

Hormis ces scènes frustrantes de pénombre, devant lesquelles le spectateur en est réduit à tendre l'oreille pour essayer de comprendre ce qui se passe, ce travail sur l'image est des plus intéressants et apporte indiscutablement un plus au film, lui conférant une esthétique qui lui est propre et le distingue ainsi de la plupart des nanars d'heroic-fantasy bâclés de l'époque.


Une attaque de flèches / épines empoisonnées dessinées à même la pellicule.

Malgré tous ses défauts, Conquest peut donc aujourd'hui être considéré comme une des toutes meilleures tentatives de l'Italie dans le genre Heroic-fantasy. Au-delà des longueurs et des lourdeurs, inhérentes à bon nombre de films évoqués sur ce site, l'ensemble s'avère ainsi tout à fait regardable, et réserve même quelques jolies surprises aux amateurs de mauvais films sympathiques : vigoureusement soulignées par de gros effets spéciaux bleu fluo, les prouesses guerrières accomplies grâce à l'arc magique sont magistralement kitschs et pourront à elles seules vous faire apprécier ce film.








Dans la catégorie Arme Absolue, l'arc magique de Conquest mérite une place de choix sur Nanarland !


A la fin du film, dans la bonne vieille tradition du western, ce vieux loup solitaire de Mace s'en va crânement face au soleil couchant... La classe !



A l'occasion d'une interview, Lucio Fulci déclarait à propos de Conquest : "C'était un film que les producteurs voulaient faire à tout prix parce qu'il y avait Jorge Rivero, un des acteurs les plus importants du Mexique. Ils m'ont demandé de faire un film préhistorique. J'ai essayé de faire un film sur l'amitié entre Rivero et Occhipinti. On n'y trouve pas le thème typique des dinosaures… Je l'ai tourné tout en contre-jour, avec des images brumeuses, avec l'aide d'un grand cameraman, un Espagnol nommé Alexandro Ulloa. Bon, Conquest a été un échec en Italie, mais au Mexique, les gens ont fait la queue pour acheter leur place ! C'est parce que ce Jorge Rivero est tellement célèbre."

- John Nada -
Moyenne : 3.00 / 5
John Nada
NOTE
3/ 5
Peter Wonkley
NOTE
3/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Un blu-ray sorti chez les Anglais de "Code Red" en septembre 2020.

Conquest est sorti en DVD en zone 1 chez "Blue Underground", qui a lancé une collection autour de Lucio Fulci. Edition soignée avec format 16/9ème et Dolby Surround, excusez du peu. Hélas, seule la version anglaise répond à l'appel. Il existe en édition double avec le film La Guerre des Gangs (Luca il contrabbandiere) du même Fulci, un polar avec Marcel Bozzuffi et Fabio Testi.


Comme d'habitude pour la VF, on en est réduit à la chasse aux cassettes de 1983. En France, c'est "Hollywood Video" qui s'y était collé.

Certaines images du DVD présentent cependant un grain très prononcé (grain qui fourmille, ou "bruit"), qui tient vraisemblablement au choix de l'éditeur d'avoir fortement éclairci certaines séquences il est vrai si sombres qu'on n'y voyait goutte. Il en résulte une perte de couleur et de contraste par rapport à l'édition VHS, qui bizarrement ne semble pas avoir été compensée. Plus que pour n'importe quel autre film, la différence qui existe entre l'édition VHS usée de "Hollywood Video" (qui avait à l'origine servi de support à cette chronique) et le DVD de "Blue Underground" donne des visions formelles de Conquest sur l'un ou l'autre de ces supports deux expériences radicalement distinctes, comme peuvent en témoigner les captures témoins ci-dessous.

VHS


DVD


VHS

DVD

Si la définition est bien évidemment largement supérieure en DVD, on pourra donc regretter que l'édition de "Blue Underground" ne présente pas une colorimétrie proche de celle de la VHS, notamment pour ce qui est des teintes ocre/orange du ciel sur certains plans.