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Top Dog

(1ère publication de cette chronique : 2025)
Top Dog

Titre original : Top Dog

Titre(s) alternatif(s) : Aucun

Réalisateur(s) : Aaron Norris

Année : 1995

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h23

Genre : Canin-caha

Acteurs principaux : Chuck Norris, Clyde Kusatsu, John Kerry, Carmine Caridi, Michele Lamar Richards

Wallflowers
NOTE
1.5 / 5

L'un est poilu, sait lever la patte et vote Trump. L'autre est intelligent (au passage, regardez-moi ce Chuck Norris mal détouré...)


Prologue.

Nous sommes au début des années 1990. Chuck Norris, devenant un peu trop vieux et légèrement ringardisé par les nouvelles stars des films d’action comme Bruce Willis ou Steven Seagal, commence à voir sa carrière passer de son pare-brise à son rétroviseur. En outre, ne disposant plus de la Cannon pour le placer sur le devant de la scène, les opportunités se font plus rares. De l’autre côté du box-office (là où le dollar est plus vert) Schwarzenegger ouvre une porte en jouant quasi coup sur coup le premier rôle dans deux films familiaux (Jumeaux en 1988 et Un flic à la Maternelle en 1990). Pensez qu’à l’époque, il était très difficilement concevable qu’une pure comédie où le rôle principal est joué par une star de film d’action – qui pèse en outre 110 kilos – cartonne au box-office. Et ça, Arnold l’a fait. Deux fois (même si certains esprits chafouins diront que la première comédie d'Arnold c'est Hercule à New York).

Chuck Norris se pose trop de questions.


C’est dans cette conjoncture que notre karatéka barbu tente de changer de registre. Les feux sont au vert, le virage de carrière amorcé, il ne reste plus à Nanarland qu'à s’installer dans les tribunes pour assister au(x) dérapage(s).

En 1992 Chuck tourne Sidekick. Un film nigaud certes mais un galop d’essai plutôt réussi qui fonctionne correctement au cinéma. L’année suivante il en profite pour lorgner intelligemment du côté des networks afin d’obtenir une autre source de notoriété. Il ne le sait pas encore mais c’est justement la télévision qui gravera dans le marbre son image de mec invincible et intouchable (donnant plus tard naissance aux Chuck Norris Facts qui en amuseront plus d’un) avec la série Walker Texas Ranger qu’il incarnera jusqu’en 2001. Entre temps, il alourdira son casier judiciaire en 1996 avec son rôle de guerrier écolo-shamanique dans le très neuneu Forest Warrior

Bref une décennie de projets bien moins bourrins et politico-normés (sauf Walker Texas Ranger évidemment) que ceux auxquels il a participé au milieu des années 1980. Mais si aujourd’hui Sidekick et Forest Warrior sont les titres de cette période dont on parle le plus régulièrement, c’est parce qu’on occulte souvent un troisième film (sorti en 1995) qui passe régulièrement sous les radars des gens qui explorent la filmographie de l’acteur…

C'est pourquoi, avec l’aplomb et le sourire en coin de l’huissier qui vient sonner à la porte à 6h du mat’, nous allons aujourd'hui vous parler de Top Dog.

 

Notez le ton différent entre la version américaine et l'européenne, qui est sortie plus tard. Vous comprendrez pourquoi à la fin de la chronique.


Deux flics, Reno et Lou (qui est grand-père et qui – devinez quoi ? – est proche de la retraite) enquêtent sur une affaire d’attentat à la bombe à San Diego. Les irresponsables terroristes les surprennent alors en pleine investigation. Une fusillade éclate, Lou se fait tuer et Reno lui, est grièvement blessé.

Quelques jours plus tard (et après biennnnnnn 15 mn de film qui nous interpellent sur comment ils vont gérer les 65mn qui restent), l’affaire est remise aux mains de Jack Wilder joué par notre ami Chuck Norris. Jack Wilder est un flic « à l’ancienne ». On le sait tout de suite car dès sa première scène on le voit se réveiller tout ronchon dans sa maison en bordel – et un peu comme Lou qui ne peut pas s’empêcher de parler de sa retraite avant de se prendre une balle, Jack Wilder ne peut pas s’empêcher de préciser qu’il travaille toujours sans coéquipier.

Oui mais hélas ! Jack Wilder a beau rouler des mécaniques avec son jean moulant et sa mine renfrognée du type qui tente de solutionner une équation d’algèbre trop compliquée pour lui, il doit néanmoins obéir aux ordres de son supérieur qui lui impose son nouveau partenaire. Et je vous le donne en mille, il s’agit de Reno tout juste remis de ses blessures.

 

R.I.P. Lou. Petit ange parti trop tôt (à la 9ème minute du film).

 

Vous l’avez sûrement déjà compris avant de lire ces lignes (sinon, je vous rappelle qu’il y avait quand même un énorme indice dans le titre du film, ce qui veut dire que soit vous ne suivez pas, soit vous parlez Allemand) mais figurez-vous que Reno est en réalité un clébard. Un Briard plus précisément, qu’on appelle également Berger de Brie, un de ces chiens trapus à poils très longs donc qui va aider Jack dans son enquête.

Les plus perspicaces d’entre vous auront saisi qu’on va barboter gentiment dans les eaux claires du buddy movie sauce Frolic, les "buddy cop-dog movies". Coucou Tom Hanks et son Dogue de Bordeaux (Turner et Hooch), hello James Belushi et son Berger Allemand (Chien de Flic) ! Accueillez dans votre petite famille Jack et Reno qui essayent, en sifflotant l’air de rien, de se faire une place à votre table, poussant légèrement tout le monde du coude tout en prenant un air faussement étonné quand vous leur demanderez ce qu’ils foutent là.


Une certaines cohérence chez les stars des films d'action qui aiment les animaux.


Et si vous pensiez que ce sous-genre était une relique du passé, quelque chose de définitivement démodé, et bien vous manquez de flair car il fait encore les beaux jours de nombreuses séries télé à travers le monde...


Et on sait aussi que le genre est ultra codifié. Si vous avez déjà vu, même d’un œil distrait, n’importe quelle comédie où un clebs est accueilli froidement par un personnage humain, vous savez que fatalement ce chien se comportera (littéralement) comme un sale cabot et qu’il ne fera rien pour s’attirer la sympathie du héros, sauf aux moments cruciaux du film où ce dernier s’apercevra peu à peu des atouts du canidé, le considérant avec des sentiments bien plus respectueux à la fin (même s’il est le dernier du casting à s’en rendre compte). Tout ce processus est d’une simplicité effarante et pourtant, croyez-moi c’est pas super évident dans Top Dog. Car si l’agent de Chuck Norris l'a évidemment prévenu qu’il allait jouer dans un film avec un chien, c’est clair que personne n’a dit au pauvre chien qu’il allait se fader Chuck Norris et sa palette d’acteur variée comme un monochrome d’Yves Klein. Du coup le Briard t’as l’impression qu’il galère deux fois plus pour se faire respecter que tous les autres clebs de l’Histoire du cinéma.

Hercule & Sherlock.


Étonnamment, au milieu de toutes ces évidences scénaristiques, deux questions vont très vite éclore au visionnage du film.

La première est « pourquoi utiliser un Briard comme chien ? » Ce n’est pas insulter cette race de dire que ce n’est pas le clebs le plus charismatique du monde, et sa présence reste intrigante par rapport à un choix certes plus convenu mais incontestablement plus consensuel comme le Berger Allemand, ou cette race magnifique qu’est le Beauceron (je ne suis pas objectif, j’adore ce chien). A noter que l'interprète de Reno, nommée Betty (car c'est en fait une chienne) avait été la vedette deux ans plus tôt du film Denis la malice.

La deuxième sera aussi évidente que pernicieuse : si nous sommes devant un film à destination des enfants – j’en veux pour preuve la présence au casting du petit fils de Lou et de sa relation avec le chien tout mignon – était-ce vraiment nécessaire de choisir comme méchants… des terroristes néo-nazis ?

Non, ce ne sont pas des saluts romains dans le film.


Mais assez d’interrogations auxquelles le scénario n’apportera aucune réponse, si ce n’est par un vague haussement d’épaules, et focalisons-nous plutôt sur nos deux policiers qui ont une enquête à résoudre. Ils doivent de toute urgence découvrir la date et le lieu du prochain attentat. Je vous rassure : comme nous sommes dans un film à la durée plutôt courte, les réponses à leurs questions viendront avec une subtilité que n’aurait pas renié Olivier Chiabodo dans Intervilles. Ainsi nous sera promptement dévoilé le personnage de la mère de Jack Wilder, petite mamie comme les Américains les adorent au cinéma, c’est-à-dire avec le regard malicieux et le bridge solide. Son rôle dans le scénario aura pour fonction de rendre Chuck Norris un peu plus humain, et en prime de faire office de Mc Guffin ubuesque en résolvant 50% de l’enquête à elle seule (à savoir la date de l’attentat) par une réflexion à voix haute qui ressemble à s’y méprendre au symptôme d’un vilain Alzheimer.

"Je pense qu'ils feront l'attentat le jour de l'anniversaire d'Hitler !"


Boum ! Merci mamie ! Grâce à toi l’enquête devient plus simple. Car du coup, on apprend qu’à la même date aura lieu une conférence où seront représentées la Chine, le Brésil, l’Inde, le Mexique et l’Italie. Le « congrès de l’unité des peuples » comme il est annoncé dans le film (et qui ressemble aussi fortement à un groupe foireux d’une qualif' de coupe du monde de foot) aura lieu dans un parc public avec des représentants de diverses religions en prime. Pour y faire quoi au juste ? On n’en sait rien. Probablement pour faire avancer la Paix dans un domaine quelconque, ne demandez pas plus de détails en posant encore des questions, il ne reste que 12 minutes de film et Chuck Norris et son chien ne sont toujours pas copains.

Du coup, autant vous dire que « congrès de l’unité des peuples » ou pas, quand Chuck Norris débarque dans un parc public pour buter du méchant, on se demande toujours combien de civils innocents se prennent des balles hors champ. Et quand il termine son boulot c’est pour nous offrir au passage un climax qui ressemble à s’y méprendre au début d’une blague célèbre du cerveau malade d’un humoriste de cabaret. A savoir : « un rabbin, un prêtre et un imam sont coincés dans une voiture. Que fait Chuck Norris ? » Tout ceci finira heureusement très bien, et Jack Wilder finira par comprendre que Reno est un bon partenaire, mais sans effluve d'amour non plus parce que bon... ça reste Chuck Norris quoi.

Pour chaque méchant tué, un mouvement de foule meurtrier.

Les trois religions monothéistes assises côte-à-côte. Dommage qu'il y ait une bombe juste dessous.


Epilogue.

Vous l’aurez compris, Top Dog s’est ramassé au cinéma. Mais malgré ses défauts et parce qu’on a déjà honnêtement vu bien pire, il aurait pu être un succès, même relatif, dans la filmographie de l’acteur. Alors pourquoi cet échec si cuisant et pourquoi encore aujourd’hui si peu de personnes connaissent le film ? J’ai envie de dire : le Destin. Le Destin, dans son grand projet à l’échelle de l’Univers, n’a cure de la qualité ou non d’un film car c’est lui qui décide irrémédiablement. Et il se trouve qu’au moment de la sortie en salle de Top Dog, le Destin avait comme une énorme envie de rouer de coups le film.

1. Ça commence par un atémi surprise en pleine gorge : Top Dog sort une semaine après qu’a eu lieu à Oklahoma City l’attentat considéré comme le plus meurtrier des Etats-Unis jusqu'à celui du 11 septembre 2001 (168 morts, dont 19 enfants). Et pas n’importe quel type d’attentat : un attentat à la bombe, comme dans le film.

2. Ça enchaîne avec un uppercut au milieu du menton : la bombe a explosé au moyen d’un véhicule piégé, comme dans le film.

3. Et on termine par une fourchette dans les yeux : l’attentat a eu lieu le 19 avril, soit à un jour près comme dans le film.

Top Dog est KO. A terre. Finito. On sait qu’il ne se relèvera pas de ce fait morbide. Mais le Destin n'en a cure et, dans un rire cruel, en profite pour lancer sournoisement un grand coup de pied dans les côtes du film, histoire que ce dernier comprenne bien qui a le dernier mot. Car :

4. L’attentat a été perpétré par… des suprémacistes blancs. Oui, comme dans le film.

Une sordide actualité qui poussera les producteurs à légèrement remonter leur film dans l'urgence, mais sans effet. Son sort restera inexorablement scellé : les sorties s’annulent où deviennent très confidentielles, le film aura une courte exploitation en DVD et ne passera presque pas à la télévision. A l’orée de ces contingences, on comprend pourquoi peu de gens se souviennent de Top Dog, et par la même occasion apparaît une évidence : Chuck Norris, même accompagné par un chien sympa, ne peut rien face à certaines choses, même si les Chuck Norris facts nous amusent du contraire.

 

Mais entendons-nous bien :  il est évident qu'aujourd'hui cet attentat dramatique doit être décorrélé de notre plaisir de visionnage initial. Même si avec du recul (et une mesquinerie assumée), il faut reconnaître que cette tragédie place le barreau sur l’échelle du « pas de bol » à une hauteur que même l'astronaute Thomas Pesquet n’approchera jamais dans sa carrière.



Autre désillusion : Chuck Norris et sa doublure pas très raccord.


Hors de question donc que ces abjectes personnes aient une influence sur notre jugement à propos du film, et encore moins de leur laisser le dernier mot de cette chronique. Concluons donc sur une note positive : Top Dog mérite d’être (re)découvert. Tout simplement parce qu’il est rare mais aussi car c’est une de ces curiosités typiques que l’on affectionne à Nanarland. Certes le spectateur habitué à ce genre de production sera en terrain ultra-connu, et probablement aucune scène ne semblera bien extraordinaire pour les plus aguerris d’entre vous. Mais vous auriez tort de bouder le plaisir simple de mater un film tout public avec Chuck Norris, toujours en galère chaque fois qu’il essaye en tant qu’acteur de sortir de son registre habituel consistant à balancer ses métatarses dans les gencives des autres. D’ailleurs à propos de son jeu, le monteur du film Peter Shink se fendra en interview d'une phrase très drôle, sans être méchante : « Look, I don't mean to disparage Chuck too much, but from an editing standpoint we would always sort of say, "When in doubt, cut to the dog!" Because that dog was really solid. »

Je suis d’accord avec lui. Les chiens auront décidément toujours cet avantage sur les humains : ils ne déçoivent jamais.

Et puis ça reste un film où il tabasse des clowns, quand même !

- Wallflowers -
Moyenne : 1.50 / 5
Wallflowers
NOTE
1.5 / 5
Jack Tillman
NOTE
1.5 / 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

En France, Top Dog est sorti en DVD en 2000 chez Seven 7. Le film est proposé en VF et en VO avec sous-titres français. En revanche, pas de blu-ray à l'horizon.

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