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Steel

(1ère publication de cette chronique : 2018)
Steel

Titre original : Steel

Titre(s) alternatif(s) :Steel, le justicier d'acier, Le justicier d'acier

Réalisateur(s) :Kenneth Johnson

Année : 1997

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h37

Genre : Sousperman

Acteurs principaux :Charles Napier, Shaquille O'Neal, Annabeth Gish, Judd Nelson, Richard Roundtree

Hermanniwy
NOTE
1.5/ 5


La B.O. qui déchire.


La sympathie d'un nanar, voyez-vous, je pense que ça tient à deux choses :
- les gens qui sont dedans, et la pureté de leurs intentions, parce que globalement on n'aime pas sentir qu'un producteur ou un réalisateur se fout de vous et veut juste vos sous (sauf quand c'est tellement du margoulinage que c'est sympa par l'autre bout).
- ce que les gens qui sont dedans veulent faire, et la compréhension ou l'attachement qu'ils ont pour leur sujet, parce que moins ils ont compris à quoi tenait le genre, mieux c'est.
[Nota : retrouvez mes autres conférences, dont "Non mais en fait Uwe Boll voilà", "Pfffmouais" et "Pour une défense de la pizza à l'ananas mais par contre le Get 27 non quoi", au catalogue des éditions Puissance Neuronale]
Petite étude de cas sur un film de super héros totalement premier degré, passant brillamment 1m20 à côté de ce qui fait un bon film de super héros.
Un sort indigne (le destin boit du Get 27) a fait que le joli petit ratage qu'était Steel a été peu ou prou oublié dans la pop culture au profit du bouzin interstellaire éminemment non sympa qu'est le redoutable Batman et Robin.


Honte. Honte à toi. Tu es le Get27 du cinéma.


Les deux films sont en effet sortis en 1997, après une période non négligeable de development hell pour Steel, qui a sans doute demandé un long moment de réflexion et de rires nerveux pour décider s'il convenait de le sortir tel quel, d'apprendre à son acteur principal à jouer correctement avant de le retourner entièrement, ou juste d'attendre sagement 5/10 ans et l'émergence du numérique pour lui refaire des expressions faciales en images de synthèse.


Je suis tristesse et amitié consolatrice.


Bref, le public a oublié le petit nanar sympatoche qu'était Steel au profit du bulldozer de nullité navetonnesque qu'était Batman et Robin, et il est temps de braquer la lumière sur l'éternel oublié.

Après un arc narratif se concluant par la mort de Superman, DC Comics tenta de faire émerger un certain nombre de héros reprenant le flambeau de la justice et de la liberté. Parmi eux le Noir américain John Henry Irons, alias Steel le Justicier d'Acier.

Minute culturelle Nanarland :

 


Icône américaine au même titre que Joe Hill ou Sacco et Vanzetti, la figure semi légendaire et semi historique de John Henry incarne à la fois les valeurs de la classe ouvrière américaine, et celles de la communauté noire. John Henry Irons, alias Steel, se veut donc un hommage à cette figure mythique. Cela n'aura aucune conséquence sur le film.

Fin de la minute culturelle Nanarland.


Nous faisons la connaissance de John Henry alors qu'il est occupé, en tant qu'ingénieur militaire, à construire un GROS CANON BOUM avec une amie et un traître. Lors des essais, Steel, le traître et son amie vont refuser d'enlever la sécurité enfant de leur GROS CANON BOUM car les tests pourraient se révéler dangereux. Personne n'ose leur dire que quand on développe des armes, c'est parfois le but recherché.

Le traître s'empare alors de l'arme et décide de la tester à puissance maximale pour voir ce que ça fait (d'un autre côté c'est le but d'un test, je n'arrive pas à lui en vouloir. Vous vous contenteriez de tester une voiture à 30km/h pour voir si elle est assez solide, vous ?).


2h30 de tests comme ça en plein cagnard et je vous garantis que même un moine pousserait le machin au maximum, juste pour se payer un peu d'action.


Résultat : John Henry quitte l'armée pour devenir Steel, le super héros en fonte, tandis que son amie clouée sur un fauteuil roulant devient l'Oracle du pauvre. Ils sont bientôt rejoints par Shaft, en train de payer ses impôts, et pendant ce temps-là le traître revend l'arme dont il s'est emparé à un...
...revendeur de jeux vidéo.
Qui fait du trafic d'armes dans des bornes d'arcade.
Et lance avec son appui un gang de braqueurs de banques.
Hmm.
Disruptif.






Ne vous moquez pas, dans 5 ans si ça se trouve y'aura une startup avec exactement ce plan qui pèsera 5 milliards de dollars.


Bref, nous entrons en territoire connu : Steel construit son QG et son armement, le teste et part ensuite taper les gangsters, la routine d'un petit Origin Movie.
Malheureusement, il y a deux problèmes...
Le premier est que Steel, en tant que Super Héros, est un foutu tank. Superman vole, Spider Man grimpe, Batman plane, Steel... marche. Sauf dans les escalators. Il a une armure en fonte. Une moto en fonte. Un marteau en fonte.


Ici, Steel tente de se rétablir après s'être gaufré en sautant entre deux toits.


Visuellement, ça nous donne des cascades et des poursuites, disons, assez limitées.


En guise de véhicule : une moto tunée qui va à 17km/h.


Le second problème, c'est que Steel est joué par Shaquille O'Neal. Et Shaquille O'Neal... Disons que vous ne vous moquerez plus de Hulk Hogan quand vous aurez vu Shaq jouer la comédie.

Déjà repéré pour son inaptitude crasse dans Kazaam, Shaq est un basketteur star connu pour avoir fait, avec Kobe Bryant, les grandes années des L.A Lakers. Mesurant 2m16 pour 150kg, chaussant l'équivalent américain d'un 58 fillette, Shaq avait pour lui une présence physique impressionnante et un réel capital sympathie auprès du public. Malheureusement...


Malheureusement...


Malheureusement il faut bien avouer que le pauvre homme joue comme une chaussette.
Au lieu d'essauer de jouer de sa mobilité de basketteur et de sa force naturelle, on l'engonce dans une armure en caoutchouc qui l'embarrasse bien, pour le faire marcher du même pas déterminé qu'une statue du commandeur affligée de crampes d'estomac. Résultat : un héros auquel personne ne croit.
On n'y croit d'autant moins que le scénario fait de Steel un remarquable incapable. Outre le simple fait que son repaire se situe dans une décharge publique (et constitue ainsi la batcave la plus pourrie et la moins sécurisée possible), Steel passe deux bons tiers du film à se faire tabasser, capturer, poursuivre par la police et à devoir rentrer dans sa poubelle tête basse après avoir à peu près échoué sur toute la ligne.


Ici, Steel vient de se casser la margoulette dans des poubelles.


Il essaie son costume pour la première fois après 45 minutes de métrage, soit dit en passant.


Après cela, il retourne généralement dans sa maison-de-sitcom avec-des-noirs-écrite-par-des-blancs, sa grand mère lui dit de fermer sa bouche pendant qu'elle tente de faire un soufflé, et Richard Roundtree prouve à tout le monde qu'il arrive à être plus cool que tout le monde sans forcer. Et ce malgré des répliques affligeantes comme ce moment gênant où il dit, complimentant le marteau de Steel, en VO : "I especially like the shaft". Who is the black private dick qui a écrit cette vanne référentielle honteuse ?


Pour une fois Shaq joue juste : c'est exactement la tronche que vous faites en comprenant la blague.


Face à un tel héros, vous comprendrez qu'on ne puisse aligner que les meilleurs des meilleurs des méchants. Judd Nelson (le traître Burke) et son complice, le vendeur de bornes d'arcade à main armée, roulent à 220km/h en klaxonnant à contresens sur l'autoroute du surjeu, fenêtres ouvertes et musique à fond.


Je suis dingue de cette coupe de tifs.


Rien dans la mise en scène ou les choix artistiques ne viennent enlever au spectateur ce sentiment d'être dans un gros décor de carton pâte. A part une BO qui fait de subtils rappels au thème de Superman, et une esthétique clinquante qui évoque effectivement beaucoup les Batman de Schumacher (c'était la mode à l'époque), la platitude totale du machin ne fait pas grand chose pour éviter les situations ridicules.
Citons-en deux :
- une scène interminable durant laquelle Sparks, la wannabe Oracle, tombe de son fauteuil roulant, et tente d'y remonter pendant que tout le monde la regarde faire sans lever un doigt. La scène devait être un genre de nouveau départ, la pauvrette réalisant que même sans jambes la vie continue. A l'écran on voit juste deux salaupiots laisser une handicapée galérer en rigolant.
- le combat final, gagné non par Steel mais par Sparks d'une manière que je ne spoilerai pas mais qui est assez réjouissante.
Évoquons encore une fois, pour la gloire, le casque de Steel en polyuréthane véritable, et souvenons-nous qu'il est censé être moulé sur mesure dans un alliage indestructible :


Il plie, mais ne rompt pas.


Au final, l'exploit le plus notable de Steel aura été de diviser son propre budget par 10 (1.7 million de recettes pour 16 investis). Succombant à une mode du moment qui voyait chaque studio se payer une star du basket (Michael Jordan en 1996 dans Space Jam, Dennis Rodman en 1997 dans Double Team avec Van Damme et en 1999 dans Sauvetage explosif), Steel venait douloureusement confirmer au monde qu'il fallait être plus prudent avant de caster Shaquille O'Neal dans un premier rôle.

- Hermanniwy -

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation


On a d'abord cru que ce film n'avait jamais bénéficié d'une sortie VHS ou DVD en France. Pourtant une version française existe car Steel a eu droit à des diffusions sur les chaînes câblées françaises (notamment RTL9) par le passé. Et puis les forumers Ninjator et Plissken ont repêché une furtive sortie vidéo chez "Warner" sous le titre Le justicier d'acier.

Celle-ci étant plutôt rare, on pourra se rabattre, en attendant mieux, sur le DVD américain de chez "Warner" hélas en anglais, zone 1 et sans le moindre bonus.