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L'Ange de la Mort


L'Ange de la Mort

Titre original : L'Ange de la Mort

Titre(s) alternatif(s) :Commando Mengele

Réalisateur(s) :Andrea Bianchi (scénario Jesus Franco)

Producteur(s) :Marius Lesoeur

Année : 1986

Nationalité : France / Espagne

Durée : 1h28

Genre : Faut pas Mengele !

Acteurs principaux :Howard Vernon, Christopher Mitchum, Dora Doll, Robert Foster, Fernando Rey, Suzan Andrews, Jack Taylor

Techniciens :Roger Fellous

Rico
NOTE
2/ 5

On peut reprocher beaucoup de choses au nazisme, mais il faut au moins lui rendre cette justice : sans lui le monde du nanar aurait beaucoup perdu (remarque qui vaut d’ailleurs aussi pour le communisme soit dit en passant).


Un petit rappel historique : à la fin de la guerre, un certain nombre de dignitaires nazis réussirent à quitter Berlin en ruine pour trouver refuge en Amérique du Sud où vivait déjà une importante communauté d’origine allemande. Beaucoup, tels Klaus Barbie ou Walter Rauff, mirent leurs compétences au service des régimes militaires très droitiers qui fleurissaient à cette époque en Amérique latine. Les services secrets israéliens frappèrent un grand coup en 1960 en enlevant l’un des grands responsables de la solution finale, Adolph Eichmann, en plein Buenos Aires, puis en le ramenant en Israël pour le juger et le condamner à mort. Cette action mit en lumière la présence d’anciens nazis en Amérique du Sud. Les imaginations s’échauffèrent et l’on se mit à voir partout des légions de vieillards à croix gammées, sanglés dans leurs uniformes noirs, écoutant la larme à l’œil l’intégrale des discours du Führer (que voulez-vous, les Allemands sont de grands romantiques) et fomentant dans quelques haciendas perdues, le retour du grand Reich.
Un personnage fit particulièrement fantasmer : Josef Mengele, « l’ange de la mort » d’Auschwitz, médecin chef du camp d’extermination menant à bien de nombreuses et sordides expérimentations sur des cobayes humains, incarnation s’il en est de l’horreur scientiste. Passant entre les mailles du filet de la dénazification d’après guerre, il fut activement recherché en Amérique latine où il avait été signalé et devint une sorte de mythe, auquel on prêta mille et une nouvelles vies. Ce n’est qu’au début des années 90 qu’il fut officiellement identifié sous (entre autre) l’identité de Wolfgang Gerhardt. Il avait trouvé discrètement refuge au Brésil puis au Paraguay, où il se noya en 1979, et s’était lancé dans le commerce de jouets puis de médicaments. Le personnage inspira donc les cinéastes. Cela a donné Laurence Olivier en dentiste sadique dans « Marathon Man » de John Schlesinger ou « Ces Garçons qui venaient du Brésil » de Frankin Schaffner, où l’excellent Gregory Peck dans le rôle du sinistre docteur tente de cloner 97 fois Adolf Hitler.


Les grands dossiers de chez Eurociné.


Vous pensez bien qu’Eurociné ne pouvait décemment pas laisser passer une occasion d’apporter sa pierre à la noble cause de la dénonciation de la fuite des nazis en Amérique du Sud, ou tout le moins son bout de gravier. C’est donc avec toute la gravité et le sérieux qui s’impose que Marius Lesoeur confie à Jesus Franco la tâche de réaliser un film sur le sujet. Lequel torche un scénario à partir d’un de ses projets qui n’a pas abouti pour le confier à un réalisateur encore plus mercenaire que lui, l’Italien Andrea Bianchi, déjà responsable du pitoyable « Maniac Killer ».
L‘histoire nous narre vaille que vaille la traque du médecin fou par quelques Juifs bien décidés à le faire passer en jugement pour ses crimes. Hélas, réfugié dans une forteresse située dans une république bananière fictive d’Amérique du Sud, le docteur envisage fermement d’instaurer un IVème Reich et, pour ce faire, forme une petite armée de combattants d’élite tout en poursuivant gaillardement ses expériences étranges, cette fois dans le but de créer une super race d’hommes singes qui constitueront la future élite aryenne.
On le voit, ça délire sec. C’est quand même curieux cette manie des nazis d’opérette de vouloir absolument créer des hommes singes vindicatifs. Doit-on voir derrière cette idée tordue, la patte de Luigi Batzella, lui aussi intermittent de la réalisation chez Eurociné, et qui avait déjà abordé la question dans son affligeant « Holocauste Nazi : Armes Secrètes du IIIème Reich » ? La question reste en attente, mais on aurait tort de s’affoler outre mesure quand on voit le résultat final des recherches de Mengele :



Les terribles expériences du bon docteur... Affreux !


Ah oui ça, y a encore des progrès à faire, va falloir bosser les enfants.
Le docteur, c’est Howard Vernon, qui incarne sans problème son rôle fétiche d’officier nazi, tantôt homme du monde fielleux, tantôt savant fou colérique. A l’aise dans ce genre de composition qu’il connaît bien, il surnage aisément au milieu de l’océan de nullité qui l’entoure. Il a d’ailleurs quelques scènes où il peut se lancer dans des diatribes enflammées sur la grandeur de ses travaux et sur la décadence de la démocratie.


Ahhhh ! C'était le bon temps !


Il faut dire que pour l’épauler, Howard est accompagné de l’acteur le moins vif de sa génération, le lymphatique Christopher Mitchum dans le rôle d’un odieux mercenaire rabatteur de femmes pour les expériences de son maître. Incarnation vivante de Droopy, Chris est aussi crédible en mercenaire d’élite cynique et impitoyable qu’Yvette Horner en bombe sexuelle ou Jacques Chirac en Président de la République. Surtout que lorsqu’il se bat, le réalisateur, probablement conscient des limites de sa star, cadre la scène hyper serrée, au ralenti, accompagné de bruits stridents censés nous faire comprendre la puissance de l’action. Risible !



Christopher Mitchum, le Jean Lefebvre américain.


Du côté des gentils, ce n’est guère mieux, puisque le héros est Robert Foster, de son vrai nom Antonio Mayans, habitué des films de Franco mais généralement dans un rôle secondaire. Là, probablement parce qu’ils n’avaient personne de mieux sous la main, Bianchi s’est piqué d'en faire son jeune premier. Hélas, comédien limité, le plus souvent apathique (quoique à côté de Chris Mitchum, n’importe qui a l’air véloce), dénué de charisme, légèrement enrobé, il est selon les scènes une fusion assez approximative entre Gilbert Collard, le chanteur M et Didier Bourdon !


(Merci à John Matrix)


Notre héros sait s’entourer de quelques comparses bien typés : un costaud taciturne, un karatéka qui ne peut pas s’arrêter de faire des katas tout le temps, un petit génie de l’électronique, un acrobate de cirque. Il peut aussi compter sur l’aide d’un espion du Mossad incarné par Jack Taylor, véritable américain qui fit toute sa carrière au Mexique et en Espagne, qui cache mal son peu d’intérêt dans l’affaire et qui, visiblement, attend désespérément son chèque de fin de tournage.


Les chasseurs de nazis.


Il faut aussi noter la (contre) performance de Suzan Andrews dans le rôle d’Eva maîtresse/victime du docteur particulièrement crispante et empotée dès qu’elle essaye de jouer les Mata Hari en détresse. Ce film fut son unique expérience cinématographique et on comprend pourquoi !


Hiiii c'est trop horrible !


Dernier point important, la vedette vieillissante apte à donner un peu de crédibilité au projet et attrapée dans les filets d’Eurociné pour mettre un nom connu sur l'affiche n’est autre que Fernando Rey, qui a eu son heure de gloire en jouant pour Buñuel ou dans « French Connection » et qui, là, tourne trois scènes de bureau en une après-midi, histoire qu’on puisse mettre son illustre nom en encadré dans le générique. Il incarne un sous-Simon Wiesenthal dont le rôle consiste surtout à passer des coups de téléphone inquiets et de lancer une ou deux tirades sur le thème : "le monde pourra t-il enfin connaître l’amour et la paix ?"


Si ça se trouve, pour s'occuper pendant le tournage, Fernando Rey téléphonait à Richard Harrison en se faisant passer pour un ninja.


Le film, comme souvent chez Eurociné, cumule une ambition démesurée, mal servie par une mise en scène mollassonne et des moyens extrêmement limités. L’Amérique du Sud est en fait l’Espagne (c’est moins loin). Faute de cascadeurs, les scènes d’action sont jouées très prudemment par les acteurs eux-mêmes. La misère du budget est terriblement flagrante, le même hélicoptère étant réutilisé pour faire croire à une véritable flotte aérienne. Pour pallier le manque d'argent et donner un peu de plus-value à l'ensemble, on utilise des ficelles sacrément grossières qui, au final, se retournent contre sa propre crédibilité : voici un petit diaporama commenté de quelques-unes des feintes en mousse du film pour nous faire croire que nous nageons dans la grande aventure opulente.


Christopher Mitchum fait un discours... devant un stock-shot constitué d'une photo en plan fixe, avec en fond sonore une bande-son de foule en liesse. Photo tirée de « Panther Squad », une autre production Eurociné avec Sybil Danning !

 


La télé passe un long reportage sur Mengele : à l'image on filme un livre dont on tourne les pages au fur et à mesure du commentaire !

 


Cascade ! Sauf qu'après avoir explosé, la Mercedes des méchants s'avère être d'un modèle beaucoup plus ancien que celle qu'on peut voir dans la poursuite...

 



Le même appareillage informatique que dans « Maniac Killer » (Olivetti est remercié dans le générique de fin). Paintbrush est cette fois-ci utilisé comme un fichier des grands criminels de guerre.

 


"Quand j'ai vu la réception, j'ai cru rêver. Je m'attendais à quelque chose de grand, mais ça dépassait tout ce que je pouvais imaginer !" (réplique authentique)

 


Une lunette pas très précise. On vise la tête, on touche la poitrine. Heureusement le garde met une grande ferveur à mourir.

 


Des gadgets high-tech, des explosions de palettes en bois au milieu du repaire des méchants !


On est là au coeur du principe Eurociné, à savoir comment faire cossu quand on n'en a pas les moyens. Cette pauvreté générale de l'ensemble constitue l'un des grands facteurs d'hilarité de l'oeuvre. Le jeu devient vite de trouver ces signes d'indigence budgétaire qui finissent par devenir franchement burlesques... L’action est molle et s’étire comme un chewing-gum qu’on aurait trop mâchouillé. Le montage (assuré par Pierre B. Reinhardt, l’immortel auteur de « La Revanche des Mortes-Vivantes ») tente de dynamiser l’ensemble mais ne fait au final que souligner la pauvreté du film tant les effets sont criants.


Les troupes d'élite du IVème Reich.


Autant dire que nous sommes face à une pièce inégale, avec de vrais remplissages pénibles mais aussi de purs moments de folie douce à la Eurociné, comme les envolées lyriques d’Howard Vernon, les figurants qui, lors de l’assaut final, mettent un point d’honneur à agoniser de la façon la plus grandiloquente possible etc. etc. Un film à réserver donc à un public averti qui sait à quel point la médiocrité peut s'avérer délectable.


Filmer une voiture depuis l'arrière d'un break, soit ! Mais au moins évitez de filmer la porte du hayon !


Voilà au moins une œuvre résolument engagée qui n’hésite pas à nous délivrer un message fort : le nazisme, c’est pas bien !

- Rico -
Moyenne : 2.25 / 5
Rico
NOTE
2/ 5
Nikita
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation

Une luxueuse édition Blu-ray est annoncée par l'éditeur américain Full Moon Features, la firme de Charles Band, avec rien moins qu'une version uncut bichonnée à partir du négatif original 35 mm. Un traitement 5 étoiles pour cette prod' Eurociné : le patrimoine tricolore enfin reconnu !



A part ça, une seule édition DVD de ce film connue à ce jour, celle de l'éditeur canadien "Televista". Un DVD simple, avec quand même des pistes en anglais et en italien mais apparemment sans sous-titres. (jaquette en en-tête)

En France, le film reste presqu’aussi discret qu’un Nazi en fuite. Seules 2 éditions VHS, dont les visuels pratiquement similaires apparaissent en début de chronique, existent chez "Arwen International" et "Century", les deux marques ayant fourgué de l’Eurociné en France.



Une jaquette VHS allemande qui ne manque pas d'enthousiasme viril !



Une jaquette suédoise qui montre quand même qu'Eurociné savait vendre ses films un peu partout. Par contre l'illustrateur n'a apparemment pas vu le film (on ne reconnaît guère Howard Vernon) mais s'est documenté car les traits du visage correspondent à ceux du vrai Mengele !