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Blood Shot

(1ère publication de cette chronique : 2023)
Blood Shot

Titre original : Blood Shot

Titre(s) alternatif(s) :Vampire Assassin

Réalisateur(s) :Dietrich Johnston

Année : 2013

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h36

Genre : Le déclin du vampire américain

Acteurs principaux :Christophe Lambert, Lance Henriksen, Michael Bailey Smith, Brennan Eliott, Brad Dourif, Martin Klebba

Rico
NOTE
3/ 5

Non ce Blood Shot là n’est pas le Vin Diesel auquel vous pensez...

C’est pire.

Oui je sais, moi non plus je n’aurais jamais cru pouvoir dire ça un jour, mais ce film est encore plus décérébré et ridicule qu’un blockbuster mettant en vedette Vin Diesel.

Imaginez que l’arme secrète de Washington soit un vampire à la solde d’une branche de la CIA chargée de traquer et liquider les ennemis de l’Amérique. Attention, quand je dis vampire, ne vous imaginez pas le genre seigneur de la nuit ténébreux et charmeur qui se sert de ses pouvoirs pour enquêter et subjuguer ses adversaires en finesse, non, plutôt une brutasse chauve aux allures de nosferatu sous stéroïdes qui, calibres .45 en main, déboule dans des entrepôts pour démastiquer du fondamentaliste enturbanné, en prenant la pose et visiblement beaucoup de plaisir à son travail d’exécuteur.

Le mal au service du bien, c'est pas la classe !

Et notre vampire a du pain sur la planche car une cellule terroriste islamiste particulièrement folklorique, dirigée par un pseudo Ben Laden, est bien décidée à faire exploser une bombe atomique à Los Angeles, et seul notre prince des ténèbres culturiste est capable d’empêcher cela.

Ajoutez un flic un peu déboussolé qui enquête sur les cadavres laissés par l’agent vampirique et se retrouve sur la route de celui-ci, et vous avez la recette d’un film qui devrait casser la baraque.

Rip, le visage pas encore trop tuméfié de la loi...

Mais je vous jure y avait un vampire et il m'a foutu une branlée.C'est ça Mulder, on te croit...


Encore un film frappé du syndrome : sur le papier ça paraissait une bonne idée.

C’est le remake gonflé aux hormones d’un premier court-métrage du même nom avec, déjà, Michael Bailey Smith en espion vampire démastiquant du terroriste. On était alors en pleine vague post Blade et Buffy contre les vampire et les histoires de suceurs de sang qui se castagnent à grands coups de sabres ou de flingues, c'était plutôt dans l'air du temps. Tourné de façon semi amateure mais avec des comédiens et des cascadeurs professionnels par Dietrich Johnston, jeune monteur de formation, le film reçoit un accueil goguenard mais honnête, d’autant que dans la foulée du 11 septembre tout ce qui défonce de l’islamiste a le vent en poupe.

Johnston est convaincu d'avoir de l'or entre les mains avec cette histoire et veut tout de suite transformer son concept en long, ne serait-ce que pour éviter qu’un studio hollywoodien ne plagie l’idée éhontément. Mais les choses s'enlisent. Simple technicien son et montage bossant surtout sur des publicités ou des clips politiques, il tente de faire son trou à Hollywood comme des centaines d'autres apprentis cinéastes, et va galérer dix ans pour concrétiser son passage au long, trouvant finalement début 2010 quelques financements auprès de la famille Wyly, des milliardaires texans très proches du parti Républicain (et depuis en faillite frauduleuse suite à des affaires d'évasion fiscale) ce qui pourra peut-être expliquer un certain ton "décomplexé" du film.

Johnston peut compter sur la participation de plusieurs seconds couteaux, des visages un peu connus ayant participé à son court-métrage comme Michael Bailey Smith (gros bras habitué des rôles de brutes ou de boogeymen dans des slashers, de Freddy 5 où il joue la version super Freddy du grand brûlé aux remakes de La colline à des yeux) qui va reprendre ici son rôle de vampire ou encore Martin Klebba (comédien de petite taille vu notamment dans Pirates des Caraïbes), mais c'est surtout l'arrivée de Brad Dourif, qui donne son accord pour jouer l'islamiste en chef, qui commence à débloquer les choses. Le tournage du film semble avoir été compliqué et étalé sur plusieurs années entre 2008 et 2011 pour une sortie finale en 2013. Au crédit du réalisateur obstiné, qui occupe pas mal de postes techniques du montage au son, ça ne se voit pas si on ne le sait pas.  

Rien que ce titrage, ça tient de la profession de foi.

Le film sort donc officiellement en 2013. Mais premier problème, visuellement il semble être une relique d’un autre temps avec 10 à 15 ans de retard dans son esthétique outrancière comic book, renvoyant aussi sec aux adaptations super héroïques un peu pétées du tournant du millénaire. Franchement il n'aurait pas dépareillé entre un Batman époque Schumacher, un Spawn ou un Catwoman pour le cabotinage de ses méchants improbables, ses plans iconiques sur fonds verts ultra visibles, ses poses stylisées qui ne servent à rien mais qui font classe, ses couleurs agressives, ses cadrages penchés et ses vues subjectives, avec filtres sanglants façon jeu vidéo à la première personne quand le vampire passe à l'attaque.

I'm the Night !

Des plans débullés Battlefied Earth approved.

On se croirait quasiment dans Doom par moments...


Commençons par les bons points. Johnston a certes ramé pour faire son film mais nous livre au final un produit techniquement propre. Grâce à ses actionnaires texans, il bénéficie pour une série B d'exploitation d’un budget convenable de 3,5 millions de dollars d'après certaines sources, d'une équipe technique à peu près compétente et de quelques seconds rôles un peu connus. Si les effets spéciaux numériques ne tiennent pas toujours la route, il offre cependant quelques effets pratiques et maquillages plutôt réussis. Si on sent parfois un certain second degré dans ce qui nous est montré à l’écran, Blood Shot se vend d'abord comme un film d’action fantastique tendance comic book qui pourrait même ouvrir la porte à des suites ou une série télé tant le concept est simple et déclinable à l’infini.

Le problème c'est que derrière ce concept de vampire assassin de la CIA, ce qui nous est montré à l'écran vire à la pantalonnade involontaire tant tous les curseurs du poncif de mauvais goût et le culte de la fausse bonne idée font des ravages.

D'abord le film bénéficie d'un casting alignant quelques gros noms de has been venus cachetonner dans le projet. Il n'est pas impossible que ce soit ça qui ait siphonné une bonne part du budget au passage...

Quand vous êtes une vedette un peu connue qui a échoué dans ce genre de film et que vous vous rendez compte de l’inanité du projet, vous avez trois attitudes possibles (quatre si on ajoute la version dites "à la Michael Madsen" qui consiste à venir cuver sa cuite de la veille sur le plateau).

1. Rester digne et faire comme si de rien n’était, en essayant d’offrir la prestation attendue sans forcer son talent. Comme Lance Henriksen en chef de la CIA qui se contente d’avoir l’air mystérieux en fumant des clopes tout en présentant des dossiers sur la mission, assis à son bureau, d'une voix monocorde.

Preuve de la faiblesse pécuniaire du film : beaucoup de scènes se passent sur un fond noir pour ne pas avoir de décors à créer.

2. Penser très fort à son chèque et faire acte de présence en débitant ses lignes de dialogue d’un air désabusé, comme Christophe Lambert qui joue rien de moins que le Président américain, et qui donne ses consignes au téléphone à l’arrière de sa limousine avec une lassitude quasi palpable.

Lambert présent littéralement 45 secondes dans le film (j'ai chronométré) réparties en 4 scènes, durant lesquelles il passe des coups de fil ou donne des ordres à des conseillers à l'arrière de la voiture présidentielle. 

3. Comprendre parfaitement dans quoi on est et mettre les potards sur 11 en surjouant la moindre scène très au-delà du raisonnable. Brad Dourif est de cette école et puisqu’il doit jouer les méchants imams terroristes de pacotille, il va en faire des caisses, en roulant les yeux ou en débitant des phrases doucereuses ou menaçantes avec un entrain qui fait plaisir à voir.

Brad, le visage passé à l'autobronzant, visiblement se régale et nous régale.

Alors oui... qui fait plaisir à voir si on passe le racisme délirant de ces islamistes de carnaval interprétés pour la plupart par des blancos passés au cirage marron, répondant au générique au vocable terrorist scum et dont la base arrière est littéralement le village de Manyak Akbar !

Oui je sais, l'usage de la police de caractère Papyrus pour faire ethnique est désormais interdite depuis la décision de justice la réservant à Avatar.

En effet, côté politique, le film y va fort : sous ses allures innocentes de comic book, Blood Shot véhicule un petit ton revanchard post 11 septembre, très invasion de l'Irak compatible. Comme le dit le vampire lui même: "Si je suis le mal, eux, c'est un mal encore pire !". On a parfois l'impression de se retrouver dans une des dernières BD de Frank Miller ou dans un Delta Force avec Chuck Norris où tous les méchants sont des caricatures d'islamistes veules, sadiques et libidineux, qui, quand ils ne profitent pas des plaisirs de leurs harems de danseuses exotiques (dont des vierges de 12 ans) sont forcément en train de crier "Mort aux Infidèles et à l'Amérique" tout en s'associant à des trafiquants de drogue (le seul personnage afro américain du film au passage mais bon, sûrement un hasard) pour faciliter leurs projets, et qui ne se cachent même pas pour faire leurs vilénies en costume traditionnel en plein Los Angeles.

A noter au passage, et pour appuyer le trait, qu'ils ont la complicité d'une équipe de journalistes avide de scoop qui se fait un plaisir de relayer leurs vidéos de propagande sanglantes. C'est tout juste s'ils ne sont pas protégés par des politiciens démocrates tiens ! On s'attendrait presque à ce que Steven Seagal ou Kevin Sorbo viennent donner un coup de main au vampire vengeur made in America.

A la décharge de Johnston, tout ceci est présenté de façon tellement outrée qu'on ne peut pas croire qu'il ne s'agit pas dans son esprit d'une caricature volontairement chargée. En 2013 en tout cas j'aurais pu y croire, mais quand on voit ce que le débat politique aux Etats-Unis est devenu depuis... 

Bon mais c'est pas tout ça, pas de politique sur Nanarland, le film ne se résume pas qu'à sa vision outrancièrement caricaturale. C'est dans son déroulé de film d'action fantastique qu'il va aussi gaillardement virer au spectacle d'une gentille mais effective ringardise. 

L'histoire a la simplicité des recettes bien éprouvées du buddy movie et pioche beaucoup dans d'autres oeuvres pour faire monter la sauce. Alors que le vampire liquide des islamistes par paquets de douze, il est poursuivi par Rip, le flic courageux qui tente de prouver au monde et à sa hiérarchie que les créatures de la nuit existent, mais ne récolte que des quolibets de la part de ses collègues et des trempes un peu goguenardes du vampire à chaque fois qu'il tente de l'arrêter. Jusqu'au moment où face au plan diabolique de Bob, l'imam fou interprété par Brad Dourif (oui, les héros appellent le grand méchant "Bob" pendant tout le film car son nom arabe complet est trop compliqué à se souvenir), nos deux adversaires vont être obligés de collaborer voire de devenir amis.

First, they meet. Then they meet and they fight. And then at the end, they fuck. It's unbelievable !

Bon pour la suite, comme le dirait John Nada qui a relu cette chronique, ça va être un peu décousu et au fil de la plume. Mais cela illustre finalement bien l'absurdité d'un film en apparence série B classique mais plombé par tellement de détails grotesques plus ou moins volontaires que cela achève de le rendre complètement idiot.

D'abord tel Batman, notre vampire assassin dispose d'une base secrète sous sa crypte à laquelle il accède via un cercueil/ascenseur spécial décoré du drapeau américain.

Au fait, vous ai-je dit que les islamistes avaient une équipe de nains kamikazes pour creuser le tunnel qui leur permettra de placer leur bombe sous Los Angeles ?

Je vous avais aussi parlé du harem personnel de nos islamistes je crois. Et bien il ne s'agit pas uniquement de repos du djihadiste, mais d'une réserve de sang frais de jeunes vierges, car ces fanatiques ne sont pas juste des fous de Dieu classiques. En effet, face à la menace surnaturelle du vampire, ils décident de se tourner vers la magie noire en utilisant un crâne démoniaque qui permet de transformer notre vampire assassin en djinn à leur service.

Le blue djinn (©Hermanniwy).

Vampire transformé en djinn qui va soudain nouer une relation frisant la romance avec un des nains islamistes.

Après que Rip ait réussi à trouver le moyen de délivrer son nouvel ami du sortilège qui le transforme en esclave des islamistes, le final vire évidemment au grand guignol quand notre vampire mortellement blessé transmet son pouvoir et son statut de protecteur de l'Amérique au flic, qui désormais suceur de sang à son tour, va pouvoir appliquer une justice plus qu'expéditive en faisant bouffer des barres d'uranium aux méchants, ou en balançant un Bob en flammes du toit d'un immeuble, tout en lançant quelques punchlines définitives...

"Là où je t'envoie ça sera toi la vierge !"

Au final, tout était prêt pour un succès... et une suite, ou une série télé. Le réalisateur annonçait même une trilogie qui se voulait, je cite la promo, un croisement entre Jack Burton dans les griffes du mandarin, L'arme fatale et Evil Dead. Mais les retours critiques plutôt affligés à l'issue des premières projections et les problèmes judiciaires et fiscaux des Wyly, ses producteurs, l'année suivante, semblent avoir tué dans l'oeuf les rêves de franchise cinématographique de Johnston. Après dix années de galère et de passion à porter son projet à bout de bras, l'échec relatif du film l'a fait définitivement quitter le métier, et il semble qu'il se soit depuis lancé dans les affaires financières au Texas.

Dietrich Johnston, très fier de ses effets pratiques.

Même s'il y a clairement une part de second degré dans son déroulé, Blood Shot est un spectacle assez décomplexé dans tous les sens du terme et s'avère, malgré quelques longueurs, un bon petit spectacle nanar à voir à plusieurs. C'est une série B d'une réjouissante bêtise, entre ses péripéties et ses visuels de comic book mal digérés, le surjeu effréné de Brad Dourif, son côté furieusement kitsch... et son racisme patriotard inconscient... (on l'espère en tout cas pour son auteur).

Merci à Cyborg pour avoir déniché cette jaquette...

- Rico -

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Le film a bénéficié au fil du temps de sorties un peu partout et d'une exposition sur les chaînes de la V.O.D., notamment Prime chez nous, parfois sous le titre Vampire Assassin (à ne pas confondre bien sûr avec le Ciné Excel homonyme déjà chroniqué chez nous). S'il existe en blu-ray en Allemagne ou aux Etats-Unis, en France il faudra se contenter d'un DVD "Arcades" tout à fait basique, dont le visuel est en en-tête de la chronique.