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La Donneuse


La Donneuse

Titre original : La Donneuse

Titre(s) alternatif(s) :Tremblements de chair (version X), Naked and Lustful, Contre Nature, Y a t-il une queue dans cette chatte (version X)

Réalisateur(s) :Jean-Marie Pallardy

Année : 1975

Nationalité : France

Durée : 1h34

Genre : Femme et maîtresse

Acteurs principaux :Jean-Marie Pallardy, Jean Luisi, Jacques Insermini, André Koob, Willeke van Ammelrooy, Beba Loncar, Bernard Musson, Louise Allard, Rutger Hauer

Drexl
NOTE
3.75/ 5

Jean-Paul Leforestier est un mâle alpha. Un haut responsable d'usine, conscient d'être un pur beau gosse, et menant la vie de château. Respecté par ses ouvriers pour ses compétences humaines et professionnelles, craint par son beau-père de patron – un couard qui n'ose assujettir les femmes comme elles devraient l'être – il n'y a guère qu'un seul domaine où il ne peut asseoir avec fermeté sa suprématie naturelle : son propre foyer.


Jean-Paul et Françoise Leforestier. Un couple qui va mal.

Françoise résiste de plus en plus aux assauts insistants de son mari, et leur couple va être plus encore mis à l'épreuve à l'aune d'une terrible révélation : ils ne peuvent avoir ensemble d'enfant biologique. Un médecin particulièrement débonnaire (Jacques Insermini, toujours dans les bons plans de son camarade Jean-Marie) leur donne le conseil qui finira par avoir raison de leur fragile vie conjugale : faire appel à une mère porteuse étrangère.


Lorsque leur médecin (fidèle Jacques Insermini) leur annonce la terrible nouvelle...



...Jean-Paul Leforestier est effondré.

Après avoir longuement soliloqué sur les troubles métaphysiques d'une telle situation, parfois en présence de son chien Rosco (son confident privilégié), Jean-Paul saute le pas et part à la rencontre de la mystérieuse donneuse, Sylvia, mère célibataire et hédoniste taulière d'un bar d'Amsterdam. Elle est belle, Sylvia, ce ne sont pas les clients de son établissement (dont un fugace Rutger Hauer, qui passait par là) qui contrediront Jean-Paul sur le sujet, ou qui l'empêcheront d'en tomber éperdument amoureux…


Pas du genre à fréquenter les psys, le personnage qu'interprète Jean-Marie préfère se confier à Rosco, son fidèle berger allemand, dont La Donneuse marque le grand retour à l'écran (on avait déjà pu apprécier son jeu naturel et spontané dans Le Dossier érotique d'un notaire, trois ans plus tôt).



Rutger Hauer en guest-star qui tue. L'acteur apparaît une dizaine de secondes à tout casser.



Sylvia, à qui Willeke Van Ammelrooy, compagne d'alors de Jean-Marie Pallardy, prête ses traits.

À la fin des années 70, au sortir d'une décennie à servir la cause du cinéma érotique, Jean-Marie Pallardy n'a plus trop envie de rigoler. Il s'est essayé au cinéma conventionnel avec Le Ricain, et aimerait bien poursuivre dans cette voie, broder des histoires sur les mêmes canevas narratifs qui l'obsèdent alors : la quête de l'amour véritable, hors des convenances d'une société dont il exècre les hypocrisies bienséantes, la sacralisation de la figure de l'enfant, qu'il faut choyer avant que le temps n'ait fait son désastreux office, et, last but not least, la construction d'un surmoi cinématographique à la hauteur de l'ego insatiable de l'auteur.


Bien souvent ils sont partis de rien, avec moi ils vivent le quotidien
Quelles que soient les circonstances, sans faillir, avec la même constance
A la pointe du combat, toujours on les aperçoit
Sachant remonter leurs manches, s'il le faut même le dimanche
Ils se battent pour l'emploi, c'est ça leur honneur, c'est ça leur loi.



Etre patron d'entreprise, il faut que je vous le dise,
C'est être beau joueur, c'est être aventurier,
C'est aussi avoir du coeur et savoir GAGNER.



Bien des jeunes venus des terres lointaines, le sourire aux lèvres et l'âme sereine
Avec courage vers d'autres horizons, savaient porter leurs ambitions
Aujourd'hui écoute moi, l'aventure elle est chez toi
Juste un peu de matière grise, lance-toi dans l'entreprise,
Le pays compte sur toi, allez les PME !
Bâtir c'est ça la vie, allez les PMI !

Le développement de ce dernier aspect dans La Donneuse rapproche d'ailleurs Jean-Marie Pallardy de la démarche de Tommy Wiseau dans The Room : comme Johnny, Jean-Paul est un type formidable pour tout le monde sauf pour sa promise ; son entourage ne fait qu'encenser des qualités fondamentales auxquelles son épouse demeure insensible. La construction du film se voue à démontrer à quel point son héros est génial, que non seulement sa lubricité est légitime, mais qu'en plus elle serait un cadeau pour la femme qui daignerait lui ouvrir son cœur. Son épouse, elle, n'étant qu'une mégère ingrate dévolue à le rendre malheureux et insatisfait (pléonasme !).


Françoise, l'épouse richissime et caractérielle de Jean-Paul, est interprétée par Beba Loncar, une actrice Yougoslave vue en Italie.

Pour retranscrire les tourments de son personnage principal, Jean-Marie Pallardy a recours à un stratagème qu'il n'emploie que trop peu souvent : le soliloque. Jean-Paul Leforestier se livre ainsi à de récurrentes auto-psychanalyses et autres divagations souvent non-sensiques, qui assurent à elles seules un bon quota du potentiel hallucinatoire du film. Citons notamment ce vaporeux enchaînement de répliques, tandis que notre héros se prend en pleine gueule le spectre de sa future paternité, confiée aux bons soins d'une inconnue avec qui il s'imagine dialoguer : « Mademoiselle ? Madame ? Je suis le père de votre enfant et je ne vous connais même pas. Vous pouvez être aussi bien une concierge, ou une marchande de poissons. Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Ma voisine, peut-être. Oui, vous pouvez être ma voisine ou même… Ah non, vous ne pouvez pas être ma femme. Ça, j'en suis sûr. Et pourtant, ma femme est la mère… Oui, c'est ça. Il n'y a qu'une seule mère ». Et des réflexions de ce tonneau, le film en est autant truffé qu'un champ birman de mines anti-personnelles. Elles bénéficient en outre de l'apport indéniable d'une bande originale proprement innommable, où un pianiste épileptique cède la place à des jeux de cordes hystériques dans leurs écarts mélo.

Côté mise en scène, le ton aurait plutôt tendance à donner dans une ronflante sobriété, de temps à autre bousculée par de légers faux raccords ou des cadrages assez hasardeux – jusqu'à ce que la relation avec la donneuse du titre se fasse plus poussée. Quand Jean-Marie filme sa compagne de l'époque (Willeke Van Ammelrooy, solaire et énamourée), il se transcende jusqu'à devenir une sorte de Lelouch bourru, détournant son plus fameux hit pour en livrer sa propre version – un homme, une femme, un gamin, chabadabada.


Un moulin, des tulipes et Willeke Van Ammelrooy. Pas de doute, on est bien aux Pays-Bas.



Chabadabada... chabadabada...

Une parenté dont l'évidence se fait jour dans l'un des invraisemblables points culminants du film (au bout de 1 heure et 7 minutes, si vous voulez tout savoir). Jean-Paul et Sylvia se retrouvent dans un champ de tulipes au pied d'un moulin (n'oubliez pas qu'on est en Hollande), et laissent éclater leur joie au gré d'un superbe éclat de rire forcé d'une précieuse vingtaine de secondes. La caméra tourne autour d'eux avec frénésie, comme dans les 53 plus belles scènes du réalisateur du Genre Humain : Les Parisiens, les perd parfois pour mieux les récupérer dans sa ronde hypnotique.








Love is all.

La Donneuse devient alors une assez touchante déclaration d'amour du cinéaste à son amour d'alors, où le mâle dominant tombe la carapace et se transforme spasmodiquement en parangon de tendresse grâce à cette passion enfin partagée. Même quand le drame reprend ses droits, c'est dans un double climax pas vraiment saisissant (dont Cristian Mungiu a eu bon ton de ne pas s'inspirer dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours), expédié d'une façon pour le moins déconcertante, featuring le deuil le plus rapide du monde…


L'indispensable Jean Luisi.



Une image orpheline, perdue entre deux séquences (à 42mn 58). Ne constituant pas un cas unique dans La Donneuse, s'agit-il d'un choix délibéré de l'éditeur de laisser tel quel un montage un peu raboteux ou bel et bien d'un oubli ?



L'arriviste incompétent Michel Delamotte, grand rival amoureux et professionnel de Jean-Paul Leforestier. Il est interprété par André Koob, important distributeur et par ailleurs réalisateur de Bruce contre-attaque et La Filière chinoise, tous deux avec Bruce Le.

Lâchons un gros mot : La Donneuse est, dans la filmographie de Jean-Marie Pallardy, le film qui se rapprocherait le plus du cinéma d'auteur. Un cinéma d'auteur aux bases un rien bousculées, certes, mais qui se fait le témoin de la personnalité adorablement contradictoire de son auteur, capable de se conduire en pétulant macho dans une scène puis de mettre dans la suivante des mots à la naïveté désarmante dans la bouche de son héroïne (« Regarde Jean-Paul comme il fait beau ! Le soleil, la mer, le vent, les oiseaux… Respire la vie ! »). Tout le film, enfin, déborde d'un énorme besoin de reconnaissance de son réalisateur magnifié, en tant qu'homme idéal et accompli. La quête d'une vie…

- Drexl -
Moyenne : 3.38 / 5
Drexl
NOTE
3.75/ 5
John Nada
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
B.F./ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation


L'éditeur Le Chat qui Fume a accompli un travail de restauration, allez, disons-le, remarquable pour l'ensemble de la collection. Comme expliqué dans le bonus Le Journal d'une Restauration, le processus a été assez périlleux : après avoir numérisé toutes les copies d'un même film, il a fallu 1/ faire le tri entre les versions érotiques et les versions hard, 2/ gérer tous les problèmes de copies souvent issues de plusieurs chutes de pellicules, comme des bandes noires pas droites (d'où des recadrages parfois assez hardcore !), des couleurs délavées, des bandes-son désastreuses, des restes de scotch, témoins de la précipitation du montage… Et on en passe. Un travail de longue haleine, dont on savoure le résultat en tirant chapeau bas aux félins clopeurs.


En bonus, on peut trouver un entretien d'une heure avec le réalisateur, Le journal érotique de Jean-Marie Pallardy. L'interview est filmée en plan fixe, dans un décor rococo, émaillée d'extraits "sulfureux" donnant furieusement envie au fan hardcore de s'envoyer l'intégralité de sa filmo dans la foulée. Le réalisateur y revient brièvement sur ses origines (pas vraiment la période de sa vie sur laquelle il est le plus disert…), ses débuts au cinéma, les conditions de tournage épicuriennes de ses œuvres érotiques, ses diverses collaborations, ses démêlés avec la censure. Le tout avec une verve typiquement pallardienne : une lecture totalement premier degré de sa filmographie, réfutant toute tentative d'analyse (voir comment le pauvre interviewer est rudoyé en fin d'entretien !), n'admettant ses fautes qu'à demi-mot (notamment sur le traitement, pas toujours très correct, de ses actrices), tout en assumant coûte que coûte ses œuvres. Son unique regret reste de n'avoir pas su demander plus d'argent à ses producteurs pour que ses films soient de meilleure facture… L'entretien ne couvre que le volet érotique de sa filmographie, et passe malheureusement outre ses films plus "traditionnels".


Outre Le journal érotique de Jean-Marie Pallardy et Le Journal d'une Restauration, cette édition DVD concoctée par Le Chat qui Fume propose également les 10 bandes-annonces de la collection Pallardy (qui ne sont malheureusement pas des bandes-annonces d'époque) ainsi qu'une galerie de cent photos issues de la collection privée du réalisateur.


Pour tâcher d'être complets, précisons encore que La Donneuse était sorti en VHS en France chez Delta Vidéo Diffusion sous le titre Contre Nature, et aux Editions Européennes dans une version caviardée d'inserts pornographiques sous le titre poétique et chantonnant Y a t-il une queue dans cette chatte.


Un titre frais et léger, des crédits fantaisistes et une tête de Pallardy en indien tirée de Règlements de femmes à OQ Corral, coupée-collée à la va-vite pour masquer le vice, la luxure et le stupre.