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Les Seigneurs de la route

(1ère publication de cette chronique : 2003)
Les Seigneurs de la route

Titre original :Death Race 2000

Titre(s) alternatif(s) :La Course à la Mort de l'An 2000

Réalisateur(s) :Paul Bartel

Année : 1975

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h20

Genre : Carmageddon

Acteurs principaux :Sylvester Stallone, David Carradine, Simone Griffeth, Mary Woronov + John Landis en mécano

John Nada
NOTE
B.F./ 5


Comme dans Rollerball, sorti la même année aux E.U. dans le contexte pessimiste des années ’70 (choc pétrolier, après-guerre du Viêt-nam, Watergate etc.), Les Seigneurs de la Route dépeint, dans un avenir proche, une société dans laquelle un événement sportif ultra-violent sert d’exutoire aux masses et facilite aux dirigeants la conduite du troupeau.


De même que, jadis, la Rome Antique avait ses combats de gladiateurs, les Provinces-Unies d’Amérique ont la Grande Course Transcontinentale, une course automobile d’un genre un peu particulier où l’on marque des points en écrasant les gens. Ainsi, l’égalité des sexes n’étant pas de mise, « les femmes, quel que soit leur âge, rapportent 10 pts de plus que les hommes », les adolescents valent 40 pts, les bébés et les jeunes enfants de 12 ans et moins assurent un solide 70 pts et chaque vieillard écrasé gratifie le chanceux pilote d’un généreux 100 pts (même les officiels de la course rapportent un joli 50 pts, règle inventée en cours de course). Comme le dit lui-même le Président : « Si tu veux vaincre, tous les coups sont bons ! ».


Ainsi, perpétuant la bonne vieille tradition américaine du chacun pour soi, la violence et les coups bas sont de mise tout au long de la course entre les différents pilotes qu’anime une rivalité haineuse. Il y a Néron et son bolide décoré comme un char romain, Calamity Jane au volant de El Toro, la farouche Matilda Attila, une blonde aux yeux bleus fonçant dans une voiture flanquée d’une svastika, que le speaker présente comme une « adorable fanatique de la croix gammée » et qui beugle « Blietzkriiiiieg » à chaque hit, Mitraillette Joe Viterbo (Sylvester Stallone), étrangement attifé d’une cravate rose bonbon (une sorte d’avant-goût du n’importe quoi vestimentaire que célébreront les années ‘80), dauphin hargneux du pilote champion Frankenstein, dont il écrase les fans par jalousie, ce dernier (interprété par David Carradine) faisant figure de véritable héros national, « seul survivant du titanesque carambolage de 1995 » devant son surnom à sa monstrueuse condition, n’étant plus qu’un « ensemble de plaques de métal et d’horribles plaies », Frankenstein, « qui a perdu une jambe en 98, un bras en 99 », dont on dit qu’avec son nouveau bras articulé il serait capable de changer de vitesse en 1/20ème de seconde, de retour « avec la moitié d’un visage, la moitié d’une poitrine mais toutes ses tripes ».


David Carradine alias Frankenstein


En parallèle cependant, une opération anti-course est lancée « au nom de l’humanité » par quelques résistants qui luttent pour la liberté en général, et celle de ne point se faire écraser impunément en particulier, s’efforçant pour cela de pirater les retransmissions télévisées et d’éliminer les pilotes.


Sly, tout en hargne, dans un de ses premiers rôles.


Comment ne pas être séduit d’emblée par un film aux perspectives aussi alléchantes ? Pas vraiment un modèle de conformisme, Les Seigneurs de la Route offre pas mal de séquences proprement jouissives que la morale tendrait plutôt à réprouver. Ainsi, chaque année, à l’occasion de la course, les hospices instaurent une « journée de l’euthanasie », durant laquelle de jolies infirmières disposent des vieillards en chaise roulante sur la route, à l’attention des pilotes. Interviewée à la télévision, l’épouse de la première victime, un malheureux ouvrier écrasé en direct, a droit à une croisière de rêve, un somptueux appartement à Acapulco et un ensemble d’éléments hi-fi vidéo dernier cri (« son octophonique ») avec lequel la veuve joyeuse pourra continuer à suivre la course.


Une jeune fan de Frankenstein, membre des « Amoureuses de Frankenstein, section St Louis », s’offre en sacrifice à son idole, pour lui apporter quelques points supplémentaires, par amour. Ses amies prendront bien soin d’immortaliser l’instant en la prenant en photo juste au moment de l’impact. Quant au Président des Provinces-Unies d’Amérique, quand il ne se repose pas dans son palais d’été à Pékin, il déclame d’édifiants discours rétrogrades depuis Moscou sur fond de musique mystique et de bannière étoilée soviétisée en rouge et or (anti-communisme contextuel oblige).


Ca c'est du tuning !!!


Proche de Running Man ou de Marche ou Crève (romans écrits par Stephen King sous le pseudonyme de Richard Bachman) dans les thèmes qu’il aborde, Les Seigneurs de la Route se révèle à la fois un bon divertissement et une critique acerbe et singulière, vilipendant en premier lieu les événements sportifs de grande audience et les jeux télévisés déviants. Phénomène ultra-populaire diffusé dans tous les foyers par le biais de la télévision, la Grande Course Transcontinentale met en scène des pilotes assassins que les foules fanatisées acclament sous le regard bienveillant d’un pouvoir despotique. Les yeux rivés au petit écran, le badaud guette la mort en direct et oublie du même coup de s’intéresser à ses problèmes et à son devenir.


Dans la foulée, le film n’oublie pas d’épingler les commentateurs sportifs, ici au nombre de trois : il y a Junior, l’enthousiaste hystérique et volontiers complaisant, de loin le plus horripilant de tous, Harold, le blasé, qui commente l’événement comme s’il s’agissait d’une partie de pétanque amateur en nocturne et Grace, une vieille peau démagogue qui promène son chic de rombière devant les caméras en affichant un sourire au charme glamour quelque peu périmé. Il convient de constater qu’à travers eux, les médias s’en prennent véritablement plein la gueule !


D’ailleurs, à sa sortie, le film sera descendu par une partie de la presse qui le taxera d’extrémisme, l’accusant de véhiculer des idées fascistes, comme avant lui Orange Mécanique ou, beaucoup plus tard, Fight Club. S’il se montre radical dans sa logique et son propos, sa violence s’avère pourtant plus volontiers parodique que réellement complaisante, en ce que le corrosif réalisateur Paul Bartel fait une utilisation habile de l’humour noir. Relativement bien fait et spectaculaire, rondement mené, Les Seigneurs de la Route se révèle ainsi beaucoup plus pêchu que le déprimant Rollerball (1ère mouture), sans pour autant être moins critique.
Prévoyant sans doute que son traitement satirique et mordant ne serait pas évident pour tout le monde, le film y va franchement, jusqu’à se conclure par un discours déclamé sur un ton ultra-pédagogique lancé par la séquence pré-générique : « Au sujet de la violence, rappelons que la technique de la violence est apparue pour la première fois il y a deux millions d’années. Le para-australopithèque, un anthropoïde du sud de l’Ethiopie, n’avait pour ainsi dire pas de cerveau, mais cela ne l’empêcha pas d’inventer l’outil et de s’en servir sur la tête de son voisin. Cet exercice contribuera à agrandir sa cervelle, une nouvelle arme très utile. Oui, l’assassinat fut inventé avant même que l’homme eut appris à penser ! Par la suite, bien sûr, l’homme fut considéré comme un animal doué de raison... » Unique !


Le DVD allemand


Mais alors, si Les Seigneurs de la Route est aussi bon, pourquoi en parler sur Nanarland ? Sans doute parce qu'il correspond parfaitement à nos yeux à la définition du plaisir coupable. Non, il ne s'agit pas d'un "nanar" au sens où on l'entend généralement sur ce site (d'où son classement dans la catégorie "au-delà du nanar"), mais d'une bisserie dont presque chaque aspect nous enthousiasme, que ce soit la présence du fringuant David Carradine dans le rôle titre, celle de Roger Corman à la production, Sylvester Stallone dans un de ses tout premiers rôles, en cravate rose bonbon, le visage déformé par un rictus de haine, vidant un chargeur de mitraillette pour exprimer son mépris à la foule, ou tapant du poing sur la table en beuglant : « Je n’ai que deux mots à dire : mer-dique ! », ou encore un générique d’ouverture kitschissime, sur fond de moteurs rugissants. Au final on ne sait plus vraiment si on apprécie ce film au premier degré, au second degré, au dernier degré ou au degré zéro, et peu importe : la seule certitude c'est qu'on l'apprécie.


Frankenstein, tentant d'échapper aux méchants terroristes français ! (oui, dans le film ces fourbes de Français sont les ennemis de la vraie Amérique)


Dès l’année suivante, Paul Bartel et ses acolytes, Roger Corman et Peter Cornberg, remettront le couvert avec Cannonball, encore un film de course de voitures insolite, avec une nouvelle fois David Carradine dans le rôle principal, mais pour un résultat sans grand intérêt : envolés la violence et l’humour noir, la contre-utopie et la parabole politique. En se montrant trop sage, Paul Bartel – peut-être un peu refroidi par les critiques délirantes faites au sujet des Seigneurs de la Route – accouchera cette fois d’un film fade. Dommage !


Quand au remake avec Jason Statham sorti en 2008 (et qui a engendré 2 suites de plus en plus fauchées), il offre une série B. totalement impersonnelle et s'oublie aussitôt visionné...

- John Nada -
Moyenne : 0.00 / 5
John Nada
NOTE
B.F./ 5
Mayonne
NOTE
B.F./ 5
Nikita
NOTE
B.F./ 5
Rico
NOTE
B.F./ 5
Labroche
NOTE
B.F./ 5
Kobal
NOTE
B.F./ 5
Wallflowers
NOTE
B.F./ 5
Jack Tillman
NOTE
B.F./ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation
"Mad Movies" a eu l'heureuse idée de ré-éditer ce film pour accompagner son magazine. Dommage qu'en dehors de la version originale il y ait si peu de bonus à se mettre sous la dent. De plus, la jaquette parfaitement hideuse ne rend en rien justice au film.


Sinon on l'a aussi revu chez "North Entertainment". L'image n'est pas nickel mais il n'y a pas non plus mort d'homme...


Sinon on pourra se rabattre sur les DVD et Blu-ray assez basiques de chez "Universal", mais il n'y a pas la version française. Dommage.

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