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Entretien avec
Toby Russell

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Toby Russell Toby Russell est un homme clef du kung fu indépendant. Il a travaillé de nombreuses années à Hong Kong et Taïwan avant de co-fonder "Vengeance Video", le label vidéo du magazine Britannique "Eastern Heroes". Il est aussi un ami de Robert Tai depuis 1984 dont il était déjà fan depuis 1980. En effet, lorsqu'il vit "Devil Killer", il voulut absolument rencontrer ce "malade" comme il le dit lui même.

Les connaissances de Toby en matière de kung fu nous ont permis de poser un vaste panel de questions assez pointues. Nous nous sommes mis à plusieurs sites (Hkcinemagic, Drkungfu, Cinemasie et Nanarland) pour explorer avec lui cet univers méconnu. Par chance, Toby Russell, habituellement peu loquace, a gentiment répondu à toutes nos questions avec une grande franchise et nous le remercions tous pour sa disponibilité. Nous avons autant que possible essayé dans la traduction de conserver le style assez direct mais parfois haché des réponses originales.

Toby Russell et les films de kung fu (partie de l'interview menée par HKCinemagic)DE VENGEANCE VIDEO À RARESCOPE

Qu'est-ce qui vous a motivé à fondé votre propre label vidéo ?

Faire de l'argent et sortir le plus de films de kung fu possible.

Quels sont vos critères lorsque vous sortez un film ? Faites-vous attention à la qualité du support, du master ou la présence d'une bande originale ?

Aussi bien que je puisse le faire, dans certains cas, si le film est un classique, je veux le faire aussi bon que possible, comme lorsque j'ai voulu sortir "Snake in the Monkey Shadow", mais la piste mandarin est perdue et ils en ont fait une nouvelle que je hais donc je ne le sortirai pas jusqu'à ce que je trouve la piste originale cantonnaise ou mandarin, la piste anglaise appartenant elle à R.P. Shah de "Imperial Pictures".

Que pensez-vous de l'évolution du marché vidéo ? Comment comptez-vous rivaliser avec les nouveaux distributeurs comme HK Legend ?

"HK legends" sont mes amis. Brian White travaillait pour moi, ils ne sont pas en compétition avec moi. Si quelqu'un veut un film, il l'achète.

Vous vous êtes récemment essayé à l'exercice du commentaire audio. Avez-vous aimé cette expérience ? Pensez-vous que c'est un bon média pour partager votre passion avec les fans ?

Je n'aime pas du tout faire ça, ça m'ennuie de le faire, je ne suis pas un bon tchatcheur.

Pensez-vous réaliser de nouveaux documentaires sur les films d'action chinois ?

Pas pour le moment.

TAIWAN VS HONG KONG

Vous avez travaillé aux deux endroits. Que pensez-vous des différences de production, de tournage entre les deux ? Y avait-il une rivalité entre les productions taïwanaises et hongkongaises ou une compréhension mutuelle et une solidarité entre réalisateurs chinois ?

Les gens de HK sont plus durs et malfaisants. Ils feront délibérément des choses pour vous mettre en mauvaise posture. Taïwan, c'est le contraire.

Vos propres goûts en tant que public semblent aller vers les films de kung fu taïwanais. Pourquoi les trouvez-vous plus intéressants que les films faits à HK ?

Non, je ne suis pas d'accord avec ça, j'aime autant HK que Taïwan.

En tant qu'étranger, où vous sentez-vous le plus à l'aise, le mieux accueilli par les locaux de l'industrie du cinéma ?

C'est très facile pour moi de parler avec les gens de cinéma puisque je connais leurs films mieux qu'eux ne les connaissent. ça les rend heureux, à HK aussi.

"Possessed 2"

EXPERIENCE D'ACTEURComment avez-vous participé à "Possessed 2" ? Pouvez-vous nous aider à identifier le gentleman noir qui a joué dedans (si je ne me trompe pas, il joue aussi dans "Isle of Fantasy") ?

Je n'avais pas d'argent à HK, j'ai donc demandé à mon ami si il pouvait m'avoir un petit rôle, ce qu'il fit, il y avait deux Noirs dans le film, l'un était Errol Chan, l'autre un Néo-Zélandais qui joue aussi dans "La Fureur du Dragon", j'ai oublié son nom. J'étais un fan du réalisateur David Lai, j'ai vu son film "Lonely 15" et nous en avons parlé entre les prises, on a passé un bon moment.

Même question à propos de "Aces Go Places 3" ("Mad Mission 3"). Avez-vous été témoin des problèmes de Tsui Hark pour réaliser de ce film ?

Oui, il est devenu fou avec l'assistant de production pour m'avoir engagé alors que j'étais si jeune. Il a disait : "Mec, comment ce putain de gosse peut-être la crème des hommes de la C.I.A !!!!". J'avais à peu près 19 ans à ce moment-là, j'étais aussi en Père Noël. J'ai dû changer mes sourcils avec ceux de Sam Hui. J'étais content de le rencontrer, c'est le meilleur chanteur chinois à mon avis.

Toby Russell à gauche dans "Aces go Places 3" ("Mad Mission 3")

Pourquoi n'apparaissez-vous pas autant dans des films que vos collègues comme Bey Logan ?

J'ai fait beaucoup de films à Taïwan, en Malaisie aussi mais ils n'ont pas été beaucoup vu à l'étranger, parfois je regarde la télé et je me vois, j'avais oublié que j'avais fait ce film.

Vous pratiquez les arts martiaux mais vous ne montrez pas beaucoup vos capacités à l'écran, excepté dans "Ninja the Final Duel". Pourquoi ?

Je ne suis pas bon, voilà pourquoi.

Étiez-vous en bons termes avec la clique d'Occidentaux qui travaillait dans l'industrie pendant le début des années 90 (Mark Houghton, Bruce Fontaine, Steve Tartalia, Jeff Falcon...) ?

Oui, je les connais tous, ils sont mes amis... enfin la plupart.

Bruce Fontaine, John Ladalski, Erica Roe, Jeff Falcon et Dan Mintzsur le tournage de "The Inspector wears Skirts 2"

RÉALISATION

Il est très rare pour un Occidental d'être pleinement impliqué dans le processus créatif de réalisation, que ce soit à HK ou à Taïwan. Avez-vous rencontré des obstacles ?

Non.

"Trinity Goes East" représente-t-il le film que vous rêviez de faire ? Quel serait votre projet rêvé et jusqu'où êtes vous allé pour cela dans vos productions précédentes ?

Non, Trinity n'était pas un projet rêvé mais je pense que c'est un film qui aurait pu être beaucoup mieux fait qu'il ne l'a été. Le problème principal était le lieu de tournage, le Vietnam, un endroit terrible pour tourner ce genre de film, je voulais filmer à Taiwan, à HK, en Malaisie, partout plutôt qu'ici, mais Tai insistait là dessus. Je savais qu'il ne serait pas aussi bon si nous le faisions là-bas et j'avais raison. Le film n'est pas si mauvais, mais ce fut le premier projet où j'ai perdu de l'argent.

Mon rêve serait de faire un film avec des combats comme dans "The Victim", les armes de Jackie Chan, les flips des films de Robert Tai, les kicks de Hwang Jang Lee et le réalisme de Tommy Carruthers au coeur d'une histoire dans le Shanghai des années 20.

A propos de Robert Tai et de l'expérience de Toby Russell à ses côtés (partie de l'interview menée par Dr Kungfu alias Robert Tai Temple)

Vous avez dit vouloir absolument rencontrer Robert Tai après avoir vu "Devil Killer", qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans le travail de Robert Tai au point de vouloir le rencontrer ?

J'étais un fan de Robert Tai suite à "Incredible Kung Fu Mission", "Secret Rivals 3" et "Thundering Mantis" (je ne savais pas qu'il avait aussi fait les films des Venoms à cette époque même, si j'avais vu la plupart des films des Venoms). Donc un jour, je suis au cinéma à Leister square, je vois une affiche "Prochainement : Devil Killer", c'est en chinois mais je peux lire beaucoup de mots chinois et je vois que Robert Tai réalise ce film, donc je sais que ce doit être quelque chose de bon. Je le vois finalement et je me prends une claque depuis le début du générique jusqu'aux combats finaux. Ils étaient différents de tous ceux que j'avais vu dans les autres films. Ils étaient remplis de mouvements et chaque image était utile au combat, avec personne à courir autour à attendre son tour, ils combattaient tous en même temps, stylés, acrobatiques, avec des armes et des mouvements puissants, c'était comme un feu d 'artifice. Après le film, j'ai dit à mon ami Wayne Archer (acteur dans beaucoup de films HK) : Je dois aller à Taiwan et rencontrer ce type, Tai, et travailler pour lui : c'est un malade !"

Vous dites que Robert Tai vous a proposé de joué dans "Mafia Vs Ninja", version 3 heures pour la télé. Vous connaissiez déjà Alexander Lo. Comment avez-vous rencontré Eugene Thomas et Sylvio Azzolini ?

Quand je suis arrivé à Taiwan la première fois, je n'avais que le numéro de Chiang Sheng, il était trop occupé pour me faire la visite et me présenter, je lui ai donc demandé le numéro de Chu Ko (je le connaissais de HK et c'était un type très cool). Je l'ai appelé et suis parti à sa rencontre. Nous sommes restés ensemble pendant plusieurs jours alors qu'il tournait pour la télé. J'y ai rencontré un jeune nommé Xiao Shan, nous sommes devenus bons amis. Je lui ai demandé s'il connaissait Tai, il me dit que oui, qu'il participait à une série appelée "Big monk little hero" (très bon show), il m'a donné le téléphone d'Alexander et je l'ai appelé. Il a pensé que je plaisantais lorsque je lui ai dit que j'étais un fan qui voulait lui parler, bref nous nous sommes rencontrés et je lui ai parlé de la folie kung fu au Royaume-Uni, aux USA et dans les Caraïbes, il n'était pas du tout au courant et fut très choqué, il a ajouté qu'il me ferait rencontrer Tai.

Plus tard dans la nuit, il m'a téléphoné pour me dire que Tai et Lam Tien Hung voulaient me rencontrer, ce qui fut fait le lendemain, c'était génial, Lan avait apporté des tonnes d'affiches de "Mafia v Ninja" et me le présentait comme leur nouveau film, ils voulaient faire une version vidéo plus longue et m'ont demandé si je voulais être dedans. J'ai obtenu un rôle pour Mimmo [Note de Nanarland : Mimmo Gasbarri, qui fit une brève carrière d'assistant réalisateur sur des films comme "Sakura Killers"], c'est à ce moment que Tai m'a dit qu'il avait aussi fait tous ces films des Venoms.

Silvio Azzolini dans "Final Duel".

Je n'ai pas recontré Eugene Thomas et Sylvio Azzolini avant plusieurs jours à la maison de M. Lan. Silvio était originaire d'Amérique du Sud, il étudiait le kung fu à Taipei, il n'a tourné que dans "Mafia Vs Ninja" et "Ninja the Final Duel". Il est parti après le tournage à Dallas pour ouvrir une école de kung fu. Eugene quant à lui est resté à Taiwan pendant un bon moment, il faisait parti d'une équipe de basket semi pro qui appartenait à Ng See Yuen, il y a rencontré Billy Chong et Carl Scott. Il a rencontré Alexander à la salle de gym Wong Tao et c'est comme ça qu'il est arrivé dans les films de Tai, il a fait aussi beaucoup d'autres bons films à Taiwan pour d'autres réalisateurs, personne n'en a entendu parlé depuis 1990.

Eugène Thomas, Toby Russell et John Ladalski dans "Ninja the Final Duel".

Robert Tai et Alexander Lo se sont rencontrés la première fois sur "Incredible Kung Fu Mission" (si je ne me trompe pas). Comment est née et comment se passait leur relation particulière maître / élève ? Est-ce qu'il y avait des différences notoires avec vos propres relations avec Tai ?

Alexander Lo est le frère de Tong Lung, qui a joué dans des films des 70's. En fait, "Devil Killer" utilise un de ses films pour la partie la plus ancienne. Je pense que Tang Lung a envoyé Alexander vers Lam Tien Hung après qu'il ait remporté le championnant taïwanais de Tae Kwon Do en 1978. Tai a apprécié Alexander dès le début et lui a demandé s'il voulait étudier la réalisation avec lui. il fut d'accord et travailla avec lui sur des films comme "Shaolin Heroes" et "Fist Full of Talons" avant "Devil Killer" et "Shaolin vs Ninja". Tai traîte tous ses étudiants de façon stricte mais toujours avec loyauté et bienveillance.

Alexander Lou et Robert Tai, maître et disciple devant et derrière la caméra.

Votre filmographie de Robert Tai parue dans "Eastern Heroes" N°6 contient des années de production totalement différentes de celles habituellement vues sur internet. Ainsi, "Shaolin Vs Ninja" aurait été réalisé en 1980 au lieu de 1983, et devient du même coup son premier film entièrement réalisé par ses soins, "Mafia Vs Ninja" aurait été ralisé en 1982 au lieu de 1984, et "Shaolin against Lama" et "Ninja Vs Shaolin Guards" seraient de 1981, soit antérieurs à "Mafia Vs Ninja". Comment expliquez-vous ces différences qui ont une incidence notoire sur le parcours de Robert Tai et son équipe ?

"Shaolin Vs Ninja" 80/1 ; "Shaolin Chasity" 81/82 ; "Ninja Guards of Shaolin" 82 ; "Shaolin against Lama" 82 ; "Mafia" 83/4

En considérant votre filmographie de Robert Tai, avez-vous vu "Shaolin Vs Ninja" avant d'être impliqué dans "Mafia Vs Ninja" ?

Oui, je l'ai vu en 1983 en Malaisie, je les ai rencontrés en 84.

"Shaolin Vs Ninja" est considéré par certains fans comme une étape importante dans la façon de filmer l'action et le travail avec les câbles au cinéma, Ching Siu Tung lui-même aurait été influencé par ce film par le biais de son frère qui a travaillé dessus. Qu'est-ce qui rend le film si spécial à votre avis et quelle est l'histoire derrière sa production et son tournage ? Pouvez-vous nous expliquez pourquoi ce film est si sous estimé aujourd'hui et pourquoi les seules copies disponibles sont en si mauvais état ?

Ce film est l'enfant chéri de Lam Tien Hung et de Robert Tai. A cette époque, les films de ninja étaient en vogue grâce aux films de Sho Kosugi. Ce qui est unique à propos de Shaolin Vs Ninja, c'est que certains des acteurs / cascadeurs utilisés étaient les meilleurs jamais vus en Asie et ce, jusqu'à aujourd'hui. Cela a même été dit par Sammo Hung et Corey Yuen Kwai qui ont utilisé certains d'entre eux dans "Ninja in the Dragon's Den" (avec la permission de Tai). Jackie voulait aussi les hommes de Tai pour la scène de la pyramide humaine de "Dragon Lord", Tai l'autoriserait seulement si Jackie lui laissait tourner la scène, Jackie refusa (Jackie, Sammo, et Tai sont bons amis depuis l'adolescence).

Les cascadeurs dont je parle sont N°18 Lee Hai Hsing, N°5 Wu Hao (malheureusement, il fut paralysé du coup pendant le tournage de "Shaolin against Lama"), il fut la doublure de Conan Lee dans "Ninja in Dragon's Den" - sur le haut de la table, et aussi de Chan Siu Lung dans "Cooks of Kung Fu", le double salto frontal sans trampoline ni rampe. Le troisième est William Yen, un élève plus jeune que les deux autres, ils ont tous été à l'école de l'opéra d'Hai Kwang (la Marine). Il y avait aussi N°7 Ah Yung (épée et bouclier, il jouait le sabreur dans "Ninja Vs Shaolin Guards"). Ce sont leurs performances acrobatiques extrêmes et leur culot ensemble couplé à l'esprit créatif de Tai qui font de "Shaolin Vs Ninja" un classique. Il y a des mouvements dans ce film qui sont si dangereux, comme lorsque N°18 descend les escaliers de nuit en faisant des flips, ou N°5 qui réalise des flips contre le mur, ou William Yen et ses sauts périlleux arrières sur des poteaux (cet excellent plan est plus court dans le film). Quand j'ai demandé à Tai pourquoi il avait réalisé des mouvements aussi dangereux pour un public qui ne les remarquerait même pas, il m'a répondu : "ces mouvements sont là pour que les gens de l'industrie du cinema voient à quel point nous sommes bons ".

Je ne pense pas que le frère de Tony Ching Siu Tung ait travaillé sur ce film mais Alan Hsu oui, et c'est un bon ami de Siu Tung, c'est lui qui a partagé beaucoup de secrets de tournage avec Ching, Ching a aussi pu voir le film en privé dans un labo à HK. Vous remarquerez que la scène où le maître Shaolin est tué par des ninjas dans "Shaolin Vs Ninja" est presque la même que celle dans "Duel to the Death".

Mais je sais de façon certaine que le frère de Chin Siu Tung, Ching Siu Lung (acteur, monteur, effets sonores) était l'un des monteurs de "Ninja the Final Duel", et qu'il a donné à Siu Tung les cassettes pour qu'il les visionne. Il a même téléphoné à Robert Tai pour lui demander comment il avait fait le plan avec le ninja qui se fait propulser à 100 mètres dans les airs, Siu Tung voulait utilisé ce plan dans "Chinese Ghost Story", mais Robert Tai lui a dit : "tu as les cassettes, travailles dessus toi-même" mais il ne pouvait pas. A vrai dire, ce qu'a fait Tai était très malin, mais c'est un secret que je ne peux vous révéler.Je ne veux rien enlever à Ching Siu Tung, c'est un grand réalisateur à sa manière, mais dans son optique il est normal de copier les autres si vous le voulez. Il se trouve que j'étais membre du même vidéo club que lui à Kowloon, il était toujours là à louer des films (des mauvais aussi, je m'en souviens), son frère aussi est un pro pour piquer le travail des autres, il a pris les effets de l'arme de Robocop sur le laser disc et les a utilisé dans "The Killer" de John Woo, Tai de son côté regarde rarement la télé, encore moins des films.

Ce film n'a jamais été bien exploité à travers le monde, puisque "Golden Sun Films" ne travaillait qu'avec des petites compagnies, donc le seul endroit où vous pouviez le voir sur grand écran était au Japon, le film a fait de bonnes recettes dans les pays du Tiers-monde.

Vers 1999, Monsieur Lan a vendu tous ses films à la "Warner Bros" donc je doute que ce film sorte un jour. Mais qui sait, un jour peut-être.

"Fists of Legends 2" est un film "2 en 1" initialement pris de "Return of the Assassin" (1973) chorégraphié par Lau Kar Wing, avec Larry Lee que vous semblez bien aimé vu la place que vous lui offrez dans "Top Fighter". Comment est né cette folle, improbable melange entre un faux Bruce Lee et un faux Jet Li ?

Mon ami George Tan est venu avec l'idée alors que Roy Mc Aree, le détenteur du film, venait de le lui céder. Je l'ai juste produit, j'ai beaucoup aimé ce projet où tout s'est déroulé en douceur, nous avons tourné les nouvelles prises en 4 jours et demi, je voulais que William Yen soit l'acteur principal, mais il m'a dit s'être retiré du cinéma, il m'a dit que Tai l'avait fait travaillé trop dur, et tout ça pour rien, il est donc parti pour ouvrir un restaurant à Shichuan en Chine. Vraiment dommage car il est bien meilleur que Jet Le. Van Damage (Todd Senofonte) était la vraie doublure de Van Damme dans beaucoup de ses films, il lui a d'ailleurs montré "Fist of Legends 2", Van Damme a été si impressionné qu'il l'a viré.

Todd Senofonte (le faux JCVD), Jet Le (le faux Jet Li), Larry Lee (le faux Bruce Lee) et Robert Tai dans "Fists of Legends 2".

"Ninja the Final Duel" a été monté et remonté plusieurs fois pour sortir sous différents formats. Le dernier exemple est "Shaolin Dolemite" avec l'ajout actuel de Rudy Ray Moore. Qu'est-ce que Robert Tai voulait faire à l'origine avec plus de 12 heures de rushes ? Quelle est votre contribution dans ce long procédé, et enfin comment en êtes-vous venu à choisir Rudy Ray Moore ?

J'ai aussi demandé à Robert Tai qu'elle était l'idée originale du film et lui-même n'en est pas sûr. Le projet a été financé par un milliardaire malais appelé Terry Chang, il est aussi propriétaire de "Kings Video" à Taiwan (Tai lui a obtenu le deal avec la Shaw).

Je pense que Tai exploitait juste le gars et continuait de tourner tant que l'argent était là, à ma connaissance, il y a eu deux films faits (35mm) et deux versions vidéo exploitées, Singapour, la Malaisie, la Thaïlande, Taiwan et la Corée sont les seuls à avoir eu ces versions. Encore une fois, c'est George qui voulait utiliser Rudy Ray Moore pour le marché américain juste parce que c'est une grande star là-bas, Tai était heureux de le faire puisqu'il allait se faire de l'argent, la version complète n'est toujours pas sortie, je me prépare à faire un box DVD chez "Soulblade DVD" à Londres bientôt.

Comment expliquez-vous qu'un créatif aussi brillant que Robert Tai n'ait jamais bénéficié de budgets plus importants, et pourquoi êtes-vous quasiment le seul à l'avoir toujours suivi ?

Le problème avec Tai c'est son tempérament, il a une très forte personnalité, si un producteur ne pouvait pas le maîtriser, il était fini, Lo Wei l'a viré, Sun Chung l'a viré, Chang Cheh et lui se sont beaucoup battus - Il a fermé les plateaux des Venoms de nombreuses fois. Une fois, il est même retourné à Taiwan pour protester pendant le tournage de "Life Gamble", Mona Fong a du envoyer des gens le supplier de revenir car il ne pouvait pas terminer le film sans lui, Chang Cheh disait que les prises n'étaient pas bonnes tant que Tai ne s'en était pas occupé. Il est très créatif et il n'aime pas qu'on lui dise quoi faire, vous devez le laisser seul faire ses trucs, à partir du moment où vous lui dites non je veux ci ou ça, il vous crie dessus : "si tu veux ça, alors fais-le toi-même !" Beaucoup de gens savent très bien à quel point il est brillant, mais ils savent aussi combien il est difficile à contrôler, Ti Lung refusait de tourner "The Heroes" à moins que Tai en soit pour faire les combats. Il n'était pas content des frères Yuen qui étaient à l'origine les chorégraphes (à ce propos, les Yuen ont engagé plus tard les élèves de Tai, Chiu Chung Hsiang (Child of Peach) pour travailler sur beaucoup de leurs films des années 80). Quelques patrons à HK m'ont dit que la personnalité de Tai était une honte, alors qu'il aurait pu être l'un des meilleurs.

Il est un peu comme Van Gogh, les gens ont dit qu'il était une merde pendant toute sa vie, et maintenant ses peintures sont les plus chères du monde. Le public n'aime que ce qu'on lui dit d'aimer ou ce qui est en vogue, moi je n'aime que ce que j'aime, je me fiche de savoir si je suis seul ou si il y a du monde. J'ai aimé Jackie quand j'ai vu "Shaolin Wooden Men", je n'ai pas eu besoin de voir "Drunken Master" pour savoir qu'il était le meilleur.

A PROPOS DES FILMS DE KUNG FU TAIWANAIS AU DEBUT DES ANNEES 80

Au début des années 80, la scène indépendante du kung fu taiwanais semble comme un petit monde où tout le monde se connait. Y avait-il une grande famille taiwanaise ? Quelles éaient les relations entre Robert Tai, Ng Kwok Yan, William Cheung Kei, Lee Tso Nam et Joseph Kuo ? A quelle échelle avez-vous été impliqué avec eux ?

Tous ces gens se connaissent depuis la fin des années 60 ; ils sont comme une grande famille. J'ai travaillé avec beaucoup d'entre eux d'une manière ou d'une autre, jouer, produire, interviewer, faire du travail d'appoint, comme apporter des négatifs pour Lee I Min, beaucoup de choses. C'est triste qu'il n'y ait plus d'industrie du film ici. Chang Kee est le fils de Lam Tien Hung, l'autre fils de Monsieur Lam est Lan Hai Han, le jeune maître ninja dans "Mafia Vs Ninja". il a travaillé plus tard pour Tsui Hark ("Swordsman 2", "The Blade"). Je me demande bien pourquoi ????

Pensez-vous que les réalisateurs taiwanais du début des années 80 sont toujours ou ont été sous estimés à la vue de leur influence sur l'action moderne et l'action ninja ? Si oui, quelles en sont les raisons ?

Non, je pense que beaucoup de gens dans le monde savent que les ninjas taiwanais sont les meilleurs, la plupart ont été entraînés par Tai dans le parc pendant le pré-tournage de "Shaolin Vs Ninja". Demandez à Yuen Kwai pourquoi il les a utilisés dans "Ninja in the Dragon's Den".

Henry Sanada et Conan Lee dans "Ninja in the Dagon's Den"

Quelques acteurs de la Shaw Brothers ont joué dans des films taiwanais à cette période, comme Ti Lung avec les Venoms, Yasuaki Kurata, Chen Kuan Tai avec Lee Tso Nam et Jimmy Wang Yu avec... lui-même. Ti Lung nous a dit que ce n'était pas une période très heureuse pour lui. Que savez-vous de l'atmosphère sur ces tournages, en particulier "Shanghai 13", mais aussi les autres comme "Ninja in the Deadly Trap", "Life of a Ninja" et "Challenge of the Lady Ninja" avec Chen Kuan Tai et Yasuaki Kurata ?

Ti Lung m'a dit deux fois que "Heroes" était son film taiwanais préféré, il était triste à ce moment là parce que la Shaw Brothers était en déclin. "Shanghai 13" a été fait par Hwang Kwo Chu et non Tai, je comprends que le film ait eu quelques petits problèmes.

Pensez-vous que le retour des Venoms à Taïwan et le tournage de "Ninja in the Deadly Trap" sonne un peu comme le crépuscule de cette génération de combattants, tous présentés dans "Shanghai 13" ? Comment se sentaient Philip Kwok, Lu Feng et Chiang Sheng pendant ces tournages ?

Lu Feng et Chiang Sheng étaient heureux de revenir à Taiwan, Philip Kwok ne l'était pas, Chiang Sheng ne pouvait pas plus se fiche de ces films, ils ne représentent rien pour lui. J'étais avec lui à HK pour la première de "Attack of the Joyfull Goddess", le cinéma était plein et donc il m'a dit : "ne regardons pas le film, allons plutôt manger...".

Chiang Sheng et Ricky Cheng Tien Chi dans "Attack of the Joyful Goddess"

Votre filmographie de Robert Tai date "Heaven and Hell" de 1977 au lieu de 1980 vu partout sur le net, qui a raison ?

Bien sûr, c'est 77.

GODFREY HO, LA MALAISIE ET LA BRUCEPLOITATION (partie de l'interview menée par Nanarland)À PROPOS DE GODFREY HO

Vous êtes crédité comme acteur dans "Angel Mission / Born to Fight" réalisé par Chris Lee et Godfrey Ho. Ce réalisteur a une très pauvre réputation parmi les fans. Comment s'est passé le tournage ? Puisque vous êtes expert en cinéma HK, que pouvez-vous nous dire de ce mystérieux personnage ?

Godfrey Ho est un gars très cool et un réalisateur compétent aussi, je l'ai rencontré la première fois lorsqu'il réalisait "Man from Holland". J'étais impressionné de voir à quelle vitesse il travaillait, J'ai eu un petit rôle dans "Angel Mission", mais Godfrey était supplanté par Philip Ko Fei et tous les cascadeurs, il était comme un maître d'école s'occupant d'une bande de mauvais garçons.

Je ne pense pas qu'il soit mystérieux, il a vraiment fait beaucoup de films, mais ces films IFD coréens il ne les a pas fait, ils ont été fait par les Coréens. Il enseignait le cinéma jusqu'à l'année dernière à l'école polytechnique de Hong Kong (Roy Horan a aussi enseigné là-bas - les sciences). J'ai oublié ce que fait Godfrey maintenant. Je l'ai rencontré il y a 6 mois environ, il me l'a dit mais je ne m'en souviens plus.

À PROPOS DE LA MALAISIE

Vous avez travaillé en Malaisie avec John Ladalski en tant que scénariste, réalisateur et acteur dans deux films. Comment vous-êtes-vous retrouvé sur ces projets ? Ces films étaient-ils destinés au marché local ou international ?

C'est John qui m'a eu ces boulots, j'ai été à Cannes en 89, j'ai rencontré un type appelé Sunny Lim, il m'a demandé si je voulais faire des films en Malaisie, j'ai dit oui bien sûr, et je l'ai fait. Ils étaient pour le marché malaisien avant tout mais le premier film, "Dadah Connection", a été vendu dans de nombreux pays. C'est un film honnête mais jamais fini puisque Alexander voulait plus d'argent pour rester une semaine supplémentaire et Lim a dit non, donc il y a quelques scènes manquantes. Il a été tourné en super 16mm comme "Ninja the Final Duel". Le second film a été tourné en 35mm, l'équipe était tous des amateurs, c'était fou mais on a passé un bon moment. Le film était bon aussi si on le prend dans le sens délirant, je ne l'ai pas monté puisque Sunny ne m'aurait pas payé pour rester et le monter, donc ils ont pas mal défiguré le film.Aujourd'hui, Sunny va tourner un film avec Seagal, Van Damme et Mike B, la nouvelle star du kung fu Thai.

Le cinéma d'action des Philippines et d'Indonésie nous sont familiers mais nous ne sommes pas très au courant des productions malaises. Pouvez-vous nous en dire plus à leur propos ?

Il y en a peu et elles sont loin derrière, mais dans les années 50 il y avait beaucoup de films faits par la Shaw Bros et un grand réalisateur appelé P Ramlee. Le problème avec eux est qu'ils sont tellement fainéants et qu'ils manquent de créativité, la même chose peut être dite pour les Singapouriens.

Bruce Li Siu Lung contre Lung Fei dans "New Game of Death" alias "Goodbye Bruce Lee"

À PROPOS DE LA BRUCEPLOITATION

Comment la mort de Bruce Lee a-t-elle été vécue à HK ? Nous sommes surpris de voir autant de films qui utilisent des images d'archive de Bruce Lee dans son cercueil. N'était-ce pas choquant pour le public à cette époque ?

Non

Est-ce vrai que les films de faux Bruce Lee n'étaient faits que pour l'exportation et ciblait une audience occidentale ? Est-ce que le public de Taïwan et Hong Kong s'intéressait à ces productions ? Est-ce que le marketing autour de ces films (le nom des acteurs, les titres, les affiches reprenant les photos du vrai Bruce Lee) était élaboré dans le but de méprendre le public occidental ?

Non, Taiwan était un gros marché pour ces films aussi, Bruce Lee - True Story a été vu doublé en cantonais pour sa sortie cinéma, je l'ai.

Il semble que la vague de la Bruceploitation ait une origine taiwanaise plutôt qu'hongkongaise, Est-ce vrai selon vous ? Comment est venu l'idée de faire des films de faux Bruce Lee avec des stock-shots de Bruce Lee lui-même ?

Je ne suis pas sûr de cela, puisque les producteurs de ces films taiwanais vivaient à HK aussi. Mon ami Monsieur Shih Chiao Chin, il a tourné les plans des funérailles de Bruce Lee avec l'idée de les utiliser dans les films qu'il a produit comme "Fist of Unicorn" et "Story of Drunken Master".

Vous avez rencontré et parlé avec de nombreux acteurs spécialisés en faux Bruce Lee comme Bruce Li Siu Lung, quelle est votre opinion sur eux et pouvez-vous nous parler de personnes comme Bruce Li, Bruce Le, Bruce Liang, Dragon Lee et d'autres que vous appréciez particulièrement ?

Bruce Li : très gentil, poli, courtois, gros fan de cinéma et de Bruce Lee.

Bruce Le : businessman magouilleur fou, aime parler vite et voir grand, jamais peur de prendre des risques, c'est pourquoi il est maintenant en prison en Chine pour escroquerie. J'ai demandé à l'interviewer mais il a refusé, pensant que les gens le détestaient de copier Bruce Lee. Je lui ai dit que non, qu'ils l'aimaient pour ça, mais il ne voulait toujours pas le faire, au moment où je lui ai demandé il a fait la Une des journaux pour la vente de ses devises, titres et actions. Je l'ai rencontré plusieurs fois, à Cannes même.

Bruce Leung : fanatique complet des arts martiaux, aime les combats. En fait c'est tout ce dont il parle, combattre, combattre, combattre, et c'est un bon.

Dragon Lee : très intelligent, très sympa, je ne l'ai rencontré qu'une fois pendant 1 heure environ dans un Coffee Shop coréen, mais il était génial, c'est un bon businessman aussi, il a une chaîne de cinémas en Corée.

Pouvez-vous nous en dire plus sur Dick Randall et André Koob, deux producteurs qui sont venus à Hong Kong pour tourner des films avec Bruce Le pour le marché occidental ?

Je ne connais pas André Koob, jamais entendu parler. Dick Randall, je connais bien, c'était un chic type. J'ai fait la dernière affaire de sa vie, et sa femme a dit que ses derniers mots furent "Dis à Toby que le Master est à Del Compo", c'est un labo à Rome. Une nuit j'ai invité Dick et sa femme à une séance kung fu tardive au cinéma pour voir "Eight Diagram Pole Fighter" à Brixton, il a adoré, il a dit que c'était sa plus belle expérience de cinéma !

- Interview menée par La Team Nanarland -