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Entretien avec
Raven De La Croix

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Raven De La Croix

Raven De La Croix est une actrice américaine, passée à la postérité en 1976 pour avoir été l'héroïne du célébrissime "Megavixens" du cultissime Russ Meyer. Récemment enrôlée par William Winckler dans le très référentiel "The Double-D Avenger", elle a gentiment accepté de revenir sur sa carrière mouvementée, en acceptant une longue entrevue. Cependant, face au contenu (très) riche de ses réponses, nous avons préféré vous faire part de nos "morceaux choisis" en version française, et invitons tous les anglophones fans de Raven à lire l'intégrale de cette interview dans sa version originale.

Interview menée par Labroche en décembre 2002.


Comment avez vous réagi quand William Winckler vous a apporté le script de The Double-D Avenger ?

On m'a souvent demandé de m'impliquer dans tout un tas d'activités artistiques. J'ai appris dans la vie qu'on ne pouvait pas prendre tous les bateaux qui passent. J’ai aussi appris que l'intérêt personnel dans ce que vous entreprenez est bien plus important que la rémunération. En d'autres termes: "suivez vos rêves et faites ce qui vous excite avant toute chose !" J'ai donc tourné beaucoup, mais j'ai tout le temps privilégié ce qui me semblait fun et productif. Tant de choses bien et...si peu de temps ! Des gens m'ont conseillé de ne pas m'engager sur le projet The Double-D Avenger parce que s'était hasardeux, que la rentabilité n'était pas assurée et ainsi de suite. Mais je sentais bien le script, ainsi que Bill et Dezzi [Nanarland : le réalisateur et son épouse]. Je me suis donc finalement engagée. Cela prouve que j'ai eu raison de suivre mon instinct. La suite promet d'être encore plus marrante que The Double-D Avenger ! J'ai maintenant deux rôles à jouer, on va bien s'amuser !

En fait, j'ai rencontré Bill, et je l'ai tout de suite bien aimé, c'est quelqu'un de bien, honnête et droit, amusant et gentil. Sa femme Dezzi et lui forment un heureux couple, nous avons eu la chance d'assister à leur mariage, c'était merveilleux et plein d'amour. Dezzi est elle même une merveilleuse "performer". Une célèbre chanteuse (aussi bien d'opéra que de n'importe quel style) dans son pays où n'importe où où l'on puisse entendre sa voix. Elle, comme Bill Winckler a multiplié ses savoir-faire pour mener à bien The Double-D Avenger ! Donc, j'ai lu le script en même temps que je rencontrais l'équipe du film lors des premières répétitions. Les gens étaient gentils, et les personnages amusants. « Al Purplewood » était fabuleux, et « Pirate Jugs » était aussi drôle qu'excellent. TOUS les personnages étaient prêts, nous pouvions commencer.

J'aime les comics, et ce film en était vraiment un pour moi ! Ainsi je devins le Dr. De La Croix.

Vous semblez avoir pris beaucoup de plaisir à faire ce film, comment s'est passé le tournage ?

OUI ! Et je regrette de ne pas avoir été présente dès le départ, car Bill m'a trouvée après le reste du casting. Au départ, Bill avait écrit le rôle pour une sorte de "Groucho Marx gay", et finalement, il ne l'a pas changé pour moi. J'ai d'abord lutté avec le rôle avant d'entrer dans la peau du personnage, tant que bien que mal, tout en m'amusant follement ! C’est sorti de manière un peu folle, et je me suis vraiment amusée à le faire. Les dialogues semblaient faire écho à Russ lui-même quelques fois. Je trouvais que cela donnait un parallèle intéressant avec l'habitude qu'avait Russ d'immortaliser certaines choses dans le script et à l'intérieur de ses histoires. En effet, Russ était particulièrement gêné par ma spiritualité, quand d'autres personnes trouvent cela sensuel. Kitten était plus à son goût, étant donné qu'elle trouvait très amusant de laisser tomber sa poitrine dans son assiette de purée lors des diners familiaux pour thanksgiving, sans se soucier de qui était à table...

Particulièrement quand Russ était en colère contre quelqu'un... Il se répandait en insultes dans les dialogues du film... Bien sûr j'ai eu ma part.

Quel est votre souvenir le plus mémorable de la période des films de Russ Meyer ? Est ce que tourner dans The Double-D Avenger vous a rappelé cette période ?

J'ai été découverte dans un restaurant par Samantha Monsieur, qui travaillait comme chasseuse de tête pour les célèbres casting d'Eddie Foy pour la 20th Century Fox. A cette époque je travaillais au service promotion dirigé par Steve Topley pour LAX & Far Out Productions ~ la maison de disque de WAR; Jimmy Witherspoon; Ronnie Laws; Eloise Laws; Tanya Tucker; Lee Oscar; Lonny Jordan, Aalon, etc. Je n'avais jamais entendu parler de Russ Meyer, mais Steve Gold et Jerry Goldstein de Far Out Production ADORAIENT ses films et me conseillèrent d'aller le voir, étant moi même assez fan de comics. Je suis donc allée le rencontrer à son bureau, qui était sur Hollywood Boulevard. Non pas que je sois exhibitionniste... En fait, je ne me rendais pas compte qu'il aurait pu me le demander, étant donné le genre de films qu'il allait me proposer ! Je n'ai d'ailleurs jamais vu aucun de ses autres films jusqu'à il y a trois ans. J'ai vu Faster Pussycat Kill, Kill lors d'une remise de récompense avec entre autre Forrie Ackerman et William Shatner. Bref, quiconque connaît Russ Meyer trouverait pratiquement incroyable le fait qu'il n'ait pas exigé de "voir" avant de tourner ! Des ANNEES plus tard, il m'a dit qu'il ne l'avait pas exigé parce qu'après avoir auditionné plus de 400 femmes pour le rôle, il savait que j'étais un matériau pur pour le film, et il ne voulait pas tout gâcher en m'effrayant à force de chercher la perfection. Il décida donc de se fier à son instinct, et selon lui... il a eu raison.

La mentalité de Russ englobe tous ses films de différentes manières : les femmes sont, soit dangereuses, on ne peut pas leur faire confiance, elles abusent de vous et vous laissent morts ou vifs... Ou au contraire, les femmes sont brutalisées, des victimes abandonnées. The Double-D Avenger n'a rien en commun avec la manière de travailler de Russ. Bill est beaucoup plus flexible et permet aux artistes d'être eux-mêmes. Bill souligne le côté idiot de la mentalité américaine vis-à-vis du sexe et des femmes. Cela tient plus d'un Benny Hill à l'américaine que d'un folklore sanglant... Son travail s'apparente plus à une sorte de comic-book, les personnages par exemple, ne sont jamais éliminés dans des circonstances gores.

J'ai plus tard réalisé combien il était extraordinaire que Russ n'ait PAS demandé à voir mon corps avant de tourner.

"Up" semble avoir été un travail vraiment dur pour vous, vu le caractère de Russ. Si c'était à refaire, le referiez-vous?

Je suis l'aînée d'une famille de 8 enfants, orginaire du Bronx à New York. J'ai donc été habituée au travaux pénibles, et... j'ai apprécié l'action et les cascades, ainsi que les inestimables leçons que j'ai pu tirer du fait d'être impliquée dans un film et ce, sous tous ces aspects. Tout ceci s'est avéré inestimable au fil des ans et des projets où j'ai pu appliquer tout ce que j'avais appris. Russ ETAIT tyrannique, mais je l'avais cerné depuis le début, et j'avais identifié son attachement à ses camarades de l'armée. J'avais donc pris l'habitude de le saluer après chaque scène de cette manière « Quelle est la prochaine prise, Chef !? ». Je lui fournissais tout ce qu'il attendait en trois prises maximum. Dans le même temps, il est clair que tout dépend du mariage des énergies entre les acteurs et les techniciens. Russ était un perfectionniste avec ses propres standards. Il est évidemment trop tard pour travailler de nouveau avec Russ, mais si ce n'étais pas le cas j'accepterais avec les mêmes raisons qui m'ont poussé à accepter la première fois.

Je crois qu'avec Megavixens, Russ s'est compromis. Il s'est éloigné de son style originel de "voyeuriste" montrant de belles femmes innocentes, ou au contraire, montrant des femmes qui ne seraient plus victimes (films d'action érotiques) mais plutôt des sortes de "vengeresses" (ce qui a eu pour effet d'embrouiller les féministes). Je pense qu'il a finalement écouté les conseils de quelques "amis" en faisant ses scripts. Il a débattu misérablement avec les féministes et a essayé de fournir des images consensuelles qui conviendraient à tout le monde. L'industrie du « hard core » lui reprochait d'être fade, les féministes, de montrer des femmes nues, et le « main stream » était choquée quoi qu'il fasse. Donc, dans un monde où il aurait dû être plus fort pour soutenir son propre art, il s'est compromis et ne s'en est jamais remis. C'est malheureux, parce qu'il est évident que dans ses films précédents Russ avait innové et ouvert une brèche pour ce genre qui s'est retrouvé dans le génie comique de Benny Hill ou de certains autres films cultes, comme celui de Bill Winckler. Si c'était la formule originelle de Russ Meyer qui était à refaire aujourd'hui, avec toutes les filles de l'époque, je le referais certainement ! Mais d'un point de vue plus réaliste, nous avons quelques bons réalisateurs de comédies, et Bill Winckler est certainement en train d'explorer un genre nécessaire en ce moment (pour l'amusement et la détente). Bill est très occupé à expédier le produit sur demande, partout dans le monde. Il est là pour nous redonner le sourire de manière saine et amusante. Le « hahahaha » est de retour grâce à des plaisanteries idiotes et sexy comme l'homme canular dans « Les monologues du vagin ».

C'est malheureux, parce qu'il est évident que dans ses films précédents, Russ avait innové et ouvert une brèche pour ce genre qui s'est retrouvé dans le génie comique de Benny Hill ou de certains autres films cultes.

"Up!" and "The Lost Empire" sont deux films mega cultes, est-ce que cela a été difficile à gérer par la suite ?

C'est sur, "UP!" et "Lost Empire" sont les plus populaires et les plus cultes. Il y a aussi "Six Days in Roswell" et "The Elastic Zenith". En tous les cas, la célébrité est quelque chose de dur à gérer. A Hollywood, il semble que chacun est dans le business et ce qui détermine combien de temps vous allez durer, c’est combien votre coeœur est ouvert, comment vous traitez les gens, si vous les traitez avec gentillesse et si vous avez de la gratitude par rapport au succès et au talent. C'est propre à chacun de savoir comment réagir et répondre face aux gens. Mais je trouve que les gens ici sont constamment « en demande », exigeants. Même les célébrités. En tous les cas, je trouve rares les producteurs et écrivains hommes qui comprennent suffisamment les femmes pour leur donner des rôles intéressants et positifs, plutôt que les habituels rôles stéréotypés de femmes-fantasmes. Je ferais mieux de me mettre à écrire moi-même !

William Winckler est en train de préparer une suite à The Double-D Avenger, dans lequel vous allez jouer le rôle principal. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

J'ai lu le script et je hurlais déjà de rire, sachant ce que Bill en ferait. J'ai deux rôles principaux dans cet opus ! Il y a même Mikee, mon mari qui joue le faire-valoir du deuxième rôle principal. Quand à Kitten, elle travaille sur un autre projet, et Haji a dû déménager à New York, elles ne joueront donc pas dans cette suite. Pour la première partie, j'incarne toujours le side-kick (personnage secondaire rigolo) de Double-D Avenger. Le second personnage que j'incarne est du type Elvira, qui se révèle en fait être la soeœur maléfique du docteur De La Croix (l'autre personnage). Il semblerait que cette fois-ci, la Double-D Avenger ait encore à se battre pour protéger sa ville du crime : un proxénète, très 70's, a trouvé un plan pour extorquer des fonds, à l'aide de ses 4 prostituées. Elles injectent en effet un sérum aux politiciens avec qui elles couchent, ce qui a pour effet de les transformer en loups-garous ! Elles ont obtenu le sérum de Gertrude (la méchante du film) et Doc De La Croix doit vite trouver un remède ! Le tout dans une atmosphère hilarante, sans temps mort !

La plupart des gens vous voient avant tout comme l'actrice principale des Vixens, alors qu'en fait, vous avez littéralement eu plusieurs vies. Quelle aspect de vous aimeriez-vous que les gens retiennent ?

Raven De Lumiere, c'est la femme que je devins après, revenant de sous terre et émergeant à la lumière. Ravenne Z, c'est moi maintenant. La somme de toutes les autres. Le MOI faisant face à la lumière. La part de moi qui a toujours et sera toujours présente, c'est celle qui n'a jamais vraiment grandi, je suis devenue une enfant responsable ! (rires) Mais pas mon coeœur. Je suis très romantique en fait. Le grand amour dans la vraie vie est éclaboussé par tous ses exploits sexuels hardcore qui ôtent tout sentiment et pureté du cœoeur. Ma vie a souvent été entachée par des personnes intéressées par le profit de ce que pouvaient rapporter « mes atouts naturels généreux ». Ce dont les gens devraient se rappeler de moi ? Ce qu'il y a d'important est à l'intérieur. Ne cherchez pas en dehors de vous-mêmes. Accepter l'image que le miroir vous renvoie. Il n'y a pas d'accident dans la création. Seulement la vie et le droit de créer ses propres rêves depuis un canevas vide, c'est cela le challenge.

Raven aujourd'hui, en phase avec elle-même.

- Interview menée par Labroche -