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Entretien avec
Gary Daniels

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Gary Daniels

Vedette du film d'action de série B, Gary Daniels, qui pour beaucoup restera à jamais "Ken le survivant", présente à sa manière un parcours exemplaire : authentique athlète et artiste martial hors pair, il est passé par les Philippines et Hong Kong avant de devenir une star des vidéo-clubs dans les années 1990. Gary Daniels a eu la gentillesse de bien vouloir revenir pour nous sur son parcours, avec franchise et lucidité.

Interview menée par John Nada en février 2008.


Pour commencer, comment êtes-vous passé du monde des arts martiaux à celui du cinéma ? En fait, nous savons que hormis un petit rôle dans la série "Deux Flics à Miami", c'est aux Philippines que vous avez véritablement débuté votre carrière. Comment vous êtes-vous retrouvé sur le tournage de "Final Reprisal" ? Jim Gaines (James L. M. Gaines Jr.), qui était lui aussi acteur dans "Final Reprisal", a ensuite réalisé ce qui est votre deuxième film, "The Secret of King Mahis Island", et qui demeure malheureusement inconnu par chez nous. Quels sont vous souvenirs de Jim, de ces deux premiers films et de votre séjour aux Philippines ?

Je pense que vous savez déjà que je suis originaire d'Angleterre, où j'ai commencé à pratiquer les arts martiaux vers l'âge de 8 ou 9 ans. Je suis d'abord parti aux Etats-Unis quand j'ai eu la vingtaine, prenant des cours de comédie et apparaissant dans quelques publicités et petits rôles à la télé, avant d'aller aux Philippines quand j'ai eu 23/24 ans. J'y ai rencontré Wilson Tieng, qui dirigeait alors la firme Solar Films et m'a fait signer un contrat de deux ans. C'est Wilson qui m'a présenté le réalisateur Teddy Chiu [Nanarland : alias Ted Johnson alias Teddy Page. Gary nous apprend donc que c'est ce réalisateur bien connu de Nanarland qui signe la réalisation de "Final Reprisal", ici caché sous le pseudonyme de "Ted Hemingway"] et James (Jimmy) Gaines, qui était le scénariste de "Final Reprisal", mon premier film aux Philippines.

De gauche à droite : Teddy Chiu, Max Thayer et Jim Gaines (photo prise par Nick Nicholson).

Bien évidemment, à l'époque j'étais encore très naïf en ce qui concerne l'industrie du cinéma. Du coup, Jimmy est devenu à la fois une sorte de mentor et d'ami qui m'a appris les ficelles du métier. Il m'a fait découvrir Manille et ses environs et a contribué à me former au métier d'acteur. Jimmy est quelqu'un de vraiment chouette, avec un grand sens de l'humour et un caractère très calme, très décontracté, donc c'était facile de s'entendre avec lui. J'étais jeune et impulsif à cette époque et c'est un peu grâce à Jimmy que j'ai appris à gérer ce tempérament. Les deux années que j'ai passées aux Philippines comptent parmi les meilleures de ma vie. "Final Reprisal" n'avait rien d'un chef-d'oeuvre, mais je me suis éclaté à le faire et à bosser avec Teddy, Jimmy et un paquet d'autres expatriés et vétérans de l'armée américaine vivant et travaillant aux Philippines. J'ai aussi beaucoup appris sur le processus de création d'un film, le genre de choses qu'on ne peut apprendre dans aucune institution scolaire.

Le second film que j'ai fait là-bas s'appelait "The Secret of King Mahis Island", et devait être une sorte de film d'aventures et d'action à la Indiana Jones, mais ça s'est plutôt mal passé. Le réalisateur initialement en charge du projet a jeté l'éponge au bout d'une semaine et Jimmy a pris le relais, mais il y avait toutes sortes de problèmes et au final le résultat s'est avéré catastrophique. Il n'y a dès lors rien de surprenant à ce que le film n'ait pas bénéficié d'une large distribution, et ce n'est pas moi qui m'en plaindrai.


Après ces premiers tournages aux Philippines, vous avez ensuite commencé à faire des films aux Etats-Unis pour le compte de Cine Excel. Cette petite société de production américaine semble entretenir des liens avec son homologue philippine Kinavesa/Silver Star, que dirige un businessman chinois nommé K. Y. Lim (producteur, via Cine Excel, de films vous mettant en vedette comme "Capital Punishment", "American Streetfighter" ou "Final Impact"). Est-ce Jim Gaines (qui a beaucoup travaillé pour lui) qui vous a présenté à Mr. Lim ? En sauriez-vous plus concernant l'association entre Cine Excel et K. Y. Lim ?

J'ai d'abord rencontré Kimmie Lim aux Philippines avant de rencontrer Wilson Tieng. En fait à la base je suis parti aux Philippines parce que ma petite amie de l'époque était allée là-bas et y avait rencontré un réalisateur du nom de Wilfredo Lim. Elle lui avait donné des photos de moi, une vidéo me montrant à l'entraînement et il avait alors dit que si je venais aux Philippines, il "ferait de moi une star". C'est la raison pour laquelle je suis parti dans l'archipel. Sauf qu'il s'est avéré que ce type me prenait pour un Américain plein aux as qui allait financer ses films, et du coup quand il a réalisé que ce n'était pas le cas il a coupé les ponts. Comme je me trouvais désormais aux Philippines, j'ai décidé de tenter ma chance auprès de différents producteurs et Kimmie a été l'un des premiers que j'ai rencontrés. Il m'a proposé un rôle de figurant dans un de ses films mais j'ai refusé. Plus tard, une fois rentré aux Etats-Unis, je suis allé au Marché du Film Américain pour y voir Kimmie Lim, et David Huey était avec lui dans le stand. La discussion s'est engagée et c'est là qu'ils m'ont proposé de tourner dans des films, aux Etats-Unis. A l'époque j'étais à la fois serveur dans un restaurant et prof d'arts martiaux, donc l'opportunité de faire à nouveau des films était la bienvenue.

Vous avez donc tourné plusieurs films pour Cine Excel et continué à travailler avec eux pendant plusieurs années. L'acteur Mel Novak, figure récurrente de ces productions, disait du patron de la firme, David Huey, qu'il tirait toujours le meilleur parti des budgets de ses films. Etait-ce aussi votre sentiment ? Comment se passait le boulot avec David Huey, et qu'elle était l'ambiance sur les plateaux d'une société de production indépendante comme Cine Excel ? Vous avez à nouveau travaillé avec cette firme en 2006 en tenant la vedette de "Reptilicant", près de dix ans après votre précédent film tourné pour eux. Quels commentaires vous inspire ce dernier opus ?

David Huey est quelqu'un de bien et là encore nous sommes rapidement devenus amis. Comme le dit Mel Novak, David sait exploiter au mieux les budgets de ses films, et ces budgets étaient très réduits. "Capital Punishment" a été le premier film qu'on ait fait ensemble, et je crois que le contrat que David avait signé avec Kimmie stipulait qu'il ne devait pas y avoir plus de 15 mn de dialogue dans le film. On a donc tourné 42 scènes de combat en 3 semaines, c'était très éprouvant physiquement. Avec le recul, je dirais que je n'aurais jamais dû faire ces trois films, car je pense qu'ils ont porté préjudice à ma carrière, mais tout ça aura fait partie de mon apprentissage et j'ai noué une solide amitié avec David qui se poursuit à ce jour. C'est cette amitié qui m'a amené à accepter de faire "Reptilicant", même si là encore ça n'est pas le meilleur choix de carrière que j'ai pu faire.

Dans "Capital Punishment", votre combat final contre Tadashi Yamashita (alias Bronson Lee, le nom qu'il utilisait dans des films de bruceploitation) s'impose comme le clou du film. Comment était-ce de travailler avec Yamashita, et qu'avez-vous pensé de ses compétences en arts martiaux ?

Tadashi Yamashita était un ami de mon Sifu (Maître) ainsi qu'une des légendes contemporaines du karaté. Travailler avec lui fut donc un honneur, il est très talentueux et j'ai profondément apprécié notre collaboration. Je lui ai laissé chorégraphier l'essentiel du combat final et il a fait du bon boulot.


On se souvient que dans "Niki Larson", vous affrontiez Jackie Chan en personne au cours d'une scène mémorable parodiant le jeu vidéo "Street Fighter 2". On imagine que votre motivation a dû être grande face à la star hongkongaise. Pourriez-vous nous relater cette expérience ?

Le tournage de "Niki Larson" fut une super expérience, qui est arrivée tôt dans ma carrière. J'aurais adoré travailler avec Jackie une fois devenu un peu plus mûr. J'étais déjà un grand fan de Jackie Chan depuis mes 15 ou 16 ans, alors quand j'ai reçu un coup de fil pour travailler avec lui j'étais aux anges. On a tourné près de deux semaines sur un bateau de croisière au Japon, puis trois mois et demi environ à Hong Kong, et ce fut une excellente expérience. Pour moi c'était comme d'aller dans une école de cinéma, même les jours où je ne travaillais pas j'allais quand même sur le plateau pour observer et apprendre. Les scènes de combats se sont révélées très éprouvantes physiquement, parce qu'il fallait sans arrêt refaire les prises, encore et encore, jusqu'à atteindre la perfection. Ma première scène, durant laquelle je devais faire le grand écart au ralenti, a nécessité un si grand nombre de prises que je pouvais à peine marcher pendant les deux jours qui ont suivi. Si la séquence "Street Fighter" fut une source d'amusement, elle fut aussi le fruit d'un dur labeur. Quand ils m'ont mis sur cette machine qui me faisait tournoyer à toute vitesse, j'ai bien failli vomir, et j'ai vu des cascadeurs chinois devoir se faire aider pour quitter le plateau, tellement ils étaient éreintés après avoir bossé sur les chorégraphies câblées.


Toujours sur "Niki Larson", quels souvenirs gardez-vous de Richard Norton, autre artiste martial confirmé devenu cascadeur puis acteur ? Mike Abbott nous rapportait que l'actrice chinoise Joey Wong se comportait comme une pimbêche sur le plateau... confirmez-vous ses propos ?

Ce fut une bonne chose pour moi que Richard Norton participe au tournage, d'une part parce que c'est une des personnes les plus chouettes qui puisse exister, d'autre part parce qu'il avait déjà une solide expérience des productions made in Hong Kong, expérience dont il m'a fait profiter en me donnant de précieux conseils. (En fait je connaissais déjà Richard avant ce tournage, parce qu'on allait tous les deux au club de gym de Benny Urquidez. A l'époque où je m'entraînais là-bas, j'ai pu faire la connaissance de gens comme Don "The Dragon" Wilson, Benny, Peter Cunningham, Richard Norton et plein d'autres.)

Je n'ai rien de spécial à raconter à propos de Joey Wong, si ce n'est le fait qu'elle était toujours très professionnelle pendant les scènes que l'on avait en commun. Certes, elle pouvait sembler un peu distante, mais on ne peut pas non plus s'attendre à ce qu'une actrice chinoise célèbre veuille fréquenter les comédiens gweilos, ça n'est pas dans leurs habitudes et il faut savoir comprendre leur culture sans porter de jugement.


Vous avez tourné dans des films aux Philippines, à Hong Kong ("Mission of Justice", "Niki Larson"), au Japon ("Gedo"), peut-être bientôt en Thaïlande ("The Sanctuary"), et bien sûr aux Etats-Unis... quelle façon de travailler préférez-vous, l'occidentale ou l'orientale ? En vous basant sur votre propre expérience, quelles sont selon vous les principales différences entre Orient et Occident dans la manière de faire des films ?

Il y a quelques différences évidentes dans la façon dont les films sont faits en Orient et en Occident. D'après ce que j'ai pu constater sur les différents tournages auxquels j'ai participé, en Asie ils privilégient surtout l'action et les combats, plutôt que l'histoire, la dramaturgie, les dialogues ou la profondeur des personnages. Alors qu'en Occident c'est tout l'inverse. Mais j'ai vu des films asiatiques avec des scripts géniaux, de l'émotion et une interprétation excellente, donc on ne peut pas généraliser, je ne me base que sur les films que j'ai pu faire. De plus, je trouve que le cinéma asiatique a vraiment fait de grands progrès depuis les années 90. C'est important d'avoir différentes manières d'appréhender et de faire du cinéma à travers le monde pour pouvoir en apprécier les spécificités, si tout le monde faisait des films de la même façon ce serait ennuyeux. On ne peut pas vraiment apprécier ce que l'on aime en l'absence de ce que l'on n'aime pas.


A propos de vos connaissances dans le domaine des arts martiaux, nous savons que vous avez étudié le kung-fu mongol, le taekwondo, le kickboxing, la boxe Thaï, un style de combat très dur nommé Sillum Wong ka Kune, et aussi tâté un peu de taijutsu et d'aïkido. Bref, vous avez un style de combat très spectaculaire et cinégénique, combinant des coups de pieds et de poings à la fois rapides et puissants et une grande souplesse. A votre avis, quels sont les réalisateurs qui ont su le mieux exploiter vos capacités ? Dans quel(s) film(s) pensez-vous avoir offert votre meilleure performance martiale ?

Tony Leung et son équipe ont fait du très bon boulot sur les séquences d'action de "Bloodmoon", même si je trouve que les Chinois ont trop souvent tendance à imposer aux Occidentaux de bouger comme des Chinois, plutôt que d'essayer d'adapter leurs chorégraphies de combat à la gestuelle des Occidentaux. Un Occidental de 85 kg ne pourra jamais se battre et se déplacer comme un Chinois de 60 kg. Isaac Florentine [Nanarland : réalisateur de "Cold Harvest"] est selon moi l'un des rares réalisateurs occidentaux à apprécier les combats d'arts martiaux et être capable d'obtenir un bon combat à l'écran. Il fait toujours en sorte de ne travailler qu'avec la crème des chorégraphes, comme Koichi Sakamoto, Andy Cheng et J.J Perry. Mon sifu Winston Omega créait des chorégraphies qui me convenaient à la perfection et que je trouvais très divertissantes visuellement, mais quand nous avons travaillé ensemble nous n'avons jamais eu de réalisateur qui comprenne notre vision et nous permette de tourner un combat comme nous l'entendions.


A l'inverse, nous savons que vous n'étiez pas toujours très satisfait du travail des chorégraphes ou des monteurs. Auriez-vous des exemples de combats qui auraient pu être bons mais ont fini saccagés dans la salle de montage, ou tués dans l'oeuf par le réalisateur ? Est-ce qu'en général vous aviez votre mot à dire sur les chorégraphies des scènes de combats, et pouviez ainsi faire profiter les réalisateurs de votre expérience ?

J'ai chorégraphié pas mal de mes films - et comme je l'ai déjà dit plus haut, mon sifu aussi - mais la plupart du temps le résultat à l'écran ne correspond pas à ce que j'avais en tête, parce que je n'ai pas mon mot à dire quant au choix des objectifs, des angles de prises de vues ou du montage. C'est là une grande différence entre Hong Kong et l'Occident. En Asie, le responsable des scènes d'action est le seul maître à bord quand on tourne une scène de combat. J'ai le sentiment que "Ken le Survivant" aurait pu avoir de bien meilleures scènes de bastons si mon prof et moi avions eu plus de liberté, de même que des films comme "White Tiger", "City of Fear" ou "Opération Kazhakstan".

Winston Omega, le « sifu » de Gary Daniels.

Dans "Piège en Eaux Profondes", on vous retrouve face à Steven Seagal le temps d'un affrontement étonnamment court, où votre potentiel reste complètement sous-exploité. Y avait-il une version plus longue de ce combat qui aurait été sabrée au montage ?

On ne peut pas dire que "Piège en Eaux Profondes" fut un des sommets de ma carrière ! Quand j'ai signé au départ, mon rôle était bien plus conséquent mais pour une raison ou une autre, M. Seagal l'a réduit à tel point que n'importe quel cascadeur bulgare du coin aurait fait l'affaire plutôt que de me payer le billet d'avion pour aller là-bas. A l'origine, le combat qui avait été chorégraphié par le coordinateur des scènes d'action, Steve Griffin, et ses collaborateurs bulgares, était un excellent combat, très long et très varié, aussi bien au niveau des techniques que des armes utilisées, ce qui fait que j'avais vraiment hâte de tourner cette scène. Mais M. Seagal a décidé de la supprimer et a lui-même chorégraphié ce qu'au final vous pouvez voir à l'écran. Chaque star du film d'action a sa propre façon de faire, qu'il s'agisse de Steven Seagal, Jackie Chan, Van Damme ou Jet Li, de sorte que quand on travaille avec un des ces types, il faut être conscient que les choses se feront comme eux l'entendent, c'est comme ça qu'ils marquent leurs films du sceau de leur personnalité.

[Nanarland : Ce n'était apparemment pas une première pour Gary. Sur son film précédent, "Retrograde", il semble qu'il se soit vu proposer le rôle de grand méchant du film, jusqu'à ce que Dolph Lundgren en décide finalement autrement. Comme le dit Gary, "quand on travaille avec ces types, ils ne vous donnent pas vraiment l'occasion de briller".]


Vous avez tourné dans un grand nombre de petites productions de série B qui ont, on le sait, des budgets très serrés. De plus, la plupart de ces films étant des films d'action, il se peut que vous ayez peut-être parfois mis votre vie en danger, ou tout du moins votre santé. Vous souvenez-vous de tournages particulièrement éprouvants ou périlleux ? Vous êtes vous déjà blessé sur un plateau ? Y a t-il des cascades que vous avez déjà consenti à faire mais que vous refuseriez de reproduire aujourd'hui ?

Quand on travaille sur ces films d'action à petit budget, les calendriers de tournage sont généralement très serrés et les journées de boulot très longues, si bien que bon nombre d'accidents sont en fait dûs à la fatigue. Personnellement, je prends beaucoup de plaisir à assurer moi même le plus de cascades possibles, même si évidemment je laisse les spécialistes prendre le relais pour tout ce qui est plus technique, comme les cascades automobiles, les scènes où il s'agit de prendre feu ou les chutes de plusieurs mètres, mais je m'efforcerai toujours de réaliser moi même ce qui est du domaine purement physique. Je me suis déjà fait fracturer la mâchoire, poser des points de suture autour de l'oeil et à la tête, le tout résultant de scènes de combat mais quand on tourne dans des films d'arts martiaux, tout ça fait partie du boulot. Une fois un pétard m'a explosé au visage, sur ce coup-là je ne pouvais pas y faire grand chose, mais là encore, ça fait partie des aléas quand on joue dans des films d'action.

Le truc le plus effrayant qui me soit jamais arrivé était en fait complètement inattendu et en apparence plutôt anodin. Quand j'ai tourné mon deuxième film aux Philippines, mon personnage était poursuivi par les méchants. Tout ce que j'avais à faire, c'était sauter dans une rivière et nager jusqu'à l'autre rive pour m'enfuir. Mais quand j'ai sauté, le sac à dos que je portais s'est brusquement rempli d'eau et m'a entraîné au fond de la rivière. J'ai commencé à paniquer en me rendant compte que je coulais, mais j'ai finalement réussi à me débarrasser du sac à dos et pu regagner la surface, mais ça m'a quand même pris un certain temps avant d'arriver à défaire les bretelles, donc sur le coup c'était plutôt flippant. Mais compte tenu du nombre de scènes d'action que j'ai pu tourner, je dois dire que j'ai beaucoup de chance de ne m'être jamais blessé sérieusement, ce qui témoigne de la fiabilité des coordinateurs de cascades et des cascadeurs avec lesquels j'ai travaillé.


Il semble que vous ayez donné le nom de "Kenshiro" à un de vos fils, ce prénom étant aussi celui du personnage que vous interprétez dans "Ken le Survivant". Est-ce parce que ce film est particulièrement important à vos yeux ?

Ca n'est pas tant le fait que ce film était important pour moi (bien qu'ils le soient tous au moment où je les tourne) que celui qu'il ait été conçu à l'époque du tournage. On l'appelait comme ça quand il était dans le ventre de sa mère, pour blaguer, et comme on n'avait songé à aucun autre prénom, on a gardé celui-ci quand il est né.


Vous avez travaillé à plusieurs reprises pour P.M. Entertainment (Richard Pepin & Joseph Mehri), Cine Excel, Nu Image et bien d'autres sociétés de production spécialisées dans les Direct-To-Video (DTV). L'offre en DTV est considérable de nos jours, mais ces films de pur divertissement apparaissent souvent interchangeables, quel que soit le nom du réalisateur ou de la compagnie les produisant. En tant que professionnel ayant un peu connu ces compagnies de l'intérieur, diriez-vous que travailler sur une prod' DTV ou une autre revient peu ou prou au même ? Si ce n'est pas le cas - et pour prendre un exemple en particulier - en quoi les productions du tandem Pepin & Mehri diffèrent-elles de celles de Nu Image ?

C'est une bonne question, et pour y répondre il faut se replacer dans le contexte des années 90 et du genre de films qui se vendaient alors. En général, le genre de films qui sont tournés est directement induit par ce que les acheteurs et distributeurs réclament. Si l'acheteur dit qu'il veut un film d'action pour son pays et que vous tournez une comédie, vous ne vendrez pas votre film et le producteur perdra de l'argent. Ainsi dans les années 90, les acheteurs voulaient des films d'action et donc des compagnies comme P.M. et Nu Image répondaient à cette demande. C'est ce qu'on appelle le "show business", et si vous ne gérez pas correctement le côté "business" de la chose vous vous retrouverez sur le carreau.


P.M. et Nu Image ont toutes les deux très bien marché dans les années 90. La plupart des scénarios que je recevais étaient très semblables les uns aux autres, ce qui fait que c'est rapidement devenu difficile d'arriver à renouveler un peu mes rôles. La seule vraie différence c'est que P.M. tourne quasiment tous ses films à Los Angeles tandis que Nu Image tourne essentiellement à l'étranger, dans des pays où le niveau de vie est peu élevé pour profiter d'un dollar fort, et où les gouvernements proposent des rabais fiscaux pour encourager la venue d'équipes de films.


Vous avez peu tourné entre 2001 et 2005, et auriez même songé un temps à mettre un terme à votre carrière d'acteur. Etait-ce le manque d'opportunités ou étiez-vous temporairement las du monde de l'industrie ciné ? Quel regard portez-vous sur la façon dont cette industrie, et particulièrement celle des B-movies et des DTV, est en train d'évoluer ?

J'ai délibérément choisi de faire un break, parce que j'avais beaucoup travaillé, que j'étais un peu lessivé et aussi parce que j'avais du mal à dégotter des rôles qui tranchent un tant soit peu avec tout ce que j'avais déjà fait. J'avais de l'argent de côté et je voulais à la fois me recentrer sur l'entraînement et passer plus de temps avec mes enfants. Au cours de cette période, une nouvelle génération de vedettes du film d'action est apparue, avec des compétences et des styles nouveaux. Aujourd'hui on dirait que tout le monde s'est mis à pratiquer un mélange de gymnastique et d'arts martiaux, et cette tendance semble plébiscitée aussi bien par le public que les producteurs. Je continue à m'entraîner dur 5 à 6 jours par semaine, pour garder la forme et rester performant en arts martiaux, mais je ne serai jamais comme ces mecs qui peuvent virevolter trois fois dans les airs avant que j'ai le temps de porter un coup. Aujourd'hui avec tous les CGI, les incrustations sur écran vert et les combats câblés, qui sait quelle place il restera pour des gars comme moi qui se contentent de prendre des cours de comédie et d'étudier les arts martiaux. Je trouve que la plupart des trucs qu'on voit aujourd'hui sont trop répétitifs et que ce serait une bonne chose de revenir à des chorégraphies un peu moins portées sur la gym et un peu moins dépendantes des câbles, mais ça n'est que mon opinion.


Avec le recul, quels seraient votre meilleur et votre pire souvenir en tant qu'acteur ? Quel regard portez-vous sur votre carrière dans l'industrie du cinéma, à la fois sur le plan professionnel et sur le plan humain ?

J'ai eu tellement de chance d'en être arrivé là où je suis, ma carrière m'a permis de voyager dans le monde entier, grâce à elle j'ai pu rencontrer tout un tas de gens merveilleux et me faire quelques bons amis, elle nous a offert, ma famille et moi, une vie aisée... Je pense aussi que ma carrière m'a permis de devenir quelqu'un de meilleur, plus ouvert sur le monde. Mais je ne crois pas que ce soit fini, je pense même que le meilleur est à venir ! Je n'ai pas vraiment de mauvais souvenirs, bien sûr j'ai fait quelques mauvais choix mais ces choix font partie intégrante de mon apprentissage et l'expérience que j'en ai tirée a aussi contribué à faire de moi celui que je suis aujourd'hui. Je dois dire que les fois où j'ai travaillé en Asie - que ce soit en Chine, à Hong Kong, aux Philippines ou au Japon - comptent parmi les meilleurs moments de ma carrière. J'ai vraiment apprécié les différentes cultures et les gens merveilleux que j'ai pu rencontrer dans ces pays.


On vous annonce pour bientôt au générique de "Vengeance of Cleopatra Wong", un film d'action philippin écrit, produit et réalisé par Bobby A. Suarez (patron de la firme BAS Films), aux côtés d'acteurs comme Marrie Lee (la Cleopatra Wong du film d'origine), le mannequin vietnamien Bebe Pham et Jim Gaines. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce film que toute l'équipe de Nanarland attend avec impatience ? Avez-vous d'autres projets de films en perspective ?

"Vengeance of Cleopatra Wong", comme vous le savez, est né de l'imagination de Bobby Suarez. Les films de Bobby ont connu un joli succès vers la fin des années '70 et le début des années '80. Dernièrement, la revente des droits de ses films à travers le monde a très bien marché. Du coup, je crois que ça a ravivé sa passion pour l'industrie du cinéma. Il s'est alors lancé dans la réécriture de ses classiques, pour les remettre au goût du jour, et comme nous sommes restés amis depuis mes débuts aux Philippines, il m'a contacté pour me proposer de travailler avec lui. A ce jour, nous n'avons pas encore trouvé les bons investisseurs, donc nos recherches se poursuivent. J'ai hâte de revenir travailler dans un pays que j'aime, retrouver quelques vieux potes et, espérons-le, faire un film d'action qui dépote ! Nul ne sait de quoi l'avenir sera fait mais j'espère pouvoir travailler à nouveau dans un futur proche. J'ai au moins un projet en vue, un actionner d'arts martiaux qui porte le titre de "The Sanctuary" et dont le tournage se déroulera en Thaïlande, en espérant que ça débouche sur d'autres rôles dans des films d'action par la suite. Dernièrement j'ai tourné dans un film de vampire qui s'appelle "Kiss of the Vampire", un thriller surnaturel titré "Cold Earth" et un autre thriller, "La Linea", avec Ray Liotta et Andy Garcia, mais ce serait chouette de faire à nouveau des films d'action et d'arts martiaux purs et durs.

Juste après avoir répondu à cette interview, Gary Daniels a décroché le rôle du personnage de Bryan Fury dans "Tekken", une adaptation du célèbre jeu vidéo de Namco nantie d'un budget de 40 millions de dollars et produite par la firme Crystal Sky Pictures.

De la part de toute l'équipe de Nanarland, et aussi de nos lecteurs qui, nous le savons, seront ravis de lire cette interview, un très grand merci à vous M. Daniels !

Merci pour votre intérêt et votre soutien.
Merci beaucoup. [en français dans le texte]

Gary Daniels

- Interview menée par John Nada -