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Al Adamson

(1ère publication de cette bio : 2010)

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Peu connu en France, Al Adamson possède aux Etats-Unis une notoriété qui le place aux côtés d'Ed Wood ou de Roger Corman dans le grand panthéon des cadors du cinoche bizarre et fauché. Dans les années 60 et 70, en bon artisan du cinéma d'exploitation,ce réalisateur malin a touché à tous les genres, suivi toutes les modes, exploité tous les filons : du film de biker à la comédie sexy en passant par l'épouvante, les arts martiaux ou la blaxpoitation. Le tout avec une absence de talent qui n'a d'égal que son opportunisme revendiqué et un sens certain du bon coup commercial.


Al (encapuchonné à droite) sur un de ses tournages.


Il faut dire qu'il a de qui tenir. Le jeune Albert Victor Adamson, né à Los Angeles le 25 juillet 1929, baigne dès son enfance dans le milieu du cinéma d'exploitation : il est en effet le fils de Victor Adamson, figure emblématique des grandes heures du cinéma muet.

Victor Adamson est au départ champion de rodéo néo-zélandais. Comme beaucoup, il est venu tenter sa chance à Hollywood et débarque au début des années 20 en Californie. Arrivé avec sous le bras les bobines d'un western amateur tourné en Australie, il entend bien se faire un nom sur le marché du cinéma américain.

A cette époque, à côté des grands studios prestigieux qui sont en train de se constituer, gravitent une kyrielle de compagnies de seconde zone, qui usinent des serials ou des petits films bon marché pour alimenter les doubles ou triples programmes qui fleurissent dans les salles de quartier du pays. C'est ce qu'on surnomme "Poverty Row", l'allée des fauchés, le second marché du cinéma où sont tournés pour trois fois rien des productions à petit budget qui récupèrent parfois les décors et costumes des grands studios. Victor va vite y faire son trou.


Victor Adamson.


Le western étant particulièrement à la mode dans les années 20, c'est tout naturellement dans ce genre que notre champion de rodéo va se spécialiser, d'abord comme acteur et cascadeur. Pour mieux percer, il décide de créer lui-même ses films et invente le personnage d'Art Mix, cow boy redresseur de torts. Pour l'occasion, il lance sa propre compagnie, logiquement dénommée "Art Mix Production". Assez vite, Adamson enchaîne les tournages, enquillant une vingtaine de films de 1922 à 1935 où il multiplie les casquettes : producteur, réalisateur, scénariste et acteur. D'où une profusion de pseudonymes pour camoufler le fait qu'il occupe presque tous les postes. Selon les besoins, il se fait ainsi appeler Robert Charles, Van Johnson et surtout Denver Dixon lorsqu'il se concentre sur la réalisation et la production. C'est aussi ce qui explique pourquoi, devant la caméra, il refile rapidement le rôle d'Art Mix à un autre acteur, Georges Kesterton, avec qui il s'associe et qui conservera par la suite ce pseudonyme. Ce personnage est d'ailleurs un tel plagiat de Tom Mix, célèbre cow boy star du cinéma muet (299 films au compteur de 1909 à 1935), que celui-ci intente un procès à Adamson pour violation de copyright. Qu'à cela ne tienne, sans se démonter, Victor trouve un type qui s'appelle réellement Art Mix et le fait tourner pour contourner le problème !

D'après les historiens du cinéma, les films de Victor Adamson sont surtout réputés pour leur nullité profonde, ce dernier n'ayant visiblement ni formation, ni talent de cinéaste. D'après les spécialistes du cinéma muet, qui le surnomment parfois le Ed Wood du Western, les scénarios des productions Art Mix sont particulièrement confus. Les histoires racontées n'ont ni queue ni tête et les personnages, qui ne sont pas toujours joués par des acteurs professionnels, agissent souvent de façon incohérente. Techniquement, la caméra ne fait pas toujours correctement le point sur la scène à filmer. De même, le son, à partir du parlant, peut sauter brutalement de l'inaudible au saturé d'un plan à l'autre. Quant aux affiches ou aux intertitres, ils sont remplis de fautes d'orthographe ! Il faut dire que les budgets des tournages sont d'une maigreur extrême, allant rarement au-delà de 2000$, ce qui, même dans les années 20, ne représente pas grand-chose.


Pourtant Adamson/Dixon/Mix trouve une niche qui lui permet de prospérer, notamment grâce à un système de distribution très particulier. Ne pouvant obtenir les copies des productions des grands studios, réservées aux salles de centre-ville, les petits cinés de campagne ou de quartiers sont de gros consommateurs de petits films pas trop chers qu'ils peuvent passer deux par deux ou trois par trois, en doubles ou triples programmes. Les quelques copies des productions Art Mix, confiées à de petits distributeurs indépendants qui sont de véritables représentants de commerce, voyagent ainsi pendant des années, d'Etat en Etat, pour être diffusées deux-trois jours dans quelque cinéma perdu du fin fond du Wisconsin, avant de partir pour l'Idaho ou le Kentucky. Autant dire que ces pellicules sont exploitées à outrance jusqu'à devenir complètement illisibles. Ce qui, ajouté à la détérioration chimique de la pelloche, explique pourquoi la plupart de ces films sont désormais perdus.

Avec l'arrivée du parlant, Adamson met les bouchées doubles, récupérant au passage quelques vedettes du muet comme Buffalo Bill Jr ou Tom Wynn, qui passent mal ce cap et voient leur carrière décliner. Adamson ne dédaigne pas lui-même jouer des rôles secondaires dans ses films (histoire d'économiser sur les salaires) et, lorsqu'au milieu des années 30 le filon des westerns à petit budget semble se tarir et que sa société périclite, il se recycle comme figurant pour le cinéma puis la télé, puisque son nom est associé d'après l'imdb à plus de 197 films. Quasiment tous des westerns. Des apparitions tellement brèves (même dans ses propres films) qu'il n'est crédité au générique, sous différents pseudonymes, que pour cinq d'entre eux !

On comprendra donc que ce soit sous le patronage de son glorieux paternel qu'Albert se lance à son tour dans le cinéma. Un peu par accident semble t-il. Il a bien fait un peu de figuration, enfant, sur les films de son père, mais sa passion de jeunesse c'est le monde de la nuit. C'est ainsi qu'il tient un cabaret, le "Mutiny" à Los Angeles dans les années 50. C'est à plus de trente ans, en 1961, qu'il aborde véritablement le cinéma : son père, qui n'a pas tourné depuis les années 30, tente en effet de revenir à la réalisation avec "Half Way to Hell", comme il se doit un western. Al scénarise et tient le rôle du méchant général Escobar. Au final, le film passe inaperçu et s'avère être un four financier. Un échec qui convainc Victor de lâcher définitivement la caméra. Il ne restera cependant pas totalement inactif puisqu'il continuera à filer un coup de main à son fils pour ses premières réalisations, et ce jusqu'à sa mort en 1972.


On reconnaît Al en noir, en bas de l'affiche


Fort de cette première expérience, Al ne se décourage pas. Décidé à reprendre le flambeau familial, il finit par tenter sa chance derrière la caméra. Il tourne en 1965 "Psycho-a go go", nommé aussi "Echo of Terror", un modeste polar qui se déroule en partie dans un cabaret. Le scénar est basique : un braquage tourne mal, une innocente famille se retrouve par erreur en possession du butin et devient la proie d'une bande de truands menée par un sadique aux faux airs de Jack Nicholson jeune... Le tout farci d'interminables scènes de night club censées apporter une touche vaguement olé-olé à l'ensemble. Aussi mal filmé qu'incohérent, ce film noir marche mollement mais s'avère néanmoins rentable. Al va donc persévérer, et rencontre bientôt un personnage qui va devenir son fidèle complice, Samuel M. Sherman. Sherman est un tout petit distributeur indépendant qui cherche des films bon marché pour la télévision ou pour de petites salles de quartier. Il a un bon carnet d'adresses et maîtrise les arcanes de la distribution. Al, lui, connaît bien le milieu du cinéma de série Z par son père, mais aussi le monde des cabarets où les jolies filles peu farouches sont nombreuses.


Les deux hommes sympathisent et, sur les conseils de papa Victor, s'associent pour fonder une société : "Indépendant International Production". Al réalise, Sam cherche les financements puis vend. Les deux sont aussi roublards l'un que l'autre et s'entendent comme larrons en foire pour rentabiliser au maximum leur catalogue. De véritables Joseph Lai / Godfrey Ho avant la lettre…


Al Adamson et Sam Sherman sont des malins, ils n'ont pas beaucoup d'argent mais du bagout et un vrai sens du coup. Ils vont par conséquent user de toutes les ficelles possibles et imaginables pour faire leurs films. Les séries B d'exploitation fonctionnant par modes successives, ils s'adaptent aux demandes du public. En bons suiveurs, ils ne laissent donc passer aucun filon : films de bikers, horreur, kung fu, blaxpoitation, érotisme, Al change de genre comme un caméléon, n'hésitant pas à transformer en cours de tournage un film de motards en film d'horreur gothique comme sur "Dracula contre Frankenstein". Evidemment, la cohérence de l'ensemble n'est pas toujours garantie. Mais il faut dire aussi que le tournage de ce film s'étale péniblement sur deux ans, le studio le co-produisant retenant en otage les rushs plusieurs mois pour d'obscures bisbilles financières.


Leurs films sortent plusieurs fois sous une ribambelle de titres, avec parfois de nouvelles scènes rajoutées à l'occasion. Il faut dire qu'en la matière, nos duettistes sont aussi des Mozart du 2 en 1. C'est ainsi qu'à la fin des années 60, ils apprennent qu'une chaîne de télé cherche des films d'horreur bon marché. Ni une ni deux, ils reprennent "Psycho a go go", le premier polar d'Adamson, et y ajoutent de nouvelles scènes où le vétéran John Carradine incarne un savant fou qui greffe un cerveau électronique au méchant du film. Il suffit de rajouter en post-production une voix off qui raccorde le tout, ainsi que des ricanements de dément lorsque le truand assassine ses victimes et voici un nouveau film : "The Man with a Synthetic Brain", prêt à être diffusé sur le petit écran. Et puis, histoire de le rentabiliser jusqu'au bout, on rajoute encore une ou deux scènes supplémentaires où des flics au look typiquement seventies, absolument par raccord avec le reste du film, affrontent un pseudo zombie censé être le truand susnommé qui a muté suite aux expériences du savant fou... et boum, voici "Blood of Ghastly Horror", qui ressort en salle en 72.


Le même genre de traitement de choc semble avoir été appliqué à "Horror of the Blood Monsters" alias "Vampire Men of The Lost Planet", où Al reprend des scènes entières d'un film préhistorique philippin en noir et blanc, qu'il colorise à grands coups de filtres agressifs, et y ajoute une histoire de cosmonautes en perdition (toujours avec John Carradine) et des vampires. Al et Sam importent aussi gaillardement des productions érotiques allemandes, comme "Auf der Reeperbahn nachts um halb eins" avec Curd Jurgens, qui devient le crapoteux "Nuits blanches à Hambourg" ou "Females for Hire" après qu'Al ait rajouté quelques scènes...


Al Adamson joue les vampires dans "Vampire Men of The Lost Planet"


De même, Al sait créer le buzz quand il le faut. C'est ainsi qu'il paye des radios locales pour faire courir le bruit, au moment de la sortie d'un petit film érotique comme "The Naughty Stewardess", qu'un syndicat d'hôtesses de l'air veut le faire interdire. Succès garanti et rush dans les salles...


Adamson possède un bon petit carnet d'adresses quand il s'agit de trouver ses acteurs. A commencer par sa propre épouse, Regina Carrol, blonde gironde qui a commencé comme danseuse dans les cabarets de L.A. et va devenir la femme, l'égérie et la muse d'Adamson. Mais il sait aussi rameuter quelques vieilles gloires d'Hollywood tombées dans l'oubli. John Carradine bien sûr, qui en fin de carrière est devenu une sorte de spécialiste de ce genre de caméo. Mais aussi Russ Tamblyn, qui a connu la gloire avec "West Side Story", ou Lon Chaney Jr, qui vient cuver son alcool sur "Dracula contre Frankenstein"


Regina Carrol, madame Adamson à la ville.


A noter que s'il est un cinéaste sans scrupule quand il s'agit de fourguer ses œuvres, Al a par ailleurs plutôt bonne réputation en tant qu'homme et directeur de plateau, ce qui lui permet de former autour de lui une équipe de techniciens et d'acteurs fidèles comme Robert Dix, Vicky Volante ou Marilyn Joi. De nombreux futurs réalisateurs de séries Z comme John Bud Carlos ou Greydon Clarke ont par ailleurs commencé chez lui comme assistants et figurants.

Al alterne les productions dans tous les genres avec un sens très sûr du mauvais goût... Avec un bel opportunisme, il sort peu de temps après "L'Exorciste" son "Nurse Sherry", où une infirmière est possédée par un esprit démoniaque qui fait rien qu'à lui faire tuer des gens, dire des cochoncetés et s'arracher les vêtements. On peut aussi évoquer le kitchissime "Cinderella 2000", comédie musicale érotico-futuriste où les acteurs sont réputés chanter particulièrement faux. Soulignant tous ses effets au crayon gras, ne reculant devant aucune facilité, Adamson reste toujours très mauvais derrière la caméra mais finit parfois, à force d'excès, par toucher sa cible.


Dans cet océan de nullité surnagent curieusement quelques films étonnement réussis. Notamment le très cru "Satan's Sadist" où Russ Tamblyn incarne un Hell Angel's psychotique et meurtrier avec sa compagne, la "freak out girl" Regina Carol, qui finit par se jeter dans un ravin avec sa moto par amour pour son homme. Dans une veine plus féministe, on peut citer "Les Amazones du désir" alias "The Female Bunch", dans lequel un gang de femmes fait régner sa loi à la frontière mexicaine, marquant au fer rouge les hommes de passage. Les scènes cruelles y abondent : ainsi, une fille voulant rentrer dans le gang est enterrée vivante pour tester son courage. Un film qui fut par ailleurs tourné dans l'ancien ranch de Charles Manson, histoire de rajouter un parfum de scandale à l'affaire…


Au milieu des années 70, il réussit à débaucher l'acteur karateka Jim Kelly pour deux films, "Black Samuraï" et "La Dimension de la Mort", où il utilise les talents d'équipes techniques hongkongaises qu'il fait venir aux Etats-Unis. Ce qui semble expliquer la meilleure qualité de ceux-ci, même si le spectacle demeure toujours hautement nanarogène.


Mais les choses se compliquent à partir des années 80. Le marché de la série B traditionnelle change avec l'arrivée de la VHS, les salles de quartiers ferment et la télé et les vidéo-clubs deviennent plus exigeants. Al n'arrive plus à suivre et se retire de la production après un dernier film familial en 83. Il se tourne alors vers l'immobilier, où l'on imagine que son sens du commerce a dû faire merveille. Peut-être après l'échec de ses dernières productions a-t-il besoin de stabilité, alors que Regina lutte contre un cancer qui va l'emporter en 1992.


Au milieu des années 90, son œuvre commence à être redécouverte par les amateurs de cinéma déviant. Al envisage enfin de reprendre la caméra pour une nouvelle comédie familiale, "The Happy Hobo" sur laquelle il commence à plancher. Pourtant, en août 95, son frère s'inquiète de ne soudain plus recevoir de nouvelles de lui alors qu'ils sont censés travailler sur ce nouveau film. Après avoir attendu un peu, il appelle la police qui débarque dans sa villa d'Indio, à 200 km de Los Angeles. C'est là qu'ils remarquent que le jacuzzi de la maison a été fraîchement cimenté et carrelé. Un travail fait à la va-vite. En creusant, les policiers découvrent sous le bassin le corps d'Al Adamson, mort cinq semaines plus tôt, le crâne fracassé. L'assassin est vite identifié : il s'agit de Fred Fulford, un entrepreneur qui faisait des travaux de rénovation dans la villa. Celui-ci a filé en Floride avec la carte de crédit et diverses affaires d'Adamson. Arrêté, il passe aux aveux et avoue avoir tué le cinéaste qui avait découvert des irrégularités dans les factures. 4 ans plus tard, Fulford est condamné à 25 ans de prison.

Une fin brutale qui ressemblerait presqu'au scénario d'un de ses films, et qui ajoute au mythe et au mystère de ce réalisateur singulier, aussi roublard commercialement qu'humainement attachant si l'on en croit les témoignages de ceux qui l'ont connu.

- Rico -

Films chroniqués

Filmographie

Avec Al, les dates et les titres sont parfaitement sujets à caution tant il a monté et remonté ses productions pour mieux les vendre.



1983 - Lost

1981 - Carnival Magic

1978 - Nurse Sherri

1978 - Sunset Cove

1978 - Docteur Dracula (Doctor Dracula)

1978 - La Dimension de la mort (Death Dimension)



1977 - Cinderella 2000

1977 - Black Samurai

1976 - Le Gang des tueurs / Le Gang des pourris (Black Heat)

1975 -Naughty Stewardesses

1975 - Jessi's Girls

1975 - Blazing Stewardesses

1974 - Mean Mother

1974 - Dynamite Brothers / East Meet Watts

1974 - Girls for Rent / I spit on your Corpse



1972 - Lash of Lust (sous le pseudo de George Schaeffer)

1972 - Brain of Blood / Brain Damage

1972 - Blood of Ghastly Horror / Man with a Synthetic Brain

1972 - Angels' Wild Women / commune of Death / Rough Riders

1971 - Dracula contre Frankenstein / Dracula vs. Frankenstein

1970 - Horror of the Blood Monsters / Vampire Men of the Lost Planet / Voyage to the Lost Planet

1970 - Five Bloody Graves / Five Bloody Days to Tombstone / The Lonely Man / Gun Riders

1970 - Hell's Bloody Devils

1969 - Nuits blanches à Hambourg / Females for Hire

1969 - Satan's Sadists

1969 - Blood of Dracula's Castle / Dracula's Castle

1969 - Les Amazones du désir / The Female Bunch

1965 - Psycho a Go-Go / Echo of Terror

1961 - Halfway to Hell (acteur/scénariste)