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Les Vampires du Docteur Dracula


Les Vampires du Docteur Dracula

Titre original :La Marca del Hombre Lobo

Titre(s) alternatif(s) :Manwolf, le Seigneur de la Nuit (titre vidéo), Les Fantômes de Dracula (Belgique)

Réalisateur(s) :Enrique Lopez Eguiluz

Année : 1968

Nationalité : Espagne / RFA

Durée : 1h18 (USA) à 1h33 (Allemagne)

Genre : Espagnol à poils

Acteurs principaux :Paul Naschy, Dianik Zurakowska, Rossana Yanni

Nikita
NOTE
2/ 5


Attention, sous une marée de titres parfois fantaisistes se cache une authentique curiosité du cinéma bis, dont la nanardise ne doit pas faire oublier qu’elle est issue de la passion d’un seul homme, l’Espagnol Jacinto Molina, alias Paul Naschy. Petit classique des cinémas de quartier, cette « Marca del hombre lobo » donna un coup de fouet au cinéma d’horreur espagnol, dont Jesus Franco était jusque-là le représentant le plus illustre et le plus actif. Jacinto Molina, ancien haltérophile devenu acteur de complément, était un fan absolu de cinéma d’épouvante, et notamment de Lon Chaney Jr, interprète du « Loup-Garou » à la glorieuse époque des films d’horreur d’Universal.



Auteur d’un scénario nourri à sa passion de l’épouvante, Molina réussit à financer son projet de film de loup-garou avec l’aide d’un co-producteur allemand. Le film d’horreur de papa, à base de châteaux transylvaniens et nuits de pleine lune, allait enfin renaître, et en Espagne ! Hélas, une déconvenue attendait notre ami. Molina, qui rêvait d’engager Lon Chaney Jr pour tenir le rôle principal de son film, va se heurter au refus de l’acteur. Très touché par la proposition de Molina, Chaney ne peut néanmoins plus se permettre, à près de 70 ans et avec un tour de taille respectable, de gambader dans les sous-bois avec un maquillage hirsute. Molina doit donc se résoudre à chercher un autre comédien, et la production finit par lui suggérer de jouer lui-même le rôle. Après un essai concluant, Jacinto Molina devenait « Paul Naschy », nouvelle star de l’horreur européenne. Malgré quelques petites tracasseries de la censure franquiste (Naschy dut faire de son héros un Polonais, afin que le monstre ne soit pas espagnol !), « Les Vampires du Docteur Dracula » remporta un succès important, qui donna lieu à de nombreuses suites et lança la carrière de Paul Naschy.



L’importance historique du film étant reconnue, il convient de se pencher sur l’œuvre elle-même. Et là, comme disait l’autre, y’a comme un malaise. Comment dire… autant le reconnaître tout de suite : c’est complètement naze ! On reconnaît la patte d’un passionné, et un véritable amour pour le cinéma d’épouvante d’antan, mais le film, malgré son côté attendrissant, est un véritable délire qui mélange les styles de différentes époques du film d’épouvante, pour aboutir à un nanar frénétique particulièrement savoureux.


Gare au loup-garou haltérophile ibérique !



« Les Vampires du Docteur Dracula » reprend en effet le folklore des films des années 30 de la Universal, mais également dans sa version abâtardie des années 40, quand les monstres se rencontraient pour se bastonner. S’ajoutent à cela une ambiance calquée sur celle des films anglais que tournait la Hammer dans les années 50 (couleurs chaudes, décors lugubres et classieux), et des couleurs pétaradantes dignes des films de Mario Bava version années 60. Le tout est amalgamé avec un enthousiasme désarmant, pour aboutir au final à une œuvre que l’on croirait adaptée d’une BD de gare des éditions Elvifrance, les scènes de cul en moins !



Le film nous narre les mésaventures d’un noble polonais, le Comte Waldemar Daninsky : deux gitans ayant ressuscité par mégarde un châtelain loup-garou, notre héros participe à la battue pour occire le monstre. Avant d’être abattu, le loup-garou a le temps de mordre Waldemar, qui va devenir loup-garou lui-même ! (« Je suis devenu une créature de Dracula », dit-il dans la VF, sans doute pour justifier le titre français). A la recherche d’un remède, Waldemar et ses amis contactent un médecin : mais ce dernier et son épouse, à la grande surprise de ceux qui n’ont pas lu le titre français ni vu le moindre film d’horreur, se révèleront être des vampires animés des pires intentions !



Des vampires ancrés dans la tradition.



Les deux suceurs de sang ressuscitent le premier loup-garou (ce qui va nous valoir une belle baston de bêtes à poils) et se livrent à toutes sortes de malfaisances, apparemment pour le plaisir. Waldemar va-t-il parvenir à vaincre les deux horribles, à se débarrasser de l’autre loup-garou, à se libérer de sa malédiction et à vivre le parfait amour avec sa dulcinée ? Il a du pain sur la planche…



Le drame de ce film, et ce qui rend sa chronique nanarde légèrement triste à rédiger, est qu’il est réellement, comme il a été dit plus haut, l’œuvre d’un passionné. Le scénario n’est d’ailleurs pas déshonorant, et aurait pu donner lieu à un bon film. Mais malheureusement, faute d’une mise en scène vraiment maîtrisée, on se vautre dans le ridicule du début à la fin. Enflure pataphysique des dialogues, ratage complet des effets spéciaux, grand-guignol lamentable des scènes horrifiques… Le quota nanar est d’ailleurs renforcé… par Paul Naschy lui-même ! Tout content de réaliser son rêve d’enfant, notre ami a en effet oublié de prendre des cours de comédie.


La bête est lâchée...



Balourd, sans aucun charisme, carré et trapu, Paul Naschy ne sait pas quoi faire de son corps, se balance d’un pied sur l’autre, lance des regards atones censés exprimer l’inquiétude. Quand il se transforme en loup-garou, c’est la débandade la plus totale. Moulinant des bras, grognant « Awarrr-Agrrrr-Rawaaaa ! », le visage recouvert d’une moquette noirâtre, le loup-garou ibérique fait exploser le baromètre du ridicule, surtout quand il bondit sur ses victimes comme un cabri en balançant ses jambes dans tous les sens, comme dans un spectacle de danse post-moderne.


La bête dans toute sa, heu... splendeur...



Pour éviter de me faire agonir d’injures par les bissophiles endurcis, je me dépêche de préciser que Paul Naschy a fait, dans ses films suivants, de considérables progrès en tant que comédien. Mais là… ça ne le fait pas du tout ! Chacune des apparitions de notre Paulo, avec ses poils sur la figure, suffit à faire plonger le film dans un no man’s land nanar des plus délectables.




De bien beaux décors en tout cas.




Affiche américaine très fantaisiste puisqu’on ne voit aucun monstre de Frankenstein dans le film… Il semblerait que dans la version américaine un prologue nous explique doctement que Waldemar Daninsky soit le descendant du docteur Frankenstein. Du métrage d'origine tourné en Eastmancolor 70 mm, Hi-Fi Stereo et 3-D, il ne reste plus grand chose...



Le film croule sous les clichés, pas aidé en VF par des dialogues, heu… un petit peu répétitifs. Ainsi, lors d’une séance d’exorcisme : « Fils du mal, rentre en toi-même. Seigneur de la nuit, fils du mal. Tu dois rentrer en toi-même. Tu dois rentrer en toi-même. Tu dois rentrer ! ». Ou encore : « Vous êtes maudits ! Vous êtes maudits ! Maudits fils de Satan ! Tu es maudit ! Infâme fils de Satan ! Maudit ! Fils de Satan ! Le sang du fils de Satan ! ».



On ne saurait cependant ranger le film conçu par Paul Naschy parmi les merdes honteuses, tant il exprime, malgré son manque complet de maîtrise, un amour sincère pour le cinéma de genre. Voir Paul Naschy, enchaîné au mur, rugir en exhibant ses crocs en plastique mal agencés dans la bouche, suffit à procurer des frissons de bonheur au nanardeur sardonique comme au bisseux intégriste : on est dans le premier degré le plus total, et c’est ça qui est bon !


Ah Grrrr... Ah Grrrr...



Mal foutu, bordélique, parfois complètement grotesque, « Les Vampires du Docteur Dracula / Manwolf le Seigneur de la Nuit » est à l’image de son absurde titre original français (pas le moindre Docteur Dracula en vue…) : sans aucun frein de logique ou de bon goût, mais jouissif par son délire complet et par la passion qui l’anime. Un « mauvais film sympathique », extrêmement mauvais, mais aussi extrêmement sympathique. Et n’est-ce pas là la définition du nanar, tel qu’on l’entend ici ? Quelle que soit la qualité du film, on ne peut que saluer le bel hidalgo Paul Naschy. Il n’est pas donné à tout le monde de réaliser son rêve…et si le résultat est un nanar aussi aimable, ce n’est pas ici que l’on va s’en plaindre !


Une fin dans la grande tradition du genre !



L’avis de Fantomas 2, cinéphile éclairé s’il en est (qui a notamment co-fondé « L'Ecran Fantastique » en 1969 et y a collaboré jusqu'en 1982, contribuant par ailleurs à une foultitude de magazines et de fanzines, en France et ailleurs) :



Je ne considère pas « La marca del hombre lobo » comme un nanar, mais comme une excellente série B, avec de fulgurants instants de poésie, quelques effets spéciaux efficaces comme la dissolution du vampire tandis qu'il s'éloigne avec sa compagne, des séquences nocturnes superbes et un Paul Naschy que nous avions aimé dès ce film-là, vu dans toute sa gloire sur grand écran lors de sa première exclusivité. Hélas, le distributeur français, trop radin, ne jugea pas nécessaire de le sortir en relief, comme en Espagne à l'origine...







L'authentique nanar, ce fut bel et bien le second de la série, "Los monstruos del terror / Operazione terror / Dracula jagt Frankenstein", de Tulio Demicheli (assisté, dit-on, de Hugo Fregonese et Leon Klimovsky, qui auraient tourné certaines séquences). Là, malgré de bons acteurs comme Michael Rennie et Karin Dor, le ridicule règne en maître absolu. Les monstres : le loup-garou Waldemar Daninsky (Naschy), le vampire (Manuel de Blas), la momie (Gene Reyes) et la créature de "Franksatan" (Ferdinando Murolo), sont tellement mal utilisés qu'ils en deviennent ridicules, surtout les deux derniers, totalement inexpressifs. Le scénario (trois savants "habités" par des extra-terrestres décident, pour conquérir la Terre, de redonner vie aux quatre monstres légendaires) est à la fois un hommage à Ed Wood et un avant-goût du récent "Van Helsing"... bien entendu, le loup-garou est un brave type qui tombe amoureux de la première nymphette qu'il voit et refuse de marcher dans la combine. Vous aurez donc deviné que la conquête de notre planète, ce sera pour une autre fois.


Paul Naschy au bal masqué.


Paul Naschy au naturel.



Fort heureusement, Naschy reprit vite la main, et certains de ses films ultérieurs, où il devait reprendre le même rôle, sont tout à fait remarquables.
- Nikita -
Moyenne : 2.00 / 5
Nikita
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
B.F./ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
L'oeuvre de Paul Naschy reste encore peu connue de ce côté-ci des Pyrénées. Quelques DVD sont apparus dernièrement chez "Seven7" reprenant quelques-uns des films de Naschy mais hélas pas celui-là.

En Espagne, les films de la "Colleccion Paul Naschy" sont en train de ressortir au compte goutte chez "Tripictures". Le film ne semble pas avoir encore bénéficié de sa réédition mais au moins on peut espérer le voir rejaillir d'ici peu.

Il faut donc partir à la pêche au DVD américain. La version de "Shriek Show / Media blaster" reprenant le titre fantaisiste de « Frankenstein's Bloody Terror » a au moins le bon goût de nous offrir une interview de Naschy, la bande-annonce et quelques affiches. Hélas seule langue disponible : l'anglais. Elle remplace le DVD-R zone 0 de "Mondo Pop Cinema" nommé « Mark of the werewolf » qui elle aussi ne propose qu'une version anglaise. Au passage il existe aussi une version allemande, « Die Vampire Des Dr Dracula » (qui a dit que l'allemand était une langue compliquée !) chez "EMS Gmbh". Un DVD économique avec une simple version en allemand cette fois.

Il ne nous reste plus qu'à évoquer les sorties VHS françaises assez confidentielles, il faut l'avouer. Si chez "RCA" on reste encore assez honnête sur ce qu'on vend, chez "Carrère", en 87, on fit preuve de beaucoup d'imagination pour créer ce « Manwolf », anglicisant au maximum le nom des acteurs (Rossana Yanni devenant Rose Yanni, une mystérieuse Grace Mills rejoignant le casting promis...). Voulaient-ils cacher l'âge et la véritable nationalité du film pour américaniser le produit ? Ohhhh on n'ose y croire...