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Betmen Yarasa Adam (Turkish Batman)

(1ère publication de cette chronique : 2008)
Betmen Yarasa Adam (Turkish Batman)

Titre original :Betmen Yarasa Adam

Titre(s) alternatif(s) :Turkish Batman

Réalisateur(s) :Savas Esici

Année : 1973

Nationalité : Turquie

Durée : 1h02

Genre : KEBAB ! POW ! BLOP ! WIZZ !

Acteurs principaux :Levent Çakir, Emel Özden, Altan Günbay, Nalan Çöl, Ceyhan Cem, Funda Ege

Wolfwood
NOTE
2.25/ 5

S'il fallait établir un classement des destinations préférées des nanardeurs en matière d'escapades déviantes, nul doute que la Turquie figurerait en bonne place dans le peloton de tête. Pillant allègrement le patrimoine cinématographique avec une absence totale de scrupules, la patrie de Cüneyt Arkin ne recule devant aucun affront pour adapter à sa sauce les plus grands succès occidentaux.

Après Rambo, Star Wars, Star Trek, E.T. et tant d'autres, voici donc venir la version kebab de la série Batman. Une transposition qui va une fois de plus nous montrer qu'on bosse fort au pays du loukoum.

L'histoire s'annonce immanquablement confuse pour qui n'est pas familier avec la langue turque. De ce que l'on peut comprendre, elle nous narre les méfaits d'une bande de brigands commandée par un mystérieux parrain de la pègre. La police étant vite dépassée par les, oulah, deux meurtres perpétrés par ces voyous, elle fait appel à Batman et son fidèle Robin pour découvrir qui tire les ficelles de cette sordide affaire.

    Il n'existe qu'un seul visuel du film à notre connaissance



Rien de bien complexe en vérité, mais il faut dire qu'au-delà de la barrière de la langue, la mise en scène brute de décoffrage si caractéristique de nos amis turcs va une nouvelle fois amener le film vers des extravagances qui feraient bondir n'importe quel professeur de montage. J'en veux pour exemple la façon dont le chevalier noir mène son enquête et atterrit sans transition aucune dans différents endroits. Certes, le fait de ne rien comprendre aux dialogues nous empêche sans doute de saisir les brillantes déductions de notre justicier, mais il est certain que même avec ces éclaircissements, la réalisation à l'emporte-pièce nous laisserait sur le séant. Ce goût prononcé pour le maniement du coupe-chou en matière d'assemblage des scènes amène aussi quelques faux raccords parmi les plus grossiers du 7ème art, montrant notamment nos gaillards se téléporter chez une donzelle en détresse ou revêtir leurs costumes dans une voiture en à peine une demi seconde. De quoi renvoyer Arturo Brachetti chez sa mère.


Batman interroge un suspect…


…et sort de la maison. Si vous ne remarquez rien, c'est que vous êtes Gilbert Montagné.


Mariages, anniversaires… ne ratez plus une occasion de voir Batman et son pote faire les andouilles dans votre salon.



Le monteur n'a pourtant pas le monopole de l'incompétence. Ainsi, nous serons mainte fois surpris par une gestion des lumières étonnantes voyant les protagonistes être souvent surexposés au-delà de ce qu'on pourrait imaginer. En gros, dès qu'il y a un peu trop de blanc à l'écran, ce qui arrive souvent dans un film qui n'est pas en couleur, la scène la plus basique aurait de quoi exploser les yeux de Steve Austin et on peine à distinguer un personnage d'une malheureuse armoire. Cela vient peut être en partie de la version dans laquelle nous avons pu voir le film, mais gageons que la copie originale ne doit pas être non plus ce qu'il y a de plus pro. Autre co-responsable du souk qui gangrène la moindre parcelle de cette pellicule : le chorégraphe des combats (y en avait-il seulement un ?). Semblant avoir été improvisées trois minutes avant le tournage, les escarmouches proposées par notre bande d'empotés accumulent roulades approximatives, mouvements patauds et combos grandguignolesques.

A ce stade, on ne s'étonnera même plus que la bande son bouffe à tous les râteliers, se permettant des emprunts à, en vrac, James Bond, Le Saint, Borsalino et même Serge Gainsbourg. Tout juste s'interrogera t-on sur l'intérêt de caser ces emprunts qui, à défaut d'être judicieux, ne semblent être là que pour claironner à tue-tête "la propriété intellectuelle, on la retourne et on la fume", seule explication plausible au fait que quelqu'un ait pris la peine de pirater un thème connu pour l'intégrer dans une séquence où le personnage effectue une action aussi époustouflante qu'ouvrir une portière. Tout de même, nous noterons l'effort louable de ne pas avoir trop eu recours au stock-shot, même s'il apparaît quasi-certain qu'une des scènes, à savoir l'arrivée d'une ambulance, ne provient pas du même film.


Des éclairages qui laissent sans voix.


Ils sont vraiment trop fort ces Turcs : ils ont même réussi à copier la voiture de "Sos Fantômes" près de onze ans avant sa sortie.



Là où l'on est davantage surpris, c'est plus dans les passages "olé-olé". Car oui, "Turkish Batman" a bien des passages un peu chauds, détail déroutant pour un film produit dans un pays musulman, et nous gratifiera même de quelques plans nichons et d'une scène de sexe. Si nous vous en parlons, c'est aussi parce que ces moments réserves d'autres particularités plus risibles. L'une des plus notables intervient lorsque Batman ramène chez elle une demoiselle venant de se faire agresser. Cette séquence a beau ne rien avoir de spécial, elle trouve son véritable intérêt à peine dix minutes plus tard… lorsqu'elle nous sera resservie de façon quasi-identique. Certains mouvements des personnages ont beau nous indiquer qu'il ne s'agit pas de la même prise stricto sensu, le décalque de cette scène est si grossier qu'on peut se demander si Savas Esici n'a pas eu une crise d'amnésie passagère. Autre instant déroutant, ce passage où Batman en pleine galipette avec une demoiselle rencontrée deux minutes plus tôt, juste après avoir déposé sa copine une seconde fois justement, sera contraint de faire passer sa partenaire pour une infirmière alors que notre couple reçoit une visite impromptue. Un moment qui donne une bonne idée de ce qu'aurait pu donner un film de super héros réalisé par Max Pecas, lorsque l'un des nouveaux venus se rendra compte que la prétendu aide-soignante a les fesses à l'air.


Gag !



Nonobstant cette tendance à la gaudriole, le ton du film se veut beaucoup plus proche d'un James Bond que d'une aventure du justicier de Gotham. Comme évoqué dans le résumé, il n'est point question du Joker ou de Catwoman pour jouer les troubles-fêtes, mais d'une sorte de Blofeld de bazar. L'allusion est facile puisque outre la musique d'"Au Service secret de sa Majesté" utilisée à tour de bras, l'une des autres références à l'univers bondien vient de ce grand méchant dont on ne verra le visage qu'à la fin et qui tient un chat lové ses bras. Dès lors, oubliez le monde dérangé et obscur de Batman et faites place au glamour de l'agent 007. Au risque de faire un grand écart, autant y aller gaiement. Bon, c'est vrai que le respect de l'atmosphère sombre du personnage n'était déjà pas le grand fort de la série des sixties. N'empêche qu'ici, on pousse le parjure assez loin, ce qui déroute dotant plus d'ailleurs, lorsqu'on remarque que nos sympathiques descendants de l'Empire Ottoman jouent la carte du premier degré, là où le show avec Adam West assumait totalement son côté kitsch. Ainsi, voir nos deux guignols attifés comme pour un carnaval accorde au film une drôlerie supplémentaire, le sérieux dont ils font preuve dans leurs pyjamas moulants entretenant encore le mythe que la Turquie est un pays de grands malades.


La batmobile. (Est-il vraiment besoin d'autres commentaires ?)


Turkish Blofeld.


Turkish lorraine.



Niveau interprétation, il y a globalement peu à dire. "Globalement", je précise, parce que si les acteurs ont la bonne idée de savoir se tenir, le problème majeur vient de Batman lui-même. Comédien correct, Levent Çakir, qui devait se retrouver des années plus tard dans "Yor, le chasseur du futur", a surtout le tort d'interpréter un personnage d'une profonde débilité, une caractéristique qui risque fort de provoquer l'apoplexie chez tout fan du Dark Knight. Ainsi, arrivant à coincer un sbire, notre camarade se retrouve vite dépourvu lorsque celui-ci se suicidera en croquant du cyanure. Ma foi, dans ce boulot, c'est le genre de choses qui arrive. Mais lorsque nos malandrins pousseront le vice jusqu'à lui faire le coup trois fois dans le film sans qu'il ne se doute de rien, on en vient sérieusement à douter de ses capacités mentales. En même temps, il s'en tamponne le coquillard Turkish Bruce. Il sait très bien que ce sociopathe de monteur lui fera affronter le grand méchant dans la dernière scène quelque soient ses déductions, alors pourquoi se fatiguer. Dans le genre bêtise insondable, Levent fait aussi très fort lorsqu'il décide d'enlever sa cagoule à tout bout de champ, surtout après avoir sauvé une demoiselle. Et comme il couche avec tout ce qui bouge, nul doute que les neuf dixièmes de la population féminine terrestre doivent être au courant de sa double identité, un peu comme le commissaire d'ailleurs, et sans doute une partie de la police, puis son médecin… Dans ce cas, si le but est de ne pas être discret, pourquoi se casser le cul à inventer un alter ego masqué ? Non sincèrement, n'en jetez plus.


"Bijour, missieur. Dites, ça vous dérange si je fume maintenant que vous m'avez arrêté ? Non, c'est juste que j'aimerais bien me suicider plutôt que parler, alors forcément…"


"Hum, hum Rübin. Encore un gredin qui met fin à ses jours. Cela cacherait un complot que ça ne m'étonnerait guère."



Un peu poussif par moments, Turkish Batman a au moins pour lui de ne durer qu'une heure à peine, ce qui lui permet de ne pas trop souffrir de ce défaut. Après, il est évident que nous sommes bien loin du délire total d'un "Death Warrior", mais cette libre adaptation réserve de forts bons moments. De plus, si vous aimez l'esprit torturé des aventures du Caped Crusader, il ne fait aucun doute que l'ambiance du film, à des années lumières de la noirceur du personnage originel, devrait conférer à ce "Betmen Yarasa Adam" une dimension encore plus délectable. Somme toute, voici une nouvelle découverte nous prouvant que même en terrain connu, il est toujours aussi bon de se perdre sur les sentiers de la démence.

- Wolfwood -
Moyenne : 2.25 / 5
Wolfwood
NOTE
2.25/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.25/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation

Tiens ? Encore un film qui n'est pas sorti en France. On ne s'en doutait pas. D'ailleurs, c'est à se demander s'il existe même un quelconque VCD, c'est vous dire. Ne resterait-il plus qu'à espérer tomber sur une diffusion à la télé turque ? Et bien en fait non le film étant libre de droit aux Etats-Unis on peut le retrouver en ligne sur Archive.org dans une version sans sous-titre hélas.