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T'aime

(1ère publication de cette chronique : 2002)
T'aime

Titre original : T'aime

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Patrick Sebastien

Année : 2000

Nationalité : France

Durée : 1h30

Genre : Le plus grand cas barré du monde

Acteurs principaux :Patrick Sébastien, Jean-François Balmer, Annie Girardot Samuel Dupuy, Marie Denardaud, Jean François Derec

LeRôdeur
NOTE
0.5/ 5



Pour moi, « T'aime » est polémique.

Je l'ai regardé seul et j'ai eu une grosse polémique avec moi-même : Est-ce un nanar risible ? Un navet démagogique insupportable ? Ou simplement un premier film qui, comme beaucoup d'autres avant lui, est plutôt sincère mais souvent maladroit et assez décevant au final ? Je ne sais pas vraiment, mais je pencherais plutôt pour la troisième solution.

En fait, le principal problème du film de Patrick Sébastien c'est précisément que... c'est un film de Patrick Sébastien ! C'est comme pour le film de BHL ou bien le film de Lelouch avec Tapie. Vu ce qu'on connaît du bonhomme par ailleurs, on part forcément avec un a priori et cela fausse notre perception du film : on se met à rechercher dans T'aime ce que l'on déteste (où ce que l'on aime) chez Patrick Sébastien sans voir le film vraiment.


Sincère, sincère... ça n'excuse pas tout...


Jouons ensemble aux critiques pervers.

Première option : imaginons qu'on déteste Patrick Sébastien. 

Patrick Sébastien est la vulgarité incarnée. Patrick Sébastien est un démagogue logorrhéique et narcissique qui commence toutes ses phrases par moi je. Patrick Sébastien est un mec grossier à l'humour de pétomane. Patrick Sébastien est le symbole de la France franchouillarde telle qu'on ne veut plus la voir. La France ringarde de tournez les serviettes et du gambadou. La France décalquée au pinard, au flonflon, à la bière, au foot ou au rugby, abrutie par sa télé, qui ne connaît rien à rien mais a un avis définitif sur tout. Patrick Sébastien est un misogyne fini qui se répand en plaisanteries machistes partout où il passe. Patrick Sébastien est un chiraquien d'ultra-droite plein de préjugés, nourri aux blagues belges (voire pire) et à l'anti-parisianisme primaire. Bref (rajoutez ce que vous voulez à la liste, je ne suis pas bien renseigné mais si ça se trouve il est aussi coprophage ou zoophile ou alors il passe son temps libre à couper des vers de terre en deux pour voir bouger les morceaux), Patrick Sébastien c'est le moins bien disant culturel, le grand méchant loup, l'homme à abattre. Tonton bec-de-lièvre.

Non seulement Patrick Sébastien c'est ce que la télé fait de pire, mais maintenant il s'attaque au cinéma. Le septième art, carrément ! Tant qu'il faisait des émissions à la con pour les cons on ne disait trop rien, d'ailleurs on ne regarde jamais la télé car on n'est pas des imbéciles, nous. Mais là, le cinéma... Sacrilège ! C'est pas un truc de cons. La preuve : on y va ! Déjà que trop souvent, les gens se comportent au cinéma comme s'ils étaient devant leur télé, voilà maintenant qu'on peut y voir des films de l'autre naze ! Aux armes !

La chose s'appelle « T'aime », sur l'affiche il y a un épouvantail, sans doute une idée de la production qui, honteuse du résultat, cherche à tenir éloigné des salles son public potentiel : les individus à cervelles de moineau. Le film, c'est du Patrick Sébastien tout craché, imbu et sûr de lui, auteur/réalisateur/interprète, c'est dire si l'on atteint des sommets. L'humoriste torturé nous livre, dans un film grave dans tous les sens du terme, un florilège de ses plus belles pensées creuses : l'amour remplace le Prozac, l'amour est l'avenir de l'humanité, la méchanceté c'est pas bien... Le méchant du film est forcément parisien. Les provinciaux en revanche sont tous de bons bougres. Y compris les violeurs qui, pour peu qu'ils soient du Tarn, sont, comme chacun sait, de grands sentimentaux. Et puis c'est bien connu, le viol est une preuve d'amour ultime, les filles n'attendent que ça, au fond. Passons par charité sur la prétendue dénonciation de la psychiatrie. Son asile psychiatrique, c'est « Vol au-dessus d'un nid de coucous » revisité par Claude Lelouch (Annie Girardot nous y prédit l'avenir entre deux clips de Patrick Fiori), Patrick Sébastien dénonce finalement un univers dont il ne connaît absolument rien. Son film est raté et on s'en félicite car c'est toujours un pied énorme que de voir un type qu'on n'aime pas se prendre une gamelle.


- "Bon alors je vais te faire la tête à Chirac et les nichons à Lova Moor...
- Euh, Patrick...
- Ah ouais, j'oubliais, c'est pas mon émission de télé..."


Deuxième option : imaginons qu'on aime Patrick Sébastien.

Patrick Sébastien est un type bien. Patrick Sébastien est plutôt rigolo et pas trop con. Un jour il s'est pointé à la télévision, ça s'appelait Carnaval et la télévision s'est mise enfin à déconner. On y voyait Mourousi en punk, Gainsbourg en travelo et plein de trucs vraiment drôles et vraiment nouveaux. Plus tard, il a eu la meilleure idée que personne ait jamais eu, Le Grand Bluff, où il a réalisé par procuration le fantasme de millions de téléspectateurs : débarquer dans le poste et foutre un bordel monstre histoire qu'il s'y passe quelque chose. Patrick Sébastien a un univers bien à lui, quoiqu'on en dise, fait de gaudrioles, d'humour potache, de culture populaire (il vénère Bourvil, De Funès, Raimu) et d'un vrai goût pour la dérision, le non-sens et l'absurde, très moderne. Patrick Sébastien est un mec généreux. On ne compte plus les artistes débutants ou au contraire dans le creux de la vague à qui il a donné un coup de main. Y compris à ses propres concurrents imitateurs ou humoristes (André Lamy, Laurent Gerra, Didier Gustin...). L'été, il prend son balluchon et sa bande de potes sous le bras et s'en va à la rencontre de son public. Les spectacles sont gratuits. Combien de stars confirmées font ça ? Pas beaucoup. Patrick Sébastien est un mec sensible. C'est un humaniste. Il sait ce que c'est d'être au fond du gouffre, il n'oublie pas d'où il vient, il considère les autres avec bienveillance, ne méprise personne. Les snobs le détestent comme à l'époque ils détestaient Audiard, De Funès ou Coluche, comme ils détesteront toujours tous ceux qui ont le malheur de plaire aux autres, fussent-ils aussi jolis qu'Amélie. Patrick Sébastien n'a pas la carte, c'est paradoxalement un marginal. Au moindre écart, c'est la curée, le procès en sorcellerie. Cela le rend encore plus sympathique

Véritable phénomène, Le Grand Bluff a réalisé en 1992 une audience record de 74% de parts de marché lors de son passage sur TF1. Un score qui n’a jamais été battu par la suite à la télévision, sauf par la finale de la Coupe du monde de foot France-Brésil en 1998 mais uniquement en nombre absolu de téléspectateurs, pas en % de PDM.

Aujourd'hui il fait du cinéma. Il sait très bien qu'il va se faire cartonner mais il s'en fout. Il a fait un film pour les gens, une histoire romantique où l'on rit et où l'on chiale avec des bons acteurs. Il a tout écrit, dialogué et dirigé lui-même. Deux ans de boulot au moins. On ne lui a pas donné l'ombre d'une chance. Le film n'est sorti nulle part. Qu'est-ce qu'il a de si honteux ? Rien. C'est même un premier film plutôt réussi. Sébastien s'y montre tel qu'en lui-même : débordant de bons sentiments, sincère et généreux dans son propos, drôle parfois. Il prend le parti des faibles, des opprimés, des victimes nées face à une société marchande, avare, calculatrice. La figure du père joué par Jean-François Balmer est une belle parabole de ce monde déshumanisé qui ne sait plus d'où il vient et qui ne sait pas où il va, celle de l'idiot (celui qui n'a plus sa place nulle part à l'heure de la compétitivité, du marketing, de la performance) en est une autre, à l'opposé. L'asile psychiatrique, plus fantasmé que réaliste, est ce coin de notre tête où l'on enfouit ce qu'on ne veut pas voir. C'est l'évitement, l'enfer de la réprobation sociale, le regard qu'on détourne au passage d'un infirme, les vieux qu'on abandonne (Annie Girardot), le tiers-monde qui crève (la figure du Noir), ceux qui hurlent mais qu'on n’entend pas (ces cris tout le long du film) parce que notre mauvaise conscience (incarnée par Jean-François Derec) a tôt fait de les réduire au silence. Ces gens là existent. Patrick Sébastien nous les montre. Leur avenir : finir broyés. Leur présent : se pendre avant qu'on les tue ou bien rêver pour s'échapper. Croire à l'impossible, se marier même pour de faux, baiser à même le sol en se lançant des mots d'amour difformes (t'aime). Faire comme si. Au milieu de tout ça : un ange gardien, une main tendue. Patrick Sébastien, acteur, est l'ange gardien du film, un motard sans casque, un psy qui ne croit qu'à l'amour. Là aussi c'est une parabole plus qu'un personnage vériste. Patrick Sébastien a dédié son film à son fils, décédé en moto. Ce type qui fait de la moto sans casque, c'est probablement lui. Son ange gardien. Celui qui l'aide à se débattre. Il faudrait vraiment avoir un coeur de pierre pour ne pas être touché par ça.


No comment...


Troisième option.

Patrick Sébastien, je ne le connais pas. C'est peut-être un butor, c'est peut être une crème. C'est probablement ni l'un ni l'autre. Un mec normal. A la télé, il a fait des trucs bien et d'autres qui prêtaient franchement le flanc à la critique.

Au cinéma, je l'ai vu chez Mocky comme acteur. Il ne s'en sortait pas trop mal.

Son premier film n'est pas un chef-d'oeuvre, loin s'en faut, mais il n'est pas non plus si mauvais.

Déjà, il n'a pas fait ce qu'on pouvait attendre de lui. Cela n'est pas l'histoire de deux rugbymen qui pètent sous la douche et attirent une soucoupe volante pilotée par Le Glaude (Sébastien en De Funès) et La Denrée (Sébastien en Villeret) de retour sur Terre pour la suite de la soupe aux choux (ils ressuscitent Bourvil sur son vélo et transforment Jacques Chirac en blonde à gros seins avec la voix de Krazucki mais heureusement, Carlos intervient). Non.

« T'aime » est un vrai film de cinéma avec des acteurs de cinéma (Girardot, Balmer, Myriam Boyer, Olivia Dutronc...). L'histoire, qui en en vaut bien une autre, est traitée sous la forme d'un conte parfois cruel, parfois poétique. Elle a été pensée pour le cinéma et il y a des trouvailles graphiques assez réussies (le mec qui se pend en décrochant la lune, les aliénés qui crient, la scène des tartines sur l'escalier, Derec qui trucide un oiseau...). Il y a aussi des notations sur les personnages qui sont parfois justes. Par exemple lorsqu'on voit Balmer et sa fille sur un banc. Il lui dit qu'il l'aime, qu'il veut son bien, qu'elle compte pour lui plus que tout. A ce moment son téléphone sonne, Balmer décroche, il oublie sa fille et parle affaires. Il devient cassant, cynique. La caméra se concentre sur lui. Il raccroche, la caméra s'éloigne. On découvre que sa fille est partie sans qu'il s'en soit aperçu. Voilà une courte scène qui en dit long sur les personnages et sur leurs rapports. Dommage que le film ne soit pas tout le temps comme ça.

Parce que pour sincère et honnête qu'il soit, « T'aime » n'est quand même pas terrible. Sébastien a voulu trop en faire. Il y a 7 personnages principaux qui chacun ont plusieurs scènes importantes et autant de personnages secondaires. Le film accumule les péripéties et les redites inutiles. Ca commence comme un drame rural, ça se poursuit comme un drame psychologique avant de virer à la love story puis au polar. Quand dans un film de 90 minutes il y a 30 scènes obligatoires, forcément ça va trop vite. On n'a pas le temps de souffler, de s'attacher aux personnages, tout devient très caricatural et très naïf voire même nanar. Le psy est censé gagner péniblement la confiance d'une fille violée, hyper traumatisée. Elle doit tomber amoureuse aussi péniblement de son ex-bourreau lequel est un gogol notoire qui la séduit en lui beurrant des tartines. Pourquoi pas ? Mais, normalement tout cela prend du temps ; or dans le film, tout est expédié en un quart d'heure à peine. Avec un scénar comme ça, Ken Loach fait 20 suites de « Family life » ! Aussi, quand on voit nos héros qui se ramènent dans le bureau du psy en souriant bêtement et en bouffant des tartines alors qu'ils s'entretuaient il n'y a pas cinq minutes, on a du mal à le croire et ça fait plutôt rire. Pareil pour le clip de Patrick Fiori avec des images au ralenti censées nous résumer la première partie et qui vient plomber gravement le bestiau en plein milieu. Là, j'avoue, ça m'a fait de la peine. Pour le reste, il ne faut quand même pas être de trop mauvaise foi. « T'aime » est loin d'être un nanar. S'il n'était pas signé Patrick Sébastien, beaucoup de ceux qui l'assassinent lui trouveraient peut-être alors des excuses.


Le public n'était pas prêt pour un film à T'aime.

- LeRôdeur -
Moyenne : 1.42 / 5
LeRôdeur
NOTE
0.5/ 5
Rico
NOTE
1/ 5
Wallflowers
NOTE
1/ 5
Drexl
NOTE
0/ 5
Barracuda
NOTE
1/ 5
Kobal
NOTE
5/ 5

Cote de rareté - 2/ Trouvable

Barème de notation

Trouvable certes mais très difficilement : écharpage critique, vautrage en règle au box office, nous ne rajouterons pas de clous supplémentaires au cercueil. Le film, bien que de 2000, n'a même pas eu droit immédiatement à une sortie DVD. Il a d'abord existé une VHS éditée en catimini par "France 2" complétement épuisée.


Puis, quelques forumers nous ont signalé avoir vu dans les solderies une édition DVD dont nous avons pas retrouvé trace sur le net. Jusqu'à ce qu'en 2014, Misterfox (merci à lui) tombe sur un pack 10 films français au milieu duquel subrepticement se cachait notre "T'aime" entre un Jugnot ou un Lemercier. Étrange...