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Sharknado


Sharknado

Titre original : Sharknado

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Anthony C. Ferrante

Année : 2013

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h26

Genre : Les vents de la mer

Acteurs principaux :Ian Ziering, Cassie Scerbo, Jaason Simmons, Tara Reid, John Heard, Alex Arleo, Sumiko Braun, Neil H. Berkow, Heather Jocelyn Blair, Diane Chambers

Drexl
NOTE
2/ 5



Nanarlandaises, Nanarlandais, nous sommes à un tournant de notre Histoire. Nous sommes la culture geek un mois après la sortie de La Communauté de l’Anneau de Peter Jackson, la culture comics post-Avengers, voire même Pulp Fiction dans la foulée de sa Palme d’Or. Nous sommes devenus un marché. Une niche ouverte à plein battant, à la merci de toutes les intrusions. Bientôt, les hipsters nous surpasseront en nombre, ils tenteront de nous déposséder et nous forceront à prendre le maquis critique contre leur funeste dictature du LOL et du second degré ironique. Mes enfants, à la lumière de cette bougie tremblotante, j’entrevois vos grands yeux interrogateurs de la même et éternelle question : mais que s’est-il donc passé ? Sharknado s’est passé. Les anciens n’ont rien vu venir, en dépit de signes précurseurs et d’une conjoncture astrale odieusement favorable.

 


Des requins, une tornade.

Une requins-tornade.


Soit The Asylum, une compagnie fondée sur les doubles piliers branlants de l’exploitation cinématographique à tout crin et d’un modèle économique à la Ponzi – en gros, son trio de fondateurs doit produire de la série Z en continu et ne jamais s’arrêter pour éviter la banqueroute. Un mode de fonctionnement avec ses impératifs d’efficacité, de surenchère et d’imbécilité crânement assumée, qui devait un jour ou l’autre donner naissance à Sharknado. Des requins, une tornade. Comme le proclame fièrement l’affiche américaine, Enough said, tout est dit.

 


Destiné à une diffusion sur la chaîne SyFy le 11 juillet 2013, le film fait parler de lui sur la foi de son seul titre, exactement comme Des serpents dans l’avion en son temps. Des célébrités de premier et second plan s’adonneront au live-tweet au cours de sa première diffusion – Cory Monteith, star de la série Glee, publiera sur son compte Twitter « what the crap is Sharknado ? oh. IT’S A SHARK TORNADO », juste avant de décéder d’une overdose (coïncidence ? Espérons-le). Sharknado drainera quelques 5 360 000 spectateurs lors de ses trois passages à l’antenne, aura même les honneurs d’une modeste sortie en salles plus obscures que jamais. Le culte est lancé, personne ne peut plus rien y faire. La suite est déjà en préparation. Le point de non retour a été allègrement foulé du pied par de fiers irresponsables trop heureux d’avoir trouvé une manne – peu importe son insalubrité artistique.

 


Fin et Baz, complices.

George et Nova, dans le doute.

L'insupportable ex-femme de Fin.


Le scénariste, Thunder Levin (après vérification, il ne s’agit même pas d’un pseudo), ne vient pas de nulle part puisqu’on lui doit Mutant Vampire Zombies from the Hood ainsi qu’Apocalypse Earth et Atlantic Rim, navrants décalques des blockbusters de l’été 2013 signés M. Night Shyamalan et Guillermo Del Toro. Le réalisateur, Anthony C. Ferrante, a un jour cru à son avenir dans le cinéma d’horreur avant de rejoindre The Asylum. L’acteur principal, Ian Ziering, est une gloire déchue de la série Beverly Hills 90210, qui a accepté le rôle pour « payer l’assurance santé de sa famille, en dépit de grosses réserves sur le scénario » (sic). Dans les rôles secondaires, Tara Reid et John Heard rivalisent de mises en abyme, elle dans un personnage qui nous rappelle sans cesse à quel point elle vaut bien mieux que ça, lui en touriste venu se bourrer la gueule aux frais de la princesse.

 


L'attaque.

La résistance s'organise.


La somme de ces forces vives donne vie à Sharknado, pur produit dont la vocation se résume à honorer de toutes les façons possibles son kind of high concept. Le postulat de départ est expédié dans les deux premières minutes : des requins + une tornade = une requins-tornade. Pas besoin de justification à la mords-moi-le-nœud, comme le réchauffement climatique dans Birdemic : les images se suffisent à elles-mêmes, et vogue la galère. La méthode The Asylum s’affine jusqu’au dénuement quasi-total – toute personne qui vient voir un film intitulé « requins-tornade » n’a nul besoin d’explication plus ou moins rationnelle.

 


Et hop, un peu de racolage.


Un rafiot de contrebande est le premier à subir les effets néfastes de ce fléau d’un nouveau genre, au gré duquel des mangeurs d’hommes jaillissent n’importe où, n’importe comment, et boulottent du figurant en plein vol ou en mode broyeur volant. A l’approche des côtes californiennes, la requins-tornade fond sur le Peach Pit le Fin, bar éponyme de notre valeureux héros.

 


Le héros dans toute sa splendeur fermentée.

Une serveuse qui en a.


Face à la menace, ce dernier s’entoure d’un groupe de vaillants résistants : Nova, sa serveuse énamourée, Baz, son meilleur pote un peu relou, et George, pilier de comptoir dont l’arme de prédilection n’est autre qu’un tabouret de bar. Unis par une sharkophobie totalement décomplexée (« Moi, les requins, je peux pas les saquer » répètent-ils à l’envi), la troupe accompagne Fin dans la quête périlleuse de sa famille qui ne peut pas le blairer, et qui retarde donc chaque sauvetage de façon conséquente. Niveau boulet, George aura au moins la décence de crever sous une requins-vague, non sans avoir auparavant sauvé un chien à l’aide de son fidèle tabouret.

 


George et son tabouret protecteur.

Comme dans "Independence Day", "Le Pic de Dante" ou "Man of Steel", "Sharknado" nous offre un sauvetage canin qui vaudra à George toute l'amitié de Brigitte Bardot (et tant pis si dans la vraie vie ce sont les requins qui sont une espèce en danger).


Après avoir assisté à l’explosion de la demeure familiale (sous la pression… des requins ?), le groupe part à la recherche du fiston de Fin, planqué dans un hangar d’aérodrome, ce qui tombe super bien. En effet, la meilleure façon de se débarrasser d’une requins-tornade est de balancer une bombe en son cœur, si possible en hélicoptère (les Hummer sont acceptés en dernier recours). Non sans mal, la résistance part à l’assaut des trois requins-tornades, et sauve une maison de retraite dans le même élan.

 


Trop de pression…

Beware !


Pour une production The Asylum, le résultat tient plutôt bien la route en termes de rythme malgré ses incessantes répétitions, grâce à la bêtise formidablement exploitée de son concept. Les requins tombent de nulle part sur des figurants chair à canon, s’accrochent au toit des voitures, gobent leur proie en d’absurdes ballets aériens, le tout en CGI rivalisant de laideur d’une scène à l’autre. Le montage saccadé et la mise en scène heurtée tentent de faire illusion et y parviennent à peu près – le gore et l’arbitraire le plus anarchique dans le déroulé des événements font passer la pilule de force.

 


L'hélico de la dernière chance.

Il va nous falloir un plus gros hélico.

Attention, chute de requins.

Une troublante réminiscence du Batman de 1966.


Côté casting, les acteurs n’ont d’autre choix que d’accepter le sort de leur personnage avec ce premier degré complètement à l’ouest caractéristique des produits de l’Asile. C’est ainsi avec un naturel de circonstance que Ian Ziering shoote du requin volant avec un revolver, ou se jette tronçonneuse la première dans la gueule d’un squale. C’est sans doute la plus grande qualité de Sharknado : le film assume son concept jusqu’au bout, ne s’en tire pas par des clins d’œil appuyés aux spectateurs.

 


La requins-tornade en milieu urbain.

Look out !


Sharknado est-il pour autant une bonne nouvelle en soi ? Oui, si tant est qu’il fasse réaliser à The Asylum que des productions, hmm, originales valent toujours mieux que les rip-offs de gros succès du moment. Non, si l’on considère que le film est volontairement conçu à destination d’un public moqueur qui se croit plus intelligent que lui. L’essence du nanar réside pour beaucoup dans son existence marginale, de l’accident industriel oublié à la curiosité exotique venue des coins reculés du globe. Le nanar de choix se distingue par son interpellation du regard cinéphile, par le trouble inattendu qu’il suscite chez le spectateur aguerri. Et à cet égard, Sharknado pose problème à tous ses stades de confection, tant chacun de ses écarts semble calculé, millimétré pour susciter les lazzis ; au point qu’il est légitime de se demander si l’équipe des effets spéciaux n’a pas fait exprès de saloper le travail.

 


Cas rare de requin mangeur de toit ouvrant.

Le même vu de côté.

Le plan totem du film.

Un symbolisme à fleur de peau.


Attention, il n’est pas interdit de se marrer comme des bossus devant ce film too much pour être foncièrement honnête – le tout est de ne pas oublier que ses producteurs riront toujours les derniers. En plus de "Sharknado 2", prévu pour se dérouler à New York, les pontes d'Asylum semblent décidément s'être pressés le cervelet pour nous garantir une année 2014 riche en évènements culturels de premier plan puisque se profile déjà un "Mega Shark Versus Mecha Shark", qui s'inscrit dans la continuité de "Mega Shark Versus Crocosaurus". Au pire, si jamais les producteurs venaient à manquer d'idées, les amateurs de fakes sont toujours disposés à leur en fournir (voir par exemple le tumblr "Sharks Make Movies Better") :

 





Là les parodieurs rigolards on vu juste puisqu'Asylum a depuis sorti un "Avalanche Sharks" !

Même ça vous allez voir qu'on y viendra bientôt. En tout cas c'est un projet qui pourrait se défendre devant les cols blancs d'Asylum (new high concept : un croisement entre "Dans la peau de John Malkovich" et "Sharknado" avec Nicolas Cage).

 

 

Depuis cette fin de chronique prophétique de Drexl, les petits malins de chez "The Asylum" ont lessivé le concept et aligné 5 suites à Sharknado jouant la surenchère perpétuelle et cherchant même à créer un cinematique universe cohérent en le croisant à d'autres oeuvres de la firme comme "Lavalantula". Paradoxalement en conservant les mêmes réalisateurs/scénaristes/comédiens tout au long du voyage, ils ont presque réussi à donner une véritable identité à ce concept boîteux devenu le porte étendard et la plus grande réussite de la société de Burbank...



- Drexl -
Moyenne : 1.67 / 5
Drexl
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
1.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
1.5/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Sharknado est sorti en DVD et Blu-Ray chez l’éditeur "Free Dolphin" (comme par hasard). Comme ses suites d'ailleurs. De nombreux coffrets existent mixant les différents épisodes de la saga.
Esthétiquement le coffret métal (visuel en en-tête de chronique) de "Studio Canal" est vraiment réussi.


L'arrière du coffret, plus sympa que le film lui même au fond.