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Pocket Ninjas

(1ère publication de cette chronique : 2004)
Pocket Ninjas

Titre original : Pocket Ninjas

Titre(s) alternatif(s) :Triple Dragon

Réalisateur(s) :Dave Eddy

Année : 1997

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h20

Genre : Comédie ninja

Acteurs principaux :Robert Z'Dar, Gary Daniels, Mel Novak, Richard Rabago, Ron Hall, Tadashi Yamashita

Barracuda
NOTE
3.5/ 5

Dans une comédie familiale, il est toujours difficile de dire où s'arrête l'humour volontaire et où commence la nanardise. Dans Pocket Ninjas toutefois, il n'y a guère d'ambiguïté tant l'humour volontaire est bas de plafond et tant la nanardise atteint à l'inverse les plus hauts sommets. Avant de commencer cette chronique, un mot sur la société qui a produit le film, Cine Excel Entertainment. Ces gens sont des héros. A l'heure de la mondialisation où quelques grosses firmes américaines contrôlent l'industrie du cinéma, où le moindre naveton est bourré jusqu'à la gueule d'effets spéciaux numériques qui tuent, à l'heure où les blockbusters s'enchaînent toujours plus vite et gagnent en qualité, eux continuent à faire du gros nanar à l'ancienne, comme dans l'Italie des années 1980, marchant sur les traces des pionniers Bruno Mattei et Enzo G. Castellari en copiant avec le budget mensuel d'un bureau de poste albanais des super-productions comme SWAT, Matrix ou encore Van Helsing. J'avais déjà chroniqué un de leur film avec Future War... si tout leur catalogue est de ce calibre (et au vu des bandes-annonces il semble que le pire reste à venir), nous n'avons pas fini d'entendre parler de ces gens-là.


Les héros s'entraînent, et ça ne fait que commencer.

Pour le film qui nous intéresse aujourd'hui c'est "Les 3 ninjas" qui a été honteusement plagié et "Pocket Ninjas" nous raconte donc l'histoire de trois enfants que leur professeur de karaté embarque dans une aventure hautement débile.

La ville est la proie de la violence et des gangs. Le professeur de karaté, Master Jack, explique à ses trois meilleurs élèves qu'ils incarnent le seul espoir face à cette menace. Ils doivent porter les anciens masques des dragons et combattre la violence habillés en ninjas et juchés sur des patins à roulettes. C'est un signe qui ne trompe pas et que tous les amateurs auront identifié tout de suite : dans ce film, il y a des ninjas en rollers. Généralement ça suffit à plier l'affaire et à désigner un film comme "gros nanar qui tache" (un peu comme les pastèques ou la présence de Stuart Smith au générique). Toutefois, il serait injuste de réduire Pocket Ninjas à ses rollers alors qu'il y a des dizaines d'autres éléments nanars dans ce film. Les méchants par exemple. Le bad guy en chef, en théorie, c'est Cobra Kahn alias Robert Z'Dar mais je reviendrai sur lui. Il n'est pas très important en fait (malgré son nom mis en avant sur la jaquette) car il meurt dès le début et c'est son fils, Cubby Kahn, douze ans et 1m30 au garrot qui devient le nouveau seigneur du crime local.

Les héros l'ignorent, bien sûr, et affronteront les divers sbires, séides et nervis en pensant qu'ils obéissent à Cobra Kahn. Au milieu de cette salade, il y a également le Dragon Blanc, un héros légendaire combattant le mal à travers les âges et qui se révèlera être, oh-mon-dieu-quelle-surprise-on-ne-s'y-attendait-pas-du-tout, Master Jack.




Les méchants s'entraînent aussi.

Au milieu de l'histoire, entre bagarres pathétiques et gags affligeants, le réalisateur nous offre un véritable running gag involontaire : l'entraînement. Les héros passent leur temps à s'entraîner. Le film dure une heure et quart, ce qui est déjà court, et au moins vingt minutes du métrage sont des plans qui nous montrent les trois héros exécuter de vagues katas dans un gymnase. Quand ce ne sont pas les héros, c'est leur prof. Ou les méchants. Ou alors ils changent de costumes et recommencent.


Tout à coup, un vieux monsieur (Tadashi Yamashita) vient s'entraîner à son tour.

Notez que vu le niveau des combats, je suis le premier à reconnaître que les acteurs ont besoin de s'entraîner, mais était-il vraiment nécessaire de le filmer ? Non, je dis ça parce que là on voit vraiment que la plupart sont des débutants et forcément ça décrédibilise le métrage. Comme si un film sur trois enfants ninjas avec des masques en caoutchouc juchés sur des rollers et combattant un maître du crime de douze ans avait de la crédibilité à revendre.


Master Jack n'est pas en reste pour l'entraînement.

Il y a aussi des scènes qui n'ont rigoureusement rien à voir avec l'histoire, mais que le réalisateur a tout de même voulu mettre parce que 1h30 c'est long, et qu'on ne se rend pas compte à quel point ça peut être dur à remplir quand on a un scénario aussi stupide. Le meilleur exemple c'est lorsque, durant les célébrations d'une fête japonaise, on peut voir les trois ninjas jouer au chat et à la souris avec les méchants et se faufiler au milieu de la parade sur leur rollers. Cette parade se déroulait de toute évidence à la même époque que le tournage et dans le même coin, et l'équipe de production a simplement décidé de se taper l'incruste, insérant ses trois ninjas dans la farandole au grand dam des autres participants, un brin agacés par l'irruption de ces trois gnomes même pas foutus d'aligner trois mouvements synchronisés. Deux minutes plus tard, la scène se termine sans aucune explication et on passe à autre chose. Le réalisteur s'est tout simplement dit qu'une parade, ça ferait bien dans son film, et ça aiderait à rallonger la durée.




Encore Master Jack, mais cette fois c'est pas pareil, c'est un flashback d'entraînement.

Je ne m'attarderai pas sur les bagarres, les photos parlent d'elles-mêmes, pour en venir à un sujet qui me tient particulièrement à coeur.


Paye ta batte en mousse !



Au cours de cette bataille, gentils et méchants restent gentiment alignés les uns en face des autres.

Car dans Pocket Ninjas, au-delà de la nanardise, nous assistons à un spectacle tragique. Celui de la dignité d'un homme qu'on expose, qu'on viole, qu'on bafoue, qu'on déchire, comme dans une version cinéma (enfin direct-to-video) d'une émission de Bataille et Fontaine : sans pitié et sans pudeur.
Cet homme, c'est Robert Z'Dar.
Véritable agneau biblique sacrifié sur l'autel de la mauvaise comédie, les trois scènes dans lesquelles il apparaît sont autant d'étapes jalonnant son chemin de croix nanar qui stupéfient par le ridicule grandissant et presque insoutenable des situations où se trouve plongé le pauvre acteur. Robert Z'Dar, nouveau messie de la nanardise, se trouve crucifié lors de la scène finale, véritable apothéose du film qui le voit transcender son humanité pour ne plus faire qu'un avec le Grand Esprit du Nanar. J'exagère à peine...


Les méchants s'entraînent encore.

La première scène est presque normale et se contente de nous montrer Cobra Kahn en compagnie de ses amis loubards en train d'étrangler un handicapé avec une béquille.

Dès la deuxième, on plonge dans les tréfonds du dadaïsme. Robert Z'Dar affronte le ninja blanc dans une espèce de cirque avec des ballons qui traînent partout sur le sol. Lors d'une séquence douloureusement longue (pour les côtes et les zygomatiques), Cobra Kahn et le Dragon Blanc utiliseront ces ballons de baudruche comme trampolines pour sautiller en s'envoyant une attaque de temps en temps. C'est à la fois particulièrement crétin, très lent et irrésistiblement grotesque. Ils jouent ensuite à se taper dans les mains comme on le fait en maternelle et terminent en dansant la polka. J'insiste, il n'y a aucune justification scénaristique à cette scène, elle n'est réellement là que dans le but évident d'humilier le pauvre acteur. Pour appuyer mon point de vue, je vous ai fait un GIF qui ne constitue qu'un très mince aperçu de ce moment magique.

Toutefois, même après ce traitement de choc, Robert Z'Dar s'accrochait encore aux ultimes lambeaux épars de sa dignité spoliée, ce qui était sans doute inacceptable pour Dave Eddy, le réalisateur fou. Celui-ci a donc décidé d'attendre la toute fin du film pour frapper un grand coup et pousser définitivement son acteur vedette au suicide.


Question entraînement, le Dragon Blanc n'est pas oublié non plus.

Pour cette séquence finale, les trois ninjas de poche poursuivent mollement Cubby Kahn et finissent par le coincer dans une espèce d'arrière-salle d'entrepôt, avec une grosse boîte au milieu de la pièce contenant de vieux emballages en plastique et quelques casques de mobylette. Cubby Kahn explique - mais était-ce vraiment nécessaire - qu'il s'agit là d'un équipement de réalité virtuelle ultra-perfectionné, et défie les ninjas dans un affrontement par jeux vidéo interposés (toujours l'influence dadaïste).

Et là, les mots me manquent et les images seules ne peuvent rendre justice à cette scène, mais en combinant les deux et à l'aide d'un GIF animé je vais tout de même essayer de vous décrire la chose. D'abord, nous avons d'un côté les ninjas et Cubby Kahn, avec leur équipement VR tellement mal fichu qu'on les voit parfois le rajuster en plein milieu de l'action, et qui font de vagues gestes avec les bras pour faire croire qu'ils sont "dedans".



Les plus observateurs auront noté qu'il n'y a qu'un seul casque et deux gants pour tous les acteurs. Ce n'est plus la misère, c'est carrément la dèche. Notez en bas à gauche un des ninjas qui rajuste le casque en train de tomber.

De l'autre, nous avons le jeu vidéo lui-même où les avatars des trois ninjas affrontent successivement l'avatar de Cubby Kahn puis Cobra Kahn en personne, c'est-à-dire Robert Z'Dar. Maintenant c'est là que ça devient difficile. Le réalisateur a voulu donner une touche "jeu vidéo" à la scène jouée par de vrais acteurs, parce que les images de synthèse ça coûte cher. Pour cela, il a ordonné aux acteurs de bouger de façon très raide (ce qu'ils n'ont aucun mal à faire naturellement) pour donner un côté saccadé à l'animation, tout en répétant sans cesse les mêmes gestes, puis il a passé le tout en accéléré X4 (au moins).


Soyez certains que ce GIF est très loin de rendre hommage à la nanardise de cette scène.



Mortaaaaaal Kombaaaaaat !



Cobra Kahn souffle pour repousser son adversaire, le spectateur a du mal à respirer à force de rire.

Je me refuse à vous décrire l'immonde musique qui accompagne le tout. Je tiens par contre à faire noter que dans cette catastrophe filmique, Robert Z'Dar est le seul acteur adulte dont le visage n'est pas dissimulé derrière un masque ou une cagoule. Avec un courage exemplaire, il accepte de souffrir seul pour sauver ses semblables de l'humiliation. C'est d'autant plus louable que, du fait qu'il est seul tête nue, c'est à lui que revient d'assumer toutes les grimaces et mimiques qui passent par la tête du réalisateur dément. A un moment, on le force même à utiliser un gant de boxe à ressort comme attaque spéciale. Horrible.


Bienvenue dans la Réalité Virtuelle.

Malgré mes sarcasmes, je dois avouer ressentir une réelle sympathie pour Robert Z'Dar. Bien qu'il se coltine toutes les scènes les plus idiotes, il prend visiblement son rôle très à coeur. Peu habitué aux comédies familiales, il se démène vraiment pour faire rire les enfants par ses grimaces et ses poses outrancières, ce qui rend son personnage extrêmement sympathique. Le problème, c'est qu'il est censé jouer un chef de gang sanguinaire et qu'il parvient pourtant à être cent fois plus attachant que les trois têtes à claques qui servent de héros à ce film.

Encore une petite image d'entraînement pour la route.

Au final, Pocket Ninjas est un très bon nanar dans la catégorie sous-représentée des comédies familiales. Sa faible durée lui permet de conserver un rythme soutenu, alternant les séquences de nanar comique et de nanar d'action. Toutefois, ce n'est pas pour autant un nanar parfait, certaines rares séquences étant plus affligeantes que réellement rigolotes. De plus, les incessantes scènes d'entraînement ont tendance à ralentir l'action et si elles font rire au début, elles peuvent finir pas lasser même les plus endurants.




Robert Z'Dar, avec et sans moustache. Je ne sais pas pourquoi, mais je soupçonne le deux-en-un ou un tournage étalé sur une longue durée.







"Tiens, voilà la corde pour monter dans ma cabane." C'est aussi ce genre de détail qui fait un nanar.



Le coup de la Game Boy sans jeu dedans est également un grand classique.

- Barracuda -
Moyenne : 2.42 / 5
Barracuda
NOTE
3.5/ 5
MrKlaus
NOTE
3/ 5
Kobal
NOTE
0.25/ 5
John Nada
NOTE
2.75/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation


La plupart des œuvres de "Cine Excel Entertainment" n'ont jamais été importées en France et d'une manière générale restent assez mal distribuées. Pocket Ninjas fait partie des exceptions puisqu'on le trouve facilement en DVD sur les versions américaine et britannique d'Amazon. Deux versions existent : un zone 1 chez "Universal Vidéo" (jaquette ci-dessous) et un multizone chez "Simitar Video" (jaquette en en-tête). Il s'agit dans les deux cas d'éditions sans bonus ni rien, tout juste un chapitrage, le tout disponible en anglais uniquement.