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Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir

(1ère publication de cette chronique : 2005)
Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir

Titre original : Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir

Titre(s) alternatif(s) :Par où t'es rentré ? on t'a pas vu sortir, Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir !

Réalisateur(s) :Philippe Clair

Année : 1984

Nationalité : France

Durée : 1h35

Genre : On achève bien Jerry Lewis

Acteurs principaux :Jess Hahn, Philippe Clair, Jerry Lewis, Marthe Villalonga, Jackie Sardou, Georges Blaness, Philippe Caroit, Henri Attal

Nikita
NOTE
2.5/ 5


Ouahlalalalala, aïeaïeaïeaïeaïeaïe la purée d’ma mère que la vérité sur la Torah j’te jure que mon film c’est d’la bombe atomique ! Y’a Jerry Lewis, la vérité ! Y’a des chameaux ! Y’a la Tunisie ! Y’a des filles à poil ! Y’a Jackie Sardou ! Y’a Alan Silvestri qui m’a fait d’la musique qui tue sa race, que j’te jure c’est la classe américaine ! Y’a même des scènes de cul avec Marthe Villalonga, purée ! Poï poï poï, ma parole, rire plus que ça, tu meurs ! C’est moi, Philippe Clair qui t’le dis !


Bon heu… restons calmes. Que raconter sur cette chose ? Il y aurait beaucoup à en dire, tant elle a valeur de symbole du comique nanar français à son zénith commercial. Ayant accédé aux gros budgets, à la gloire internationale, Philippe Clair, maître de la comédie pied-noir débile, artiste du gag lamentable, auteur inimitable de chefs-d’œuvre comme « Le Führer en Folie », « Comment se faire réformer » et « La Brigade en Folie », l’homme qui avait su amener Aldo Maccione à sa plénitude d’acteur, allait nous offrir son Grand Œuvre en débauchant rien moins qu’une star internationale, un comédien à la renommée galactique, un humoriste de génie intersidéral : le grand, l’immense Jerry Lewis !


Ma parole, Jerry, viens tourner avec moi, j’suis l’roi d’l’humour en France, sur la vie d’ma mère !


Heu… restons calmes à nouveau. Car Jerry Lewis, en 1984, ce n’était plus grand-chose, du moins à Hollywood. Ayant perdu son succès commercial au box-office américain depuis le début des années 1970, Lewis avait trouvé refuge sur scène à Las Vegas et comme présentateur du téléthon américain, tenant à l’occasion des rôles de composition dans des films comme « La Valse des pantins » de Martin Scorsese. L’acteur-réalisateur ne s’était notamment jamais remis du tournage de son film dramatique, « The Day the Clown Cried » (1972), demeuré inédit pour des raisons de droits.


J’te jure, l’humour pied-noir, c’est la méga-classe, y’a plus qu’ça sur le marché !


Star quelque peu déchue dans son pays, Lewis était demeuré populaire dans le reste du monde, et notamment en Europe, grâce aux rediffusions télévisées de ses films. Des critiques de cinéma français ayant écrit des pages exagérément laudatives sur le travail de Lewis, une légende avait même vu le jour, prétendant que « tous les Français sont fans de Jerry Lewis » (de nombreux Américains continuent d’en être persuadés). Sans doute encouragé par sa popularité en France, Jerry Lewis avait alors, au début des années 1980, tenté de relancer sa carrière en tournant des films dans l'Hexagone. Malheureusement pour lui, il ne semble pas avoir été très au fait du CV des réalisateurs avec qui il tournait… Les résultats : « Retenez-moi ou je fais un malheur », de Michel Gérard, avec Michel Blanc et Charlotte de Turckheim (un film paraît-il assez décevant) et, surtout, ce mastodonte du comique poids lourd, pesant comme une sieste d’éléphant, tourné par un Philippe Clair au top de la réussite commerciale.


L'autre film français de Jerry Lewis.


On ignore quels records de baratin le réalisateur de « Tais-toi quand tu parles » et « Plus beau que moi tu meurs » a dû atteindre pour convaincre Jerry Lewis de tourner avec lui : toujours est-il que ce film a l’honneur de nous montrer l’ancien partenaire de Dean Martin partager l’écran avec Jackie Sardou (qui joue sa mère !) et Marthe Villalonga ! Et rien que ça, c’est digne d’intérêt…





Et un, et deux et trois ! Perdez vot’gras, avec Jackie Sardou !


Mais quoi-t’est-ce donc que l’intrigue et qu’est-ce qu’on n’a pas vu sortir par où c’était rentré ? Si le titre n’a en lui-même aucune signification (ça aurait pu s’appeler « Arrête de ramer chez les Thaïlandaises en folie », ça n’aurait rien changé), l’histoire n’en a pas beaucoup plus. Jerry Lewis interprète le rôle de Clovis Blaireau : ce pied-noir, fils naturel d’un GI de passage qu’il n’a jamais connu, fantasme sur ses origines américaines et aimerait bien être un héros à la Humphrey Bogart. Raté de dernière catégorie, il affecte de parler avec l’accent américain et a ouvert une agence de détective privé, en dessous de la salle de gym pour femmes obèses que tient sa mère (gags en cascade, à base des secousses que les exercices de gym de Jackie Sardou infligent au bureau de Jerry !).
L’idée, à la base, aurait pu donner une mise en abîme assez intéressante et une fusion originale de deux univers opposés : un film réalisé par un pied-noir, avec un vrai acteur américain interprétant un faux américain, mais vrai pied-noir !
Sauf que le metteur en scène s’appelle Clair. Philippe, de son prénom. Et avec lui, tout devient possible. Y compris d’humilier à fond Jerry Lewis, de le réduire plus bas que terre, en dessous du niveau de Daniel Darnault (mais si voyons, le héros de « La Pension des Surdoués ») dans ses plus mauvais jours. Un seul mot vient à l’esprit pour qualifier la prestation de Lewis dans le film : HONTEUX ! Non content d’être doublé avec l’accent pied-noir (abomination !) quand son doubleur ne prend pas un faux accent américain (apocalypse !), Jerry Lewis a l’air de s’en foutre parfaitement, reprenant ses vieux gags sans aucune conviction et se livrant à des grimaces indignes du plus mauvais de ses imitateurs, sans se soucier aucunement de la cohérence de son jeu. C’est là qu’on se rend compte, somme toute, que Buster Keaton avait gardé sa classe dans « Deux Bidasses et le Général ». Qu’on se le dise : pour peu que Philippe Clair le filme, Jerry Lewis est l’acteur comique le moins drôle du monde ! Un peu l’inverse d’Henri Tisot, qui était soudainement frappé par le génie (ou la démence) dans « Le Führer en Folie »…






Jerry Lewis a été remplacé par un alien nanar !


Les mésaventures de notre détective commencent quand Nadège de Courtaboeuf (Marthe Villalonga) épouse du riche industriel Prosper de Courtaboeuf (Philippe Clair lui-même), vient lui demander de prouver l’infidélité de son mari pour obtenir un fructueux divorce. C’est en fait Nadège qui a un jeune amant (Philippe Caroit) et Clovis Blaireau ne va pas tarder à sympathiser vraiment avec Prosper.




Incroyable ! Des quasi-plans nichons avec Marthe Villalonga !

Révélation : avant d’être une vedette de feuilletons télé, Philippe Caroit était gigolo pour épouses pied-noirs !


Nous arrivons au deuxième cataclysme du film, après l’explosion en vol de Jerry Lewis : Philippe Clair, qui ne se sent plus d’avoir débauché une vraie star hollywoodienne, s’est attribué le deuxième rôle principal ! Or, s’il n’est pas mauvais du tout dans des seconds rôles, y compris en free style sous sa propre direction (voir sa prestation dans « La Brigade en Folie »), Philou est un peu léger pour tenir la vedette d’un film et finit par être complètement usant en caricature de Méditerranéen gesticulant. Il y avait pourtant matière à composer un vrai personnage, avec ce Prosper Courtaboeuf, pied-noir enrichi qui étouffe sous son argent et sous le joug de sa femme qui l’a affublé d’une particule et l’oblige à fréquenter des snobs. Mais rien à faire, toute possibilité de construire une comédie un tant soit peu subtile est emportée par le besoin de tout fracasser à l’écran (décors, bon goût, nerfs des spectateurs) et d’en mettre plein la vue.



J’ai les boules, t'y vois, je donne la réplique à une star, faut qu'j'y sois à la hauteur !

Ma parole, vous êtes sûrs que c’est bien Jerry Lewis que vous m’avez envoyé ? On dirait plutôt Michel Leeb en moins drôle…

28543ème rôle pour Dominique Zardi.

Philippe Castelli, de très loin l’acteur le moins concerné du film.

Gag !

Re-gag !

Re-re-gag !


Car Philippe Clair a des moyens, et c’est sans doute là la faiblesse de ce « Par où t’es rentré on t’a pas vu sortir ». Dans ses films des années 1970, ses budgets de pingre l’obligeaient à compenser en partant dans des délires parfois dantesques. Ici, il est un peu anesthésié par les brouzoufs que son producteur, Tarak Ben Ammar, lui a mis sur la table : et vas-y que je te filme en cinémascope, que je prends le temps de montrer mes décors, et que je traîne dans les quiproquos de boulevard. Aïe aïe aïe, mon Philippe, attention, tu t’embourgeoises ! On sent même une pointe de mégalo chez notre ami, qui enchaînait alors les cartons, et qui va jusqu'à s'auto-citer, avec les personnages qui s'écrient « Plus beau que moi tu meurs » ou «Tais-toi quand tu parles» !
Heureusement, à mi-chemin, une obligation du cahier des charges se fait jour : Tarak Ben Ammar étant tunisien, il veut mettre en valeur son pays d’origine ; va falloir faire ses valises et tourner là-bas. Qu’à cela ne tienne, Philippe Clair jette son scénario par la fenêtre et s’embarque pour Tunis avec son équipe et ses acteurs pour faire ce qu’il réussit le mieux : n’importe quoi !


Marlon Brando n’est pas dispo ? Pas d’problème, j’vais vous’l’faire, moi, le Parrain !

Ma parole, c’y la fortune, on a même des filles à poil au bord d'la piscine !


Une fois tout le monde arrivé en Tunisie comme des cheveux sur la soupe, le récit part dans une quenouille même pas digne d’une BD improvisée après une cuite au Sidi-Brahim : là-bas, c’est la guerre des gangs entre la mafia du fast-food dirigée par Ben Burger, la Cosa Nostra de la restauration italienne ("Les Inspaghettibles"!) et le Front de Libération du Couscous ! Ma parole, ça va chauffer, c’est reparti comme en 40 !


Ben Burger, le parrain de la malbouffe (Georges Blaness), et son associé Mac Douglas (Jess Hahn).


Comment ça, j’en rajoute pas assez ? Attends un peu, Philippe, tu vas voir !

Certains indices laissent à penser qu’il a fallu maltraiter Jess pour le faire tourner dans ce film…

Ma parole, on a américanisé tout le quartier de Tunis !

Y’a même des bunnies de Playboy !

Et des Tunisiennes qui font de l’aérobic !

A droite : Elliott Nesser, l’as de la police tunisienne (véridique !)…

…et sa nesser-mobile, au moteur également tunisien ! (mouahaha !)


Quiproquos éléphantesques, travestissements débiles, dialogues écrits cinq minutes avant les prises, le film semble décomplexé par le soleil et se transforme en loufoquerie à l’intense portnawak, qui voit Jerry Lewis affronter un sous-Bruce Lee à l’aide d’un yo-yo qui tue, Philippe Clair imiter Marlon Brando, Jess Hahn achever sa carrière en se disant qu’après Jean-Marie Pallardy, il peut tourner avec n’importe qui, et Connie Nielsen (future actrice de « Gladiator ») débuter en se faisant emballer par Jerry !




Mouahahaha !


Tu nous avais caché ça, Connie !


Le n’importe quoi ambiant reste cependant en deçà des meilleurs nanars de l’œuvre Clairesque : la faute, toujours, à un budget élevé qui force le réalisateur à multiplier les péripéties navrantes au détriment des gags, eux aussi navrants mais qui relèvent plus de son talent naturel. Tel un Jean-Marie Poiré en deuxième partie de carrière, Philippe Clair a l’air de se prendre pour le David Lean du nanar comique, au détriment de ce qui faisait la force purement psychopathe de ses films de la décennie précédente.


J’avoue tout, m'sieur l'agent, on est en train de tourner un gros nanar, mais faut bien qu’on vive, purée !


Même si ce « Par où t’es rentré on t’a pas vu sortir » ne restera pas finalement comme l’œuvre majeure de son auteur, il reste suffisamment de frénésie dans le récit et de capacité consternatoire dans les gags pour avoir le spectateur à l’usure. On regrettera seulement que l’humour d’un Jerry Lewis visiblement très fatigué se marie finalement assez mal avec l’hénaurmité de l’univers Clairien. Les scènes dont Lewis a visiblement écrit (ou du moins supervisé) les gags semblent des segments isolés, issus d’un autre film, et dont les ressorts comiques fonctionnent, du coup, étrangement mal. Mais cela ne fait finalement que souligner encore plus l’aberration profonde du film, qui enterre définitivement la carrière de la star qu’il prétendait exalter et démontre que, même atténué, l’univers du gros Philippe demeure d’une violence nanardo-poilante difficilement supportable pour les palais délicats. Léger comme un triple couscous-boulettes inondé de harissa, c’est peut-être un gros nanar dur à digérer, mais ils nous ont bien rempli l’assiette, la purée d’ta mère !!


Jerry Lewis venant de voir le film et se jurant d’empêcher sa sortie aux USA…

…mais ne se doutant pas qu’il y aurait un jour des DVD pirates américains !



- Nikita -
Moyenne : 2.45 / 5
Nikita
NOTE
2.5/ 5
Rico
NOTE
3/ 5
LeRôdeur
NOTE
3/ 5
MrKlaus
NOTE
2.5/ 5
Kobal
NOTE
1.25/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
Jadis favori des rediffusions sur les chaînes hertziennes, ce film subit actuellement un purgatoire certain. C'est tout juste si on peut encore retrouver les deux éditions VHS de chez "Carrère" (blanche ou noire) ou l'édition DVD-R artisanale américaine (épuisée en plus) de chez "5 minutes to live" sous le titre "Jerry Lewis Madness". A quand l’édition DVD collector, purée d’nouzôtres ?!!


La BO du film, signée Alan Silvestri tout de même ! (Predator, Forest Gump, Qui veut la peau de Roger Rabbit…)


La playlist qui envoie du lourd :
1) Les "Inspaghettibles" Contre Le "Front De Résistance Du Couscous"
2) Aerobic Poids Lourds
3) Le Laveur De Vitres
4) Kasbah City
5) Règlement De Comptes A "Kasbah City"
6) Les "Inspaghettibles" Reçoivent Leur "Parrain"
7) "High Energy" - interprété par Evelyn Thomas [chanteuse américaine]
8) La Fuite À Orly
9) Soirée "Jet Society"
10) Le P.D.G. Des Chiffons Est Menacé
11) Les Filles À La Piscine
12) Fin De La Guerre Des Gangs

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