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Opération Las Vegas

(1ère publication de cette chronique : 2006)
Opération Las Vegas

Titre original : Opération Las Vegas

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :N.G. Mount (Norbert Moutier)

Année : 1988

Nationalité : France

Durée : 1h32

Genre : La banque a sauté, on ferme !

Acteurs principaux :Richard Harrison, Maria Francesca Harrison, Brigitte Borghese, John Van Dreelen, Peter Gold

Nikita
NOTE
4.5/ 5


Richard Harrison est un homme très sympathique. Pour preuve, dans l’excellente interview qu’il nous accorda, notre RH expliquait ainsi sa participation au film qui fait l’objet de la présente critique : « [J’ai rencontré Norbert Moutier] et il m'a dit qu'il voulait faire un film, et m'a demandé de jouer dedans. J'ai accepté, sans penser un seul instant qu'il le ferait vraiment, mais une fois ma parole donnée je ne pouvais pas revenir en arrière. » On admirera donc la gentillesse et la disponibilité du Richard qui, il est vrai, n’était plus très motivé par sa carrière de comédien après son pénible passage chez Godfrey Ho. Suite à une simple promesse orale, notre ami devait se retrouver dans une production encore plus lamentable que « Lorna la Lionne du Désert » et « Dark Mission, les Fleurs du Mal » réunis ! A vous dégoûter d’être honnête.


Mis en scène, sous le pseudonyme de N.G. Mount, par Norbert Moutier, libraire parisien, critique de cinéma (« L’Ecran fantastique ») et connaisseur encyclopédique du cinéma bis, « Opération Las Vegas » est une production totalement stupéfiante à l’insigne pauvreté, reproduisant avec vingt ans de retard les codes narratifs de la série B européenne fauchée des années 1960 sous l’œil morne d’un Richard Harrison revenu de tout. Concentré de clichés assaisonné de jus d’incompétence, le film déroule devant un public stupéfait une histoire semblant conçue par un mauvais scénariste de télévision ravagé par l’Alzheimer, qui déviderait machinalement et sans aucun souci de logique toutes les recettes les plus usées en les agrémentant de poussées de n’importe quoi copiées sur tout et son contraire.


Le scénario d’ « Opération Las Vegas » est tout à la fois linéaire et particulièrement difficile à résumer, sauf à se lancer dans une fastidieuse énumération de scènes. Tout juste comprend-on qu’il s’agit d’une organisation secrète, qui agit dans la région de Las Vegas. A moins qu’il ne s’agisse de deux organisations rivales. Ou de trois. En tout cas, il y a au moins une organisation, qui poursuit on ne sait quel but et vole des documents secrets dont on ne saura rien. L’hypothèse de deux organisations rivales naît de l’étonnante succession de retournements de vestes : tout le monde passe son temps à trahir tout le monde.



De l'action ! Du suspense ! Des seconds rôles charismatiques !

Des sbires récupèrent les documents, puis s’enfuient avec pour trahir l’organisation, ce qui leur vaut de se faire tuer ; mais les sbires qui ont tué les traîtres trahissent également et se font courser dans le désert par d’autres sbires, qui trahissent à leur tour… Les méchants passent davantage de temps à se trahir les uns les autres qu’à mettre leur plan à exécution, plan dont, par ailleurs, on ne saura rien. Tout juste comprend-on vaguement à la fin qu’il s’agit d’un complot de communistes : et encore, ce n’est pas sûr.


A gauche, Norbert Moutier lui-même, dans un rôle de sbire grincheux.


Des flics hyper motivés.

La police se gratte la tête : des inspecteurs expliquent longuement au chef du FBI qu’il s’agit d’une histoire de chantage mise au point par un gangster local. On n’entendra plus parler du gangster en question. Les dialogues semblent découpés dans un script de mauvais téléfilm, puis recollés sans aucune logique : rarement des conversations auront été aussi remplies de clichés et dans le même temps si dénuées de sens.
Le chef appelle son agent spécial, Richard Harrison, lequel accepte d’interrompre ses vacances pour enquêter. Durant sa conversation téléphonique, RH est attaqué par des ninjas, pour une raison qui restera obscure : Norbert Moutier a-t-il voulu rendre hommage aux films de Godfrey Ho ? Dans ce cas, pourquoi RH a-t-il accepté de tourner cette scène ? N’en avait-il pas marre des ninjas ? Voulait-il se moquer de lui-même ? Mystère et boule de gomme.


Malheureusement, il n'a pas son téléphone Garfield.


Parmi les ninjas, le générique signale la présence de Robert Harrison, l’un des fils de Richard.


RH arrive donc à Las Vegas pour commencer une enquête molle. A l’aéroport, il emballe une touriste jouée par Brigitte Borghese, actrice française vue dans « Des filles expertes en jeux clandestins », « Tout le monde il en a deux », « L’Hippopotamours », « Ne prends pas les poulets pour des pigeons » et « Le Facteur de Saint-Tropez ».


Brigitte Borghese.




Ca va emballer sec !


Il couche avec elle et découvre au réveil qu’elle a disparu. Il enquête quelque peu, la retrouve et re-couche avec elle. Au réveil, elle semble encore avoir disparu, mais notre Richard la retrouve dans la salle de bains, déguisée en ninja et animée d’intentions hostiles. Il s’agissait donc d’un guet-apens destiné à tuer RH ! Mais pourquoi ne l’a-t-elle pas tué la première fois ? Pourquoi ne l’a-t-elle pas occis alors qu’il dormait, au lieu de l’attendre dans la salle de bain ? Ca doit faire partie d’un obscur rituel ninja.


Il s’avère que Brigitte Borghese est, non seulement un ninja, mais également le chef de l’organisation. Ou de l’une des organisations. Elle veut… quoi, au fait ? Mener une opération contre le gouvernement américain ? Voler de l’argent ? On n’en sait rien. Il est question d’enlever une pilote américaine et de la remplacer par un sosie : on verra bien l’enlèvement, mais on ne saura rien de la substitution ni de sa raison d’être. Le flou est total : on est à la limite de l'abstraction pure. Visiblement fasciné par Brigitte Borghese, Norbert Moutier laisse vagabonder sa caméra dans d’étranges régions où la logique n’a plus cours.



L’otage, interprétée par Francesca, l’épouse (dans la vie) de Richard Harrison : c’est elle qui cuisinait des crabes dans « Ninja Terminator » et se faisait étrangler dans « Diamond Ninja Force ».

Le scénario brumeux ne serait rien sans une forme largement à la hauteur du fond : faux raccords à la pelle (armes et téléphones apparaissant et disparaissant des mains des acteurs, portière de voiture ouverte dans un plan, puis fermée dans le suivant, puis à nouveau ouverte dans un troisième plan…), photo grisâtre et surexposée, montage à la fois mou et aléatoire. On a parfois l’impression d’assister à la projection d’une parodie de série B tournée sur le mode « tout ce qu’il ne faut pas faire », pour servir de contre-exemple dans une école de cinéma. Tout y est fascinant de naïveté et d’incompétence, comme une œuvre d’art brut conçue par un dépressif chronique, à faire passer « White Fire » pour une perle de cinémathèque tournée par un grand d’Hollywood.


Brigitte le ninja.



La déchéance de Ninja Terminator : Richard Harrison, désabusé, clope au lit en lisant « Penthouse » dans une chambre d'hôtel minable.

Le film a réellement été tourné aux Etats-Unis mais réussit l’exploit de faire en sorte que cela ne se voie quasiment pas, à l’exception de quelques plans dans un casino de Las Vegas et d’une ou deux scènes dans le désert. Les décors américains sont si mal filmés et éclairés, sur fond de ciel si terne, que l’on se croirait parfois à Courbevoie ou à Ozoir-la-Ferrière. Sans parler de la scène où notre Richard, censé loger dans une chambre du meilleur hôtel de Las Vegas, se retrouve dans ce qui tient plutôt de l'auberge décrépite.


Toute la luxuriance de Las Vegas.



Absurde, confus, accumulant le n’importe quoi à un rythme tel que l’on s’ennuie assez rarement malgré une bataille finale littéralement interminable, « Opération Las Vegas » atteint son point d’orgue dans une dernière scène hallucinante de stupidité, constituant l’un des pires pastiches de James Bond jamais vus. Sans trop vouloir en révéler, disons que notre cher RH oublie sans autre forme de procès l’otage qu’il vient de libérer pour s’en aller batifoler avec une sbirette des méchants à peine capturée et étrangement consentante. Ce faisant, il n’hésite pas à tourner le dos à l’autre terroriste – présumée dangereuse – qu’il vient également de capturer et à la laisser libre en pleine nature. Sacré Richard Harrison : héros nanar jusqu’au bout !


Œuvre d’un authentique cinéphile dont le talent de cinéaste n’est guère à la hauteur de sa passion, « Opération Las Vegas » est à voir comme une pure bizarrerie, un vestige azimuté et anachronique de l’époque du cinéma de quartier, où polar minable, ninjaterie et sous-James Bond s’entremêlent dans une ambiance d’incompétence totale et sans complexes. Fascinant et hypnotique, ce film est à redécouvrir d’urgence par tous les amateurs d’étrangetés issues de la quatrième dimension. A ne conseiller qu'aux nanardeurs endurcis, tout de même, car c'est assez hardcore. Quant à Norbert Moutier, il est l’auteur de quatre autres long-métrages, qu’il nous tarde désormais de découvrir !


- Nikita -
Moyenne : 4.04 / 5
Nikita
NOTE
4.5/ 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
4.5/ 5
Wallflowers
NOTE
4/ 5
Labroche
NOTE
4.75/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
4.5/ 5

Cote de rareté - 3/ Rare

Barème de notation
Alors là c'est ahurissant. Ce film bénéficie d'un DVD allemand chez "M2 Verlag GmbH - Best Entertainment" (avec pas moins de 3 visuels successifs !), d'un DVD espagnol chez "VellaVision" titré "Operacion en Las Vegas" et rien en France ! Evidemment aucune des deux galettes ne possède de version française.


Sorti directement en VHS chez "Antarès et Travelling", ce film est dans son pays d'origine plus méconnu que méconnu. Autant dire que ceux qui mettent la main dessus ont bien de la chance.

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