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I am here....now

(1ère publication de cette chronique : 2013)
I am here....now

Titre original : I am here....now

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Neil Breen

Producteur(s) :Neil Breen

Année : 2009

Nationalité : Etats-Unis

Durée : 1h26

Genre : Messie circulaire

Acteurs principaux :Joy Senn, Elizabeth Sekora, George Gingerelli, Maraud Ford, Jason Perrin, Ron Schoenewolf, Ali Banks, Tommie Lee Vasquez, Med Jast, Neil Breen

Drexl
NOTE
4/ 5


Quatre années après son confus Double Down, Neil Breen revient à la charge cinématographique, plus gonflé à bloc que jamais. Il a sans doute pris conscience que les messages alarmistes de son premier long-métrage n’avaient finalement pas alarmé grand monde. Aux grands maux les grands remèdes : ses métaphores seront plus fortes, et plus littérales. Il montera une nouvelle fois au front, en première ligne, pour dénoncer des trucs et balancer des machins. L’heure est beaucoup trop grave. Le monde doit savoir.



I Am Here....Now (quatre petits points et pas d’espace, c’est important) aura une nouvelle fois pour cadre Las Vegas, la Sin City, comme le dira l’un des personnages. Neil Breen est The Being (L’Être), personnage messianique, débarqué sur Terre dans une boule de bowling translucide, et dont l’introduction nous dévoile l’ambiguïté de la nature : un Christ (qui n’arbore des stigmates que d’un seul côté de ses mains), un cyborg, un zombie, un humain ? The Being est un peu tout cela à la fois.











Tout seul au beau milieu des étendues désertiques du Nevada, The Being commence à sermonner un crâne et une araignée en plastique. The Being est colère : de toutes les planètes qu’il a créées dans le système solaire, la Terre est la seule dont les habitants ne respectent pas l’écosystème. Pourquoi les humains ont-ils échoué, demande-t-il au crâne en désespoir de cause, il leur a pourtant tout donné… Pour étayer son argumentation, Neil Breen / The Being (la fusion est totale) nous offre des images de dauphins, puis de lui-même marchant à côté de crânes de poupées.





Non loin de là, un couple se pervertit à l’arrière d’un pick-up. A coups de bières, de drogue, de chemisier ouvert sur une absence de soutien-gorge, et de coups de feu dans les airs. Quand The Being arrive, l’impudent lui tire dessus. Mais The Being ne craint pas les balles, et efface les impacts d’un revers de main. Lorsqu’ils tentent de fuir, The Being immobilise les tourtereaux, qui se figent comme s’ils jouaient à un deux trois soleil. The Being pique le jean et le t-shirt troué du marlou, fait disparaître le couple (mais « ce n’est que temporaire ») et se barre au volant de leur pick-up.





Une petite réclame pour les énergies solaire et éolienne gracieusement dispensée par The Being nous introduit presque finement le personnage de Cindy, enthousiaste employée d’une société spécialisée dans les énergies renouvelables. Cindy est à mille lieux de se douter qu’un politicien corrompu, un businessman corrompu et un avocat corrompu sont sur le point de violenter ses rêves. The Being rappelle en voix-off à quel point le monde ne tourne plus rond : « Les corporations corrompues. Les criminels de Wall Street. Les politiciens cupides. Les avocats et compagnies d’assurances qui mentent… tous détruisent ce que j’ai prévu pour cette planète. Je les éliminerai si les humains ne s’en chargent pas ».








Autant prévenir : l’avocat, le businessman et le politicien ne seront jamais nommés autrement ; on touche là à l’apogée quasi abstraite de la notion de "personnage fonction". Leurs rôles sont à ce point dictés par des conventions qu’ils ne s’expriment qu’en termes très flous : l’avocat s’occupe « du réseau, des technologies et des pots-de-vin », le politicien « annule des lois », le businessman fait « du business », et le trio se fait « plein de cash », parce que de toute façon, l’environnement peut attendre. Et malheureusement, Cindy en fait les frais : à cause « de la corruption et de la cupidité des grosses corporations et des politiciens et des avocats », la société doit se séparer d’elle, au grand dam de la patronne qui se verra réconfortée dans la foulée par The Being et son don de faire dresser les roses (« Don’t give up ! », répète-t-il).




Promenant son fils en plastique, Cindy confie son vague à l’âme à sa sœur jumelle Amber (en plus de ne se ressembler que vaguement, elles portent le même chemisier ouvert sans soutien-gorge que la fille de joie du pick-up - avons-nous affaire à des triplées ou à une costumière flemmarde ?). Amber, en bon soutien familial, lui répond qu’elle est belle, intelligente, et qu’elle peut donc devenir strip-teaseuse ou escort-girl. Quelques secondes plus tard, un cycliste se vautre en les contemplant : la scène est a priori comique, mais son tempo incroyablement languide lui donne un caractère presque inquiétant, qui explique peut-être le basculement de Cindy dans le vice.






Cindy et Amber arrivent dans la cour des miracles de Las Vegas. En fait, une route bordée de maisons défoncées où se retrouvent l’avocat, le politicien et le businessman pour manigancer… des trucs avec des gangsters bigarrés, adeptes de la violence gratuite et de looks pas possibles. Cindy succombe aux sirènes de l’argent facile, tandis que le cercle infernal de la corruption se perpétue, au rythme des enveloppes échangées discrètement et des honnêtes citoyens mutilés hors champ dans le désert.











Pour que cette galerie de portraits (enfin plutôt de vagues esquisses) soit complète, il ne faut pas oublier "l’homme en fauteuil roulant" : apparemment issu des mêmes décombres définissant les alentours de la cour des miracles, il se hisse douloureusement sur son fauteuil et part pour Las Vegas, son dernier rêve avant de mourir. A peine arrivé, il se fait chahuter par un salopard qui renverse son fauteuil et deux voyous en voiture : The Being rétablira la justice en les faisant saigner des yeux et en jouant une nouvelle fois à un deux trois soleil. Mais en dépit de ces coups d’éclat, la corruption et la violence souillent toujours les âmes.







Au diapason du calvaire enduré par Cindy et Amber, le montage s’emballe sensiblement. Les séquences se mélangent, s’interpénètrent, se répètent, hument bon le recyclage d’images en bouillie auteurisante. The Being se lamente encore et toujours du manque d’énergies renouvelables ; Amber se fait elle aussi lourder de sa société environnementaliste, prend de la drogue et vomit ; la cour des miracles continue à perpétrer des exactions floues, aux ambitions désormais internationales grâce au mystérieux Eric, qui peut obtenir « n’importe quoi, n’importe où ». Dans l’ombre (enfin, hors champ, quoi), The Being veille et mitonne sa vengeance céleste, à base d’un deux trois soleil et de crucifixions.






Le temps d’une conclusion aux plans exagérément étirés, sûrement pour leur donner le « subtil sens métaphorique » cher à l’auteur, et l’évangile cinématographique de Neil Breen s’évapore dans l’éther, laissant le spectateur face à ses doutes et innombrables questions. Que vient-il de se passer ? Pourquoi ces plans de dauphins et de têtes de poupées dans le désert ? Le monde était-il prêt ? Et surtout, quel crédit apporter au discours de cet agent immobilier de Las Vegas viré born again chrétien geek écolo-marxiste ?






Dans la douleur de son déroulé pontifiant à l’extrême, I am here….now s’impose rapidement comme un nanar de très haute tenue. L’interprétation de Neil Breen, toute en majesté et en mégalomanie assumée jusqu’au bout des ongles, soumet le film au diktat de ses intérêts supérieurs, et l’enferme dans une forme dont le sérieux papal ne peut qu’entrer en conflit sanguinolent avec la réalité esthétique de ce pensum. On a évoqué entre les lignes la longueur artificielle de chaque plan ou l’incongruité du montage ; pour vraiment rendre compte de l’atmosphère unique d’I am here….now, il ne faut surtout pas oublier un casting catastrophique constitué de potes et collègues du réalisateur (Neil Breen est le meilleur acteur, et de très loin), un mixage son apocalyptique, et une omniprésente musique au lyrisme pompeux (récupérée sur le site stockmusic.net !), qui aurait pu être composée sous Tranxène par l’enfant bâtard d’Angelo Badalamenti et Joe Hisaishi.





I am here….now est avant tout le projet d’un homme qui se voit au-dessus des hommes. Un égocentrique qui, non content de s’incarner en messie respecté et craint de tous (et quand même un peu beau gosse pour ces demoiselles), abuse des effets de mise en scène pour affirmer sa supériorité, passe son temps à juger ses contemporains ou à énoncer de doctes monologues écologiques, le regard fixé vers l’horizon. Ses messages sont clairs. Embrassez les énergies renouvelables, même s’il faut crucifier des gens pour ça. Refusez la corruption. Kiffez les dauphins. Adorez Neil Breen.



- Drexl -
Moyenne : 3.67 / 5
Drexl
NOTE
4/ 5
John Nada
NOTE
3.5/ 5
Labroche
NOTE
5/ 5
Kobal
NOTE
4/ 5
Wallflowers
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation

Inédit en France (comme partout ailleurs en dehors, peut-être, de Las Vegas), ce brulot a été distribué en DVD vendu directement sur le site www.iamherenow.biz pour 12$ US. Le site semble malheureusement HS, et les rares exemplaires qu'on trouve parfois d'occasion sur des sites comme ebay atteignent des prix indécents...