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Les Gauloises blondes

(1ère publication de cette chronique : 2006)
Les Gauloises blondes

Titre original : Les Gauloises blondes

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Jean Jabely

Année : 1988

Nationalité : France

Durée : 1h25

Genre : Nos ancêtres avaient la gaule

Acteurs principaux :Roger Carel, Jackie Sardou, Pierre Tornade, Gérard Hernandez

Nikita
NOTE
2.5/ 5

« Vulgarité (n.f.) : absence totale de bon goût et de délicatesse. »
« Gauloiserie (n.f.) : propos licencieux ou leste ; grivoiserie. »

C’est probablement en révisant son dictionnaire que Jean Jabely a voulu illustrer jusqu’à l’extrême ces deux définitions, créant sans doute le premier nanar lexical. « Les Gauloises blondes » sont un objet filmique difficilement identifiable, un choc artistique à peu près aussi nocif pour la santé mentale que la consommation de son homonyme tabagique l’est pour les poumons.


Je tiens à préciser, pour mettre le lecteur dans la confidence du choc mental qu’a été la première vision de ce film, qu’il a été découvert par pur hasard au cours d’un marathon nanar par des collaborateurs de Nanarland : à trois heures du matin, nous tombâmes sur une chaîne câblée sur une diffusion de cette chose, dont nous ignorions absolument tout. Devant cette déferlante digne de l’indicible lovecraftien, nous restâmes littéralement pétrifiés, MrKlaus lui-même (pourtant très résistant) poussant des gémissements de douleur à chaque gag. « Les Gauloises blondes », ce n’est même plus le degré zéro du comique, c’est quelque chose comme l’alpha et l’oméga de la médiocrité la plus pitoyable, où s’ébrouent les fantômes délabrés de quelques acteurs de talent, que l’on s’afflige de reconnaître ici. Ajoutons que le film ne semble avoir connu qu’une distribution en salles confidentielle, et probablement pas à Paris. C’est donc de l’OVNI 100% que cette création dadaïste, qui n’est en tout cas pas destinée aux petites natures.


André Gaillard (le druide) et Pierre Tornade (le chef).



Jackie Sardou est la sorcière du village.


Imaginez une adaptation live d’ « Astérix ». D’accord, elle existe déjà. Imaginez plutôt une version vraiment fauchée de cette adaptation, qui remplacerait l’inventivité de Goscinny par une bonne dose de cul et des gags d’une vulgarité à faire frémir. Imaginez la présence au casting de ces vétérans du doublage que sont Roger Carel (voix attitrée d’Astérix dans les dessins animés) et Pierre Tornade (Obélix ou Abraracourcix selon les films). Leur présence, agrémentée de celles de Gérard Hernandez (autre grand du doublage, mais moins lié à Astérix), Jackie Sardou, André Gaillard (l’un des « Frères ennemis ») et Jean Rougerie, donne une sorte de crédibilité paradoxale à ce qui doit être le nadir le plus absolu du comique français (il y a bien « Le Plumard en Folie » en dessous, mais là je ne sais même pas si nous sommes toujours dans le registre du comique).


Gérard Hernandez, dans le [pire] rôle de sa vie.



Un gag « communiste » incompréhensible.





Roger Carel et sa tour Eiffel.


L’action du film se déroule à Lutèce, en l’an 100 après J-C. Paradoxalement, et contre toute vraisemblance historique, Lutèce est un petit village parsemé de quelques huttes et peuplé au grand maximum d’une trentaine de pèquenots. Le chef, Biturix (ou Biturige, le débat est ouvert), interprété par Pierre Tornade, démagogue et incompétent, travaille à sa réélection, soutenu par son épouse Bituite (Sylvaine Charlet), qui tente de convertir les indécis en couchant avec tous les hommes du village.




Sylvaine Charlet en action.


Pendant ce temps, Cuchulain (Roger Carel), l’inventeur local, passe ton temps à bricoler de nouvelles trouvailles, dont une étrange tour en bois rappelant la tour Eiffel : au passage, il invente également le porte-jarretelles. Mais un détachement de romains, commandés par le centurion Cunnilingus (Gérard Hernandez), vient attaquer le village pour leur imposer la « pax romana ». Heureusement, l’attaque des légionnaires est dispersée quand les jeunes habitantes du village déboulent à poil, ce qui a pour effet de saper la motivation des soldats…(Détournement grivois d'une attaque historique de guerriers gaulois nus).












S’ensuivent des séquences du plus haut comique, alors que les légionnaires romains, au grand dam du centurion Cunnilingus, sont convertis aux joies du peace & love par leurs copulations avec les gauloises : le sommet est atteint quand un légionnaire noir, en pleine roucoulade avec une villageoise, est interrompu par le père d’icelle, qui rentre dans la cabane en demandant à sa fille, cachée dans l’obscurité « Mais qu’est-ce que tu fais dans ce noir ? ». Et le chef Biturix de commenter : « Je crois que cette année, on va avoir des Gauloises brunes, très brunes ! ».


Tout le film est ainsi sous le signe d’une vulgarité tellement intense que ça finit par en piquer les yeux, le semblant de scénario étant rythmé par les concours de pets, les jeux de mots débiles et les défilés de filles à poil. Tout le monde, dans le hameau de Lutèce, semble principalement préoccupé par la meilleure façon de culbuter la villageoise. Le centurion Cunnilingus lui-même finit par être converti par Bituite aux joies de la débauche : il est vrai que la femme du chef, en plus d’avoir la cuisse légère, a bénéficié de l’invention du chichon par l’ivrogne du village. Ce qui nous vaut une scène inoubliable où Gérard Hernandez part littéralement en live sous l’effet du chanvre, au point que l’état second des comédiens ne semble pas simulé.






Biturix étant cocu, ses cornes grandissent.


Le scénario marquant un peu le pas, il est relancé par l’arrivée de deux moines – frère Bonus et frère Malus – venus annoncer la conversion de l’empire romain au christianisme. Sachant que le couronnement de Constantin n’a eu lieu qu’en 306 et la conversion officielle de l'empire en 380, c’est un gros anachronisme, mais cela nous vaut au moins l’un des pires numéros de cabotinage du film, grâce à Jean Rougerie (frère Bonus), qui semble attaché à couler sa carrière le plus rapidement possible.




Puisque nous parlons de l’interprétation, il serait injuste de ne pas mentionner les efforts de Gérard Hernandez, qui affuble son personnage de centurion d’un accent successivement italien, espagnol, puis les deux à la fois. Le jeu des acteurs principaux est d’ailleurs l’un des « moins » nanar du film, la plupart des acteurs ayant un peu de métier s’en tirant plutôt honorablement, à l’exception de Jean Rougerie. Les seconds rôles, tenus pour la plupart par des comédiens plus jeunes, comptent par contre indéniablement parmi les « plus » : de l’Assurancetourix homosexuel au Cétautomatix en jupons, en passant par la Falbala folle du cul, c’est un véritable festival de numéros indignes des pires épisodes de Cocoricocoboy, personne n’arrivant à se dépêtrer de dialogues qui doivent compter parmi les pires du cinéma français.




Comme dans Astérix, les villageois aiment les bonnes bastons amicales.


Si « Les Gauloises blondes » est indéniablement supérieur, sur le plan artistique, à un film comme « La Pension des Surdoués », il n’en reste pas moins d’une horreur profonde, accumulant à force de vulgarités et de gags moisis une telle charge d’épouvante qu’il finit par constituer un choc esthétique digne des pires performances des actionnistes viennois. Quant à Jean Jabely, ce fut son dernier film, le précédent datant de…1962 !


On ne recommandera cependant ce film qu’aux nanardeurs les plus résistants, la chose se révélant d’une puissance qui peut désarçonner les plus aguerris. Selon l’humeur, vous serez amusés, révoltés, écœurés, horripilés ou conquis : je ne vous garantis pas le résultat des courses, tant le mélange est puissamment frelaté, mais ce qui est sûr, c’est qu’en matière de nanar, celui-là ne l’est pas à moitié !


- Nikita -
Moyenne : 2.75 / 5
Nikita
NOTE
2.5/ 5
MrKlaus
NOTE
3.5/ 5
Kobal
NOTE
2/ 5
Rico
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Aléas de la distribution : il aura fallu attendre la sortie en salles de cette triste bouzasse boursouflée qu'est "Astérix aux Jeux Olympiques" pour voir réédité en DVD "Les Gauloises blondes", insane détournement débilo-grivois d'un univers antique très fortement inspiré du monde créé par Goscinny et Uderzo, comme en témoigne la présence au générique de Roger Carel et Pierre Tornade, doubleurs fréquents des adaptations en dessin animé. On croyait ce film enseveli à jamais dans le grenier des horreurs du cinéma, et le voilà qu'il ressurgit, exhumé par l'éditeur Fravidis qui aura décidément beaucoup fait pour la cause du nanar en zone 2...


Pour les indécrottables fouineurs arpentant les trocantes, marchés aux puces et autres Cash Converters de zones industrielles, ils pourront toujours espérer trouver l’une des antiques VHS de chez "Antares et Travelling", tandis que les plus désargentés ou les plus radins devront se contenter de guetter une nouvelle diffusion nocturne sur le câble…

Bonus

Une petite interview exclusive de Michel Saga, acteur dans « Les Gauloises blondes », qui revient pour nous sur ses souvenirs de tournage... (Témoignage recueilli en janvier 2007).


Michel Saga, pouvez-vous nous parler de votre implication dans la gestation du film « Les Gauloises blondes » ?

J'étais comédien sur ce film, réalisé en 1988 par Jean Jabely, décédé depuis (paix à son âme). Le film a été tourné dans la Vallée de Chevreuse, pendant quand même 5 semaines... je tiens à vous faire remarquer que Jabely avait commis l'année d'avant un film intitulé « La Peau de l'ours n'est pas à vendre », film qui est un grand moment de ce qu'on peut faire de pire en matière cinématographique... (Je suis dedans aussi !) Je vous le conseille si vous parvenez à le trouver. [NdlR : ce film semble être une vraie rareté mais son casting justifie à lui seul une recherche : Florence Guérin, Sylvie Novak (« La Revanche des mortes-vivantes »), Brigitte Borghese (« Le Facteur de Saint-Tropez », « Opération Las Vegas »)...]

Quelle était l'ambiance sur le tournage ?

A l'époque, jeunes et vieux, nous étions très lucides par rapport au scénario et au talent de metteur en scène de Jabely (qui a beaucoup donné dans les films porno des années 1970), la productrice de ce film étant elle même l'épouse de Jabely. On a fait une grosse merde en le sachant mais on a beaucoup, beaucoup rigolé sur le tournage.

Quels sont vos souvenirs des autres comédiens (parmi lesquels des pointures comme Pierre Tornade, Roger Carel, Gérard Hernandez et André Gaillard des « Frères ennemis ») ?

J'en garde un souvenir très drôle, et très émouvant en même temps, car la rencontre avec Tornade et Gaillard a été très amicale. Hernandez et Carel nous ont fait mourir de rire lors des repas et entre les prises. Ces deux-là sont une bible sur l'histoire du théâtre et du cinéma de ces 40 dernières années. Quant à Gaillard, j'ai eu le privilège de le ramener tous les soirs après le tournage sur Paris et de longues conversations très intéressantes ont animé ces moments. A l'époque, André était très secoué par la disparition mystérieuse de son ami et complice de toujours du duo des « Frères ennemis ». Disparition à ce jour toujours inexpliquée. Quant à Tornade, il nous a parlé longuement de son expérience avec « les Branquignols », la troupe de Robert Dhéry. A l'époque, l'acteur qui joue le barde et moi-même avions un spectacle burlesque en préparation, sur lequel Tornade nous a gentiment conseillés.

Qu'avez-vous fait après « Les Gauloises blondes » ?

Justement, notre spectacle a été joué pendant plusieurs saisons à Rome et enregistré pour la RAI, la télévision publique italienne, qui, face au succès, nous a engagés dans une grande émission de variétés pendant encore deux ans, comme gagman. Ces deux premiers films avec Jabely ont été mes deux derniers. Suite à mon travail en Italie je suis parti aux USA où je demeure aujourd'hui. J'ai changé de cap et je suis maintenant dans la musique. Si vous êtes curieux, voici un de mes liens : www.myspace.com/sagamusique

Un bilan sur votre expérience au cinéma ?

J'ai beaucoup de bons souvenirs de ce tournage des « Gauloises blondes » et je ne renie pas d'avoir participé à ce navet. Les gens étaient très agréables, les filles jolies, pas sauvages et déjà très expertes pour leur jeune âge... Cela ne fait certes pas une bonne mayonnaise pour faire un bon film. Et alors ?? La vie est trop courte... Beaucoup de gens qui étaient sur ce film sont partis et c'est en mémoire de ces moments joyeux, médiocres et gaulois que je reviens volontiers sur ces souvenirs. On pourra faire pire un de ces jours si l'envie nous prend !!!