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Fleuve Noir

(1ère publication de cette chronique : 2018)
Fleuve Noir

Titre original : Fleuve Noir

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Erick Zonca

Année : 2018

Nationalité : France

Durée : 113 mn

Genre : Hercule Poivrot alias Chère loque Holmes

Acteurs principaux :Vincent Cassel, Romain Duris, Sandrine Kiberlain, Charles Berling, Jérôme Pouly, Elodie Bouchez

La Team Nanarland
NOTE
2.5/ 5

"Impressionnante bataille d'acting catastrophique entre Vincent Cassel et Romain Duris dans Fleuve Noir. Cassel met direct la barre très haut mais Duris, encore traumatisé par le Bozon, ne lâche rien."

Lorsque Drexl, infatigable vigie du site et spécialiste des sorties en salle chaotiques, a posté ce tweet enfiévré à propos de Fleuve Noir d'Erick Zonca, son message n'a évidemment pas manqué de susciter la curiosité d'une partie de l'équipe disponible. Après visionnage en ordre dispersé, les retours ont été unanimes. On tient là un diamant brut qui risque dans quelques années d'être le Parking ou le Humains des années 2010, catégorie polar vénéneux.
N'écoutant que notre devoir d'édification des masses, nous avons bouleversé notre programmation d'été, repoussant marteaux et belettes (des indices sur nos prochaines chroniques) pour encourager tout le monde à se jeter sur "Fleuve Noir" avant qu'il ne disparaisse des salles...



Drexl

Le summer of 2018 du cinéma français avait pourtant glorieusement commencé avec deux comédies défendables (Au Poste et Roulez Jeunesse), le genre de miracle croisé auquel la production hexagonale n’ose même plus croire. L’état de grâce aura duré quoi, une semaine, avant qu’un aréopage de films tous plus monstrueux les uns que les autres ne viennent encombrer les écrans souillés par tant de médiocrité assumée, portée en étendard merdeux.
Ma Reum, Les Affamés, L’école est finie, Tamara vol. 2, Neuilly sa mère, sa mère, Christ(off) dessinaient chacun à leur façon le tournant macroniste de la comédie française des années 2010 : ni de gauche ni de gauche, arrogante, condescendante, pleine de mépris et de morgue, de bonnes intentions tellement maladroites qu’elles finissaient immanquablement par insulter l’intelligence supposée absente de son auditoire.
Contre toute attente, la meilleure comédie de l’été fut un polar signé Erick “La vie rêvée des anges” Zonca. Plus drôle que le Dupieux et le Eric Judor réunis, au point où il est permis de se demander dans quelle mesure tout cela ne relève pas du sabotage. Ladies and gentlemen, voici Fleuve Noir.

Le projet part avec du plomb dans l’aile. Zonca n’a pas tourné depuis dix ans. Sur les conseils d’amis libraires, il transpose avec sa coscénariste l’intrigue d’un polar israélien en banlieue parisienne, au gré d’un processus qui verra chaque spécificité du roman original muter en clichés typiques d’une certaine tendance du cinéma français à prendre le cinéma de genre de haut. Circonstance aggravante, Gérard Depardieu, casté dans le rôle principal, doit renoncer au bout de trois jours de tournage pour des soucis de santé [Note de Nanarland : une source présente sur le plateau nous affirme que Depardieu aurait en fait quitté le projet au bout de deux semaines, plantant toute l'équipe après avoir exprimé son désaccord avec Zonca. Les "soucis de santé" évoqués étaient une excuse de RP pour faire bonne figure. Le 12 mars 2018, Sandrine Kiberlain est sur le plateau de l'émission C à vous, mais refuse d'assurer la promotion de Fleuve noir, qui sort en août, l'actrice évoquant "Une expérience que je n'ai pas aimée". Un peu plus tard, le présentateur de l'émission, Patrick Cohen, confirmera : "Le tournage s'est très mal passé. Plusieurs témoignages concordent. Ça ne s'est pas seulement mal passé avec Sandrine Kiberlain, ça s'est passé aussi avec Gérard Depardieu qui a quitté le tournage au bout de six jours. Ce qui ne lui était jamais arrivé dans toute sa carrière. Et Depardieu a dû être remplacé."]. Vincent Cassel le remplace en effet au pied levé, sans aucune préparation [Note de Nanarland : ce que confirme Zonca : "Il est venu directement du Brésil, il a sauté à pieds joints dans l’histoire et a endossé du jour au lendemain les habits de ce commandant sans aucune préparation préalable"]. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ça se sent. Depuis ses débuts, Cassel est un chien fou du cinéma français, capable de performances habitées comme de compositions totalement à côté de la plaque. Rien qu’en 2015, il louvoie dans l’immonde Un moment d’égarement de Jean-François Richet, puis flamboie de charisme dans Mon roi de Maïwenn et Tale of Tales de Matteo Garrone. Dans Juste la fin du monde (2016) de Xavier Dolan, il pousse ses démons du surjeu dans des retranchements malaisants. En Gauguin dans le film de Edouard Deluc (2017), il répond absent. Depuis son premier grand rôle marquant dans La Haine, Vincent Cassel a besoin d’un metteur en scène attentif pour canaliser sa présence difficilement contrôlable. Ce qui compte, c’est pas la chute, c’est la direction d’acteurs.


Hercule Poivrot.

Dans Fleuve Noir, le monstre est livré à lui-même. Un peu comme si Erick Zonca n’avait retenu que sa pire performance dans le film Sheitan de Kim Chapiron, et lui avait juste dit “tu me fais la même, mais bourré”. Dans toutes ses scènes, Vincent Cassel en fait des kilotonnes et impose au film son rythme claudiquant. Première victime collatérale, la pauvre Hafsia Herzi, géniale chez Kechiche (dernièrement dans Mektoub my love), ici engoncée dans des répliques sur-écrites, à la merci des remarques atrocement libidineuses de Cassel. Viennent ensuite les infortunées Sandrine Kiberlain et Elodie Bouchez, prises au dépourvu par ce porc qu’elles n’osent balancer.

Se pose ensuite le problème Romain Duris, un peu moins chien fou que son camarade de jeu mais tout aussi fragilisé dans les productions incertaines. Les intentions de son personnage auraient pu donner matière à un loser pathétique avec ce qu’il faut d’inquiétude pour relever la sauce, mais en l’état elliptique, ne reste qu’un type qui prend pour excuse son nouveau-né bruyant et cagueux ou la maladresse de son épouse, qui renverse de la glace sur une page de son roman, pour prendre nuitamment le premier venu en bouche dans un bosquet. Au dépourvu itou, Romain Duris garde le jeu en décalage forcé qu’il empruntait dans le Madame Hyde de Serge Bozon.

Ajoutez un Charles Berling aussi convaincant en gradé policier que Steve Buscemi en skater lycéen, et vous vous retrouvez avec un cas d’école de miscasts en série, à la merci d’un scénario en roue arrière sur l’autoroute du non sens. Fleuve Noir se traîne de scène en scène en l’absence de toute logique. Vincent Cassel sème les running gags involontaires, beugle “JE PISSE-EUH” ou “JE VAIS CHIER” chaque fois qu’on lui adresse une requête légitime, Romain Duris sourit en coin pour se donner l’air mystérieux, l’intrigue attend ses cinq dernières minutes pour révéler pêle-mêle ses thèmes.


Cassel flotte dans un pantalon et une veste trop grands pour lui. A t-il repris le costume taillé pour Depardieu ?

D’une facture technique correcte grâce au travail du directeur de la photo Pablo Carnera, Fleuve Noir fonctionne comme la synecdoque de son personnage principal : une suite de mauvaises décisions, qui parvient à ses fins malgré elle, sans que personne ne comprenne pourquoi ni comment.

Barracuda

A mon avis, tout est parti d’un malentendu.
Il devait exister une première version du scénario de Fleuve Noir sous la forme d’une comédie où un clochard alcoolique trouve par hasard une carte et un brassard “Police” et, à la suite d’un quiproquo, se retrouve à la tête d’une brigade et chargé de l’enquête sur la disparition d’un adolescent, qu’il finit par résoudre de gaffe en gaffe. Finalement cette version a été abandonnée pour faire du protagoniste un vrai policier, mais personne n’a pensé à prévenir Vincent Cassel. C’est ballot.
La composition de Vincent Cassel est extraordinaire. Il ne joue pas le premier flic du cinéma rongé par l’alcool, mais personne avant lui n’avait ainsi poussé tous les potards à 10, à 12 à 15 ! François Visconti, son personnage, est une telle caricature d’ivrogne qu’on le croirait échappé d’un stoner movie parfumé au Ricard. Les cheveux ébouriffés, la barbe en bataille, les yeux constamment plissés par une migraine post-gueule de bois, c’est un Père Noël grunge échappé d’un centre commercial après avoir dévalisé le rayon Vins & Spiritueux. Vincent Cassel est un boulet de canon qui démolit sur son passage toute la crédibilité du film.


Chère loque Holmes mène l'enquête.

Il y a en effet un décalage permanent entre l’apparence hirsute et débraillée, l’élocution constamment au bord du coma éthylique de Vincent Cassel et la réaction des autres personnages en face de lui, qui ne semblent rien voir d’anormal et lui donnent la réplique comme si de rien n’était. A deux ou trois reprises on fait bien référence à son penchant pour la bouteille, mais jamais sur un ton qui suggère les extrêmes que constate le spectateur éberlué. C’est d’autant plus bizarre que tous les autres policiers à ses côtés ont l’air parfaitement sains et équilibrés : comment comprendre alors qu’on laisse ce sac à vin ambulant donner des ordres à tout le monde ? Que ses intuitions successives se révèlent complètement à l’ouest avec une régularité admirable n’arrange rien non plus...
Paradoxalement, ce jeu d’acteur extrême fait que Vincent Cassel bouffe l’écran face à des partenaires qui offrent tous des prestations solides, mais forcément un peu fades comparées à un tel rouleau-compresseur.
Jusqu’à ce que Romain Duris entre en scène.
Acteur talentueux, multi-nominé aux Césars, il a dû lui suffire d’un coup d’oeil pour voir à quelle altitude planait Vincent Cassel et aussitôt s’envoler vers les mêmes cimes pour se mettre au diapason. Mais attention, on n’est pas dans le même style. Romain Duris incarne Yann Bellaile, un professeur de français maniéré au look de hipster et à la sexualité ambiguë, et c’est dans ce registre qu’il part lui aussi à 240 en contresens sur l’autoroute du délire. Soutenu par des répliques particulièrement mal écrites, ampoulées et entièrement dénuées de naturel, il met Vincent Cassel à l’amende et le pousse à forcer encore plus pour rester au niveau. Toutes les scènes qui réunissent les deux personnages sont absolument fascinantes tant on n’arrive pas à décider lequel des deux offre la composition la plus en décalage avec l’histoire que le film essaie tant bien que mal de raconter.

Derrière ses apparences de polar français déjà vu cent fois, derrière ce titre qui semble hurler à la face du monde sa promesse de banalité, Fleuve Noir offre pourtant bien un spectacle unique : celui de deux authentiques stars qui ne se contentent pas d’être en roue libre et de toucher leur chèque, mais semblent vraiment avoir mis tous leurs efforts et tout leur talent à pousser l’archétype de leur personnage jusqu’à la caricature, puis au-delà, puis encore un peu plus loin.
Avec si peu de recul, on se gardera d’affirmer péremptoirement qu’on a affaire là à un futur classique du nanar qu’on projettera à la Nuit Nanarland dans 10 ans, mais c’est bien cette vision qui vient spontanément à l’esprit quand on regarde ce film à deux pégus dans une salle de cinéma vide, et qu’on se prend à éclater de rire encore et encore devant la dégaine de Vincent Cassel ou la diction précieuse de Romain Duris.

Hermanniwy


Etape 1 :

“– Oui boss, on a visiblement eu un problème sur l’envoi des pitchs à l’agence, ils disent que pour Cassel ils ont juste reçu un A4 avec “Drunken Inspecteur Columbo” marqué en grand dessus, pour Sandrine Kiberlain c’était l’exact script de ses scènes dans Polisse avec juste le titre changé, et pour Romain Duris ce qui s’est avéré être les pages caleçons d’un catalogue de la Camif avec un tampon “Serial killer ???” apposé sur tous les mannequins.
– C’est tout à fait ça. Quel est le problème ?”

Etape 2 :

“Alors patron vous allez dire que j’ai gaffé, mais... en fait en allant voir mes parents à la Bourboule, j’ai malencontreusement égaré la version de travail du scénario sur l’aire d’autoroute et là où j’ai eu du pot c’est que mon chien l’a rapporté dans sa gueule, mais là où j’ai moins eu de pot c’est que j’ai oublié de lui reprendre quand je l’ai attaché à un banc pour l’abandonner avant de repartir, et quand j’y suis retourné en vitesse j’ai pas retrouvé le banc parce qu’il faisait un peu sombre, enfin une chose en entraînant une autre conséquemment je me suis souvenu que mon beau-frère a bossé en 2003 chez France 2 et je lui ai demandé s’il pouvait mettre la main sur quelques scénarios de téléfilms policiers pas retenus avec des tueurs sadiques et des sujets de société profonds, et vous me connaissez quand il faut donner un coup de cravache je suis pas le dernier, en 45 minutes j’ai refait un truc et au final je pense qu’on n'a pas besoin de décommander Vincent Cassel.”

Etape 3 :

“ – OK les gars vous êtes des artistes, je veux pas brider votre créativité, je vais vous donner une unique consigne de jeu pour l’ensemble de ce tournage, le reste vous faites au mental, d’accord ? Donc ma consigne : tous les matins, avant de venir, vous vous mettez trois grammes dans le sang.
– OK pas de problème, trois grammes de quoi ?
– Encore une fois je veux pas vous brider, trois grammes de ce que vous voudrez, mais personne ne pose un pied sobre sur ce plateau, je veux vous voir arriver en planant plus haut qu’une bande de condors des Andes rastafariens qui se seraient paumés au-dessus d’un champ de pavot en flammes. Ça vous va ?
– Oui, on fait Blueberry 2, quoi.
– Parfait, je vois que j’ai affaire à des briscards. Début du tournage mardi.


Etape 4 :

“– On a un problème avec le montage final… l’intrigue avec le fils n’est jamais résolue, et au final l’inspecteur-éponge a tout faux deux fois avec ses déductions à la con, c’est Kiberlain qui doit lui expliquer tout le scénario à la fin ! Le but du jeu quand on plagie Columbo c’est qu’il paie pas de mine mais qu’au final il a raison ! Le nôtre se gourre systématiquement !
– Oui mais c’est un flic simple et torturé, il a mené la bataille avec bravoure, c’est sa cassure qui a amené le coupable à se dévoiler !
– Mais non : c’est un fieffé connard pendant le film ! Il fauche de l’alcool aux victimes, il leur gueule dessus, il agresse des gens dans la rue, il se tape la mère de la victime en commençant par l’embrasser contre son gré, il boit au bureau, il insulte ses collègues, et on sent son haleine frelatée même sur les mètres de pellicule où il apparaît !
– Mètres de pellicule ? On n'a pas tourné en numérique ?
– Je pense pas que ce soit le problème principal, patron…
– Oui, vous avez raison. On va revoir le montage de la scène où il observe depuis un buisson Romain Duris en train de faire une fellation avec des bruits de gorge dégueulasses.”

Etape 5 :

“– Sérieux y’a quoi à voir un 11 août après-midi dans le multiplexe en travaux le plus pourri de Rouen ?
– Y’a le polar avec Cassel et Duris là, visiblement Drexl était allé le voir, il en est ressorti les larmes aux yeux, on pourrait tenter.
– Pour la plus grande gloire du nanar ? On tente ?
– On tente. Mais il est ouvert ce ciné ? Il y a des poutres partout...

– Ils sortent la salle de 400 places, quand même.
– Oui, c’est juste con qu’on soit deux. J’éteins pas mon téléphone, qu’est-ce que tu en penses ?
– S’ils nous accusent de pirater on plaidera la folie.”

Etape 6 :

“– Eeeet c’est une action brillamment offensive de Vincent Cassel qui trébuche comme un cochon, la défense de l’équipe Duris est totalement débordée…
– Hermanniwy, moins fort ils vont nous entendre…
– incent Cassel ondule vers le but, une bouteille à la main pour montrer son tourment, holalala…
– Magnifique retourné-épaulé de la tête de Romain Duris en très grande forme, 15 A Avantage Duris !
– Barrac’, on devait pas rester calmes ? … Et en plus là c’est nettement avantage Cassel...OHLALALA MON PETIT JEAN-BARRAC’ C’EST UN BUT AU SEPTIÈME ARCEAU DE ROMAIN DURIS QUEL MATCH MON DIEU QUEL MATCH
– Oui cette coupe du monde du surjeu s’annonce extrêmement mouvementée, Vincent Cassel ne va pas en rester là ! Ah, pause Sandrine Kiberlain. – Ou alors c’est une bande annonce pour Polisse 2…
– Il est où le fils pendant ce temps là ?
– Générique ?
– Et Cassel ? Et le fils ?
– Booon. Ben il est 17h avec ça. On se rentre et on regarde la fin de La Mentale avec Samy Naceri à la maison ?

Etape 7 :

– Jérôme Pouly, sache qu’on t’a vu. On était deux mais on t’a vu et on oublie pas. Aucune critique ne parlera sans doute de ton interprétation du père de la victime vu que face à Cassel-Duris ça serait comme observer une fleur des champs alors que Godzilla et le Kraken improvisent un spectacle de yodel à 200 mètres. Mais tu pourras retourner fièrement à la Comédie Française et leur dire : “Moi, Messieurs, j’ai joué juste dans Fleuve Noir”.



Rico

[Parlant du réalisateur] "Il aime bien quand ça déborde, quand ça n'est pas prévu. Il aime bien les accidents. Il aime bien quand c'est osé" - Romain Duris.
"Des fois, Romain s'embarquait dans des trucs… J'étais là : 'mais putain ! Comment il va retomber sur ses pattes ?'" - Vincent Cassel.
(Extraits d'interviews données à Europe 1 pour la promotion de Fleuve Noir)

Un accident industriel.
Fleuve Noir est un accident industriel.
Voulu ?

Par sa direction d'acteur, par sa mise en scène même, Erick Zonca semble donner l'impression d'être ce responsable de barrage qui se met soudain à ouvrir les vannes en grand. Comme ça... Pour voir. Qui contemple fasciné les dégâts que le fleuve déchaîné provoque dans la ville en contrebas. Et dont la seule réaction mécanique face aux cris de terreur est de tourner encore un peu plus la valve qui commande aux eaux...


Le cabotinage est ma prison.

Tout était réuni pour faire un vrai polar noir, comme le cinéma français en propose de temps à autres quand les comédies laissent un peu de place sur les écrans. L'adaptation française d'Une Disparition inquiétante, un roman unanimement apprécié de l'Israélien Dror Mishani, dans la veine des polars psychologiques à atmosphère lourde avec flic dépressif, peinture d'un quartier populaire de Tel Aviv aux apparences trop normales pour ne pas cacher les pires turpitudes, réflexions désabusées sur la société et la nature humaine.

Mais pour Erick Zonca tout cela était trop subtil, trop retenu, pas assez noir. Pas assez Fleuve Noir. Pourquoi ce titre d'abord qui n'a absolument aucun rapport avec le film en lui même, Forêt Noire oui à la rigueur, ça aurait eu un sens mais Fleuve Noir ? Oui je sais, hommage à la collection mythique de polar mais bon, Mishani est édité au Seuil chez nous...

Pas assez noir donc… Alors le flic il est pas seulement désabusé et mal dans sa peau, non, il est au fond du trou de la déchéance alcoolisée, sa famille lui crache à la gueule, ses collègues le méprisent, il hurle son mal-être à grands coups de saillies racistes ou misogynes dans tout le commissariat, voire à la moindre inconsciente esseulée qui a le malheur de lui lancer un regard un peu séducteur pendant qu'il écluse ses JB à la chaîne dans un rade de Pigalle.

Et entre dans la danse Vincent Cassel, qui remplace au pied levé Gégé Depardieu qui pour une fois a refusé un rôle (le whisky dans les scènes devait-il être remplacé par du jus de pomme ou tout autre divergence artistique du même acabit ?) et a moins de 6 jours pour préparer son personnage avec un seul mot d'ordre : tu voies les flics paumés d'Olivier Marshall ? Ben on va faire le même mais en pire. Encore plus dark, plus déglingos, plus à la ramasse. Limite client pour le SAMU social.

Je ne reviendrai pas en détail sur le jeu des acteurs, mes camarades l'ont fait par le menu.
Ce film est une ode à Vincent Cassel, l'acteur est quasiment de toutes les scènes, de tous les plans, que ce soit en train de danser avec la photo de la femme qui l'a quitté, de se déplacer en titubant façon scaphandrier qui a vingt kilos aux pieds, voire même en train de dormir à poil le zguegue flouté en gros au premier plan.

Ca pourrait être un parti pris de mise en scène. Coller au flic pour ne connaître l'histoire que par ses yeux et ne pas en savoir plus que lui. Sauf qu'au bout de quarante minutes, Zonca tord lui même le cou à ce procédé en nous montrant le personnage de Duris préparant ses manigances pour égarer l'enquête.
Et puis après y a compèt' avec Romain Duris qui s'est fait une tête de hipster machiavélique pour jouer un mystérieux prof écrivain comploteur. Voire même Berling qui, dans le rôle du vrai flic compétent du commissariat, résume l'enquête avec des accents qui oscillent entre Fabrice Lucchini et Jackie Berroyer.
Mais bon... On peut se moquer des comédiens, mais quand le metteur en scène lui-même vous tend un miroir déformant en vous assurant que vous êtes la plus belle pour aller danser au bal…

Le film devait sortir en avril 2018, mais après un passage plus que mitigé hors compétition au festival du film policier de Beaune, les distributeurs ont opté pour une sortie en plein cœur de l'été, la date la plus incongrue possible pour un polar crépusculaire. Drexl, laconique, me glisse qu'entre juillet et août c'est la saison où les polars sous influence éthyliques viennent mourir, ainsi de La part des anges: Miserere" ou de Colt 45, où dans les deux cas Joey Starr apparaît bourré / défoncé...

Espéraient-ils que Nanarland serait en vacances ?

- La Team Nanarland -
Moyenne : 2.50 / 5
La Team Nanarland
NOTE
2.5/ 5
Rico
NOTE
2.5/ 5
Drexl
NOTE
2.5/ 5
Barracuda
NOTE
2.5/ 5
Wallflowers
NOTE
1.5/ 5
Kobal
NOTE
3.5/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.5/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation

Le film a été édité en blu-ray chez "France Télévision" en catimini ( pas de bonus ni de publicité) et est toujours facilement trouvable en ligne.