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Desan Da Raja


Desan Da Raja

Titre original : Desan Da Raja

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Parvaiz Rana

Année : 1998

Nationalité : Pakistan

Durée : 2h30

Genre : Ca va chauffer pour le Chaudhry

Acteurs principaux :Shaan, Sana, Saima, Bahar Begum, Jan Rembo, Shafqat Cheema

Nikita
NOTE
3.5/ 5


Affiche pakistanaise (thehotspotonline.com).


Après avoir découvert le blockbuster d’action pakistanais avec « Badmash Te Qanoon », il nous tardait de nous replonger dans les délices de la baston islamo-démente. C’est chose faite avec de « Desan Da Raja » un peu plus ancien, qui sombre encore plus profondément dans la folie furieuse, tout en mélangeant gunfights démentiels, mélo familial, mauvais kung-fu et étude sociologique sur vie dans la campagne du Pendjab pakistanais. Tout ça compressé en deux heures trente très denses de bruit, de fureur, de gore et de blabla (oui, il fallait bien qu’il y ait un défaut : le premier tiers du film comporte beaucoup de scènes dialoguées, mais c'est très largement rattrapé par la suite). On en reste à la fois abasourdi, déstabilisé et charmé, comme souvent sous l’effet d’un choc culturel de grande envergure.






La première barrière à franchir est celle de la langue : les Pakistanais sont en effet un peuple fier et farouche, qui garde jalousement ses trésors culturels et ne sous-titre donc pas les DVD des films d’action Pendjabi. Deux heures trente en pendjabi non sous-titré à se fader, est-ce humainement supportable, d’autant que le scénario est un peu plus compliqué que celui de « Badmash… » ? Oui, car j’ai eu la chance inestimable de trouver un résumé du film sur le net, m’expliquant les tenants et les aboutissants d’une intrigue à personnages multiples et retournements de situations divers. L’action se déroule dans le village pakistanais de Shikarpur, dominé par un Chaudhry – propriétaire terrien et seigneur local comparable à ce qu’étaient les boyards dans la Russie impériale. Zafri, un jeune paysan local, gentil bien que fort moustachu, est entré au service du Chaudry comme sbire-garde du corps-masseur personnel.




Zafri en famille (Nous sommes dans la cour de la maison : le fond bleu est censé représenter le ciel).


Le Chaudhry, plus fourbe qu’un candidat aux élections législatives.


Massage…


…et re-massage (dans la scène ci-dessus, le Chaudhry est en train de discuter avec le chef de la police locale et il tient quand même à se faire pétrir les épaules. C'est louche, moi j'vous l'dis...).


Malgré les avertissements de sa mère qui craint de le voir descendre la pente savonneuse du crime, Zafri demeure d’une fidélité exemplaire à son employeur, au point que l’on finit par se poser des questions sur les séances de massage qu’il va jusqu’à lui prodiguer en public. Evidemment, comme Zafri est interprété par Shaan, le roi du film d’action pakistanais ultra-violent, on se doute bien qu’il va finir par se révolter contre son patron et pourfendre l’injustice à grands coups de sulfateuse.


En effet, le Chaudry, non content de lâcher son homme de confiance quand celui-ci est en difficulté, s’oppose au mariage de la sœur de Zafri avec un jeune homme du village voisin. Torturé entre le devoir familial et son allégeance au Chaudry, notre héros finira par prendre les armes avec les hommes de bien du village pour mener la guerre contre le despote. S’intercalent dans cette classique histoire de vengeance l’idylle entre Zafri et la marchande de lait du village (jouée par la poumonnée Saima, qui est également sa partenaire dans « Badmash Te Qanoon ») et des scènes vaudevillesques avec un riche nain qui, amoureux d’une ancienne prostituée, n’ose pas la courtiser et engage un jeune benêt pour lui compter fleurette à sa place. Passées quarante bonnes minutes de scènes dialoguées, l’action démarre et va se poursuivre quasiment non-stop jusqu’à la fin, à grand renfort de mise en scène de taré, d’angles de caméra impossibles et d’effets sanguinolents.




De temps à autre, on nous offre des scènes chantées et dansées, à la manière du cinéma indien. Les scènes musicales pakistanaises sont cependant nettement plus sobres que celles de Bollywood, manque de moyens oblige : ce sont surtout les femmes qui chantent et dansent, les hommes se contentant d’esquisser au mieux quelques pas de danse. On appréciera au passage le numéro très hot – autant que le permettent la censure et la coutume – de la fille dont le nain est amoureux. Le personnage étant censé être une ancienne prostituée, ce prétexte est « habilement » utilisé pour l’affubler de tenues sexy « à l’occidentale » et lui faire exécuter des contorsions particulièrement suggestives pour la culture pakistanaise.










L’acteur qui joue le jeune niais s’appelle Afzal Rembo, dit Jan Rembo, dit apparemment « John Rambo » pour certains exportateurs futés.


« Desan Da Raja » a ceci de merveilleux qu’il mêle en une synthèse quasi parfaite le drame familial traditionnel, l’actioner fou furieux et même le théâtre filmé. Tout respire l’outrance et l’artificialité, dans une enfilade de scènes tournées dans un mélange bizarre de décors naturels et de carton-pâte, tout droit sorti des dramatiques filmées telles que l’on pouvait en voir chez nous à la télévision dans les années 1960. Les acteurs se lancent dans des tirades théâtrales face caméra, jouant avec une emphase déconcertante et un entrain de tous les diables, à en juger par leurs hurlements. L’action à la mode pakistanaise, c’est surtout un véritable spectacle pyrotechnique, multimédia et cosmogonique. Plans invraisemblables, mouvements de caméra de fou furieux, bruitages de dessin animé à faire passer le plus extrémiste des kung-fu de Hong Kong pour un film de Robert Bresson, action grotesque (les personnages passent leur temps, soit à se rater à bout portant, soit à encaisser deux chargeurs à la suite dans le buffet), le tout accompagné d’hectolitres de gore et d’une musique aussi démonstrative que méprisant toutes les lois de la propriété intellectuelle (on entend distinctement l’intro de « The Final Countdown » du groupe Europe, au début d’une scène de baston). Quand les Pakistanais se lâchent la bride, ils feraient presque passer les Turcs période « En Büyük Yumruk » pour des lopettes.


Le film prend par moments une dimension quasi symphonique. A force de grotesque, l’image se fait sublime, bercée par une musique à la frénésie incomparable et un montage épileptique. L’agitation ahurissante des figurants qui dansent sur place sous l’effet des 10 000 rafales de balles à la minute que leur envoie le héros, les flots de sang dégoulinant sur les vêtements de personnages totalement increvables, les tronches pas possibles des sadiques hurlant et des héros vengeurs plongent le spectateur non prévenu dans un univers autre, au-delà du réel, comparable à celui des meilleurs films d’Alejandro Jodorowsky.








Cinglé à l’extrême, « Desan Da Raja » est un film qui possède son univers propre, où l’on entre ou pas. C’est presque de l’art conceptuel. Même les scènes de parlotte de la première partie finissent par prendre un aspect résolument post-moderne tant sont laids les décors d’intérieur, criardes les couleurs et emphatiques les acteurs. Oscillant entre statisme digne de l’ORTF, hésitations post-godardiennes et schizophrénie clipesque, la mise en scène sublime tous les éléments du film jusqu’à en faire un authentique OVNI visuel, qui pourrait figurer dans un montage des pires bizarreries cinématographiques s’il ne résumait à lui tout seul toute la folie d’un cinéma du bout du monde. Ahurissant de bout en bout, parfois insupportable, toujours fascinant : c’est une vraie expérience limite à réserver aux vrais audacieux friands d’exotisme. Si vous êtes pressé, n'hésitez pas à zapper les scènes de blabla de la première partie et profitez au maximum des hallucinantes séquences d'action qui viennent en prendre le relais : vous ne devriez pas le regretter.








Hémoglobine akbar !

- Nikita -

Cote de rareté - 4/ Exotique

Barème de notation


Non, le DVD de chez « Tip Top » ne se trouvera évidemment pas n’importe où. Vous pouvez essayer de le trouver chez certains détaillants de produits pakistanais (pas indiens, ces derniers le prendraient mal). 

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