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Clodo et les vicieuses


Clodo et les vicieuses

Titre original : Clodo et les vicieuses

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Georges Clair

Année : 1970

Nationalité : France

Durée : 1h15

Genre : La Belle et le Queutard

Acteurs principaux :Georges Clair, Arlène Clair, Colette Renard, Raymond Souplex, Virgine Vignon, Pauline Carton, Bourvil

Drexl
NOTE
3/ 5


Juin 2014. Un axe du mal cinématographique, partant du festival toulousain Extrême Cinéma pour exploser de mille feux entre les doigts lubriques de Jean-François Rauger, déploie ses ailes gorgées de stupre lors d'une Nuit Excentrique qui pensait en avoir vu d'autres. En préambule, le Maître de Cérémonie tente de prévenir l'assistance – les plus attentifs repéreront bien vite le rictus sadique qui déforme le sourire en coin d'Adonis Bacchus Rauger. Le boss (au sens ghetto du terme) distille les informations parcellaires sur le film avec un air de ne pas y toucher qui aurait dû, a posteriori, lever de plus nombreux doutes.


Introducing Georges Clair, homme de théâtre aveuglé par des rêves de cinéma dévorants, dont le passage derrière la caméra deviendra l'illustration de ce que les fantasmes doivent parfois rester en l'état, sous peine de subir le même traitement que la fille de Liam Neeson dans Taken – à savoir la séduction par un bellâtre puis, inévitablement, la prostitution. Ses intentions sont pourtant très éloignées du trottoir : réaliser une comédie familiale et populaire dans les sens les plus nobles et vieille France du terme, avec un chien exprimant ses pensées en voix-off pour personnage central, des cadors de l'humour made in France en renfort stratégique (le chansonnier Raymond Souplex ou encore un André Bourvil en fin de vie), et enfin sa muse Arlène en enjeu sentimental. Une certaine vision de l'éden cinématographique, qu'il est à peu prêt le seul à partager.


Georges Clair dans le rôle de Fabien, le postier timide.



Raymond Souplex, ferme représentant de la France des clochers.


En effet, Clodo et son humour rincé à la « comment vas-tu yau de poêle » connaissent le même sort que le pauvre bâtard éponyme : personne n'en veut. Les réseaux de distribution français, pourtant beaucoup plus souples en ce début de décennie permissive, se ferment à l'idée d'éclabousser leurs écrans de ces péripéties neurasthéniques en rythme comme en comédie. La bande est finalement rachetée par des producteurs peu scrupuleux et encore moins regardants, qui trufferont le film d'inserts pornographiques et sortiront le produit pas bien fini en 1975, sous le titre Clodo et les Vicieuses.


Allez facteur, laisse-toi faire !


Pour saisir toute l'étendue de ce paradoxe cinématographique à nul autre pareil, il faut se fader dix interminables minutes de ressorts dramatiques rouillés, d'enfants tête à claques, de situations pourtant classiques que le réalisateur peine à assembler de façon cohérente, se plombant tout seul par la lourdeur de ses dispositifs humoristiques. La voix-off du chien Clodo, en particulier, achève de brouiller toutes les possibilités de concentration à la disgrâce de ses jeux de mots ineffables et du ton aussi monocorde qu'amorphe de son interprète. Au bout de ces dix minutes semblant durer une heure, Clodo est abandonné par sa famille plus ou moins adoptive en bordure de forêt, à sa plus grande affliction.


Clodo, sage et innocent !



Abandonné par des maîtres indignes !


Le changement de ton, brutal, s'accompagne dans une salle comble d'un « Oooooooooooooh » général de commisération forcée, comme dans les plus sinistres heures des sitcoms des années 2000. Clodo s'engouffre dans la verdure, tourne la tête, et là, sans crier gare, un couple se besogne dans un bosquet avec force gros plans chirurgicaux. Entre cris, chuchotements, rires, hurlements, micro silences interdits et applaudissements refoulés, la salle comble explose de ne savoir comment réagir.


Humour et branchages.


La vision du film devient dès lors un chemin de croix dont le spectateur sortira épuisé nerveusement, secoué de spasmes rieurs, souillé dans son âme d'enfant définitivement sacrifiée sur l'autel de la curiosité cinéphile. Même si Clodo et les Vicieuses demeure avant tout un produit d'exploitation – et ce à tous les niveaux – sa confection toute particulière mérite le détour attentif. On sent presque le plaisir (forcément pervers) du monteur dans sa répartition d'inserts pornographiques. Sa récupération de la moindre occasion – du moindre regard dans le vide ou par en dessous, de la moindre esquisse de nudité – enfonce le film bobine après bobine dans une brume encore plus grotesque que les pantomimes pas franchement buster-keatoniennes d'André Bourvil, à mille lieues de se douter que son dernier long-métrage, accepté par amitié alors qu'il était rongé par un cancer des os particulièrement douloureux, serait une comédie pornographique.


Mais bien sûr Georges, je veux bien apparaître dans ton film.

Heu j'ai comme un doute... Je peux voir le résultat ?

Je me sens pas bien d'un coup...


Le procédé atteint son zénith indépassable lorsque la jeune châtelaine jouée par Arlène Clair se tape un bon gros spleen post-rupture en réécoutant un 45 tours du faux Salvatore Adamo qui la courtise. Sur fond de ballade sirupeuse à en vomir, la muse regarde par la fenêtre... pour observer une partie à trois grâce à la magie de contrechamps rajoutés. Le contraste entre ces deux expressions cinématographiques à l'opposé l'une de l'autre provoque un décalage dont le film ne se remettra jamais, même en additionnant à valeur égale les mimes de Bourvil et les éjacs faciales. En outre, d'un point de vue éthique, il s'agit sans doute de la pire insulte qui puisse être faite à George Clair, à sa comédienne d'épouse, voire à leur descendance sur une bonne dizaine de générations. Que l'affront soit volontaire ou non, il reste tout à fait remarquable.


Arlène Clair, la muse du cinéaste.



Avec du gravier... (allégorie de ce qui est arrivé au film).


Clodo et les Vicieuses est une singularité, l'anomalie systémique d'une industrie en pleine mutation. Certes, à l’époque il était monnaie courante de proposer deux montages (soft et hard) d'un même film, de rajouter des inserts pornographiques dans des œuvres pas nécessairement destinées à un tel sort (Jesus Franco et Jean-Marie Pallardy furent coutumiers du fait plus souvent qu'à leur tour), mais la ré-appropriation d'une œuvre familiale n'avait encore jamais emprunté ce chemin tortueux. Le détournement du film de Georges Clair est une boîte de Pandore aussitôt refermée, qui pourrait en partie expliquer la profonde tristesse des hommes ayant grandi dans les années 70.


Le 45 tours du film.


Source iconographique : Une bonne partie des images illustrant cette chronique proviennent de ce site : Base de Données de films français avec images. Un véritable travail de Bénédictin dédié comme son nom l'indique à la défense et à l'illustration du cinéma hexagonal.

- Drexl -
Moyenne : 2.30 / 5
Drexl
NOTE
3/ 5
Rico
NOTE
1/ 5
Kobal
NOTE
1/ 5
Barracuda
NOTE
2/ 5
LeRôdeur
NOTE
1.5/ 5
John Nada
NOTE
2/ 5
MrKlaus
NOTE
2/ 5
Jack Tillman
NOTE
2.75/ 5
Wallflowers
NOTE
3/ 5
Hermanniwy
NOTE
2/ 5
Labroche
NOTE
5/ 5

Cote de rareté - 7/ Jamais Sorti

Barème de notation
Une copie 35mm circule sur le territoire français, projetée en 2012 au festival Extrême Cinéma à la Cinémathèque de Toulouse, et deux ans plus tard à la Cinémathèque française. Armez-vous de patience et attendez donc qu'un autre fou furieux ne le programme...
Si vous voulez voir la version originale sans les inserts porno (mais avec tout de même deux scènes de nudité, ce qui était déjà sacrément corsé à l'époque pour un film familial), vous pouvez essayer de traquer les cassettes vidéo de la collection "Etoiles et Toiles" de chez "GO".
A noter que notre forumeur Sledge Hammer aurait repéré une version supplémentaire du film dont nous ne pouvons garantir la totale existence…