Recherche...

Chômeurs en folie !


Chômeurs en folie !

Titre original : Chômeurs en folie !

Titre(s) alternatif(s) :Les Chômeurs en folie

Réalisateur(s) :Georges Cachoux

Année : 1982

Nationalité : France

Durée : 1h29

Genre : L'ANPE en délire

Acteurs principaux :Tchee Meas, Eric Civanyan, Didier Bourdon, Sabine Paturel, Michel David, Marie de Parceval, Jacques Nivelle, Smaïn

Nikita
NOTE
2.25/ 5

Ceux qui regardaient la télévision française dans les années 1980 se souviennent sans doute du « Petit Théâtre de Bouvard », qui représentait alors le top du maximum de l’humour à la télévision. Cela peut paraître surprenant aux yeux des jeunes générations, l’image de Philippe Bouvard étant ce qu’elle est, mais la qualité de l’humour y était souvent supérieure à ce que l’on trouve aujourd’hui (ces lignes étant écrites en 2008) dans des émissions comme « 20h10 pétantes », « Plié en 4 » ou le Jamel Comedy Club, et de nombreux comiques ont fait de belles carrières après y avoir débuté : Mimie Mathy, Michèle Bernier, Les Inconnus, Smaïn, Muriel Robin, Chevallier et Laspalès, Bruno Gaccio (OK, lui ce n'est pas une référence)…


(source : Bide et musique)

Le sésame « Théâtre de Bouvard » garantissait alors une certaine visibilité, ce qui explique qu’un film « avec les comiques du Théâtre de Bouvard » ait pu voir le jour : si l’on voit la logique de l’opération commerciale, on constatera sans ambages que le produit fini est l’une des œuvres les plus calamiteuses de toute l’histoire de l’image animée, voire de la culture française, éclaboussant a posteriori de son éclatante ringardise la prestigieuse enseigne du comique bouvardien. Non, sans rire, « Chômeurs en folie », c’est vraiment du caca : une espèce de bouillasse semi-amateur submergeant tel un fleuve de boue l’infortuné spectateur qui a commis la folie de s’y risquer, et se retrouve d’emblée souillé par une épaisse couche de dilettantisme cra-cra et d’imbécillité dévorante. De quoi se suicider de désespoir avec un marteau-piqueur. Réalisateur de machins glorieux comme « Comment se faire virer de l’hosto » alias « Le Choucou de l'asile » alias « Adolfo le fils du Führer », « Saint-Tropez interdit » et « Le Sexe à la barre », Georges Cachoux assure la mise en scène cacateuse de cette accablante suite de scènes, ajoutant l’incompétence technique à l’ineptie du fond, tout en entraînant dans la débâcle une troupe de comédiens dont certains méritent mieux que les pitreries qu’on leur demande de commettre.




Tchee Meas et Eric Civanyan.




Notre héros squatte dans le bureau où travaille une copine...




...mais il se fait repérer à cause d'une autre copine squatteuse, qui prend un peu trop ses aises.

« Chômeurs en folie ! » suit les aventures d’André (Eric Civanyan) et Lucien (Tchee Meas), deux combinards calamiteux qui se débrouillent en commettant des arnaques à la très petite semaine, et logent dans des squats improbables, comme les bureaux où travaille une de leurs copines (dont ils causent régulièrement le licenciement par leurs gaffes). Dans le cadre de leurs recherches d’expédients, ils se retrouvent embauchés par un antiquaire pour faire l’inventaire du mobilier d’un château. Les deux compères sympathisent avec le jeune et excentrique Comte Anatole, propriétaire des lieux (Didier Bourdon), et ont l’idée d’utiliser son château pour y tourner un film vaguement érotique, dont ils espèrent retirer gloire et brouzoufs. Mais une magouille se trame dans leur dos, et ils vont avoir maille à partir avec la redoutable bande des rockeurs. Le résumé de ce scénario, qui pourrait être celui d’un téléfilm acceptable, ne donne qu’une idée assez faible de l’infâme bordel qui se déroule sous nos yeux : les scènes s’enchaînent comme des morceaux de mozzarelle trop faite que l’on écraserait l’un après l’autre dans une boîte trop petite, aboutissant à la création d’un magma informe. Audacieuse métaphore dont nous ne sommes pas sûrs qu’elle restitue toute l’ampleur du désarroi qui nous saisit à la vision de cette chose : le sentiment qui domine est avant tout celui d’une nullité technique assez absolue, au service d’une crétinerie sidérante.






Tchee fait pleurer la secrétaire de l'ANPE en lui racontant ses malheurs.


Les files de chômeurs venus pointer : toute la poésie des années Mitterrand.


Le directeur de l'ANPE : cet homme doit sauver l'emploi en France !


Les compères des héros, animateurs de radio libre et chômeurs professionnels.


On remarquera l'affiche d'"Adolfo, le fils du Führer", précédente réalisation de Georges Cachoux qui verse dans l'auto-citation.

Sur le plan purement formel, précisons tout de suite que « Chômeurs en folie ! » est laid, mais alors vraiment très laid : tourné en 16mm à l’aide d’une caméra tremblotante, photographié sur un ton caca d’oie/marronnasse à peine moins moche que dans « Le Plumard en Folie », monté comme un film de vacances mal foutu – autant dénoncer le chef monteur : il s’agit de Bruno Zincone, collaborateur régulier de Jean-Marie Pallardy – et, surtout, post-synchronisé avec une déconcertante incompétence, le film se situe esthétiquement au dernier niveau du cinéma de série Z, un petit-peu en dessous des productions Eurociné de la bonne période. Le ratage intégral du doublage est l’un des principaux facteurs du trouble malsain exhalé par un film qui se voudrait une pochade divertissante mais qui ne parvient qu’à ressembler à un mix entre un film d’entreprise des années 1970 et un porno scatologique tourné au fin-fond de l’Albanie.




La bande des rockeurs.


Cet homme est un redoutable blouson noir.


Didier Bourdon.



Les acteurs parlent tous à côté de leur bouche, dans un concert de voix semblant venir de nulle part et formant une véritable cacophonie sans queue ni tête ; les personnages, filmés en beige et grisâtre, font penser aux figurants d’un spectacle d'avant-garde sur la faim dans le monde qui s’ébattraient au milieu d’une décharge post-apocalyptique : c’est si affreux qu’on en attrape mal au cœur. Mais la calamité formelle du film serait encore vaguement acceptable si le spectacle qui nous était proposé n’atteignait pas de tels sommets de bêtise : tous les personnages semblent avoir subi d’horribles chocs traumatiques sur la tête, ou avoir été irradié par des radiations crétinisantes les faisant agir comme des débiles profonds.




Sabine Paturel, qui ne chantait pas encore "Les Bêtises".




Le tournage du film (érotique ?) de nos héros, qui promet d'être au moins à la hauteur du premier niveau de narration.

Précisons que le casting ne comporte pas « les » comiques du Théâtre de Bouvard (il aurait fallu une distribution à la « Si Versailles m’était conté » pour inclure les dizaines de performers s’y étant succédés), mais certains comiques s’étant produits dans ladite émission : manque de pot, ils n’ont pas forcément choisi les meilleurs. Parmi les deux héros, nous accorderons une certaine indulgence à Eric Civanyan (devenu plus tard réalisateur de téléfilms et auteur d'un pénible « Demandez la permission aux enfants » en 2007) qui ne s’en sort pas si mal ; par contre, comment qualifier, sans abuser des injures diffamatoires en tous genre, la prestation de Tchee (ici crédité sous le nom de Chee Meas) ? Accumulant les grimaces mongoloïdes et les répliques débiles prononcées avec un accent asiatique dont Michel Leeb aurait honte, le comique franco-vietnamien est une véritable peste bubonique de l’écran, qui ravage sur son passage toutes les scènes où il apparaît (soit 90% du film), ne laissant qu’un amas de ruines fumantes là où l’on aurait pu vaguement espérer voir des séquences à peu près supportables, sinon réussies. Là où certains comédiens arrivent à peu près à assurer au sein de la débandade générale, l’ami Tchee fait un carnage complet, entraînant le film par le fond, pavillon bas.







La troisième vedette du film, Didier Bourdon, réalise une prestation du même calibre qu’Eric Civanyan, et arrive à s’en tirer sans trop de déshonneur, si l’on considère qu’on lui donne à faire à peu près n’importe quoi : le plus étrange est encore de voir, avec le recul, le futur membre du trio vedette des Inconnus se compromettre dans un film mal foutu jusqu’à l’insanité, un peu comme si l’on découvrait dans une cave interlope un snuff movie zoophile tourné en 1922 et mettant en vedette Fernandel au début de sa carrière. On sursaute tout autant à l’apparition de Smaïn, qui interprète le bref rôle d’un petit arnaqueur arabe. Tout comédien a des casseroles dans sa filmographie, mais le niveau d’amateurisme de « Chômeurs en folie ! » est tel qu’il laisse perplexe le nanardeur le plus extrémiste : de situation improvisée en gag inepte, de dialogue sans queue ni tête en séquence incompréhensible et filmée avec les pieds, c’est quelque chose comme le tréfonds du comique français le plus bas, dont on reste pantois qu’il ait pu attirer des comédiens qui commençaient tout de même à avoir une certaine notoriété.




A la recherche d'un script pour leur film, nos héros tombent sur une apprentie scénariste cinglée, qui nous vaut, avec sa scène d'hystérie, le plan nichon (hélas peu abondant) du film.

Quant aux scènes décrivant les efforts de nos héros pour tourner un film, elles sont si stupides qu’on se demande si le moindre des membres de l’équipe technique de « Chômeurs en folie » a jamais foutu les pieds auparavant sur un vrai plateau de cinéma (ce qui expliquerait certaines choses). L’agression artistique se situe également sur le plan sonore, puisqu’on nous inflige toutes les deux minutes une chanson interprétée par un certain Emile (une sorte de sous-Jean-Patrick Capdevielle), accompagné du groupe « Assedic », dont le refrain « Chômeurs en folie ! Chômeurs en folie !!! » doit être responsable de plusieurs cas d’auto-mutilation chez les vingt-cinq personnes ayant acheté la VHS du film lors de sa distribution en vidéo.


Des chômeurs qui se font payer pour faire la vaisselle à poil (enfin, c'est ce qu'on comprend de la scène). Il est à noter que cette scène a un côté visionnaire, puisque des annonces proposant ce type de travail ont effectivement vu le jour en 2008.


Zyva, c'est Smaïn !

Le plus intéressant est encore ce que l’on pourrait appeler l’aspect sociologique du film, fortement imprégné du début des années Mitterrand : forte hausse du chômage, phénomène des radios libres et débrouillardise urbaine, l’atmosphère générale rappelle quelque peu les bandes dessinées de Franck Margerin dans la série « Lucien », mais dans une version déstructurée et mal foutue. On pourra également apprécier des gags d’« époque » comme dans la scène où Tchee vend aux autres chômeurs une combine totalement foireuse, consistant à entrer dans les locaux de l’ANPE en agitant une rose et en chantant « on a gagné ». Dire que ça vieillit mal relève de l’euphémisme le plus politiquement correct. « Chômeurs en folie ! », le film qui dénonce le népotisme et la corruption socialistes.


Le socialisme n'empêche pas le chômage.




Merde quoi, la classe !

Alors, « Chômeurs en folie », navet pénible ou « mauvais film sympathique » ? Disons qu’une bonne dose de perversion est nécessaire pour résister à la vision de ce truc malpropre : beaucoup de spectateurs insuffisamment atteints sont susceptibles de prendre la fuite devant l’avalanche de conneries qu’on nous inflige. Mais pour certains amateurs hardcore de comédies nanardes, la découverte de ce film logiquement méconnu et oublié peut avoir la saveur d’un fruit exotique particulièrement surprenant ; on pourrait même dire qu’il s’agit d’un fruit bien fait, tellement fermenté qu’il en est devenu alcoolisé et quasiment toxique. Les masochistes les plus radicaux seront aux anges.


En guest-star : la présence sur une affiche de Bruce Le, qu'on tente de nous faire passer pour l'original (une habitude).

- Nikita -
Moyenne : 1.83 / 5
Nikita
NOTE
2.25/ 5
Kobal
NOTE
2.75/ 5
Rico
NOTE
0.5/ 5

Cote de rareté - 6/ Introuvable

Barème de notation

Comme il y a une justice immanente, ce film ne semble jamais avoir connu de distribution au cinéma (ou alors, très limitée) et être sorti directement en VHS lors de l’éclosion du marché vidéo. C’est le label « Winner Vidéo » (mouahaha !) qui s’est chargé d’infliger à l’humanité ce redoutable chef-d’œuvre avant, selon toutes probabilités, de mourir de honte. A ce jour, aucun éditeur digne de ce nom n’a daigné soulever le couvercle de la poubelle et nous le ressortir. Donc, pas de DVD, pour un film plus rare que rare, que tout le monde s’est empressé d’effacer de sa mémoire (si seulement on pouvait en dire autant, nous aussi…).