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L'Affaire CIA

(1ère publication de cette chronique : 2009)
L'Affaire CIA

Titre original :Shadow Man

Titre(s) alternatif(s) :Aucun

Réalisateur(s) :Mickaël Keusch

Année : 2006

Nationalité : Etats-Unis / Roumanie

Durée : 1h35

Genre : L'ombre jaune

Acteurs principaux :Steven Seagal, Eva Pope, Imelda Staunton, Vincent Rotta, Michael Elwyn, Skye Bennet, Emanuel Parvu, Garrick Hagon...

Kobal
NOTE
2.25/ 5

Depuis plusieurs années, Steven Seagal a cessé d'être une valeur sûre pour les cinéphages et les nanarlandais adeptes de séries B nerveuses et efficaces. A mesure que son périmètre abdominal enflait dangereusement, l'implication de feu Saumon Agile dans ses œuvres s'est étiolée au point de ruiner toute tentative de lui rendre sa stature d'antan. Les cadences infernales de l'acteur, désormais plus intéressé par la quantité que par la qualité de ce qu'on lui propose, ont certes permis à sa filmographie de suivre la même prise de poids que lui, mais ce fut au prix d'une médiocrité éreintant le spectateur encore fidèle.

 


Et en plus, il menace de mort son public.


Ce n'est pas tant qu'on puisse reprocher à Steven de faire de mauvais films, mais au moins pourrait-il faire l'effort que ceux-ci soient un minimum fun ou marrants. Faisant moi-même partie de ces déçus du cinéma casse-articulation après avoir trop souffert devant le navrant "Mourir demain" (fidèle traduction de "Today you die"...), j'avais plus ou moins tiré un trait sur le ponytail man. C'est donc après plus de 3 ans de diète que j'ai pris le risque de regarder "Attack Force", sur la foi de l'excellente chronique de Barracuda. Grand bien m'en a pris, car c'est avec une réelle banane que j'ai apprécié le jubilatoire n'importe quoi décousu d'un film qui pouvait sans problème se targuer de l'appellation nanar. Porté dans mon élan, j'ai immédiatement enchaîné sur "L'Affaire CIA", amusé par la persistance des jaquettes à maladroitement manipuler le Steven sous Photoshop.

 


Voilà à quoi ça mène, les abus de chirurgie graphique.

Ah non, pardon, Steven, c'est le mec de droite.


Et on ne peut pas dire que le film prenne le risque de l'originalité. Car on reprend les mêmes, et on recommence. Mickaël Keusch se prend ainsi pour une fusion du couple Mattei/Fragasso (un duo connu pour sa capacité à tourner deux films en même temps pour diviser les coûts), et profite de sa présence en Roumanie pour faire fructifier les investissements dans le Bouddha violent. Et si, contrairement à "Attack Force" qui voulait nous faire prendre des vessies roumaines pour des lanternes parisiennes, la production assume ici son tournage à Bucarest (un choix payant car il se fait à l'avantage de la ville, splendide à l'écran), il n'y pas pour autant de raison de jeter le scénario polyvalent.

 


Il en va de même pour les acteurs : Emanuel Parvu jouait déjà un flic, français cette fois, dans "Attack Force".


Car il n'y a pas grand changement : Steven, sempiternel ex-agent secret real badass mothafucka est de nouveau impliqué dans une histoire qui ne le concerne en rien, face aux magouilles de la CIA, de l'ambassade américaine et des trublions russes du FSB. Tout au fond, à l'instar de la police française, les flics roumains tentent vainement de servir à quelque chose. Mais de tous les travers de ces braves espions, bureaucrates, et autres flicailles ripoux, une seule erreur compte véritablement pour provoquer l'ire de l'aïkido-ka écolo.

 


D'infâmes expériences bio-génétiques sur des rats condamnés à courir dans des roues...

...avec des modélisations 3D de virus chewing-gum collé à la semelle de l'ADN.


Car dans la grande histoire des enlèvements malheureux, on peut se demander quelle est la pire idée qu'une bande de fourbes méchants puisse avoir : soustraire la fille de John Matrix ("Commando") ? S'en prendre au cousin préféré de Jack Slater ("Last Action Hero") ? Kidnapper la femme de John Triton ("The Marine") ? Ou bien voler la fille unique préférée de Steven sous ses yeux pendant qu'ils font exploser son beau-père ?

 


Amanda dans le rôle du Macguffin. A noter que Skye Bennett retrouvera Steven Seagal dans "Against the Dark".

Georges, beau-père fumeur.

Georges, beau-père fumé.


Une excuse en tout cas amplement suffisante pour respecter à la lettre le cahier des charges habituel : Steven va ainsi pouvoir tranquillement déboîter la tronche à tout le casting sans avoir besoin de verser une seule goutte de sueur ou d'exprimer la moindre émotion. La production de futurs arthrosiques, c'est sa façon à lui de pleurer. En fait, ça vaut mieux, car son maquillage outrancier ne le supporterait sans doute pas, sa couche de fond de teint étant si épaisse qu'elle lui donne un surprenant aspect basané (d'où le titre original "Shadow Man" ?). De bien beaux efforts cosmétiques qui ne masquent pas ses tristes yeux de cocards, qui ressembleraient presque à une paire de lunettes tatouée.

 


L'homme de l'ombre bénéficie d'une couleur de peau assortie à sa veste en daim.

Anya, confuse agent double, en plein claquage artistique.


Quoiqu'il en soit, Steven exerce son activité d'orthopédiste fou avec un regain d'énergie qui fait plaisir à voir. Il participe enfin à ses séquences d'action avec un enthousiasme qu'on ne lui avait plus connu depuis longtemps, donnant de sa personne sans qu'on aperçoive un doubleur cascade à la moindre montée d'un escalier, ce qui dynamise d'autant le film. On aurait presque le sentiment de profiter d'un Steven back to the roots, cuit au chaudron à l'ancienne et qui paraît même plus svelte (ou bien c'est sa nouvelle veste en daim qui fait illusion). Un choix qui s'avère être un atout non-négligeable en faveur de la réussite du métrage.

 


Désormais, Steven assume tout et ramène ses prostituées jusque devant la caméra.

Un choix qui l'épanouit.


Et comme notre héros semble avoir décidé de nous faire plaisir, il allie cette efficacité retrouvée à une volonté de faire parler de lui sur Nanarland. Car dès son ouverture, "L'Affaire CIA" hurle son souhait d'appartenir au site : en effet, comment comprendre autrement cette nouvelle agression d'une pastèque innocente, ses organes internes mortellement liquéfiés par la maitrise du Ki de Steven ? Un professeur d'arts martiaux qui n'a ensuite aucun scrupule à latter ses pauvres élèves pour bien rappeler à tous, spectateurs inclus, qui c'est le boss.

 


Un moment lourd de tension.

Le théoricien du smoothie à la pastèque.


Un statut qu'il martèle pendant 90 minutes, sans se contenter de ses membres de destruction massive. Et oui, l'homme est un expert ès tout, qui peut sans sourciller concurrencer MacGyver en construisant une bombe et un fusil de chasse avec un tuyau, 2 piles et un vieux gramophone.

 


Cette pièce abrite un piège mortel.

Ce mélomane l'a appris à ses dépends.


Quant à sa technique pour chopper des flingues et du fric, c'est l'enfance de l'art : il lui suffit de prendre un taxi, de lui demander de l'amener à un endroit où il pourrait acheter drogues et femmes, de s'y rendre pour faire une blague et ainsi buter tout le monde avant de se servir. Simple, efficace, économique.

 


Et pour draguer, pas de problème : un jeu du foulard...

...et c'est dans la poche !


Bien entendu, le Steven que rien n'arrête n'est jamais ennuyé par aucun adversaire ni par quelque engin de guerre qui soit. C'est ainsi que, pourchassé par un hélicoptère de combat, Panda Bouffi n'a qu'à dégainer son arme de poing pour abattre l'importun qui terminera sa course dans une explosion d'effets spéciaux ridicules en plein vol.

 


Une balle...

...une victime (le responsable FX).


Il va sans dire que le reste du casting est en bonne partie éclipsé par l'omni-présence seagalienne. Mais les aficionados de la Classe Américaine seront tout de même heureux de profiter d'une délicieuse ambiance évoquant leur film fétiche. En effet, comment ne pas penser à cet incunable devant ces ronds de cuir qui ergotent sans fin sur un certain Georges aux nombreux talents. Décors, costards, doublages, tout y est. Certes, cela n'aide pas le film à tenir son sérieux, mais c'est en tout cas très marrant. Surtout quand le cheftain local de la CIA se trouve être un sosie loupé de Mike Monty.

 


"Madame, je voulais vous dire : je vous aime..."

"Je vous ai déjà dit de ne pas parler en buvant, c'est mauvais pour la santé." (Imelda Staunton, oscarisée en 2005... pour un autre film)

Et au rayon sosies, ce mafieux russe ressemble étrangement à Vincent Desagnat.


On appréciera à l'occasion la discrétion de la CIA qui passe son temps à faire des messes basses dans les lieux publics, entre le parking visiteurs et le hall de l'ambassade. C'est une certaine façon de pratiquer la transparence en matière de meurtres ou d'attentats. Cela permet au moins à Madame l'ambassadeur de se tenir informée des méfaits de ses subalternes, des gredins qu'elle désapprouve sans pour autant les empêcher de faire exploser la moitié de Bucarest.

 


Les coulisses du pouvoir.

Les coulisses du design d'intérieur.


Dans un autre registre, le film sert de support publicitaire assez hallucinant pour la consommation de whisky. A la moindre pause, tout personnage se doit de se servir une large rasade et ne pas hésiter à se l'enfourner cul sec accompagnée d'une bonne bouffée de tabac, ça aide à réfléchir au prochain plan à foirer. Un des policiers roumains se voit même affublé de la caractéristique de systématiquement piquer les verres de ses interlocuteurs.

 


Quant à ce Jason Voorhees hippie...

...il protège l'empire du crime du pétard.


D'un point de vue technique, "L'Affaire CIA" assure dans les grandes lignes. Par contre, les courses-poursuites en voitures sont assez bizarrement foutues, la réalisation abusant des zooms et des traveling outranciers, avec des fonds bleus étranges, dans un montage cafouilleux qui rend difficile la bonne compréhension des événements. La musique donne dans le technoïde à la "Beowulf", tandis que de petites erreurs techniques émaillent le film à l'intention des plus attentifs, que ce soit l'apparition inopinée d'un passager supplémentaire dans une voiture, un membre de l'équipe technique qui traîne à l'écran ou ces figurants qui se dédoublent. C'est pas la folie, mais ça fait toujours plaisir.

 


Des inserts doucement irréels.

Un couple se dit au revoir...

...mais il est vraiment difficile de se séparer.


Des changements de plaque d'immatriculation d'un plan à l'autre.


Vous aurez compris que "The Shadow Man" ne révolutionne en rien le sous-genre seagalien et demeure dans la droite ligne de qu'on peut trouver ailleurs (y compris dans les débuts de carrière de Steevie). Si vous êtes réfractaires au style, ne vous attendez donc pas à vivre une révélation. Mais personnellement, j'aime bien retrouver mon canevas habituel bien mené, sur lequel vont se greffer des excroissances nanardes qui poussent le bouchon un peu trop loin. On peut donc dire un gros merci à Mickaël Keusch d'avoir su caraméliser le Steven dans son propre jus, un exploit qui prend agréablement à contre-pied les plus blasés de la filmographie de feu Nico. Décidément, le Phénix surgit là où on ne l'attend plus.

 


Comment ne pas pardonner les errances naveteuses devant une telle bonhommie ?

 


 

Addendum

Mickaël Keusch.


La fluctuation des performances cinématographiques de Steven Seagal au sein des réalisations de Mickaël Keusch bénéficie d'un éclairage intéressant grâce au magazine roumain Fiss. Dans une interview, Mickaël Keusch exprime son enthousiasme initial à travailler avec Panda Bouffi. Une collaboration en 3 films était prévue dans l'ordre suivant : "The Shadow Man" ("L'Affaire CIA"), "Attack Force" et "Flight of Fury" ("Vol d'Enfer"). C'est au même rythme que les relations entre eux semblent s'être dégradées.
C'est ainsi que dans le présent film, l'idée d'un massacre de pastèque aurait été imposée par un Steven très sérieux qui cherchait à démontrer ses qualités de tueur martial. Il en serait même venu à subrepticement menacer de mort le réalisateur allemand qui prenait cette séquence trop à la légère. Seagal aurait fini par quitter le plateau, obligeant Mickaël Keusch à terminer la scène sans lui. Une autre séquence d'action aurait donné lieu à une nouvelle confrontation entre les deux hommes ; sous le coup de la peur, Keusch aurait cédé aux exigences de Steven après que celui-ci l'ait menacé de lui planter un couteau dans la gorge.
L'ambiance se serait encore détériorée sur le tournage du catastrophique "Attack Force", où Steven aurait fait pression pour transformer le film en sous-"Predator 2". Keusch affirme détester le résultat, d'autant plus qu'il n'a été payé que pour 50% du film, l'autre moitié ayant été retournée plus tard, sans lui. A ce point de non-retour, les relations entre la star et le réalisateur étaient tellement exécrables que Keusch aurait alors décidé de remplir "Flight of Fury" d'un maximum de stock-shots afin de diminuer son temps de travail avec Seagal.
Un témoignage à mettre en parallèle avec l'interview de Anthony Hickox ("Piège en eaux profondes") dans Mad Movies n° 210. Le réalisateur de "Pièges en eaux profondes" y relatent des anecdotes étrangement similaires.
Pas facile, le panda...

- Kobal -
Moyenne : 2.42 / 5
Kobal
NOTE
2.25/ 5
Jack Tillman
NOTE
2/ 5
Drexl
NOTE
3/ 5

Cote de rareté - 1/ Courant

Barème de notation
Le film est disponible chez "Sony" en DVD zone 2, VO ou VF au choix. Quelques bandes-annonces sont fournies en prime.


De toute façon il semblerait que le Steven sur la jaquette a été cloné.

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